2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/18866

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° 180 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18866 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CISMX



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Novembre 2023 -Président du TJ de BOBIGNY - RG n° 23/00573





APPELANTE



S.A.S. SOCIETE FRANCAISE DE NEGOCE - SFN, RCS de Paris sous le n°321 539 215, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 12]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

ayant pour avocat plaidant Me Rachid EL ASRI, avocat au barreau de Paris, toque : K0065





INTIMES



M. [N] [F]

[Adresse 21]

[Localité 4]



Mme [M] [F]

[Adresse 11]

[Localité 15]



Mme [K] [F] épouse [S]

[Adresse 5]

[Localité 9]



Mme [J] [U] [O] [G]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Localité 19] (ROYAUME UNI)



M. [E], [Z], [B] [G]

[Adresse 3]

[Localité 14]















S.A. FONCIERE ET IMMOBILIERE DE [Localité 20], RCS de Paris sous le n°672 045 143, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 13]



Représenté par Me Xavier GUITTON de l'AARPI AUDINEAU GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0502



S.N.C. LNC BOREALE, RCS de Nanterre sous le n°893 232 645, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 17]



Représenté par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocat plaidant Me Benoît EYMARD, avocat au barreau de Paris, toque : L87





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,



Qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




*****

EXPOSE DU LITIGE



La société LNC Boréale est propriétaire d'une parcelle située à [Adresse 8] et [Adresse 1], sur laquelle elle a entrepris, suivant permis de construire obtenu le 24 janvier 2022, la construction d'un ensemble immobilier après démolition de l'ensemble des constructions existantes.



Elle a, préalablement aux travaux, saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de désignation d'un expert pour que soit dressé un état descriptif des immeubles voisins du site de l'opération.





Par ordonnance du 15 mai 2023, le juge des référés a désigné à cette fin M. [L], lequel a établi un constat avant travaux le 17 juillet 2023.



Une des parcelles voisines de l'opération, située [Adresse 10] à [Localité 18], a été donnée à bail commercial à la société Française de Négoce (société SFN) par l'indivision constituée par Mme [W] [G], M. [N] [F], Mme [M] [F] et Mme [K] [S] née [F], par l'intermédiaire de son mandataire la société Foncière Immobilière de [Localité 20].



Par acte du 22 août 2023, la société LNC Boréale a assigné en ordonnance commune les membres de l'indivision afin qu'ils puissent participer aux opérations d'expertise.



Par acte du 9 novembre 2023 (RG 23/019341), la société SFN a assigné en référé à heure indiquée, après y avoir été autorisée, la société LNC Boréale et la société Foncière immobilière de [Localité 20] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins de voir :


juger que la démolition et l'arasement du mur séparatif des locaux qu'elle exploite à [Localité 18] avec le terrain propriété de la société LNC Boréale est constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;

juger que le risque d'effondrement dudit mur est constitutif d'un dommage imminent qu'il échet de prévenir et de faire cesser ;

condamner solidairement la société LNC Boréale et la société Foncière immobilière de [Localité 20] à :


* réparer intégralement et reconstruire le mur mitoyen dans les règles de l'art ;

* réparer intégralement le toit et le plafond accolé au mur mitoyen au terrain de la société LNC Boréale dans les règles de l'art ;

* réparer intégralement et dans les règles de l'art l'intérieur des locaux qu'elle exploite ;


ordonner l'exécution de l'intégralité des travaux de remise des locaux à l'état initial sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard après un délai de 8 jours après la signification de la décision à intervenir ;

juger que l'état initial des locaux sera apprécié conformément à l'état des lieux établi par M. [L], expert, dans le cadre du référé préventif, et conformément aux photographies qu'elle produit ;

condamner solidairement la société LNC Boréale et la société Foncière immobilière de [Localité 20] à lui verser la somme de 40.000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts.




Par acte du 10 novembre 2023 (RG 23/01933) , la société SFN a assigné en référé à heure indiquée, après y avoir été autorisée Mme [W] [G], M. [N] [F], Mme [M] [F] et Mme [K] [S] née [F] devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de les voir solidairement condamner avec la société LNC Boréale et la société Foncière immobilière de [Localité 20] aux obligations de faire et de payer énoncées dans l'assignation précitée du 9 novembre 2023.



Par ordonnance contradictoire du 24 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny a :


ordonné la jonction des instances RG 23/019341 et RG 23/01933 sous ce dernier numéro ;

reçu l'intervention volontaire de Mme [J] [G] et M. [E] [G] ;

ordonné à la société SFN de permettre la mise en oeuvre des travaux de réparation tels que soumis à l'expert judiciaire dans le dire n° 7 du 6 novembre 2023 de la société LNC Boréale, à savoir :




S'agissant du local dégradé :

* la purge des briques de remplissage et consolidation de la maçonnerie conservée ;

* la reprise des fissures présentes dans la maçonnerie après dégarnissage des parties non adhérentes et nettoyage ;

* le raccord de peinture sur les maçonneries reprises ;

* le changement des dalles de faux-plafond endommagées ;

Outre :

* la reprise des ouvertures réalisées durant les opérations de démolition afin d'éviter le renouvellement des désordres survenus le 2 novembre 2023 ;

Et s'agissant du mur mitoyen :

* la protection de la tête de mur pour éviter les infiltrations ;


dit qu'à cette fin, elle devra laisser l'accès à ses locaux à l'entreprise choisie par la société LNC Boréale pour effectuer ces travaux, à la date qui lui aura été indiquée par la société LNC Boréale au moins 5 jours avant l'intervention de l'entreprise, et que cet accès devra être maintenu durant le temps des dits travaux ;

dit que si la SFN refuse cet accès, ou ne permet qu'un accès partiel empêchant la réalisation des travaux, elle sera condamnée à une astreinte provisoire de 200 euros par jour de blocage des travaux, et ce pendant une durée de 30 jours ;

dit que le juge des référés se réserve la liquidation de l'astreinte ;

dit que le suivi de l'exécution de ces travaux sera assuré par l'expert ;

déclaré commune à la société SFN les opérations d'expertise ordonnées par l'ordonnance de référé du 15 mai 2023 désignant M. [L] ;

dit que la société LNC Boréale communiquera sans délai à la société SFN l'ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l'expert ;

dit que l'expert devra convoquer la société SFN à la prochaine réunion d'expertise au cours de laquelle elle sera informée des diligences déjà accomplies et invitée à formuler ses observations ;

rejeté le surplus des demandes ;

condamné la société SFN aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

condamner la société SFN à payer à Mme [J] [G], M. [E] [G], M. [N] [F], Mme [M] [F] et Mme [K] [S] la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société SFN à payer à la société LNC Boréale la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.




Par déclaration du 30 novembre 2023, la société SFN a interjeté appel de cette décision.



Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 4 mars 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 834, 835, 367 du code de procédure civile, 605, 606, 1719, 1723, 1240 du code civil et 322-1 du code pénal, de :




la recevoir en ses demandes et en son appel ;

infirmer l'ordonnance du 24 novembre 2023 en toutes ses prétentions ;


Statuant à nouveau et y ajoutant :


juger, déclarer et retenir que la démolition et l'arasement du mur séparatif des locaux qu'elle exploite à [Adresse 10] et mitoyen au terrain de la propriété de la société LNC Boréale, sis [Adresse 8] et [Adresse 1] est constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ;





juger, déclarer et retenir que le risque d'effondrement du mur séparatif des locaux qu'elle exploite à [Adresse 10] et mitoyen au terrain de la propriété de la société LNC Boréale, sis [Adresse 8] et [Adresse 1] est constitutif d'un dommage imminent qu'il échet de prévenir et de faire cesser,


En conséquence et quel que soit le fondement retenu,


condamner solidairement la société LNC Boréale, Mme [G], M. [G], M. [F], Mme [F] et Mme [S] à réparer intégralement les locaux et reconstruire dans les règles de l'art le mur mitoyen au terrain propriété de la société LNC Boréale à [Adresse 8] et [Adresse 1] dans les règles de l'art et par des entreprises qualifiées conformément à la désignation des locaux dans le bail du 19 décembre 2018 et dans le constat établit le 17 juillet 2023 par Me [L], expert ;

condamner solidairement la société LNC Boréale, Mme [G], M. [G], M. [F], Mme [F] et Mme [S] à réparer intégralement le plafond et le cas échéant le toit accolé au mur mitoyen au terrain propriété de la société LNC Boréale à [Adresse 8] et [Adresse 1] dans les règles de l'art et par des entreprises qualifiées, conformément à la désignation des locaux dans le bail du 19 décembre 2018 et dans le constat établi le 17 juillet 2023 par Me [L], expert ;

condamner solidairement la société LNC Boréale, Mme [G], M. [G], M. [F], Mme [F] et Mme [S] à réparer intégralement dans les règles de l'art l'intérieur de l'atelier, le faux-plafond des locaux qu'elle exploite en mitoyenneté avec le terrain propriété de la société LNC Boréale à [Adresse 8] et [Adresse 1], conformément à la désignation des locaux dans le bail du 19 décembre 2018 et dans le constat établit le 17 juillet 2023 par Me [L], expert ;

condamner solidairement la société LNC Boréale, Mme [G], M. [G], M. [F], Mme [F] et Mme [S] à exécuter les travaux de réparation au niveau de l'atelier conformément au rapport de la société Alpha contrôle en date du 9 novembre 2024 ;

ordonner l'exécution de l'intégralité des travaux de remise des locaux à l'état initial sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard après un délai de 8 jours après la signification de la décision à intervenir ;

juger et déclarer que l'état initial des locaux pour les travaux de réparation et de reconstruction sera apprécié conformément à la désignation des locaux dans le bail du 19 décembre 2018 et dans le constat établit le 17 juillet 2023 par Me [L], expert ;

condamner solidairement la société LNC Boréale, Mme [G], M. [G], M. [F], Mme [F] et Mme [S] à la somme de 40.000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts ;

débouter la société LNC Boréale de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamner solidairement la société LNC Boréale, Mme [G], M. [G], M. [F], Mme [F] et Mme [S] aux dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût des constats d'huissier, outre la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 26 février 2024, la société LNC Boréale demande à la cour, au visa des articles 32-1, 834 et 835 du code de procédure civile, de :




confirmer l'ordonnance de référé ;

rejeter l'ensemble des demandes formulées par la SFN à son encontre ;


Y ajoutant :


condamner la SFN à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

condamner la SFN à lui payer la somme de 9.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SFN aux entiers dépens dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.




Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 1er mars 2024, M. [F], Mme [F], Mme [S], Mme [G], M. [G] et la société Foncière et immobilière de [Localité 20] (l'indivision) demandent à la cour, au visa des articles 552, 653, 1719, 31, 32, 145, 245, 834 et 835 du code de procédure civile, de :




confirmer l'ordonnance rendue le 24 novembre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny ;

rejeter les demandes de la SFN ou l'en débouter ;


Y ajoutant :


ordonner que la société Foncière et immobilière de [Localité 20] soit mise hors de cause ;

ordonner que Mme [G] soit mise hors de cause ;

condamner la société LNC Boréale à relever et garantir Mme [G], M. [G], M. [F], Mme [F] et Mme [S] ainsi que la société Foncière et immobilière de [Localité 20], de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

condamner in solidum la SFN et la société LNC Boréale à payer M. [E] [G], Monsieur [N] [F], Mlle [M] [F] et Mme [K] [S] née [F], la somme globale de 8.000 euros correspondant aux frais irrépétibles, outre les entiers dépens d'instance.




***

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.




SUR CE, LA COUR



Sur la demande de mise hors de cause de la société Foncière et Immobilière de [Localité 20] et de Mme [J] [G]



Il est constant que la société Foncière et Immobilière de [Localité 20] n'est que le mandataire des bailleurs et que sa responsabilité n'est pas recherchée par la société SFN, laquelle ne s'oppose pas à sa mise hors de cause.



La cour prononcera cette mise hors de cause, ajoutant sur ce point à l'ordonnance entreprise qui n'a pas expressément statué sur cette demande, se limitant à rejeter les demandes formées contre la société Foncière et Immobilière de [Localité 20].



S'agissant de Mme [J] [G], intervenue volontairement en première instance avec M. [E] [G] en qualité d'ayants droit de Mme [W] [G], décédée le 8 février 2020, il est justifié par une attestation de propriété produite par les bailleurs que Mme [J] [G] a cédé ses droits à M. [E] [G] sur l'immeuble en cause, de sorte qu'elle n'en est plus propriétaire.



Il y a lieu de prononcer sa mise hors de cause, à laquelle les autres parties ne s'opposent d'ailleurs pas.



Sur le fond du référé



En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.



En application du même texte, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.



Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.



Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.



La société SFN se prévaut en l'espèce tant d'un trouble manifestement illicite que d'un dommage imminent résultant de l'arasement par la société LNC Boréale d'une partie du mur séparant les deux terrains et de l'endommagement à cette occasion d'un atelier dépendant du bail et adossé à ce mur mitoyen. Elle sollicite en outre le paiement d'une provision à valoir sur la réparation du préjudice résultant pour elle de ces faits.



Il n'est pas contesté, comme l'a rappelé le premier juge, que le 7 septembre 2023, à l'occasion des opérations de démolition menées par la société LNC Boréale sur son terrain, un incident de chantier s'est produit qui a endommagé le mur séparant la propriété de l'indivision de celle de la société LNC Boréale, occasionnant deux trous dans la maçonnerie du mur de l'atelier situé sur le terrain de l'indivision et adossé au mur séparatif.



Au vu des éléments au dossier la chronologie des faits se présente comme suit :



- le 8 septembre 2023, lendemain de l'incident, la société LNC Boréale a mandaté un commissaire de justice pour constater les désordres, lui exposant que la société Eurodem, mandatée pour la démolition, a procédé à l'arasement d'un mur mitoyen sans attendre l'accord du maître d'ouvrage ou du maître d'oeuvre ;



- le 12 septembre 2023, la société LNC Boréale a adressé à l'expert désigné dans le cadre du référé préventif un dire n°4 dans lequel elle lui signale cet incident de chantier, lui précisant qu'il s'est produit alors que les parties étaient en cours de discussions pour arrêter ensemble les conditions de traitement dudit mur dans le cadre des travaux de construction, et que l'entreprise de démolition, en contradiction avec les instructions qui lui avaient été données, a procédé à l'arasement d'une partie de ce mur ; la société LNC Boréale sollicite de l'expert une réunion sur place, en présence notamment de la société SFN, et son avis technique ;









- une réunion a ainsi été organisée le 18 septembre 2023 par l'expert, et par un dire en date du 21 septembre 2023 la société LNC Boréale a proposé l'intervention à ses frais d'un BET structure « afin de confirmer l'absence de risque pour le bâtiment exploité par la société SFN situé au droit du mur mitoyen arasé », laquelle a été acceptée par l'expert et par l'indivision ;



- suivant rapport du 2 octobre 2023, ce bureau d'études LS Work conclut que les fissurations qui se sont produites à l'intérieur du bâtiment commercial lors des travaux de démolition n'ont pas d'impact sur la stabilité du mur ;



- le 6 novembre 2023, le conseil de la société SFN a informé l'expert judiciaire de l'effondrement le 2 novembre 2023 du plafond de l'atelier endommagé ;



- le même jour, la société LNC Boréale a demandé à l'expert son avis sur la mise en oeuvre du programme de travaux réparatoires suivant :

s'agissant du local dégradé : purge des briques de remplissage et consolidation de la maçonnerie conservée ; reprise des fissures présentes dans la maçonnerie après dégarnissage des parties non adhérentes et nettoyage ; raccord de peinture sur les maçonneries reprises ; changement des dalles de faux-plafond endommagées ;

s'agissant du mur mitoyen : provisoirement, protection de la tête de mur pour éviter les infiltrations ; en phase définitive, coulage d'une chaîne horizontale en béton avec débord de goutte d'eau de part et d'autre de la mitoyenneté ;



- par une note du 7 novembre 2023, l'expert indique qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause les conclusions du bureau d'études LS Work par rapport à la structure du bâtiment exploité par la société SFN ; qu'il convient en urgence de procéder à la purge des éléments de faux-plafond effondré le 2 novembre précédent, ainsi que des autres éléments instables de ce faux-plafond afin de sécuriser le local, et que la société LNC Boréale doit se positionner au plus vite ; qu'il valide la solution proposée par la société LNC Boréale s'agissant du traitement du mur mitoyen arasé;



- après avoir réuni les parties sur place le 10 novembre 2023 suite à l'effondrement du faux-plafond de l'atelier, l'expert indique, dans un compte rendu du 13 novembre 2023, que l'effondrement ne concerne que la partie du faux-plafond, la toiture du bâtiment en elle-même n'étant pas impactée ; que ces nouveaux désordres sont en lien avec les conditions climatiques (tempête) et du fait de l'absence de reprise des précédents désordres occasionnés sur le mur du bâtiment lors des opérations de démolition ; que les désordres survenus en septembre ne mettent pas en péril la solidité du bâtiment ; qu'il convient de réaliser une purge des éléments de faux-plafond d'ores et déjà tombés ainsi que de ceux pouvant présenter un caractère d'instabilité, une reprise des ouvertures réalisées durant les opérations de démolition afin d'éviter le renouvellement des désordres survenus le 2 novembre, une remise en état des locaux (reprise du faux-plafond et des dégradations intervenues sur le mur côté chantier), un inventaire des éventuels matériels dégradés ; qu'il attend un accord de la société locataire pour qu'il puisse être réalisé rapidement une purge des éléments de faux-plafond effondrés, et un accord de l'indivision et du locataire pour les opérations de reprise intérieure ;



- dans ce même compte rendu du 13 novembre 2023, l'expert indique, s'agissant du mur arasé, que ce mur, d'une hauteur initiale de 5 mètres, était contreventé par un bâtiment présent sur le chantier, et que du fait de la démolition de ce bâtiment le maintien du mur en l'état aurait présenté un risque pour sa stabilité du fait de sa prise au vent compte tenu de sa hauteur, ajoutant que l'arasement était selon lui nécessaire pour assurer la sécurité des personnes, et que le mur ne présente pas aujourd'hui de problème de stabilité, expliquant toutefois qu'il convient de mettre en place des protections contre les intempéries ;



- parallèlement, le 9 novembre 2023, la société Alpha Contrôle, requise par la société SFN, a établi un diagnostic dans lequel elle indique que le bâtiment a subi une déstabilisation importante causée par l'accident de chantier ; elle alerte sur la dangerosité pour les salariés de travailler sous le faux-plafond ; elle recommande un étaiement de l'entrepôt, un curage complet du plâtre du faux-plafond, la vérification exhaustive du mur, la reprise des maçonneries impactées par l'accident, le scellement des fermes de charpente, le comblement des éventuelles ouvertures anarchiques faites dans le mur, la révision de la couverture au droit du mur, puis la reprise définitive des ouvrages dans les règles de l'art ;



- dans une note aux parties datée du 15 novembre 2023, l'expert répond point par point aux constatations de la société Alpha Contrôle dont l'avis lui a été communiqué par un dire du conseil de la société SFN ; il indique que ce rapport ne modifie ni son avis par rapport à la stabilité du bâtiment et l'absence de risque imminent sur celui-ci, sous réserve de ce qui pourra éventuellement être constaté après dépose du faux-plafond, ni ses préconisations sur les travaux à entreprendre telles que précisés dans son compte-rendu de réunion du 10 novembre 2023 ; il conclut que les travaux proposés par la société LNC Boréale peuvent répondre aux mesures réparatoires à mettre en oeuvre ; la cour observe que le terme « risque imminent » est employé dans son acception technique et non juridique contrairement à ce que soutient la société SFN ;



- suite au compte-rendu de la réunion du 10 novembre 2023, l'indivision a par mail du 14 novembre 2023 confirmé à l'expert son accord pour la réalisation des travaux réparatoires tels que validés par ce dernier ; la société SFN n'a pas donné d'accord pour sa part, l'expert le constatant expressément dans son compte-rendu du 13 novembre 2023 ;



- dès le 3 novembre 2023, au lendemain de l'affaissement du faux-plafond de son atelier, la société SFN avait sollicité l'autorisation d'assigner à heure indiquée la société SNC Boréale et ses bailleurs, cette autorisation lui étant accordée et l'audience fixée au 16 novembre suivant ; l'ordonnance entreprise déboutait la société SFN de ses demandes et lui ordonnait sous astreinte, comme requis par la société LNC Boréale, de permettre la mise en oeuvre des travaux réparatoires ;



- en exécution de cette ordonnance, la société SFN permettait l'exécution des travaux et suivant un compte-rendu de réunion du 21 décembre 2023, l'expert judiciaire constatait que les travaux réparatoires étaient en cours et relevait que la purge des éléments de faux-plafond devait être effectuée ce 21 décembre dans la journée ;



- dans son dire du 16 janvier 2024, la société LNC Boréale adressait à l'expert des photographies pour attester de la réalisation des travaux réparatoires.



De l'ensemble de ces éléments il ressort :



- que l'arasement du mur séparatif et de l'atelier adossé à ce mur ne résulte pas d'un fait volontaire de la société LNC Boréale mais d'un incident de chantier ;

- que la société LNC Boréale a aussitôt signalé cet incident à l'expert judiciaire et proposé des solutions réparatoires via un bureau d'études structure, qui ont été examinées et validées par l'expert après que celui-ci ait aussi examiné et invalidé les contre-propositions faites par le bureau d'études mandaté par la société SFN ;

- que ces travaux réparatoires ont été arrêtés par l'expert sur le constat d'une absence de risque d'effondrement du mur arasé et du mur endommagé de l'atelier, l'expert ayant même considéré, s'agissant du mur séparatif, que son maintien à la hauteur initiale de 5 mètres compromettrait sa stabilité compte tenu de ce qu'il n'était plus contreventé par un ouvrage du fait des travaux de démolition-reconstruction réalisés par la société LNC Boréale ;



- que la chronologie des faits établit que la société LNC a assumé sa responsabilité et mené avec diligence les opérations de réparation qui s'imposaient pour mettre fin au trouble subi par l'indivision et son locataire ;

- que rien n'établit au moment où le premier juge a statué ni au moment où la cour statue que les solutions réparatoires concernant tant l'atelier que le mur arasé, telles qu'arrêtées par l'expert judiciaire et exécutées conformément à ses préconisations seraient insuffisantes comme le prétend la société SFN, laquelle ne verse aucun élément pour étayer cette assertion alors que les travaux sont achevés depuis la mi-janvier 2024 et que la procédure devant cette cour a été clôturée le 12 mars 2024 ;

- qu'outre le fait que le maintien du mur séparatif à sa hauteur initiale de 5 mètres compromettrait sa stabilité, l'indivision soutient à raison que n'étant pas propriétaire dudit mur la société SFN n'a pas qualité pour s'opposer à son arasement, la propriété de l'indivision elle-même sur l'exhaussement détruit n'étant au demeurant pas certaine, la société SFN ne démontrant pas non plus l'existence d'un trouble de jouissance du fait de l'arasement du mur, la cour relevant en outre que ce mur n'est pas cité dans le bail comme faisant partie de son assiette, le bail ne mentionnant, s'agissant du terrain, qu'une «cour cimentée d'une surface de 541 m²».



C'est donc à bon droit que le premier juge a conclu à l'absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicite pour la société SFN, la cour précisant que le dommage subi le 7 septembre 2023 ne suffit pas à constituer un trouble manifestement illicite, qui suppose la violation manifeste de la règle de droit, non-caractérisée en l'espèce dès lors que la société LNC Boréale a assumé sa responsabilité et rempli avec diligence son obligation de réparation.



L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté la société SFN de ses demandes et en ce qu'elle l'a condamnée sous astreinte à permettre les travaux de réparation, son opposition injustifiée à la réalisation de ces travaux ressortant bien des éléments chronologiques précédemment relatés.



L'ordonnance sera en revanche infirmée en ce qu'elle a rejeté en l'état la demande de réparation à titre provisionnel formée par la société SFN, au motif qu'elle est prématurée en ce que ce sont les éléments recueillis au cours de l'expertise qui permettront le cas échéant de chiffrer le préjudice subi par les avoisinants, alors que nonobstant le non-achèvement des opérations d'expertise préventives, il est d'ores et déjà acquis que la société SFN a subi un préjudice du fait de l'endommagement de l'atelier dans lequel travaillait certains de ses salariés, et dont elle n'a pu avoir une jouissance normale depuis la date du sinistre, le 7septembre 2023 jusqu'à la remise en état des lieux à la mi-janvier 2024. Il lui sera alloué à ce titre la somme provisionnelle de 5. 000 euros. Cette provision ne sera mise à la charge que de la société LNC Boréale, auteur du dommage, la responsabilité des bailleurs, qui ont fait diligence dans les opérations de réparation, n'étant pas en cause.



C'est à bon droit que le premier juge a déclaré communes à la société SFN les opérations d'expertise préventives ; la demande d'infirmation de l'appelante de ce chef n'est pas argumentée et sa mise en cause dans ces opérations s'impose compte tenu de sa qualité de voisin ayant subi un trouble et de sa participation de fait à ces opérations.



L'appel de la société SFN prospérant sur la provision, il ne saurait être qualifié d'abusif ; la demande de dommages et intérêts formée à ce titre par la société LNC Boréale sera rejetée.



Le sort des dépens et frais irrépétibles a été justement réglé par le premier juge.





Succombant sur l'essentiel de son appel, la société SFN sera condamnée aux entiers dépens de cette instance (en ce non compris le coût des constats d'huissier qui relèvent de l'application de l'article 700 du code de procédure civile) et à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5.000 euros à ses bailleurs, la somme de 3.000 euros à la société LNC Boréale.



PAR CES MOTIFS



Met hors de cause la société Foncière Immobilière de [Localité 20] et Mme [J] [G],



Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de provision de la société SFN,



Statuant à nouveau de ce chef,



Condamne la société LNC Boréale à payer à la société SFN la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels,



Y ajoutant,



Déboute la société LNC Boréale de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,



Condamne la société SFN aux dépens de l'instance d'appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,



Condamne la société SFN à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société LNC Boréale la somme de 3.000 euros, à M. [E] [G], M. [N] [F], Mme [M] [F] et Mme [K] [S] née [F], ensemble, la somme de 5.000 euros,



Rejette toute demande plus ample ou contraire.



LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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