2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/16294

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° 172 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16294 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIKVA



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Juin 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/55442





APPELANTS



M. [V] [S]

[Adresse 1]

[Localité 5]



SYNDICAT DES COMMERCANTS DES MARCHES DE FRANCE DES PUCES DE LA PORTE DE [Localité 7], immatriculé à la Ville de [Localité 8] sous le n°19940122

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentés par Me David DOKHAN de l'ASSOCIATION DM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0708





INTIMEE



Mme [I] [F] [R]

[Adresse 3]

[Localité 6]



Défaillante, déclaration d'appel signifiée le 31 octobre 2023 à étude





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,



Qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL









ARRÊT :



- PAR DÉFAUT

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




*****

EXPOSE DU LITIGE



M. [S] exerce depuis l'année 2017 les fonctions de président du syndicat des commerçants des marchés de France des puces de la porte de [Localité 7] (ci-après, le SCMFPM ou le syndicat).



Le 5 décembre 2021, M. [S] a été réélu en qualité de président du syndicat par les membres du conseil d'administration, eux-mêmes élus le 25 novembre 2021.



Par exploit du 23 mai 2023, Mme [R], membre élu du conseil d'administration du syndicat, a fait assigner en référé le SCMFPM et M. [S] devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :




désigner un administrateur provisoire du SCMFPM pour une durée de six mois à compter de la décision à intervenir, avec pour mission de :


* convoquer en urgence l'assemblée générale du SCMFP aux fins d'organiser l'élection régulière du président et des membres du bureau exécutif conformément aux statuts et à la loi ;

* enjoindre à M. [S] de rendre compte de sa gestion administrative et financière de 2017 à 2022, de produire tous les rapports d'activité et tous les bilans comptables depuis 2017, de rendre compte de la situation financière et de trésorerie du syndicat ;

* dire que l'administrateur ad hoc se fera communiquer par M. [S] et tous membres du syndicat tous les documents et fonds utiles à l'exercice de sa mission, qu'il se fera remettre en premier lieu la liste à jour des membres du syndicat, comportant leurs adresses postales, coordonnées téléphoniques et adresses électroniques ;

* dire que l'administrateur provisoire pourra notamment se faire assister par Mme [R] afin de lui fournir les éclairages nécessaires dans l'exercice de sa mission ;

* dire que l'administrateur provisoire aura accès, s'il l'estime utile, au site internet du syndicat s'il y en a un, et qu'il se fera communiquer les codes d'accès par M. [S] ;

* dire que l'administrateur provisoire aura les pouvoirs d'interroger les établissements bancaires qui hébergent les comptes du syndicat et pourra se faire communiquer les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission, se faire communiquer les relevés de comptes du syndicat et tous documents utiles à sa mission ;

* dire que l'administrateur provisoire représentera le SCMFP en demande et en défense dans toute procédure judiciaire en relation avec sa mission ;

* dire que l'administrateur provisoire cessera de plein droit à compter de la désignation du président et des organes de direction du syndicat résultat de l'assemblée générale qu'il aura convoquée ;


fixer la rémunération de l'administrateur provisoire.




Le SCMFPM et M. [S], sollicitant que Mme [R] soit déboutée de ses demandes ont fait valoir qu'il est demandé à la fois la désignation d'un administrateur provisoire et celle d'un mandataire ad hoc.



Par ordonnance contradictoire du 22 juin 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :


désigné Me Lebossé, administrateur judiciaire, en qualité de mandataire ad hoc du SCMFPM pour une durée de 12 mois à compter de ce jour, avec mission de :


* se faire remettre par tous détenteurs les livres et documents sociaux pour tous les exercices clos de 2019 à 2022 ;

* reconstituer la comptabilité du SCMFPM avec l'aide si nécessaire d'un expert-comptable ;

* réunir une assemblée générale chargée de statuer sur l'approbation des comptes du SCMFPM ;


dit que le mandataire ad hoc rendra compte de sa mission au bureau des administrations judiciaires et séquestres de ce tribunal en vue de son éventuelle prorogation et lui soumettra pour examen les frais exposés ainsi que sa demande d'honoraires ;

dit que la mission de l'administrateur judiciaire pourra être prorogée sur requête en cas d'accord de toutes les parties, ou en référé ;

fixé à 1.500 euros la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'administrateur qui sera avancée par Mme [R] et versée directement entre les mains de l'administrateur judiciaire dans le délai d'un mois à compter de la présente décision à peine de caducité de la désignation :

dit que la rémunération du mandataire ad hoc sera fixée sur la base du barème en usage dans le ressort du tribunal judiciaire de Paris pour la rémunération des administrateurs judiciaires civils et sera mise à la charge du SCMFP ;

condamné M. [S] à verser à Mme [R] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [S] aux dépens de l'instance ;

débouté Mme [R] du surplus de ses demandes.




Par déclaration du 3 octobre 2023, M. [S] et le SCMFP ont interjeté de cette décision.



Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 29 novembre 2023 par RPVA, et le 21 décembre 2023 par acte extrajudicaire à Mme [R], M. [S] et le SCMFP demandent à la cour de :




infirmer l'ordonnance du 22 juin 2023 ;

débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes tendant à la désignation d'un mandataire ad hoc et/ou d'un administrateur provisoire du SCMFP et des conséquences y afférentes ;

débouter Mme [R] de ses demandes tendant à la condamnation de M. [S] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ;

condamner Mme [R] à leur verser à chacun la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.




Les appelants soutiennent que :



- la nomination d'un mandataire ad hoc se cantonne à un mandat spécial d'accomplir un acte déterminé ou des tâches précises telle que la convocation d'une assemblée ou la représentation de la société dans un litige ;

- cette nomination n'a pas lieu d'être lorsque le grief formulé par le demandeur à la désignation peut être remédié par une mesure d'injonction d'avoir à communiquer certains documents ;

- le syndicat, remplissant toutes ses obligations légales n'aurait pas un fonctionnement perturbé et rendant la mission d'un mandataire ad hoc inutile et injustifiée ;

- il suffirait que le juge des référés enjoigne le syndicat de communiquer les documents comptables "pour les exercices clos de 2019 à 2022".



Mme [R] n'a pas constitué avocat.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2024.




SUR CE,



L'article 834 du code de procédure civile permet au président du tribunal judiciaire, dans tous les cas d'urgence, et dans les limites de sa compétence, d'ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent pas à une contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.



L'article 835 du même code permet également au président du tribunal judiciaire, même en présence d'une contestation sérieuse, de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Le juge des référés tient de ces textes le pouvoir de désigner un mandataire ad hoc ayant une mission ponctuelle et limitée dans le temps.



Le syndicat et M. [S] soutiennent qu'il n'existe aucun dommage imminent ou trouble manifestement illicite justifiant la désignation d'un mandataire ad hoc .



Si la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire d'une société est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent (Com., 29 septembre 2009, pourvoi n° 08-19.937, Bull. 2009, IV, n° 118), ces circonstances ne sont pas requises en cas de désignation d'un mandataire ad hoc qui n'est pas doté d'un mandat général de gestion de la société en lieu et place de ses dirigeants (3e Civ., 21 juin 2018, pourvoi n° 17-13.212, Bull. 2018, III, n° 74).



En l'espèce, le premier juge a estimé que Mme [R] n'établissait pas que le fonctionnement normal du syndicat était impossible et menaçait celui-ci d'un péril imminent de sorte que la désignation d'un administrateur provisoire n'était pas justifiée mais par contre, que celle d'un mandataire ad hoc dont le pouvoir sera limité à une mission ponctuelle apparaissait suffisante "pour rétablir le fonctionnement normal du syndicat".



Force est de constater qu'en première instance, tel qu'il résulte de l'ordonnance rendue, Mme [R] exposait que le fonctionnement normal du syndicat était devenu impossible et mettait en péril celui-ci aux motifs que M. [S] s'est autoproclamé président depuis 2017 à la suite de la démission du président élu, bloquait le fonctionnement normal, en ne rendant pas compte de ses fonctions, en maintenant une opacité sur la trésorerie, faute d'établir un bilan, un compte de résultat et une annexe et en excluant la participation des femmes dans le conseil d'administration.



Toutefois, s'il n'est pas contesté que les convocations aux assemblées générales sont régulièrement adressées par la messagerie Whatsapp, il ressort des pièces produites que des élections ont été régulièrement organisées en octobre 2023, élections auxquelles Mme [R] s'est d'ailleurs présentée et a été élue, les appelants produisant en outre en pièce n° 5 les comptes annuels des exercices 2019 à 2022.



Le fonctionnement dit anormal du syndicat n'est donc pas établi avec l'évidence requise, et il n'apparaît pas non plus qu'une situation de blocage ou un péril imminent puissent être relevés, ce qu'a apprécié à juste titre le premier juge en rejetant la demande portant sur la désignation d'un administrateur provisoire.L'urgence n'est pas plus caractérisée au regard de la nécessité de restaurer au plus vite un fonctionnement normal du syndicat, lequel fait valoir à juste titre que les livres et documents sociaux demandés peuvent être communiqués, sans qu'il soit besoin d'avoir recours à un mandataire ad hoc pour ce faire.

L'ordonnance sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a procédé à la désignation d'un mandataire ad hoc, le premier juge ayant de lui-même constaté que le fonctionnement normal du syndicat n'était pas impossible.



L'ordonnance rendue sera également infirmée quant au sort des dépens et des frais irrépétibles de première instance.



Au regard de la nature de l'affaire et de l'issue du litige, chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés en première instance et à hauteur d'appel, ainsi que de ses frais irrépétibles.



PAR CES MOTIFS



Infirme l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,



Rejette la demande de désignation d'un administrateur provisoire et d'un mandataire ad hoc,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés,



Rejette les demandes formées par les parties au titre des frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel.



LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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