2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/09625

Pôle 6 - Chambre 5

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° 2024/ , 20 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09625 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWGF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 21/02288





APPELANTE



Madame [G] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Luc CHOURAKI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1122



INTIMEE



ASSOCIATION BENJAMIN POUR L'INTEGRATION D'ENFANTS HANDICAPES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jessica CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E 595, ayant pour avocat plaidant Me Barbara LELLOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque D 1458





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :



Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre et de la formation

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère



Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY





ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.






EXPOSE DU LITIGE



L'association 'Association Benjamin pour l'intégration d'enfants handicapés' (ci-après ABPIEH ou l'association) gère un institut médico-éducatif et professionnel (IME), un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et une unité d'enseignement en élémentaire autisme (UEEA).

Elle intervient dans le champ du handicap mental et psychique, notamment les troubles autistiques.

Par contrat à durée déterminée du 5 septembre 2011, l'association a embauché Mme [G] [K] à compter de cette date et jusqu'au 15 février 2012 en qualité de psychologue, statut cadre, coefficient 800, en remplacement de Mme [F] [W] en congé maternité, moyennant un salaire brut de 2 992 euros pour une durée de travail de 151,67 heures par mois.

Ce contrat a été prolongé jusqu'au 31 juillet 2012.

Suivant avenant du 4 mars 2016 (« modification de date de fin de CDD ») à un contrat de travail à durée déterminée du 11 février 2016, le contrat a été prolongé jusqu'au 9 septembre 2016, date de fin du congé maternité de Mme [W], psychologue.

Suivant avenant du 8 septembre 2016 (« modification de date de fin de CDD ») à un contrat de travail à durée déterminée du 12 février 2016, le contrat a été prolongé jusqu'au 13 juillet 2017, en l'absence de Mme [W] en congé parental.

Par contrat de travail à durée déterminée du 13 juillet 2017, l'association a embauché Mme [K] à effet de cette date et jusqu'au 12 juillet 2018 en qualité de psychologue, coefficient 800, en remplacement de Mme [W] en congé maternité puis en congé parental, moyennant un salaire brut mensuel de 2 992 euros pour une durée du travail de 151,67 heures.

Suivant avenant du 5 juillet 2018, ce contrat a été prolongé jusqu'au 21 décembre 2018 au motif que la tâche confiée à Mme [K] n'avait pas pu être terminée au 12 juillet 2018.

Suivant une « attestation » signée de Mme [M] [J], directrice générale de l'association, Mme [K] a été embauchée en qualité de chef de service en contrat à durée indéterminée à compter du 26 juillet 2019.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et l'association employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation. 

Le 29 octobre 2020, Mme [K] a présenté un arrêt de travail jusqu'au 20 novembre 2020 puis du 21 janvier au 23 février 2021, prolongé jusqu'au 1er avril 2021.

Par lettre recommandée datée du 27 novembre 2020, l'association a convoqué Mme [K] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 décembre 2020.

Par lettre recommandée datée du 15 décembre 2020, l'association lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 16 mars 2021.

Par jugement du 29 octobre 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- fixé le salaire à 3 131,20 euros ;

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- condamné l'association à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

* 18 787,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 1 878,72 euros au titre des congés payés afférents ;

* 30 998,88 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, le 24 mars 2021 ;

- rappelé qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté Mme [K] du surplus de ses demandes ;

- débouté l'association de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'association aux dépens.

Par déclaration du 24 novembre 2021, Mme [K] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 juillet 2023 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement sur les montants alloués au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'article 700 du code procédure civile ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes formées au titre de l'indemnité de requalification, des rappels de salaire conventionnel et de congés payés afférents, de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, de l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos, de l'indemnité pour travail dissimulé, de l'indemnité pour licenciement nul et, subsidiairement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- débouter l'association de toutes ses demandes ;

et statuant à nouveau de ces chefs infirmés et y ajoutant,

- condamner l'association à lui payer les sommes suivantes, avec intérêt légal capitalisé dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil (salaire de référence = 3 230 euros) :

* 5 000 euros à titre d'indemnité de requalification au visa de l'article 1245-2 2e alinéa du code du travail ;

* 3 053,96 euros à titre de rappel de salaire conventionnel, outre la somme de 305,39 euros au titre des congés payés afférents ;

* 23 503,01 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 2 350,30 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 850,34 euros à titre d'indemnité de contrepartie obligatoire en repos et 585,03 euros pour les années 2018 à 2020 ;

* 19 380 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 19 380 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis au visa des articles L 1234-1 du code du travail et 9 de l'annexe 6 de la convention collective, ainsi que la somme de 1 938 euros au titre des congés payés afférents ;

* 31 977 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement au visa des articles 17 de la convention collective et 10 de l'annexe 6 ;

* 38 760 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul en application de l'article L 1235-3-1 du code du travail ;

subsidiairement,

* 38 760 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

plus subsidiairement,

* 29 070 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-3 du code du travail ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en application de l'article L 1222-1 du code du travail ;

* 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et 3 000 euros pour ceux exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

y ajoutant,

- ordonner à l'association de lui remettre :

* les bulletins de salaire conformes à l'arrêt à intervenir ainsi que les documents de fin de travail (certificat de travail et attestation Pôle emploi) ;

* ses objets et effets personnels laissés dans son bureau (salle Royaume Uni), fournitures de bureau (stylos, stabilo, feutres, cahiers, son agenda 2021), son parapluie et ses productions affichées sur les murs ;

* ses cartons stockés auparavant dans la salle des archives contenant des bilans, des tests, des cours de psychologie et des photocopies de livres et documents de formation entre autres ;

le tout dans un délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la cour se réservant le pouvoir de la liquider en application de l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'association demande à la cour de :

- constater que Mme [K] a saisi la juridiction prud'homale au mois de mars 2021 tandis que le dernier avenant au contrat de travail à durée déterminée a été établi au mois de décembre 2018 ;

- constater, en toute hypothèse, que la relation contractuelle à durée déterminée s'est poursuivie en une relation contractuelle à durée indéterminée ;

en conséquence,

- dire et juger Mme [K] manifestement prescrite en sa demande de requalification de la relation contractuelle à durée déterminée en une relation contractuelle à durée indéterminée ;

- constater que Mme [K] ne justifie pas d'éléments sincères quant à sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

- constater que Mme [K] ne justifie pas de l'autorisation de son employeur, dans l'intérêt du service, à accomplir prétendument des heures supplémentaires ;

- constater, en revanche, que les éléments produits par l'association démontrent l'absence de tout accomplissement de prétendues heures supplémentaires ;

en conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes liées à l'exécution de son contrat de travail et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnité de requalification de sa relation contractuelle, de sa demande en rappel de salaires, de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, de sa demande en paiement de contre parties en repos, de sa demande d'indemnité de travail dissimulé et enfin de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre de l'exécution de son contrat de travail ;

- constater que la direction générale disposait de la délégation de pouvoir nécessaire à la rupture du contrat de travail de Mme [K] ;

- constater que la procédure de licenciement n'a pas été initiée en conséquence de la correspondance adressée par le conseil de Mme [K], les griefs et les remontées étant antérieurs à sa réception ;

- constater que l'ensemble des griefs invoqués à l'encontre de Mme [K] sont manifestement établis et constitutifs d'une faute grave ;

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis et encore à l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- dire et juger la mesure de licenciement notifiée à l'encontre de Mme [K] légitime, fondée sur une faute grave et encore sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner Mme [K] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2023.




MOTIVATION



Sur l'exécution du contrat de travail



* sur l'indemnité de requalification

Mme [K] sollicite la requalification de sa relation contractuelle à durée déterminée en relation contractuelle à durée indéterminée à compter du 12 février 2016.

Mme [K] soutient que, pour la période du 12 février au 3 mars 2016, aucun écrit n'a été signé ; qu'ensuite, l'avenant du 4 mars 2016 et celui du 8 septembre 2016 ne précisent pas la qualification précise de Mme [F] [W] absente pour congé maternité puis congé parental ; qu'il en est de même du contrat à durée déterminée du 13 juillet 2017 ; que l'avenant du 5 juillet 2018 n'indique pas d'autre motif qu'une « tâche non terminée » et que la relation contractuelle s'est poursuivie après le terme (21 décembre 2018).

Mme [K] rappelle qu'un contrat à durée déterminée ne peut avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire. Or, elle fait valoir qu'elle a occupé un emploi structurel au sein de l'association depuis le 12 février 2016, y compris après que Mme [W] a réintégré son poste en août 2018. Mme [K] fait également valoir qu'un contrat à durée déterminée ne peut excéder 18 mois, renouvellements compris.


sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription


L'association soutient que l'action en requalification et en paiement de l'indemnité de requalification est de deux ans et que ce délai court à compter du terme du dernier contrat de mission. Elle fait valoir qu'en l'espèce, le dernier avenant au contrat de travail à durée déterminée est daté du 20 décembre 2018 et que, dans ces conditions, Mme [K] disposait d'un délai pour agir qui expirait au 20 décembre 2020 alors qu'elle n'a saisi la juridiction prud'homale que le 16 mars 2021.

Ce à quoi Mme [K] réplique que la requalification sollicitée concerne plusieurs contrats à durée déterminée et que la relation s'est poursuivie au terme du dernier contrat à durée déterminée du 13 juillet 2017 par la conclusion d'un contrat à durée indéterminée le 22 décembre 2018 en application de l'article L. 1243-11 du code du travail. Elle réplique également que les autres motifs de requalification ont tous pour conséquence de faire remonter les effets de la requalification au premier jour du contrat à durée déterminée irrégulier soit au 12 février 2016.

Mme [K] réplique encore que la saisine de la juridiction prud'homale relative à des demandes se rapportant à la même relation contractuelle a eu un effet interruptif ; que le point de départ du délai de prescription de deux ans n'est pas la date de conclusion du premier contrat à durée déterminée ni la date d'expiration du dernier contrat à durée déterminée mais la date de la rupture du contrat à durée indéterminée soit le 15 décembre 2020.

Suivant l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Le premier alinéa n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.

L'article L. 1245-1 du code du travail dans sa version applicable à la date de conclusion des contrats à durée déterminée dispose qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L. 1242-2 dans ses versions applicables à chacune des dates de conclusion des contrats de travail à durée déterminée prévoit qu'un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié en cas :

a) D'absence ; (')

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; (').

Aux termes de l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.



Il comporte notamment :



1° Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée lorsqu'il est conclu au titre des 1°, 4° et 5° de l'article L. 1242-2 ;



2° La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu'il comporte un terme précis ;



3° La durée minimale pour laquelle il est conclu lorsqu'il ne comporte pas de terme précis ;



4° La désignation du poste de travail en précisant, le cas échéant, si celui-ci figure sur la liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l'article L. 4154-2, la désignation de l'emploi occupé ou, lorsque le contrat est conclu pour assurer un complément de formation professionnelle au salarié au titre du 2° de l'article L. 1242-3, la désignation de la nature des activités auxquelles participe le salarié dans l'entreprise ;



5° L'intitulé de la convention collective applicable ;



6° La durée de la période d'essai éventuellement prévue ;



7° Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s'il en existe ;

8° Le nom et l'adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que, le cas échéant, ceux de l'organisme de prévoyance.

Selon l'article L. 1471-1 précité, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. En application de l'article L. 1245-1 précité, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier. Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur les motifs du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

En revanche, si l'action en requalification est fondée sur l'absence d'une mention essentielle ou l'absence d'écrit, le point de départ de la prescription est fixé à la date de conclusion du contrat de travail.

En l'espèce, Mme [K] invoque successivement plusieurs motifs à l'appui de sa demande de requalification.

S'agissant de l'absence d'écrit établi lors de la conclusion du contrat de travail à durée déterminée le 11 février 2016, la prescription de deux ans a commencé à courir à compter de cette date. Elle était donc acquise à la date de la saisine du conseil de prud'hommes le 16 mars 2021.

S'agissant de l'absence de mention relative à la qualification précise de la personne remplacée, que cela concerne les contrats de travail à durée déterminée conclus avant le 13 juillet 2017 ou seulement celui conclu à cette dernière date, le point de départ de la prescription étant fixé à la date de conclusion de chaque contrat et au plus tard le 13 juillet 2017, la prescription était acquise au 16 mars 2021, date de saisine de la juridiction prud'homale.

Enfin, s'agissant de la succession de contrats de travail à durée déterminée pour pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l'association, la cour relève que cela concerne l'avenant passé le 5 juillet 2018 pour la relation de travail du 13 juillet au 21 décembre 2018 ' l'association ayant justifié la poursuite du contrat de travail à durée déterminée par la nécessité d'achever une tâche non précisée, ce qui n'entre dans aucun des cas de recours à un contrat de travail à durée déterminée prévus par la loi et traduisait au cas présent la nécessité de pourvoir à l'activité normale de l'association. Le terme de ce contrat étant fixé au 21 décembre 2018, la prescription biennale qui a commencé à courir à compter de ce terme était, là encore, acquise à la date du 16 mars 2021.

Dans ces conditions, Mme [K] est prescrite dans ses demandes de requalification et en paiement de l'indemnité de requalification. La décision des premiers juges sera infirmée en ce que les premiers juges ont débouté Mme [K] de sa demande.

Cependant, contrairement à ce que soutient l'association, la passation d'un avenant à la date du 20 décembre 2018 pour poursuivre la relation contractuelle en contrat à durée déterminée n'est pas démontrée. En revanche, la production des bulletins de paie de décembre 2018 et des mois suivants révèle que la relation contractuelle s'est poursuivie entre les parties et qu'elle est donc devenue à durée indéterminée à compter du 22 décembre 2018.





* sur le rappel de salaire conventionnel et les congés payés afférents

Mme [K] soutient qu'elle a occupé, en plus de ses fonctions de psychologue qu'elle n'a jamais cessé d'exercer, l'emploi de chef de service du SESSAD depuis le 1er janvier 2019 ; qu'elle n'a cessé d'exercer ses fonctions de psychologue que lorsqu'elle est également devenue cheffe de service de l'IME à compter du 1er juillet 2020.

Elle revendique le coefficient 850 et le salaire indiciaire de 3 230 euros. Son rappel de salaire concerne la période du 1er mai au 31 décembre 2018 puis du 1er janvier 2019 au 15 décembre 2020. Elle invoque l'article 38 de la convention collective.

Suivant le tableau figurant dans ses conclusion, Mme [K] revendique l'application du coefficient 824 pour la période du 1er mai au 31 décembre 2018 lorsqu'elle n'exerçait que les fonctions de psychologue et l'application du coefficient 850 à partir du 1er janvier 2019 correspondant au coefficient cadre classe 2.

L'association réplique que Mme [K] n'a jamais formulé une telle demande avant le mois d'octobre 2020 ; que l'annexe 6 de la convention collective et l'article 39 de la convention collective sur l'ancienneté du salarié ne font pas référence à une telle reprise d'ancienneté.

L'article 38 de la convention collective prévoit :

« L'embauchage à chacun des emplois définis en annexes à la présente convention est prononcé, en principe, sur la base du salaire de début.

Quand il résultera d'une mesure d'avancement, il sera tenu compte obligatoirement de la majoration d'ancienneté acquise par le salarié, conformément aux dispositions de l'article 39 ci-après.

Le classement dans le nouvel emploi sera alors prononcé à la majoration d'ancienneté correspondant au salaire égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficiait dans son précédent emploi. En outre, lorsque cet avancement ne lui procurera pas une augmentation supérieure à celle résultant de l'avancement normal dans l'ancien emploi, l'intéressé conservera dans son nouvel échelon de majoration d'ancienneté l'ancienneté qu'il avait acquise dans l'échelon de son ancien emploi, à concurrence de la durée moyenne exigée.

Quand il résultera d'un recrutement direct, il sera tenu compte des antécédents professionnels et de la situation acquise, dans les conditions suivantes :

- recrutement de personnel ayant exercé des fonctions identiques ou assimilables dans des établissements ou services de même nature : prise en compte de l'ancienneté de fonction dans sa totalité ;

- recrutement de personnel ayant exercé des fonctions identiques ou assimilables dans des établissements ou services de nature différente, pour les emplois nécessitant un diplôme professionnel ou une qualification technique : prise en compte de l'ancienneté dans lesdites fonctions dans la limite des 2/3 de l'ancienneté acquise au moment de l'engagement.

Seuls les services accomplis après l'obtention du diplôme professionnel ou la reconnaissance de la qualification requise seront pris en considération.

Ces dispositions pourront être retenues dans le cadre des mesures de reclassement envisagées par l'article 51.

Le temps légal du service militaire des employés recrutés avant l'accomplissement de leur service est pris en compte pour la majoration d'ancienneté au moment de la confirmation dans l'emploi. »

Mme [K] ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle sollicite l'application de l'indice 824 qu'elle revendique pour la période du 1er mai au 31 décembre 2018.

Elle ne justifie pas non plus des raisons pour lesquelles l'indice 850, qui correspond à un cadre de niveau 1 et classe 2, prévu dans l'annexe 6 à la convention collective, lui serait applicable à partir du 1er janvier 2019 alors qu'elle ne justifie pas, dans le cadre d'un recrutement direct, avoir exercé auparavant des fonctions identiques ou assimilables dans des établissements ou services de même nature.

Par conséquent, elle sera déboutée de sa demande de rappel de salaire conventionnel et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur le rappel d'heures supplémentaires et les congés payés afférents



Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, Mme [K] expose que, bien que cadre, elle était soumise à un horaire de travail préalablement établi et que, suivant son contrat de travail du 13 juillet 2017, ses horaires étaient les suivants : lundi de 9 heures à 17h30 ; mardi, mercredi et jeudi de 9 heures à 16h30 et vendredi de 9 heures à 13 heures. Elle soutient qu'elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires en ne prenant pas ses pauses déjeuner et fournit des décomptes par année pour la période du 15 décembre 2017 au 29 octobre 2020 faisant ressortir par mois et par semaine le nombre d'heures supplémentaires qu'elle dit avoir effectuées. Elle fait valoir que, compte tenu du cumul de ses fonctions de psychologue avec celles de chef de service du SESSAD du 1er janvier 2019 au 30 juin 2020 et de ses fonctions de chef de service du SESSAD avec celles de chef de service de l'IME à compter du 1er juillet 2020, l'employeur avait implicitement autorisé les heures supplémentaires du fait des tâches à accomplir et ne pouvait les ignorer compte tenu du logiciel de pointage. Mme [K] observe que l'employeur ne produit d'ailleurs pas toutes les données en sa possession pour la période concernée par la demande de rappel d'heures supplémentaires. Mme [K] produit encore des attestations.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en produisant ses propres éléments.

L'association fait valoir que Mme [K] n'a jamais soutenu avoir effectué des heures supplémentaires tout au long de la relation contractuelle et que la salariée n'a jamais accompli d'heures supplémentaires dans le respect de la procédure interne de validation des heures supplémentaires. Elle fait également valoir que les copies de pages des agendas de Mme [K] ne sont corroborées par aucun élément extérieur et que Mme [K] avait des horaires de travail précis et définis. L'association fait encore valoir qu'elle produit :

- des extraits de son logiciel pour la période du 27 août 2018 au 31 décembre 2020 ; qu'à compter du mois de mars 2019, Mme [K] a cessé de badger par ce logiciel ;

- des plannings du SESSAD permettant de constater que les horaires appliqués n'étaient pas ceux allégués par Mme [K] ;

- un audit externe.

Enfin, l'association critique les attestations versées aux débats par Mme [K] comme n'étant pas circonstanciées.

L'examen des pièces versées aux débats par l'association ne permet pas de conclure que l'employeur a assuré un contrôle effectif des heures de travail de Mme [K] sur la période du 15 décembre 2017 au 29 octobre 2020. A cet égard, l'association produit « une édition des présences du 27/08/2018 au 31/12/2020 » avec la mention « Kelio 3.1F5 » en bas de page. Outre que ce document ne concerne pas toute la période concernée par le rappel d'heures supplémentaires, l'association ne fournit aucun élément sur la fiabilité du système Kelio qu'elle utilise. Aucune des autres pièces telles que le planning du SESSAD, l'évaluation du plan de continuité de l'activité du 29 avril 2020, l'audit de M. [Z] [C] « Se préparer au changement » daté du 28 janvier 2019 ou encore ses pièces n° 37 à 39 dont les circonstances dans lesquelles elles ont été établies ne permettent d'étayer les allégations de l'association sur le contrôle effectif des heures de travail de la salariée.

Partant, la demande de rappel d'heures supplémentaires sera accueillie à hauteur de 23 503,01 euros dans la limite du quantum sollicité ' somme que l'association sera condamnée à payer à Mme [K], outre la somme de 2 350,30 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.



* sur l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos



Mme [K] sollicite une indemnité pour les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures.

La société réplique qu'elle ne doit aucune indemnité dès lors que, selon elle, Mme [K] n'est pas fondée en sa demande de rappel d'heures supplémentaires.



L'article L. 3121-30 du code du travail dispose dans ses deux premiers alinéas que des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

En l'espèce, eu égard aux heures supplémentaires retenues par la cour, le contingent annuel a été dépassé en 2018, 2019 et 2020.

La société sera donc condamnée à payer à Mme [K] la somme de 5 692,87 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.



* sur l'indemnité pour travail dissimulé



Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Eu égard à l'ampleur des heures supplémentaires effectuées et à l'existence d'une badgeuse au sein de l'association, l'intention de se soustraire à l'obligation résultant du 2° de l'article L. 8221-5 précité est caractérisée. En conséquence, l'association sera condamnée à payer à Mme [K] la somme de 19 380 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.



Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

« (') Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.

Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, nous avons eu à déplorer les faits suivants, que nous avons regroupés en trois catégories :


Inexécution des tâches inhérentes à votre poste de Cheffe de service ;

Communication d'information erronées ;

Incident avec le jeune [A] [H] de l'IME

Sur l'inexécution des tâches inhérentes à votre poste de Cheffe de service

Nous avons eu à déplorer le manque d'admission de nouveaux enfants


Depuis le mois de juillet 2020, nous vous avons demandé de réactiver le processus d'admissions des enfants à prendre en charge dans le cadre du SESSAD, nous avons eu à déplorer, à de nombreuses reprises, que vous ne l'aviez pas commencé.

C'est pourquoi, dans le cadre de nos différents COMEX auxquelles vous participiez, nous vous avons demandé de façon répétée de lancer le processus et de recevoir, avec leurs parents, les enfants en liste d'attente pour lesquels un dossier d'admission au SESSAD a été déposé afin de procéder aux admissions de manière urgente.

Nous vous avons affecté le docteur [P] afin que celui-ci puisse procéder aux admissions à vos côtés.

Pourtant, à la fin du mois d'octobre, les admissions n'avaient toujours pas débuté et vous n'aviez transmis aucun dossier au Docteur [P].

Aussi, nous avons pris un retard considérable sur les admissions, ce qui nous est un manquement par rapport à nos obligations à l'égard de l'autorité de tutelle, l'ARS, et met en péril notre agrément.


Nous avons eu à déplorer une organisation aléatoire de prises en charge des enfants du SESSAD


Dans le cadre de vos fonctions, vous deviez organiser les prises en charge pour que celles-ci puissent démarrer dès la rentrée en septembre.

Afin de vous permettre de réorganiser votre service efficacement et de rassurer nos équipes, nous avons programmé au cours du COMEX du 20 octobre 2020, une réunion dédier à l'établissement d'un planning fiable, définitif et formalisé des prises en charge du SESSAD, partagé par toute l'équipe.

La réunion a été fixée au 23 octobre 2020.

Pourtant, vous avez demandé à votre supérieur hiérarchique d'annuler cette réunion car vous souhaitiez prendre deux jours de congés les 22 et 23 octobre, afin de vous rendre à la communion d'un membre de votre famille prévue à [Localité 8].

L'urgence de la situation a conduit votre supérieur hiérarchique à maintenir cette réunion.

Vous avez donc tente d'outrepasser son autorité en vous adressant à Madame [E], coordinatrice, pour qu'elle déprogramme la réunion du 23 octobre.

Celle-ci a donc interrogé le supérieur hiérarchique qui a maintenu cette réunion du 23 octobre.

Nous considérons cette tentative de déprogrammation comme un acte d'insubordination, qui n'a pas abouti uniquement grâce à la diligence de la coordinatrice.

Finalement, les 22 et 23 octobre vous vous êtes absentée de votre poste de travail au prétexte d'être « cas contact » et avez participé à la réunion en visio-conférence.

Par ailleurs, nous relevons qu'à ce jour, aucun justificatif de votre prétendue situation de cas contact alors que vous nous avez annoncé la transmission d'un justificatif à plusieurs reprises.


Nous avons eu à déplorer un important retard dans le recrutement du personnel


Au cours du mois de septembre 2020, vous avez attiré notre attention sur le fait qu'il manquait du personnel pour le SESSAD.

Nous vous avons donc demandé de procéder en urgence au recrutement de personnels.

Pourtant, à la fin du mois d'octobre, nous avons eu à déplorer le fait qu'aucun entretien avec de potentiels nouveaux salariés n'avait été fixé.

Par votre inaction, un important retard a donc été pris au sujet du recrutement, alors que vous aviez parfaitement conscience de son urgence et que vous aviez toute latitude pour procéder à ces recrutements.


Nous avons eu à déplorer une absence totale de reporting


Il vous appartenait, en votre qualité de Cheffe de service, d'informer de manière régulière votre supérieur hiérarchique de la situation des services que vous avez à gérer.

Durant vos fonctions de Cheffe de Service du SESSAD et de l'IME, vous n'avez effectué aucun reporting.

Les seules informations que nous avions étaient celles que vous nous donniez dans le cadre des COMEX, lorsque nous vous le demandions expressément. Elles n'étaient ni consolidées ni suivies de façon précise dans un tableau de bord de suivi.

Ce manque d'information nous a contribué à la désorganisation du service.


Sur la communication de données erronées

Nous avons eu à déplorer un décompte erroné du nombre d'enfants inscrits au SESSAD


Comme précédemment rappelé, notre association détient un agrément pour accueillir 50 enfants dans le SESSAD.

Il était indispensable qu'en votre qualité de Cheffe de service, vous soyez en mesure de nous indiquer, à tout moment, le nombre précis d'enfants inscrits au SESSAD.

Surtout que nous pouvons être amenés à en justifier auprès de notre autorité de tutelle à tout moment.

Vous nous aviez annoncé un suivi de 39 enfants avant de porter ce chiffre à 43.

Or, après vérification des dossiers en notre possession, il n'y a que 38 enfants inscrits et 3 d'entre eux ne bénéficient d'aucune prise en charge, ce qui ramène les effectifs à 35 enfants.

Pourtant, nous avons une liste d'enfants en attente d'être acceptés au SESSAD de plus de 25 jeunes.

Non seulement le nombre est insuffisant compte tenu de nos engagements, mais pire, vous nous avez communiqué des données erronées, nous induisant en erreur.


Nous avons eu à déplorer un décompte erroné du nombre de prises en charge des enfants du SESSAD


Vous nous aviez annoncé 197 prises en charge hebdomadaires, soit en moyenne plus de 4 prises en charge hebdomadaires par enfant.

Après vérification, nous avons été en mesure d'en comptabiliser uniquement 35 par semaine en moyenne depuis la rentrée.

De nouveau, vous nous avez communiqué des informations erronées, ce qui est inacceptable.

Nos engagements sont mis à mal à l'égard des familles comme de notre autorité de tutelle et notre réputation pourrait être fortement ternie.


Sur l'incident avec le jeune [A] [H]


Le 29 octobre 2020, un incident grave s'est produit avec le jeune [A][H]

En effet, celui-ci a fait une grave crise qui a vous a conduite à contacter les pompiers.

[A] [H] a été emmené à l'hôpital [6], par la police et les pompiers, menotté et seul, sans qu'aucun professionnel ne l'accompagne.

De plus, ce jour-là, malgré plusieurs échanges téléphoniques, vous n'avez pas jugé utile d'informer votre supérieur hiérarchique de cet incident, alors qu'un fait aussi grave doit lui être immédiatement rapporté afin qu'il puisse le superviser, surtout si l'enfant est seul.

Ce n'est que le lendemain, que Madame [T] [E], coordinatrice, a appris à votre supérieur hiérarchique l'incident et le fait que la famille de [A][H] était très en colère.

La famille de [A][H] menace à ce jour de porter plainte contre notre association en raison de la gestion cet incident.

Nous considérons que l'ensemble des faits relatés ci-dessus constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'association.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter de la date du présent courrier. (') »



* sur l'absence de pouvoir de la signataire de la lettre de licenciement



Mme [K] expose que la lettre de licenciement a été signée par Mme [M] [J], directrice générale, alors qu'aux termes de l'article 12.4 des statuts de l'association, le président 'représente l'association et agit en son nom dans tous les actes légaux et réglementaires, notamment dans les contentieux judiciaires et administratifs et dans les actes liés à la fonction d'employeur'; que les statuts n'attribuent à aucun autre organe le pouvoir lié à la fonction d'employeur; qu'en tout état de cause, la directrice générale ne tient ses pouvoirs que de la délégation qui lui a été consentie non par le président mais par le conseil d'administration au profit duquel aucune délégation de pouvoirs du président n'est prévue. Mme [K] expose encore qu'aux termes de l'article 13 des statuts, concernant le directeur général, 'Le Conseil d'administrationchoisit sur porposition du bureau, un directeur général dont la fonction est directement rattachée au président. Sa mission, ses responsabilités et sa délégation de pouvoirs sont définies par le conseil d'administration'. Mme [K] fait valoir que la délégation figurant dans l'annexe au procès-verbal de décision du conseil d'administration du 3 novembre 2017 et donnant délégation à Mme [J] en matière de ressources humaines et de gestion du personnel est consentie par le président du conseil d'administration et non par le conseil d'administration.



Ce à quoi l'association réplique que le procès-verbal du conseil d'adminitration extraordinaire du 3 novembre 2017 procédant à la désignation de Mme [J] en qualité de directrice générale était présidé par le président de l'association; que l'annexe rattachée à ce procès-verbal est intervenue à cette date et que la délégation de pouvoirs consentie à Mme [J] porte notamment sur le pouvoir de sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. L'association réplique encore que Mme [K] ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la sincérité de cette délégation.



Aux termes de l'article 12.4 des statuts de l'association, le président 'préside les réunions des instances statutaires' et 'représente l'Association et agit en son nom dans tous les actes légaux et réglementaires, notamment dans les contentieux judiciaires et administratifs et dans les actes liés à la fonction d'employeur'.

Suivant l'article 13 de ces mêmes statuts, 'le conseil d'administration choisit, sur proposition du Bureau, un Directeur Général dont la fonction est directement rattachée au Président. Sa mission, ses responsabilités et sa délégation de pouvoirs sont définies par le Conseil d'Administration.'



Suivant procès-verbal de décision du 3 novembre 2017 signé du président et du secrétaire, le 'Conseil d'Administration Extraordinaire' a validé à l'unanimité la nomination de Mme [M] [J] en tant que directrice générale de l'ABPIEH (...)'.

Aux termes d'une 'annexe - procès-verbal de délégation du 3 novembre 2017", M. [B] [R] 'agissant en qualité de président de l'ABPIEH, disposant des pouvoirs en la matière, délègue, par la présente, selon la décision du Conseil d'Administration du 3 novembre 2017, compte tenu de ses compétences professionnelles à [M] [J], ayant qualité de directrice générale, tous pouvoirs de façon effective et permanente, afin qu'elle soit en mesure d'assurer l'entière responsabilité de la gestion opérationnelle de l'association. (...).

'Délégation en matière de ressources humaines et de gestion du personnel

Les pouvoirs en matière d'embauche, de suivi de l'exécution des contrats de travail, de sanction discipliaire pouvant aller jusqu'au licenciement, (...).'



L' 'annexe - procès-verbal de délégation' porte la même date que le procès-verbal de décision du conseil d'administration extraordinaire et est signée du président de l'association, qui est également le président du conseil d'administration, avec une référence explicite à une décision du conseil d'administration du 3 novembre 2017. Dès lors, la cour considère que Mme [J] avait valablement reçu délégation du pouvoir de prononcer le licenciement de Mme [K].



* sur le bien-fondé du licenciement

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

Mme [K] allègue que son licenciement est, en réalité, fondé sur une autre cause que les griefs invoqués par l'association, à savoir l'usage de sa liberté d'expression. En l'absence de motif contaminant dans la lettre de licenciement puisque celle-ci ne fait pas référence aux doléances exprimées par Mme [K] et relayées ensuite par son avocat, la cour examinera si les griefs invoqués par l'association au soutien du licenciement pour faute grave sont fondés ou pas. Si la cause réelle et sérieuse est caractérisée, il appartiendra alors à Mme [K] de démontrer qu'en réalité, son licenciement était fondé sur une autre cause. En revanche, en l'absence de cause réelle et sérieuse, l'association devra démontrer que le licenciement n'est pas fondé sur une autre cause.



* sur le premier grief : « inexécution des tâches inhérentes à votre poste de Cheffe de service »



Il ressort des éléments de la cause que Mme [K] a cumulé deux postes de cheffe de service, qu'elle a d'abord été cheffe de service du SESSAD puis cheffe de service de l'IME. L'examen des différentes branches du grief fait apparaître que celles-ci se rapportent aux fonctions de cheffe de service du SESSAD hormisla dernière branche qui concerne les fonctions de cheffe de service du SESSAD et de l'IME.

La cour examinera donc les éléments de preuve produits par l'employeur au soutien de ses allégations relatives au manque d'admission de nouveaux enfants, à l'organisation aléatoire de prises en charge des enfants du SESSAD, à l'important retard dans le recrutement du personnel et à l'absence totale de reporting.

L'association se prévaut d'un plan intitulé « Préparons demain » qui aurait été présenté en comité d'exécution (ci-après COMEX) au mois de juillet 2020 et qui comporte une présentation des missions de « cheffe de service ».

Les parties ne s'accordent pas sur la date à partir de laquelle Mme [K] est devenue cheffe de service du SESSAD : 1er janvier 2019 pour Mme [K]; 26 juillet 2019 pour l'association avec un changement effectif sur les bulletins de paie à compter d'octobre 2019. En l'absence d'éléments fiables lui permettant de retenir la date du 1er janvier 2019, la cour considère que Mme [K] est devenue cheffe de service du SESSAD à compter du 26 juillet 2019. Or, l'association ne justifie pas avoir remis à Mme [K] une fiche de poste sur les fonctions de cheffe de service à cette date et la description figurant dans le plan arrêté un an plus tard et présenté dans des circonstances qui ne sont pas établies ne permet pas de conclure à une notification en bonne et due forme à Mme [K]. De surcroît, la lecture du descriptif figurant dans le plan révèle que la cheffe de service était placée sous l'autorité de la directrice générale et que c'était « de façon collégiale avec le médecin psychiatre » qu'elle était responsable de la « mise en 'uvre opérationnelle des projets de l'IME et du SESSAD », de la « cohérence globale de fonctionnement IME et SESSAD », de « l'encadrement et de l'animation de l'ensemble de l'équipe ».

Partant, l'association n'établit qu'elle avait demandé à Mme [K] à partir de juillet 2020 de réactiver le processus d'admission des enfants ni l'articulation de ses missions avec celles du médecin psychiatre dans le cadre de la collégialité. A cet égard, l'attestation du docteur [I] [P], qui déclare avoir remplacé le médecin psychiatre atteint par la Covid 19 et ne pas avoir pu procéder à des admissions entre octobre et décembre 2020 en l'absence d'éléments transmis par Mme [K], n'est pas suffisamment circonstanciée pour établir un manquement professionnel imputable à Mme [K] qui, au surplus, avait été placée en arrêt de travail à compter du 29 octobre 2020.

L'association n'établit pas non plus que l'organisation aléatoire des prises en charge des enfants du SESSAD était imputable à Mme [K] ni qu'elle avait demandé à Mme [K] à compter du mois de septembre 2020 d'organiser des recrutements de personnel en urgence, d'autant qu'aux termes du plan auquel l'association se réfère, la cheffe de service ne faisait que participer au recrutement.

Enfin, s'agissant de l'absence totale de reporting, celui-ci n'est pas mentionné dans ledit plan et l'employeur ne justifie pas avoir en vain sollicité des reportings de Mme [K] ou avoir déploré qu'elle n'en faisait pas depuis sa prise de fonction de cheffe de service à la fin du mois de juillet 2019.

Pour l'ensemble de ses motifs, le premier grief n'est pas caractérisé.



* sur le deuxième grief : « communication d'informations erronées »



Le deuxième grief comporte deux branches : d'une part, un décompte erroné du nombre d'enfants inscrits au SESSAD ; d'autre part, un décompte erroné du nombre de prises en charge des enfants au SESSAD.

La cour observe que la lettre de licenciement fait référence à des données chiffrées sans préciser à quelle(s) date(s) elles se rapportent alors que Mme [K] a exercé les fonctions de cheffe de service du SESSAD sur une période d'environ quinze mois. La cour relève encore que l'employeur renvoie la cour à la lecture des compte rendus du comité d'exécution (ci-après COMEX) alors que ces pièces ne justifient pas la réalité du grief .



Mme [K] a envoyé en juin 2020 un tableau concernant le SESSAD et faisant mention de 48 « jeunes pris en charge » pour l'« année 2019/2020 ». Pour démontrer que ce tableau comportait des irrégularités, l'employeur produit le même tableau avec une colonne commentaires au 28 mai 2021 sans étayer les commentaires d'éléments établissant les irrégularités ' les commentaires ne faisant pas preuve par eux-mêmes desdites irrégularités.

S'agissant des irrégularités sur le nombre de prises en charge, l'association affirme qu'il y a eu des irrégularités dans les données communiquées par Mme [K] sans toutefois les démontrer.

Par conséquent, le deuxième grief n'est pas caractérisé.



* sur le troisième grief : « incident avec le jeune [A] [H] de l'IME »



Pour caractériser le dernier grief, l'association vers aux débats une attestation de M. [N] [D], animateur coordinateur, qui n'est pas accompagnée d'une pièce d'identité de l'intéressé de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier l'identité du témoin. Cette attestation est donc dépourvue de valeur probatoire. Le courriel envoyé de l'adresse électrique « [Courriel 5] », outre qu'il ne fait pas la preuve de l'identité de la personne qui a envoyé le message, n'est, en tout état de cause, pas accompagné de la pièce jointe qu'il annonce à savoir un « rapport sur la situation de [A] du 29/10 ».

L'association produit également une attestation de Mme [V] [E], éducatrice spécialisée, qui déclare que, le 29 octobre 2020, à propos de la gestion d'une urgence, « face à une crise d'un jeune, [G] [K] a pris en charge la situation pour appeler les pompiers et coordonner l'action sur le terrain. Le jeune est reparti seul avec les pompiers et la police. Lors de mon appel à la direction le lendemain pour faire suite à cette situation, [M] [J] n'était pas informée qu'un jeune de l'institution était reparti avec les secours, que la famille était très en colère et qu'elle voulait porter plainte contre l'IME ». L'employeur produit également un courriel envoyé de l'adresse électronique « [Courriel 3] » sans attestation émanant de cette personne, éducatrice spécialisée, qui aurait proposé d'accompagner le jeune à l'hôpital mais se serait vu opposer un refus par Mme [K]. L'employeur établit que le jeune [A] [H] a été pris en charge par les pompiers et la police sans être accompagné par un membre du personnel de l'IME mais il n'établit pas que cette prise en charge n'a pas été effectuée par Mme [K] conformément aux procédures prévues au sein de l'IME ni que Mme [K] disposait de moyens humains suffisants pour les observer.

Enfin, l'association ne produit aucun élément sur les réactions de la famille de ce jeune.

De plus, le même jour, Mme [K] a été placée en arrêt de travail sans que la cour ne dispose d'éléments précis sur la chronologie des événements.

Par conséquent, le troisième grief n'est pas établi.



Le licenciement de Mme [K] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin d'examiner si la signataire de la lettre de licenciement avait le pouvoir de licencier.



* sur le licenciement nul

Dans ces conditions, il appartient à l'association de démontrer que le licenciement de Mme [K] n'est pas intervenu en rétorsion des doléances que la salariée avait exprimées le 28 octobre 2020 et qui avaient été relayées ensuite par son avocat mi-novembre 2020.

Sauf abus, la salariée jouit dans l'association et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale. Le licenciement qui intervient en rétorsion à l'exercice par la salariée de sa liberté d'expression est nul.

L'association soutient qu'au vu des remontées négatives sur Mme [K] au cours des mois de septembre et octobre 2020, elle avait saisi son conseil le 28 octobre 2020 à 22h45 en vue d'initier une procédure disciplinaire à l'encontre de Mme [K] avant la réception des doléances « électroniques et recommandées » de la salariée et du conseil de celle-ci.

Toutefois, les éléments de la cause font apparaître la chronologie suivante :

- par courriel du 29 octobre à 8h09, Mme [K] a présenté à Mme [M] [J], directrice générale, des doléances sur ses conditions de travail et les difficultés auxquelles elle se heurtait, selon elle, pour remplir ses missions de cheffe de service du SESSAD et de l'IME ; dans ce courriel, Mme [K] fait expressément référence à deux conversations entre elles les 20 et 26 octobre 2020, soutenant qu'un ultimatum lui avait été lancé lors de la dernière (« 48 heures pour réfléchir entre me réaffecter sur un poste de psychologue » ou « rien d'autre ») ;

- par courriel du 28 octobre 2020 à 22h45, Mme [J] a écrit au cabinet [7] au sujet de ce qu'elle qualifie des comportements d'insubordination ou des manquements de la part de Mme [K] ;

- par lettre recommandée du 13 novembre 2020, le conseil de Mme [K] a écrit à l'association pour lui demander de bien vouloir confirmer la salariée dans ses fonctions de cheffe de service du SESSAD et de l'IME, coefficient 850 de la convention collective et salaire indiciaire de 3 230 euros, outre la remise d'un contrat de travail conforme avec une ancienneté remontant au 5 septembre 2011, lui payer un rappel de salaire, lui rétablir l'accès à sa messagerie professionnelle et lui faire parvenir aux fins de signature le compte rendu d'entretien professionnel du 24 juillet 2020 ;

- par lettre recommandée datée du 27 novembre 2020, Mme [J] a répondu au nom de l'association au conseil de Mme [K] en contestant avoir posé un ultimatum à Mme [K] ;

- par lettre recommandée datée du 27 novembre 2020, Mme [J] a notifié au nom de l'association à Mme [K] une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire ;

- par lettre recommandée datée du 15 décembre 2020, Mme [J] a notifié au nom de l'association à Mme [K] son licenciement pour faute grave.

Il ressort de cette chronologie une quasi simultanéité entre les doléances sur ses conditions de travail et les réclamations financières de Mme [K] et l'engagement de la procédure de licenciement pour faute grave - dans un contexte où, pourtant, l'association avait déjà un recul de plus d'un an sur l'exercice par Mme [K] de ses premières fonctions de cheffe de service lorsqu'elle l'a également nommée cheffe de l'IME, en pleine crise sanitaire. La cour considère que l'association échoue à démontrer - notamment par la production des compte rendus de COMEX dont les circonstances dans lesquelles ils ont été établis et diffusés ne sont pas avérées - que la procédure de licenciement pour faute grave est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la violation de la liberté d'expression alléguée par la salariée. En conséquence, la cour prononce la nullité du licenciement et la décision des premiers juges est infirmée à ce titre.



* sur les conséquences du licenciement



* sur l'indemnité compensatrice de préavis 

En application des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, 9 de l'annexe 6 de la convention collective, l'indemnité compensatrice de préavis due à Mme [K] correspond au montant des salaires et avantages que la salariée aurait perçus si elle avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis d'une durée de quatre mois, soit la somme de 12 920 euros, outre la somme de 1 292 euros au titre des congés payés afférents. L'association sera condamnée à payer ces sommes à Mme [K] et la décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum.



* sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

En application des articles L. 1234-9, R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, 17 de la convention collective et 10 de son annexe 6 et eu égard à une ancienneté de quatre ans et dix mois et à la moyenne de salaire des trois derniers mois, l'association sera condamnée à payer à Mme [K] la somme de 15 611,66 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement. La décision des premiers juges sera infirmée sur le quantum.



* sur l'indemnité pour licenciement nul

Aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ; (').

Mme [K] n'a pas sollicité sa réintégration au sein de l'association et justifie avoir effectué des missions de travail temporaire régulières entre le 7 avril 2021 et le 14 janvier 2022 au centre hospitalier universitaire de [Localité 4] en remplacement d'un chef de service, cadre, en arrêt maladie.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge - 35 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle ainsi que des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il sera alloué à Mme [K], en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, une somme de 29 070 euros, suffisant à réparer son entier préjudice. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur la remise des documents

L'association devra remettre à Mme [K] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision sans que cette injonction soit assortie d'une astreinte.



Sur les autres demandes

* sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

A l'appui de sa demande en dommages-intérêts, Mme [K] invoque les manquements de l'employeur à ses obligations :

- lors de la conclusion du contrat (multiplication de contrats à durée déterminée) ;

- lors de son exécution (non-respect des minima conventionnels) ;

- lors de sa rupture (remise tardive des documents de fin de contrat, régularisation tardive des heures supplémentaires et défaut de restitution d'effets et d'objets personnels).

Ce à quoi l'association réplique qu'elle a exécuté le contrat de travail de bonne foi ; que la salariée ne produit aucune pièce de nature à étayer l'existence d'un préjudice quelconque et ne se livre à aucune démonstration.

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, Mme [K] n'explicite pas en quoi, selon elle, la multiplication des contrats à durée déterminée est constitutive d'un manquement de l'employeur à la bonne foi et il n'appartient pas à la cour de se substituer à la salariée dans les faits qu'elle invoque au soutien de sa demande.

La cour n'ayant pas accueilli la demande de Mme [K] au titre du rappel de salaire conventionnel, il ne peut être reproché à l'association un manquement à la bonne foi pour non-respect des minima conventionnels.

Enfin, l'absence de restitution d'effets et objets personnels n'est étayée par aucun élément.

En revanche, il est exact que l'association n'a remis les documents de fin de contrat à Mme [K] que le 11 février 2021 soit presque deux mois après la notification de son licenciement, ce qui est tardif.

La cour a reconnu l'existence d'heures supplémentaires et condamné l'association à un rappel de salaire à ce titre, ce qui constitue un manquement de l'employeur à ses obligations.

Si Mme [K] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par la somme allouée au titre du rappel d'heures supplémentaires et l'indemnité pour travail dissimulé, la cour considère toutefois qu'en rapportant la preuve que les documents de fin de contrat lui ont été remis avec retard, Mme [K] justifie qu'elle a été retardée dans ses démarches pour faire valoir ses droits notamment auprès de Pôle emploi. A ce titre, il lui sera alloué une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.



* sur les objets et effets personnels, cartons

En l'absence de tout élément de preuve sur les objets et effets personnels de Mme [K], la cour ne peut que débouter Mme [K] de sa demande et confirmer la décision des premiers juges à ce titre.



* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce. La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.



* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à l'association de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [K] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de quatre mois d'indemnités.



* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

L'association sera condamnée aux dépens en appel, la décision des premiers juges étant confirmée sur les dépens.

L'association sera également condamnée à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, la décision des premiers juges sur les frais irrépétibles étant confirmée.

Enfin, l'association sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,



Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [G] [K] de sa demande de rappel de salaire conventionnel et des congés payés afférents et de sa demande de restitution de ses objets et effets personnels et sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare Mme [G] [K] prescrite en sa demande en paiement de l'indemnité de requalification ;

Dit que la relation contractuelle s'est poursuivie entre les parties en contrat à durée indéterminée à compter du 22 décembre 2018 ;

Condamne l'association Association Benjamin pour l'intégration d'enfants handicapés (ABPIEH) à payer à Mme [G] [K] les sommes suivantes :

* 23 503,01 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires ;

* 2 350,30 euros au titre des congés payés afférents ;

* 19 380 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

* 5 692,87 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

Dit que le licenciement de Mme [G] [K] est nul ;

Condamne l'association Association Benjamin pour l'intégration d'enfants handicapés (ABPIEH) à payer à Mme [G] [K] les sommes suivantes :

* 12 920 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 1 292 euros au titre des congés payés afférents ;

* 15 611,66 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 29 070 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

* 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Ordonne à l'association Association Benjamin pour l'intégration d'enfants handicapés (ABPIEH) de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [G] [K] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de quatre mois d'indemnités ;

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne l'association Association Benjamin pour l'intégration d'enfants handicapés (ABPIEH) à payer à Mme [G] [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association Association Benjamin pour l'intégration d'enfants handicapés (ABPIEH) aux dépens en appel.







LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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