2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/02306

Pôle 6 - Chambre 7

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° 176, 16 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02306 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJSH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 janvier 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 19/04132





APPELANTE

Madame [I] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Xavier GUIDER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1138





INTIMÉE

S.A.S. SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 18 janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 21 mars 2024 et prorogé au 2 mai 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.










FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



La société Samsung Electronics France (ci-après la société Samsung) a pour activité, en France, la commercialisation de produits électroniques tels que les téléphones mobiles ainsi que les produits informatiques et les équipements électroménagers de la marque éponyme.



Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective des Industries Métallurgiques Mécaniques et connexes de la région parisienne (incluant ingénieurs et cadres).

Mme [I] [P] a été embauchée par la société Samsung Electronics France, par contrat à durée indéterminée du 26 mars 2018, en qualité d'ingénieur commercial au sein de la division Health and Medical Equipment (santé et matériel médical). Elle était en charge de la vente d'appareils d'imagerie diagnostique auprès des cabinets médicaux de gynécologie obstétrique et de radiologie dans un secteur d'intervention Ile de France Ouest : [Localité 5] ouest, ainsi que les départements en Ile-de-France 95, 92 et 78.



Par courrier du 23 juillet 2019, Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 30 juillet 2019.



Par lettre recommandée avec avis de réception du 02 août 2019, la société Samsung Electronics France a notifié à Mme [P] son licenciement pour insuffisance professionnelle. Elle a été dispensée d'exécuter son préavis.



Contestant la mesure de licenciement, Mme [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 8 octobre 2019.



Par jugement contradictoire du 28 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a :

- requalifié le licenciement de Mme [P] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société à verser à Mme [P] la somme de 6.348 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société à verser à Mme [P] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Samsung Electronics France aux entiers dépens.



Par déclaration notifiée par le RPVA le 02 mars 2021, Mme [P] a interjeté appel de cette décision.



Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 21 novembre 2023, Mme [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et confirmer en conséquence la condamnation de la société Samsung Electronics France à lui verser la somme de 6.348 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes ;

et statuant à nouveau des chefs infirmés :

- juger que la convention de forfait jours est privée d'effets,

- condamner la société Samsung Electronics France à lui verser :

11.585 euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

1.158 euros brut au titre des congés payés afférents ;

1.683 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période de préavis ;

168 euros brut au titre des congés payés afférents ;

3.746 euros brut à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de percevoir un montant supérieur de rémunération variable 2019 ;

4.722 euros brut à titre de rappel de commissions 2018 ;

472 euros brut au titre des congés payés afférents ;

14.340 euros brut à titre de rappel de commissions 2019 ;

1.434 euros brut au titre des congés payés afférents ;

20.000 euros à titre de dommages et intérêts compensant le préjudice inhérent à l'achat de son véhicule ;

- condamner la société Samsung Electronics France à lui remettre une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de son prononcé ;

- confirmer la condamnation de la société Samsung Electronics France à lui verser 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- condamner la société Samsung Electronics France à 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

- juger que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Samsung Electronics France de sa convocation devant le Conseil de Prud'hommes, les autres sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

- débouter la société Samsung Electronics France de l'ensemble de ses demandes.



Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 21 novembre 2023, la société Samsung Electronics France demande à la cour de :

- débouter Mme [P] de sa demande de reconnaissance de licenciement nul ;

- débouter Mme [P] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

- débouter Mme [P] de sa demande d'invalidité de sa convention de forfait-jours ;

- débouter Mme [P] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents ;

- débouter Mme [P] de sa demande de rappel de salaires pour la période de préavis et de congés payés afférents ;

- débouter Mme [P] de sa demande de dommages-intérêts pour la perte de chance de percevoir un montant supérieur de rémunération variable 2019 ;

- débouter Mme [P] de sa demande de rappels des commissions 2018 et 2019 et congés payés afférents ;

- débouter Mme [P] de sa demande de dédommagement d'un préjudice pour l'achat d'un véhicule ;

- débouter Mme [P] de sa demande de remise par la Société d'une attestation destinée au Pôle emploi et un bulletin de salaire conformes au jugement dans un délai d'un mois à compter de son prononcé ;

à titre principal :

- infirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le licenciement de Mme [P] sans cause réelle et sérieuse ;

- reconnaître le bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [P] ;

- la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

à titre subsidiaire :

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny en ce qu'il a limité le montant de la condamnation à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un montant équivalent à un mois de salaire ;

- condamner Mme [P] à rembourser la somme 2 784,10 euros bruts au titre des jours de réduction du temps de travail indûment pris ;

en tout état de cause :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 1.500 euros à Mme [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter Mme [P] de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 2.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente instance,

et en conséquence,

- condamner Mme [P] à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

- condamner Mme [P] à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.



Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.



L'instruction a été déclarée close le 13 décembre 2023.




MOTIFS



Sur la rupture du contrat



Aux termes de la lettre de licenciement, Mme [P] a été licenciée pour insuffisance professionnelle.



Les éléments suivants, repris dans les conclusions, figurent dans la lettre de rupture :



'Vous avez été embauchée à compter du 2 avril 2018 en contrat à durée indéterminée en qualité d'Ingénieur Commercial Régional, Cadre Position II au sein de la division « Health and Medical Equipment ».

En cette qualité, votre mission principale consistait à assurer la vente des systèmes de la gamme Ultrasons SAMSUNG HEALTHCARE (appareils d'imagerie diagnostique) auprès des cabinets médicaux de gynécologie obstétrique et de radiologie dans votre secteur d'intervention le de France Ouest : [Localité 5] ouest, ainsi que les départements en Ile-de-France 95, 92 et 78.

Vous partagiez en effet la zone Île de France avec un autre Ingénieur Commercial en charge de développer la partie Est de l'Île-de-France.

Plus précisément, vos missions étaient les suivantes :

Acquérir et maintenir un niveau élevé de connaissance sur les solutions du portfolio SAMSUNG HEALTHCARE,

Développer une vision/connaissance globale des comptes de votre secteur d'intervention, de la concurrence et du marché,

Prospecter, Identifier et Qualifier des opportunités,

Suivre les opportunités en collaboration avec les équipes applicatives SAMSUNG HEALTHCARE,

Organiser les démonstrations, effectuer la présentation des offres commerciales, réaliser les négociations et finaliser l'enregistrement des commandes.

Accompagner et supporter les équipes d'ingénieur d'applications,

Créer une relation commerciale étroite avec les comptes de votre secteur d'intervention et renforcer la fidélité existants SAMSUNG HEALTHCARE,

Saisir et mettre à jour régulièrement les opportunités commerciales dans le CRM de SAMSUNG

HEALTHCARE,

Élaborer les stratégies commerciales et supporter les réponses aux Appels d'Offre,

Communiquer fréquemment les prévisionnels de vente et dynamique marché,

Préparer et participer aux différents congrès.



Vous étiez responsable de l'atteinte d'objectifs de ventes, et deviez promouvoir le portfolio SAMSUNG HEALTHCARE ainsi que supporter les actions des équipes applicatives.



Vous avez été embauchée sur ce poste en qualité de Commerciale expérimentée et les objectifs qui étaient attendus ont été fixés en lien avec votre expérience et les potentiels de la zone de prospection qui vous a été confiée.



Or, nous nous avons été contraints de constater des insuffisances dans l'exécution de vos fonctions.



Sur la réalité des insuffisances constatées

Si le bilan effectué à la fin de votre période d'essai qui s'est achevée le 2 octobre 2018, s'est avéré dans un premier temps satisfaisant par rapport aux résultats attendus sur ces premiers mois, vos résultats depuis cette période sont en deçà des objectifs attendus et des résultats des autres membres de l'équipe.



En effet, nous constatons que vous avez enregistré sur le 1° semestre 2019, un chiffre d'affaires facturé de 221.549 Euros alors que votre objectif sur ce semestre était de 600.000 euros en ventes directes.



Nous notons sur cette période que vous n'avez d'ailleurs enregistré aucun chiffre d'affaires sur les mois de janvier et de juin, qui représentent pourtant des mois importants au sein de notre activité.



L'analyse de vos résultats dans le détail au 30 juin 2019, nous conduit à constater vos insuffisances sur la très grande majorité de vos indicateurs de performance, qui ne vous permet d'atteindre que 36.8% de vos objectifs au total :

-Sur la qualification de 200 machines dans le fichier IBcoverage : si nous constatons une activité de prospection, les éléments nécessaires à une prospection de qualité ne sont pas renseignés, ce qui ne vous permet d'atteindre que 69% de l'objectif en nombre de visites avec seulement une partie de ces visites ayant résulté sur la visualisation du matériel en place qualifié.

-Sur les opérations « Premium Gynécologie /Obstétrique » qui consistent à conclure des affaires sur des produits Premium pour ce marché : seules quatre affaires ont été trouvées sur ce secteur, ce qui représente 40% de l'objectif, étant rappelé que ce segment est particulièrement stratégique pour Samsung et que votre secteur lle de France Ouest représente 60% du potentiel Ile de France.

-Sur la vision « Funnel » qui se définit par les affaires détectées/l'étape d'approche des clients : le ratio que vous enregistrez est faible, soit à 58% de l'objectif fixé pour les affaires avec un « rating » supérieur à 36% pour H2.

-Sur le chiffre d'affaires facturé: vous n'avez atteint au 30 juin 2019, que 46% de l'objectif en ne facturant que 200k€ au total alors que l'objectif était à 439KG, ce dernier représentant 80% du chiffre d'affaires attendu sur H1 (« Extract système »).



Vos faibles résultats sont d'autant plus insuffisants que la zone de prospection sur laquelle vous intervenez, à savoir [Localité 5] et Ile de France Ouest, représente une zone a très fort potentiel de développement avec 60% du poids du business en Ile de France sur les équipements médicaux proposés. Ce chiffre est en corrélation avec les autres zones en France, qui représentent en général 15 à 18% du business national. Signe de dynamisme de votre zone, il est d'ailleurs à noter une augmentation du chiffre d'affaires réalisé par le marché depuis 2014.



Il s'avère par ailleurs que votre chiffre d'affaires et vos performances sont bien en-deçà des autres membres de l'équipe. Vos collègues, pour la plupart, enregistrent le double voir, pour certains, plus du triple de votre chiffre d'affaires sur des zones plus difficiles commercialement, allant jusqu'à enregistrer plus de 870k€ de chiffre d'affaires sur le 1er semestre 2019, ou bien obtiennent des résultats supérieurs en termes de performance. Ces collaborateurs ont pourtant, pour certains, la même ancienneté que vous au sein de l'entreprise.



L'Ingénieur Commercial qui partage votre zone Ile de France a, quant à lui, enregistré un chiffre d'affaires facturé de 348 874 Euros sur le 1e semestre 2019, soit plus de 100k€ de plus.



Sur le « Funnel » créé, l'écart avec les autres collaborateurs de l'équipe est aussi conséquent puisqu'il est 2,5 fois moins élevé que les autres Ingénieurs Commercial ayant intégré l'entreprise le trimestre précédent.



Nous constatons, en effet, un manque de vision sur 4ème trimestre (Q4) avec un « Funnel » à 26% sur la Gynécologie/Obstétrique alors que le « Funnel » de vos collègues se situe entre 63% et 86%. Pourtant, depuis le mois d'avril 2019, notre recommandation est bien de travailler en priorité sur la Gynécologie/Obstétrique, le succès en radiologie étant faible au niveau national. Votre «Funnel» représenté à 74% par de la radiologie, est ainsi à l'inverse des recommandations et du reste de l'équipe.



Sur les motifs à l'origine de cette insuffisance de résultats

Cette insuffisance de résultats trouve son origine dans plusieurs facteurs liés en majorité à l'absence d'appropriation des mécanismes commerciaux, à savoir la prospection, l'approche, la négociation, la conclusion et l'ordre.



En premier lieu, l'activité de prospection, n'est pas maîtrisée. Elle s'avère inefficace, puisque vous rencontrez des difficultés à collecter de l'information (base installée, date d'achat notamment), ce qui ne permet pas de créer suffisamment de « Funnel ».



Sur les autres mécanismes, nous constatons un manque d'autonomie et un suivi trop superficiel de vos dossiers nécessitant par conséquent une implication trop importante de votre hiérarchie dans la gestion de ces derniers. A titre d'exemple, vous n'avez pas su analyser et anticiper les difficultés de financement dans le dossier [S], ni les délais de traitement dans le dossier [W]. Quant au dossier radio [A], celui-ci a été mal appréhendé de manière globale et notamment le fait que le client avait arbitré en parallèle pour un concurrent.



En second lieu, nous notons que vous ne suiviez pas les recommandations de votre Manager pour construire votre «Funnel» que vous n'avez pas suffisamment orienté vers la Gynécologie/Obstétrique et que vous comptabilisez en TTC alors qu'il doit l'être en HT.



Enfin, les process « approval » et frais ne sont que très partiellement maitrisés, ce qui conduit a une mauvaise organisation et génère pour l'administration des ventes une surcharge de travail.



Le process administratif que vous évoquez régulièrement pour justifier votre insuffisance de résultat n'est pourtant pas plus important que celui de vos collègues à l'exception du « weekly report » qui pour objet de vous accompagner au quotidien dans votre développement.



Sur l'accompagnement mis en 'uvre en vue d'améliorer les résultats

Afin de vous accompagner dans votre développement, votre Manager, Monsieur [O] [G], a mis en place dès le renouvellement de votre période d'essai, un plan d'accompagnement de vos performances (PAP).



Nous avons ainsi mis en place un premier PAP de 3 mois, début juillet 2018 qui avait pour objectif de vous aider à progresser sur votre activité. Ce plan d'accompagnement identifiait pour vous les axes d'amélioration avec, pour chacun, une précision sur les actions attendues et l'aide que vous recevrez de votre hiérarchie. En outre, une session de face à face avec votre Manager une fois par semaine était prévue avec un monitorage de la progression du plan, un bilan de progression et un bilan du plan fin septembre.



Si à la fin de la période d'essai, vos objectifs ont été atteints, vos résultats du 4tm trimestre 2018 ne vous ont permis d'atteindre que 43,4% de l'objectif fixe pour l'année 2018.



Constatant à la fin du mois de Février 2019, que vos résultats à la fin du 1° trimestre allaient s'avérer faibles, Monsieur [O] [G], a mis en plan un second PAP de 4 mois visant à vous aider à atteindre vos objectifs à fin juin 2019



Ce plan était organisé en deux parties avec un bilan intermédiaire. Il prévoyait pour la période de mars et avril, des actions de validation de l'acquisition des automatismes opérationnels ainsi que des actions de rattrapage du chiffre d'affaires. Puis, pour la période de mai et juin, un minimum de 80% du chiffre d'affaires du plan à fin juin, la construction d'un « Funnel » solide ainsi que la couverture du marché Premium Gynécologie.



Il est à noter également que le renseignement des fichiers nécessaires à l'organisation de votre activité et à la prévision de vos ventes n'a pas été modifié depuis le 10 juillet dernier, date de l'entretien de synthèse de votre dernier PAP. Pourtant, ce PAP prévoyait un renseignement quotidien ou, a minima, hebdomadaire de ce fichier en vue de l'acquisition de ce mécanisme fondamental pour le développement de votre activité.



En outre, vous avez bénéficié de plusieurs formations sur le métier, dont une première formation en mai 2019 intitulée « l'organisation de votre activité commerciale » ayant notamment pour objectif d'évaluer l'ensemble des facteurs qui influencent la performance d'un commercial et de traduire ses objectifs de vente en plan d'actions commercial.



Vous avez également, à cette occasion, été formée à l'utilisation des outils d'organisation adaptés à vos objectifs et à votre environnement.



Une deuxième formation vous a également été dispensée tout début juillet 2019 en vue d'appréhender les techniques de ventes en passant de l'opportunité à la demande.



Malheureusement, cet accompagnement de qualité et la revue à la baisse de vos objectifs à 80%, ne vous ont pas permis d'atteindre les résultats attendus. Il est patent que vous n'êtes pas en mesure de remplir de manière satisfaisante, les fonctions responsabilités qui vous ont été confiées et vous notifions donc par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle.'



La société, qui a formé un appel incident, soutient que le licenciement est bien fondé et qu'elle justifie de l'insuffisance professionnelle de Mme [P].



Mme [P], qui conclut à la confirmation du jugement sur le caractère injustifié du licenciement, considère qu'elle ne peut se voir reprocher une insuffisance de résultats :

-sans qu'un manque de professionnalisme ne puisse lui être reproché ;

-sur la base d'objectifs imprécis et non réalisables ;

-alors même que ses supérieurs et son collègue étaient également en échec ;

-en cours d'année alors que son objectif porté sur une année entière ;

-tout en bénéficiant de la quasi intégralité de sa prime sur objectifs ;

-sans qu'elle ne puisse tirer profit de sa dernière formation ;

-sur la base de simples projections relatives au 4ème trimestre ;

-en se référant à des éléments qui sont incohérents et contradictoires.



Par application des dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel est motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.



Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.



Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.



Par ailleurs, l' insuffisance de résultats ne constitue pas à elle seule une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle ne peut constituer un motif de licenciement que si les objectifs sont réalistes, c'est à dire raisonnables et compatibles avec le marché, et si l'insuffisance de résultat invoquée par l'employeur pour licencier le salarié a pour origine une insuffisance professionnelle ou une faute du salarié.



En l'espèce l'employeur n'impute pas l'insuffisance de résultats à une faute de Mme [P] mais à une insuffisance professionnelle.



L' insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi.



L'appréciation de l'insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l'employeur, qui doit invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables imputables au salarié.

Mme [P] a intégré la société Samsung Electronics France en qualité d'ingénieur commercial dans le domaine de l'imagerie médicale et ses fonctions principales consistaient à assurer la commercialisation des appareils d'imagerie diagnostique auprès des cabinets médicaux de gynécologie obstétrique et de radiologie, au sein de son secteur d'intervention.



Le contrat de travail mentionnait une rémunération forfaitaire annuelle brute annuelle de 49 000 euros et une rémunération variable composée, d'une part d'un commissionnement à atteinte d'objectifs de chiffre d'affaires sous la forme d'un pourcentage précisé en annexe et , d'autre part d'un salaire annuel variable sur objectif (MBO) de 10 000 euros brut payable par trimestre.



Par annexes des 2 janvier 2018 et 2 janvier 2019, il a été attribué un pourcentage de commissionnement calculé sur la facturation des commandes de la salariée selon une grille à trois niveaux et son objectif personnel a été fixé à 1 000 000 euros HT pour l'année 2018 et à 1 400 000 euros HT pour l'année 2019.



A l'appui de la mesure de licenciement, la société produit plusieurs pièces et notamment des tableaux reprenant les chiffres d'affaires réalisés par années et mois par mois par différents commerciaux, les plans d'accompagnement mis en oeuvre au profit de la salariée et des mails échangés avec son supérieur.



Il en ressort en premier lieu la réalisation d'un chiffre d'affaires en 2018 et 2019 très éloigné des objectifs fixés, notamment :

- une atteinte de 43% de l'objectif fixé pour l'année 2018 ;

- l'absence de chiffre d'affaires pour les mois de janvier 2019 et juin 2019 ;

- au 1er semestre 2019, un chiffre d'affaires facturé de 221.549 euros sur un objectif annuel de 1 200 000 euros (objectif complémentaire de 200.000 euros correspondant à la vente de petites machines auprès des distributeurs).



Si les objectifs fixés à la salariée sont importants, ils apparaissent toutefois raisonnables eu égard notamment aux chiffres réalisés par ses collègues et à son secteur de prospection.

Ainsi, pour exemple :

- M. [L] avait atteint en 2017 un chiffre d'affaires de 1 010 973 euros en étant seul sur le secteur [Localité 5]-IDF, puis en 2018 : 1 257 869 euros sur une partie de ce secteur puisque désormais partagé avec Mme [P] qui réalisait pour sa part un chiffre de 434 426 euros ;

- le chiffre d'affaires de Mme [P] était au premier semestre 2019 le plus faible de l'ensemble des commerciaux présents pendant tout le semestre au sein de Samsung Electronics France.



Le secteur de la salariée était en outre porteur, même avec la concurrence d'autres fournisseurs, puisque comportant les départements suivants : 95, 92 et 78 et les arrondissements de l'ouest parisien avec une densité importante en médecins.

Ainsi :

- à [Localité 5], le secteur de Mme [P] (11 arrondissements, regroupant 742 médecins) apparaît plus favorable que celui de son collègue, M. [L] (9 arrondissements et 389 médecins),

- en dehors de [Localité 5] : 851 médecins, autant de gynécologues que de radiologues, contre 803 médecins, dont majoritairement des radiologues pour son collègue.



Il ressort également des pièces produites que la salariée avait des échanges réguliers avec son supérieur et que deux plans d'amélioration de la performance (PAP) ont été mis en oeuvre (pour la période de juillet à septembre 2018 puis entre mars et juin 2019), avec des objectifs précis et des recommandations, ainsi qu'une assistance lors de certains rendez vous mais que des carences ont persisté, notamment dans la prospection et la méthode, comme en attestent divers mails adressés par son supérieur.



Pour exemple :

- il lui rappelle le 20 mars 2019 que '(') La qualification de la base de données est importante. Comme indiqué dans le PAP et dans mes mails, les colonnes NOPV doivent être complétées. (') sur les 5 visites que tu indiques pas une seule des informations des colonnes NOP n'ont été modifiées. (') Merci donc de bien remplir le tableau comme demandé car il est la « banque » de ton travail et l'outils qui te permettra d'orienter ton activité à venir »,

- le 10 avril 2019, il relève une absence de mise à jour du 'Funnel' ainsi que des incohérences,

- au terme de la première phase du PAP le 3 mai 2019, il note : absence de certaines données, bons de commande mal remplis et un suivi administratif des ventes à améliorer,

- le 21 mai 2019, il renouvelait les mêmes consignes : « (') Comme répété à chaque semaine depuis le départ du PAP, merci d'aligner les mois avec les quarters. Que doit-on prendre en compte quand ils ne correspondent pas, le mois ou le quater ' Je demande à tout le monde de remplir les 2 tableaux qui sont la base installée SEF et concurrente, ainsi que le FUNNEL à mettre à jour »,

- sur le volet administratif, il lui signale une difficulté dans les dossiers [H] (demande de sondes tardive le 7 novembre 2018 puis bon de commande incomplet le 2 août 2019), [V] (absence du 'PV' le 11 février 2019) et [M] (dossier incomplet le 2 mai 2019).



La société justifie enfin que Mme [P] a bénéficié de formations, à savoir 'Organisez votre activité commerciale' en mai 2019 et 'Passer de l'opportunité à la demande en BtoB' début juillet et fait valoir à juste titre qu'elle occupait les mêmes fonctions au sein d'une autre entreprise avant son engagement en mars 2018.



En réponse, si la salariée produit le mail d'un médecin attestant de sa satisfaction pour leur relation professionnelle, ce seul élément ne permet pas de contredire les éléments chiffrés relevés précédemment, étant observé que Mme [P] n'a pas contesté la mise en oeuvre des deux PAP qui avaient notamment pour objectif une amélioration de ses performances.



S'agissant également des primes et commissions perçues en 2018 et 2019, le versement d'une partie de sa rémunération variable à la salariée ne contredit pas l'existence d'une insuffisance professionnelle puisque, d'une part, la réalisation d'un chiffre d'affaires ou d'une partie des objectifs entraînait le versement d'une rémunération variable et, d'autre part, les éléments produits attestent non seulement d'un chiffre d'affaires très en deçà de son objectif, mais également de celui de ses collègues.



Enfin, si son licenciement est intervenu avant l'achèvement de l'année 2019 alors que ses objectifs avaient été fixés contractuellement pour une année entière et quelques semaines après une formation, il n'en demeure pas moins que malgré le suivi organisé par les 2 PAP, la persistance de carences dans l'organisation et le compte rendu de sa prospection est observée, comme des résultats faibles notamment en milieu d'exercice 2019 (chiffre d'affaires de 221.549 euros selon l'employeur, de 344 000 euros selon la salariée) et le seul document produit par Mme [P] en pièce 15, consistant en un tableau de 'Projection chiffre d'affaires Q3 et Q4 2019" étant insuffisant à établir l'existence de commandes pour le montant de 1.000.000 d'euros annoncé par l'appelante.



Il découle de ces observations que l'insuffisance professionnelle de Mme [P] est établie et que le licenciement repose donc sur une cause réelle et sérieuse.



Le jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny sera infirmé et la salariée déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement injustifié.



Sur les heures supplémentaires



La salariée soutient que faute pour la société de s'être conformée aux dispositions légales et conventionnelles applicables en matière de forfait en jours, sa convention est privée d'effets et elle est donc en droit de prétendre à un rappel d'heures supplémentaires. Elle vise notamment l'absence de mention du nombre de jours travaillés dans le contrat et le non-respect par la société des dispositions de l'accord du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie.



La société s'oppose à ces demandes en soutenant que la convention individuelle de forfait est régulière puisqu'indiquant le nombre de jours au forfait et que sa mise en oeuvre a respecté les dispositions conventionnelles applicables, soit l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie, dont les dispositions ont été validées par la Cour de Cassation. Elle précise que la charge de travail avait été abordée lors d'un entretien annuel dont le compte rendu a été signé par la salariée.



Sur la régularité du forfait en jours



En application des articles L.3121-55, L. 3121-58 et L.3121-64 du code du travail, afin de pouvoir être soumis à un forfait en jours, le salarié doit conclure, par écrit, une convention individuelle de forfait afin d'en préciser les conditions et notamment le nombre de jours compris dans le forfait.



Le contrat de travail de Mme [P] mentionne : « Rémunération forfaitaire brut annuelle de 49000 €, soit 4 083,33 € sur 12 mois, pour au plus 218 jours par an. Ces 218 jours correspondent à neuf jours de repos pour la totalité de l'année 2018 ».



La société reconnaît que la convention individuelle doit prévoir le nombre de jours de forfait mais considère que le contrat de travail prévoyait un forfait annuel de 218 jours, la mention « 218 jours au plus » ne signifiant pas que le nombre de jours n'était pas déterminé mais seulement qu'en aucun cas, la salariée n'aurait à travailler au-delà de 218 jours.



Or, n'est pas valable le forfait en jours lorsque le contrat de travail se contente de préciser une limite maximale de jours compris dans le forfait.



Ainsi, force est de constater que la convention de forfait ne précise pas le nombre de jours devant être travaillés chaque année par Mme [P].



Par ailleurs, l'employeur doit notamment organiser une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, laquelle doit, en toute hypothèse rester raisonnable, ainsi que l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et sa rémunération.



Si rien ne s'oppose à ce que cet entretien soit tenu en même temps que l'entretien d'évaluation ou celui fixant les objectifs du salarié, il incombe néanmoins à l'employeur de justifier que les thématiques visées aux textes légaux et conventionnels ont bien été évoquées.



Or, en l'espèce, le compte-rendu d'entretien professionnel pour 2018 produit par l'employeur se borne à mentionner que la salariée atteste que 'les points suivants ont été abordés lors de l'entretien' avec son manager : 'l'environnement de travail, le temps de travail et la charge de travail' avec le seul commentaire suivant 'plus de supports applicatifs souhaités sur [Localité 5]-PK pour le reste'.



Ainsi, ce seul document, qui ne comporte aucune précision sur la charge de travail, sa compatibilité avec la situation de la salariée et les exigences de santé et de repos, ni l'articulation entre l'activité professionnelle et sa vie personnelle, éléments pourtant centraux dans le cadre du suivi de la charge de travail d'un salarié soumis à un forfait en jours est insuffisant à établir le respect de l'obligation de tenue d'un entretien conforme aux exigences légales en matière de forfait en jours.



Il découle de ces éléments que la convention individuelle de forfait en jours est inopposable à la salariée, laquelle est donc soumise au droit commun de la durée du travail.



Sur le rappel d'heures supplémentaires



Lorsque la convention de forfait en jours est nulle ou privée d'effet, le salarié a droit au paiement des heures supplémentaires éventuellement accomplies et la rémunération qui lui a été versée forfaitairement correspond à l'horaire légal de travail (35 heures hebdomadaires en l'occurrence).



Par ailleurs, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.



Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.



Mme [P] expose qu'en l'absence de tout horaire contraire communiqué par la société, son amplitude horaire doit être fixée a minima, de 9h à 18h30, soit 8 heures de travail effectif par jour après déduction d'un temps de pause déjeuner dont la durée totale n'excédait pas 1 heure 30. Travaillant du lundi au vendredi, elle effectuait donc 40 heures par semaine. Elle sollicite de ce chef la somme de 11.585 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les heures non rémunérées qui ont été effectuées au-delà de 35 heures par semaine et 1.158 euros bruts au titre des congés payés afférents.



Elle produit à l'appui de ses affirmations :

- son contrat de travail,

- des SMS ou mails adressés dans le cadre de son activité à des heures matinales ou tardives sur 24 jours entre le 8 novembre 2018 et le 1er août 2019 (avant 9h ou après 19h) ;

- un état récapitulatif de sa durée hebdomadaire de travail allégué depuis la semaine du 26 mars 2018 jusqu'à la semaine du 5 août 2019, pour un total de 265 heures supplémentaires et avec mention semaine par semaine de l'existence ou non d'heures effectuées au delà de 35 heures.



La salariée présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies et il appartient donc à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.



En premier lieu, il importe peu, contrairement à l'affirmation de l'employeur, que Mme [P] n'ait jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires précédemment à l'introduction de son action devant le Conseil de prud'hommes et n'ait jamais formulé la moindre réserve ou protestation sur le montant des salaires qui lui étaient versés.



En deuxième lieu, si la société soutient ne jamais avoir demandé à Mme [P] d'effectuer de quelconques heures supplémentaires, elle était toutefois informée des horaires parfois tardifs de la salariée par les messages qu'elle adressait à son supérieur, M. [G], même de sa propre initiative comme le 17 décembre 2018 à 23h10 : envoi d'un « calculateur » et demande d'un retour sur son travail, le19 décembre 2018 à 00h57 : envoi d'une offre, ou encore le 6 mai 2019 à 23h00 envoi de son reporting hebdomadaire.



Il en découle que la société, informée de certains horaires tardifs, n'a adressé aucune remarque à la salariée et a ainsi consenti au moins implicitement à la réalisation d'heures supplémentaires.



Ainsi, la société se borne à critiquer le décompte des heures de Mme [P] en faisant valoir un calcul purement forfaitaire, seules les semaines de congés ou avec des jours fériés étant exclues du calcul, sans pour autant apporter de pièces contredisant les éléments précis apportés par la salariée.



Il en découle que la salariée a bien effectué les heures supplémentaires dont elle demande le paiement.



La société est donc condamnée au paiement de la créance réclamée, dont le calcul détaillé n'a pas été contesté et le jugement est infirmé en ce sens.



Par ailleurs, dès lors qu'une convention de forfait en jours est nulle ou privée d'effet, l'employeur peut solliciter le remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés en application de celle-ci.



En l'espèce, pour la période entre mai 2018 et novembre 2019, la société soutient, sans être démentie, que Mme [P] a bénéficié de 7 jours de réduction du temps de travail en 2018 et 9 jours en 2019, soit 16 JRTT au total, dont elle n'aurait pu profiter dans le cadre de l'organisation du travail sous 35 heures.



Mme [P] est donc redevable de la somme de 2 784,10 euros bruts au titre de ces JRTT dont elle a bénéficié de manière indue, étant relevé que le principe et le montant de cette créance n'ont pas été contestés par l'appelante.







Sur le rappel de salaire au titre du préavis



Mme [P] sollicite la somme de 1.683 euros bruts à titre de rappel de salaire sur préavis et 168 euros au titre des congés payés afférents, compte tenu des heures supplémentaires qu'elle effectuait.



La société qui conteste la réalisation d'heures supplémentaires conclut au rejet de cette demande.

En cas de dispense de préavis, l'indemnité due au salarié est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé, et par conséquent en tenant compte des heures supplémentaires que le salarié aurait accomplies s'il avait travaillé durant cette période.



Il en découle que Mme [P], qui a été dispensée de son préavis d'une durée de 3 mois, est en droit de prétendre à un rappel de salaire sur préavis à hauteur de sa demande, le calcul présenté dans ses conclusions n'ayant pas été contesté.



Sur les demandes de prime et commission



Comme précédemment évoqué le contrat de travail mentionnait outre une rémunération forfaitaire annuelle brute de 49 000 euros, une rémunération variable composée, d'une part d'un commissionnement à atteinte d'objectifs de chiffre d'affaires sous la forme d'un pourcentage précisé en annexe et, d'autre part, d'un salaire annuel variable sur objectif (MBO) de 10 000 euros brut payable par trimestre.



Par annexes des 2 janvier 2018 et 2 janvier 2019, il a été fixé le pourcentage de commissionnement calculé sur la facturation des commandes de la salariée selon une grille à trois niveaux et son objectif personnel a été fixé à 1 000 000 euros HT pour l'année 2018 et à 1 400 000 euros HT pour l'année 2019.



Sur la prime d'objectifs 2019 (MBO 2019)



Mme [P] fait valoir que le caractère injustifié de son licenciement, ainsi que sa dispense d'activité au cours du préavis, l'ont injustement privé d'une partie significative de sa rémunération variable 2019 (fixée à 10 000 euros) et elle sollicite la somme brute de 3.746 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de percevoir un montant de rémunération variable 2019 conforme à celui auquel elle était légitimement en droit de prétendre.



La société répond que dans le cadre de sa dispense de préavis, Mme [P] a été rémunérée normalement et que compte tenu du niveau alarmant de ses compétences et performances professionnelles, elle ne peut légitimement affirmer qu'elle aurait pu atteindre les objectifs fixés et ainsi percevoir ladite prime.



Si la cour a jugé que le licenciement de Mme [P] était justifié, il n'en demeure pas moins qu'en la dispensant d'exécuter le préavis de trois mois, la société lui a fait perdre une chance d'augmenter sa prime MBO 2019, ce préjudice étant évalué à la somme de 1 000 euros.



Sur les commissions



Il était prévu que Mme [P] bénéficie d'un commissionnement comme suit :

Atteinte de l'objectif de vente Commissionnement

0% à 84,99% 1,8% des ventes

85% à 99,99% 2,3% des ventes rétroactif au 1er €

au delà 4,6 % des ventes



L'objectif de vente personnel de Mme [P], était le suivant :

Année Objectif de vente

2018 1.000.000 €

2019 1.400.000 €



Les commissions devaient être versées deux mois après le trimestre civil de règlement du client.



- Pour l'année 2018



Mme [P] soutient qu'au titre de l'année 2018, elle a perçu un total de commissions s'élevant à 17.001,42 euros, comme indiqué sur ses bulletins de paie et qu'étant commissionnée à hauteur de 1,80 % sur son chiffre d'affaires, celui-ci était donc de 944.500 euros au titre de cette année, soit 94% de son objectif annuel fixé à 1.000.000 € H.T, ce qui justifie que le taux de commissionnement soit majoré à hauteur de 2.3 % et qu'elle perçoive un solde de 4.722 euros brut à titre de rappel de commissions 2018 et les congés payés afférents.



La société répond que le montant des commissions que Mme [P] a perçu est erroné et qu'elle ne saurait prétendre à un quelconque rappel de commissions au titre de l'année 2018 puisque dans le document préparé par la salariée pour le rendez-vous du mois de mars 2019 à l'occasion de la mise en place du deuxième PAP, celle-ci a indiqué avoir réalisé un chiffre d'affaires d'avril à décembre 2018 de 434.426 euros HT, bien loin de son objectif annuel, quand bien même celui-ci serait proratisé sur les mois de présence.



Si les parties s'opposent sur le chiffre d'affaires réalisé par la salariée et si 'lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire', force est de constater que dans le document établi par la salariée en vu de l'entretien avec ses supérieurs le 12 mars 2019 (comme en attestent les mentions suivantes : la 'base installée sur mon secteur' ou 'contenu de mon funnel'...), le chiffre d'affaires réalisé d'avril à décembre 2018 est bien mentionné pour 434 426 euros HT et non pour 944.500 euros, ce qui avait d'ailleurs motivé la mise en oeuvre d'un second PAP non contesté par l'appelante.



Aucune somme n'est donc due au titre de l'année 2018.



- Pour l'année 2019



Mme [P] soutient qu'au titre des deux derniers trimestres 2019 elle a perçu 344 euros de commissions (à savoir 254 euros en novembre 2019 et 90 euros au mois de février 2020), ce qui est très éloigné du chiffre d'affaires projeté au titre de cette période lorsqu'elle a été amenée à quitter brusquement la société et qui s'élevait à cette date à plus d'1.000.000 euros. Elle demande donc la somme brute de 14.340 euros à titre de rappel de commissions et les congés payés afférents.



La société conteste devoir un rappel à ce titre.



Mme [P] a perçu 1 394,85 euros de commission en mai 2019 et 4 798,28 euros en août 2019 pour le premier semestre de l'année. Pour le second semestre, elle a perçu 344 euros, étant rappelé que dispensée d'activité elle n'a travaillé qu'au cours du mois de juillet 2019.



Pour solliciter un reliquat, elle se fonde uniquement sur 'une projection du chiffre d'affaire Q3 et Q4', sans justifier d'une quelconque vente ou commande pour étayer les chiffres mentionnés dans son tableau, étant relevé que par mail du 6 septembre 2019 un cabinet médical a fait part à la société, outre de son étonnement du licenciement de la salariée, de la précision que tous les associés avaient alors demandé d'annuler les essais du RS85 et du W 10 prévus en septembre et octobre, ce qui atteste qu'aucune commande n'avait été formalisée.



La demande d'un rappel de commission sur le second semestre 2019 est donc rejetée et le jugement confirmé.



Sur l'achat d'un véhicule



La salariée fait valoir que l'emploi d'un véhicule faisait partie intégrante de ses fonctions, que la possession d'un véhicule personnel était rendue obligatoire par la société qui restreignait la mise à disposition de véhicules à des locations « de courte durée » et subordonnait le versement des indemnités kilométriques à la preuve de la détention d'un véhicule personnel. Ayant été contrainte d'acheter un véhicule d'occasion pour un montant de 25.000 euros afin de pouvoir exercer ses fonctions, elle sollicite 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour compenser le préjudice inhérent à la nécessité d'acheter un véhicule personnel, compte tenu de la somme de 5.000 euros d'ores et déjà perçue sous la forme d'indemnités kilométriques.



La société répond que l'achat d'un véhicule n'a jamais été une condition de son embauche et que sa politique prévoit la possibilité de location de véhicule par l'entreprise dans le cas où le collaborateur ne dispose pas de véhicule ; qu'en tout état de cause, il ne lui appartient pas d'acheter un véhicule personnel à ses salariés mais seulement de verser une indemnité forfaitaire kilométrique lorsque le salarié est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles.



Le contrat de travail mentionne que 'compte tenu des fonctions exercées par vous-même, le permis de conduire constitue un véritable outil de travail' et la note de service de l'entreprise concernant la 'politique indemnités kilométriques 2018" prévoit notamment que 'Si vous n'êtes pas en possession d'un véhicule personnel à votre arrivée chez SAMSUNG, nous pouvons mettre à votre disposition un véhicule en location courte durée. L'avance sur les indemnités kilométriques vous sera alors versée dès réception des documents concernant votre véhicule personnel. (...)'. Il était précisé que la mise à disposition d'un véhicule en location courte durée de catégorie B durait jusqu'à la fin de la période d'essai.



S'il en découle que dans le cadre de ses fonctions, la salariée devait être en possession du permis de conduire et, à moyen terme, d'un véhicule personnel, la société ne s'est pas pour autant engagée à financer l'achat du véhicule de la salariée mais à mettre à sa disposition, d'une part, une carte Total pour le paiement de l'essence, des péages et des parkings et, d'autre part, le versement d'indemnités kilométriques (compensant usure, entretien et assurance du véhicule personnel notamment).



Enfin, la société relève pertinemment qu'avant son engagement, Mme [P] disposait déjà d'un véhicule puisque par mail du 30 janvier 2018 elle a demandé au responsable des ressources humaines de l'entreprise si elle devait présenter une pièce quelconque ou donner son numéro d'immatriculation pour accéder au parking.



Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.



Sur les demandes accessoires



L'intimée qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens d'appel.



En outre, il sera allouée à la salariée la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés au cours de la procédure d'appel, en sus de celle fixée par le conseil pour la première instance.



PAR CES MOTIFS



La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande au titre du forfait en jours, des heures supplémentaires et en remboursement des jours de réduction du temps de travail pris ;

- rejeté la demande de rappel de salaire pour la période de préavis et la demande de dommages et intérêts pour la perte de chance de percevoir un montant supérieur de rémunération variable 2019 ;

- jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué une indemnité à ce titre,



CONFIRME le jugement sur le surplus ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :



DIT que la convention de forfait en jours de Mme [P] est privée d'effets,



CONDAMNE la société Samsung Electronics France à verser à Mme [P] :



11.585 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

1.158 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

1.683 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de préavis ;

168 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de percevoir un montant supérieur de rémunération variable 2019 ;



DIT que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Samsung Electronics France de sa convocation devant le Conseil de Prud'hommes, les autres sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;



DIT que le licenciement est bien fondé ;



CONDAMNE Mme [P] à rembourser à la société Samsung Electronics France la somme 2 784,10 euros bruts au titre des jours de réduction du temps de travail indûment pris ;



REJETTE les plus amples demandes ;



CONDAMNE la société Samsung Electronics France à remettre à Mme [P] une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa notification ;



CONDAMNE la société Samsung Electronics France à verser à Mme [P] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.





La greffière, La présidente.

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