2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/08137

Pôle 5 - Chambre 3

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° 119/2024, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 23/08137 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHR43



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 avril 2023 -Tribunal judiciaire de Bobigny (chambre 5/Section 3) RG n° 23/00858





APPELANTE



S.A.R.L. 2C2L MASSUEL

Immatriculée au R.C.S. de Lille sous le n° 485 218 259

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Corinne ARDOUIN, avocat au barreau de Paris, toque : A0549





INTIMEE



S.A.S. PV-CP CITY

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n°513 635 987

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

L'Artois - Espace Pont de Flandre

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de Paris, toque : K0065







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 05 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :



Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Marie Girousse,conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par MmeSandra Leroy, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua





ARRET :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.








FAITS ET PROCÉDURE



La SARL 2C2L Massuel est copropriétaire dans une résidence de tourisme St Denis Finot, située [Adresse 5] de 7 lots de copropriété n° 802, 797, 785, 754, 742, 741 et 740 acquis en l'état futur d'achèvement le 08 septembre 2006.



L'ensemble des lots est intégré dans une seule exploitation hôtelière, disposant de locaux à usage commun et parties communes.



La SASU PV-CP City, exploitant de résidences de tourisme, intervenant en qualité de preneur, vient aux droits du précédent Preneur qui a fait souscrire aux copropriétaires non professionnels, des baux commerciaux individuels.



La SASU PV-CP City ayant cessé de régler régulièrement ses loyers en 2020 et 2021, la SARL 2C2L Massuel a, par exploit du 04 août 2022, fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, non suivi d'effet dans le délai d'un mois.



Dans le cadre de la procédure d'assignation à jour fixe, la société bailleresse, autorisée, a assigné la SASU PV-CP City devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de dire et juger acquise la clause résolutoire des 7 baux commerciaux et prononcer la résiliation judiciaire des baux commerciaux.



Par jugement du 18 avril 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- constaté que les conditions de l'acquisition des clauses résolutoires insérées aux baux liant les parties sur les lots de copropriétés n° 802, 797, 785, 754, 742, 741 et 740 situés [Adresse 5] sont remplies ;

- dit que la SASU PV-CP City a réglé dans les 6 mois ayant suivi la délivrance du commandement de payer du 04 août 2022 l'intégralité des arriérés de loyer visés par ce dernier ;

- prononcé la suspension des effets de la clause résolutoire ;

- condamné la SASU PV-CP City à payer à la SARL 2C2L Massuel la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SASU PV-CP City aux entiers dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- rappelé que le jugement bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.



Par déclaration du 28 avril 2023, la SARL 2C2L Massuel a interjeté appel partiel du jugement des chefs de la suspension des effets de la clause résolutoire et du débouté des autres demandes.



Par conclusions déposées le 29 août 2023, la société PV-CP City a interjeté appel incident partiel du jugement du chef ayant constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient remplies.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 07 février 2024.





MOYENS ET PRÉTENTIONS



Vu les conclusions déposées le 03 octobre 2023, par lesquelles la SARL 2C2L Massuel, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

- confirmer le Jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a constaté que les conditions de l'acquisition des clauses résolutoires insérées aux baux liant les parties sur les lots de copropriétés n° 802, 797, 785, 754, 742, 741 et 740 situés [Adresse 5] sont remplies ;

- infirmer le Jugement du tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a :

* dit que la SASU PV-CP City a réglé dans les 6 mois ayant suivi la délivrance du commandement de payer du 04 août 2022 l'intégralité des arriérés de loyer visés par ce dernier ;

* prononcé la suspension des effets de la clause résolutoire ;

* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;



Et statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :

- rejeter la demande de délais rétroactifs de la SASU PV-CP City ;

- rejeter la demande en suspension des effets de la clause résolutoire ;

- dire et juger acquise la clause résolutoire des 7 baux commerciaux consentis le 08 septembre 2006 portant sur les 7 lots de copropriété sis[Adresse 5]s n° 802 ' 797 ' 785 ' 754 ' 742 ' 741 ' 740 ;

- prononcer la résiliation des baux liant les parties sur les lots de copropriétés n° 802, 797, 785, 754, 742, 741 et 740 situés [Adresse 5] ;

- ordonner l'expulsion du preneur et de tous occupants de son chef ;

- condamner la SASU PV-CP City au paiement d'une indemnité d'occupation égale au loyer, majorée de 10 %, à compter de la résiliation des baux, soit à l'expiration du délai d'un mois suivant l'acquisition de la clause résolutoire, soit le 04 septembre 2022 ;

- condamner la SASU PV-CP City au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du C.P.C, ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer.



Vu les conclusions déposées le 29 août 2023, par lesquelles la SASU PV-CP City, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 18 avril 2023 en ce qu'il a :

* dit « que la SASU PV-CP City a réglé dans les 6 mois ayant suivi la délivrance du commandement de payer du 4 août 2022 l'intégralité des arriérés de loyer visés par ce dernier » ;

* prononcé « la suspension des effets de la clause résolutoire » ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 18 avril 2023 en ce qu'il a constaté « que les conditions de l'acquisition des clauses résolutoires insérées aux baux liant les parties sur les lots de copropriétés n° 802, 797, 785, 754, 742, 741 et 740 situés [Adresse 5] sont remplies » ;



En conséquence et statuant à nouveau :

- sur l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation des baux litigieux : juger et déclarer que le commandement du 04 août 2022 a été signifié de mauvaise foi par l'appelant et ne peut produire effet ;

En conséquence,

- débouter l'appelant de sa demande de résiliation des baux litigieux et de ses demandes subséquentes, à savoir la demande d'expulsion et de condamnation de la société preneuse au versement d'une indemnité d'occupation ;



A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour considérait que le commandement de payer du 04 août 2022 a produit tous ses effets,

- suspendre les effets de la clause résolutoire insérée aux baux litigieux, compte tenu des graves difficultés financières que la SASU PV-CP City a rencontrées du fait de la crise sanitaire ;

En tout état de cause,

- débouter la SARL 2C2L Massuel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la SASU PV-CP City ;

- condamner la SARL 2C2L Massuel à verser à la SASU PV-CP City la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.






SUR CE,



1. Sur l'acquisition de la clause résolutoire



Selon les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat et 1728 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, soit d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus.



L'article 1225 du code civil dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat, que la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse et que la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.



Aux termes l'article L. l45-41 du code de commerce toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.



En outre, le commandement doit informer clairement le locataire du montant qui lui est réclamé et être suffisamment précis pour permettre au preneur d'identifier les causes des sommes réclamées.



- Sur la mauvaise-foi du bailleur dans la mise en 'uvre de la clause résolutoire



Selon les dispositions de l'article ll04 du code civil, l'exigence de bonne foi doit diriger la négociation, la formation et l'exécution du contrat et s'applique dès lors à la mise en 'uvre de la clause résolutoire suite à un non-paiement des loyers contractuellement prévus, la mauvaise foi du créancier pouvant conduire à la neutralisation de la clause résolutoire, la mauvaise foi du bailleur s'appréciant classiquement au jour où le commandement de payer a été délivré.



Aux termes du jugement querellé, le premier juge a écarté toute mauvaise foi de la SARL 2C2L Massuel dans la délivrance du commandement de payer à la SASU PV-CP City le 04 août 2022 et a donc considéré que le dit commandement produisait effet, après avoir relevé que :

- même si les mesures de police en lien avec la pandémie du Covid-19 ont engendré des conséquences économiques majeures notamment dans le cadre du tourisme, il ne peut nullement être demandé aux bailleurs de renoncer aux loyers régulièrement dus au cours de la période de la crise sanitaire et ce en vertu de la force obligatoire des contrats, principe posé par l'article 1103 du Code civil, de sorte qu'il ne peut être reproché au bailleur de ne pas avoir accepté les propositions faites en ce sens qu'elles pouvaient conduire à un paiement finalement partiel des loyers normalement prévus, la SARL 2C2L Massuel ne pouvant pas être considérée comme étant de mauvaise foi pour ces motifs,

- si la SARL 2C2L Massuel a fait délivrer le commandement de payer durant la période estivale, à une période où les effectifs de l'entreprise étaient réduits, aucun élément versé au dossier ne permet cependant de prouver un tel fait, de sorte que la mauvaise foi de la SARL 2C2L Massuel dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire ne peut pas être retenue, cette dernière étant alors valide.



La SASU PV-CP City conteste ce chef du jugement et sollicite de la cour de dire que le commandement de payer du 04 août 2022 lui a été signifié de mauvaise foi et ne saurait dès lors produire effet, et justifierait le débouté de la SARL 2C2L Massuel de ses demandes en acquisition de la clause résolutoire et ses demandes subséquentes tendant à l'expulsion de la SASU PV-CP City et à sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation.



Au soutien de ses prétentions, la SASU PV-CP City expose que la clause résolutoire aurait été mise en 'uvre de mauvaise foi par l'appelante, qui a signifié le commandement de payer des loyers afférents à des périodes visées par les mesures de confinement et de restriction d'activités, et visant la clause résolutoire suivant acte extrajudiciaire en date du 04 août 2022, en pleine période estivale, alors que les effectifs des entreprises étaient considérablement réduits, empêchant ainsi, dans ce contexte particulier, la SASU PV-CP City d'être en mesure de réagir dans le délai imparti par le commandement de payer et de procéder à des paiements afin d'empêcher l'acquisition de la clause résolutoire insérée aux baux litigieux.



Au cas d'espèce, la bonne foi étant toujours présumée, il ne saurait être soutenu que la délivrance d'un acte au cours du mois d'août, période ouvrée, caractérise en soi la mauvaise foi du bailleur, ce d'autant qu'il n'est nullement établi par l'intimée qu'à cette date, les effectifs de l'entreprise, et notamment de son service juridique, étaient à ce point amoindris qu'elle n'aurait pas été en mesure de réagir à la délivrance dudit commandement, en procédant au règlement des sommes visées par lui dans le délai d'un mois.



En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté toute mauvaise-foi de la bailleresse dans la délivrance dudit commandement.



- Sur l'exigibilité des sommes réclamées



Aux termes de l'article 1103 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat et 1728 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, soit d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus.



En application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national.



En application de l'article 3, I, 2, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu'au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l'exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité.



Édictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l'interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l'absence de première nécessité des biens ou des services fournis.



Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d'établissements recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.



L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.



Aux termes du jugement querellé, le premier juge a exclu l'application de l'article 1219 du code civil ainsi que la perte de la chose louée pour considérer que les sommes réclamées par la SARL 2C2L Massuel étaient dues, après avoir relevé que :

- la suspension de l'ouverture des lieux au public ne résulte pas du bailleur mais des pouvoirs publics. Ainsi, la décision de fermeture des lieux en lien avec les mesures de police prises dans le contexte de la crise sanitaire ne permet pas au locataire d'invoquer l'exception d'inexécution du bail, et de justifier son refus de régler son loyer, la SARL 2C2L Massuel ayant bien délivré le local loué ;

- il convient par ailleurs sur cette question de chercher à déterminer si la décision de fermeture concernait l'immeuble lui-même ou l'activité du preneur ; si elle concerne l'activité du preneur et non l'immeuble, le bailleur ne manque pas à son obligation de délivrance, de sorte que le preneur ne peut pas invoquer l'exception d'inexécution. Or, ici, le texte des ordonnances du 25 mars 2020 vise de façon générale l'activité de « résidence de tourisme ».

- En ce sens, la mesure de police ayant empêché l'exploitation normale des locaux loués n'est pas constitutive d'une inexécution de l'obligation de délivrance imputable au bailleur pouvant justifier la suspension du paiement des loyers par le preneur. Il y a lieu, en d'autres termes, d'exclure en l'espèce l'application de l'article 1219 du code civil, la mise en 'uvre de la clause résolutoire étant donc à ce stade bien valide,

- si la crise sanitaire a pu entraîner l'impossibilité passagère d'exploiter normalement le fonds de commerce auquel étaient destinés les locaux loués en l'espèce, cela ne concernait nullement la chose louée en elle-même mais l'ensemble des activités économiques sur le plan national pouvant comporter un risque pour la propagation de la Covid-19 ; en conséquence, il n'est pas possible d'assimiler ces circonstances exceptionnelles et les mesures de police prises dans ce contexte à une destruction, une perte même partielle de la chose louée, la SASU PV-CP City ne démontrant pas avoir perdu la chose et ne pouvant être fait application de l'article 1722 du code civil, la mise en 'uvre de la clause résolutoire ne pouvant pas davantage être invalidée sur ce fondement.



La SASU PV-CP City sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, en faisant valoir pour l'essentiel qu'elle a rencontré une impossibilité effective d'exploiter les locaux loués entre le 21 mars et le 13 juin 2020 et entre le 30 octobre 2020 et le 09 juin 2021 par l'effet des mesures réglementaires visant l'interdiction de recevoir du public dans les résidences de tourisme et hébergements de courte durée, l'état des comptes établi par la SASU PV-CP City sur la Résidence permettant de constater la chute drastique de l'activité subie en raison des circonstances sanitaires et du bouleversement économique en découlant, et même son extinction totale sur une très longue période, l'exercice du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020 s'étant ainsi clôturé par une perte nette de l'ordre de -3.076.210 € et les mesures de restriction et de fermeture prises à compter du 30 octobre 2020 ayant de surcroît fortement aggravé la situation financière de la société preneuse qui a constaté un résultat de -34.897.282 € au 30 septembre 2021, plaçant le preneur dans l'incapacité totale de régler, sans aucun aménagement, l'ensemble des loyers au titre de l'année 2020 et de l'année 2021.



La SARL 2C2L Massuel s'oppose à cette argumentation, en arguant en substance que l'exception d'inexécution ne serait pas opérante dès lors que la suspension de l'ouverture des lieux au public ne résulte pas du débiteur mais des pouvoirs publics, le bailleur n'ayant pas manqué à son obligation dès lors que la décision de fermeture ne concerne que l'activité et non l'immeuble loué, ce qui a été confirmé par trois arrêts en date du 30 juin 2022 rendus par la Cour de cassation.



Elle ajoute qu'au titre de la perte de la chose jugée, le preneur ne pouvait prétendre que les loyers n'étaient pas dus durant les périodes de la crise sanitaire alors que l'état d'urgence sanitaire avait mis en place un cadre juridique spécifique dérogatoire au droit commun pour permettre à chaque acteur économique de préserver ses droits dans une juste proportion conforme à l'article 1er susvisé, de sorte que le preneur avait la capacité de régler ses loyers, l'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne pouvant être assimilée à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.



Au cas d'espèce, ayant relevé que les locaux loués avaient été mis à disposition de la preneuse, qui admettait que l'impossibilité d'exploiter, qu'elle alléguait, était le seul fait du législateur, le premier juge en a exactement déduit que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'était pas constitutive d'une inexécution de l'obligation de délivrance de la SARL 2C2L Massuel.



Enfin, ayant relevé que l'impossibilité d'exploiter l'activité commerciale prévue aux baux, à savoir « l'activité d'exploitation à caractère para-hôtelier d'une résidence meublée avec services consistant en la sous-location meublée des logements situés dans ledit immeuble pour des périodes de temps déterminées avec la fourniture de différents services » était passagère et ne concernait pas la chose louée en elle-même mais l'ensemble des activités économiques pouvant engendrer un risque pour la propagation de la Covid-19, le premier juge en a exactement déduit que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public, touchant l'activité commerciale de la SASU PV-CP City, n'était pas constitutive d'une perte même partielle de la chose louée.



Ainsi, il s'en déduit que les sommes visées au commandement de payer délivré à la SASU PV-CP City le 04 août 2022, portant sur les loyers et charges du 2ème trimestre 2020 et du 1er et 2ème trimestre 2021 pour un montant de 23.794,14 €, étaient exigibles.



La SASU PV-CP City n'ayant pas réglé les sommes ainsi dues dans le délai d'un mois à compter de la délivrance du commandement de payer, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 04 septembre 2022.



2. Sur la suspension des effets de la clause résolutoire



Aux termes des dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».



Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.



Aux termes du jugement attaqué, le premier juge a prononcé la suspension des effets de la clause résolutoire, après avoir considéré que :

- l'activité du preneur entrait bien dans le cadre de l'arrêté du 15 mars 2020 ce qui l'a alors poussé à cesser de recevoir du public au cours du premier confinement dans les locaux loués,

- de plus, l'activité touristique a également été impactée par les nouvelles mesures prises à la fin de l'été 2020 ayant causé la fermeture des espaces dédiés aux activités de restauration, de débits de boisson ainsi que celle des établissements sportifs, ces mesures de police étant bien indépendantes de la volonté de la SASU PV-CP City, et ayant largement influé sur les profits réalisés par elle comme le démontrent la chute du taux d'occupation de la résidence lors du mois de mars 2020 et l'évolution des résultats du Groupe versés au dossier,

- par ailleurs, l'ouverture d'une procédure de conciliation devant le tribunal de commerce de Paris montre la détermination propre au preneur de trouver des solutions amiables a'n que soient remplies ses obligations, le preneur étant dans l'incapacité de régler ces loyers si aucun aménagement était effectué à l'époque de la délivrance du commandement de payer,

- En conséquence, même si aujourd'hui et depuis le 8 février 2023 la somme visée par le commandement de payer d'un montant de 23.794,15 € a été réglée, la SASU PV-CP City aurait pu bénéficier de délais de paiement si elle les avait demandés avant de rembourser sa dette locative, conduisant ainsi à prononcer la suspension de la clause résolutoire.



La SARL 2C2L Massuel sollicite l'infirmation du jugement entrepris de ce chef, et que soit en conséquence prononcé la résiliation du bail par l'effet de l'acquisition de la clause résolutoire, et que l'expulsion de la SASU PV-CP City et de tous occupants de son chef soit ordonnée, ainsi qu'elle soit condamnée au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation.



Au soutien de ses prétentions, la SARL 2C2L Massuel expose principalement que l'intimée aurait fait croire avec mauvaise foi à l'extinction des loyers dus pendant la période sanitaire dans ses courriers du 24 novembre 2020, qu'elle ne s'est toujours pas exécutée alors même que les loyers dus ne concernaient pas les loyers des périodes de la crise sanitaire et qu'elle aurait dissimulé l'information selon laquelle aucun texte de loi ne prévoyait l'extinction des loyers comme affirmé dans l'avenant n° 1, cette fausse information essentielle tant dans cette proposition d'avenant que dans la lettre susvisée du 24 novembre 2020, démontrant l'absence de toute bonne foi de la SASU PV-CP City.



Elle ajoute que les résultats d'exploitation 2020, 2021 et 2022 de la résidence du preneur permettaient le règlement des loyers et qu'au visa de l'article 1343-5 du code civil, aucun délai supplémentaire de paiement ne pouvait être accordé au preneur, même à titre rétroactif, le juge étant tenu de tenir compte des délais déjà accordés et des besoins du créancier, pour reporter le paiement des sommes dues (octroi à titre rétroactif qu'il aurait du reste omis de prononcer dans son dispositif), alors que le dernier communiqué de presse du groupe Pierre et vacances fait état d'un chiffre d'affaires au cours de l'exercice 2021/2022 de 1,7 milliard d' euros en croissance de 177 %.



La SASU PV-CP City s'oppose à cette argumentation et sollicite à titre subsidiaire la suspension rétroactive des effets de la clause résolutoire, en faisant valoir pour l'essentiel que la suspension du paiement des loyers était pleinement justifiée par les difficultés financières rencontrées par elle et, par la suite, par l'ouverture d'une procédure de conciliation et la mise en place d'un processus de négociation avec les bailleurs, cette situation, qui démontre l'absence de mauvaise foi du locataire, justifiant dès lors l'octroi à titre rétroactif de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire insérée aux baux litigieux.



En l'espèce, il est constant que la SARL 2C2L Massuel a fait délivrer trois commandements de payer à la SASU PV-CP City, le 05 novembre 2020, portant sur les loyers et charges dus au titre du 1er et 2ème trimestre 2020, le 06 décembre 2021 pour un montant de 27.175,47 €, puis le 04 août 2022 pour un montant de 23.794,14 €.



Il s'infère de ces commandements que les sommes dues et impayées par la SASU PV-CP City correspondent à une période au cours de laquelle l'état d'urgence sanitaire a été ordonné, et l'exploitation de son activité commerciale prévue aux sept baux commerciaux, « à caractère para-hôtelier d'une résidence meublée avec services consistant en la sous-location meublée des logements situés dans ledit immeuble pour des périodes de temps déterminées avec la fourniture de différents services » était à l'évidence soumise à l'interdiction de recevoir du public, impactant ainsi sur l'année 2020 et 2021 les résultats d'exploitation du groupe la SASU PV-CP City, qui a bénéficié d'une mesure de conciliation, mais également ceux de la résidence où se trouvent les sept locaux loués par la SARL 2C2L Massuel, comme en atteste la lecture de l'attestation établie par le directeur financier de la SASU PV-CP City et relative au taux d'occupation et au chiffre d'affaires réalisé par la résidence, confirmée par la lecture des bilans comptables sur cette période.



Si depuis lors, la situation financière du groupe s'est améliorée, il n'en demeure pas moins qu'en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19 et l'incidence qu'elle a eu sur l'activité commerciale exploitée par la SASU PV-CP City, cette dernière n'était pas dans la capacité de régler les loyers visés au commandement au jour de leur exigibilité.



Par ailleurs, si la SARL 2C2L Massuel doit faire face au règlement d'un prêt immobilier d'un montant mensuel de 2.484,18 €, ce prêt est arrivé à échéance le 05 février 2022, de sorte qu'à compter de cette date, ses besoins s'en sont trouvés réduits.



Ainsi, les circonstances des impayés reprochés à la SASU PV-CP City, d'une part, et la régularisation de la dette locative dans les six mois de la délivrance du commandement de payer d'autre part, justifient ainsi de faire application de l'article 1343-5 du code civil en accordant à la SASU PV-CP City rétroactivement un délai pour l'apurement des sommes exigées par le commandement du 04 août 2022 jusqu'au jour du présent arrêt, avec suspension des effets de la clause résolutoire.



En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la suspension des effets de la clause résolutoire, et la SARL 2C2L Massuel sera déboutée de ses demandes subséquentes tendant au prononcé de la résiliation des sept baux, à l'expulsion de la SASU PV-CP City et de tous occupants de son chef, et à sa condamnation à une indemnité mensuelle d'occupation.



3. Sur les demandes accessoires



Chaque partie conservera ses dépens d'appel, les dépens de première instance restant répartis ainsi que décidé par le premier juge.



En outre, il n'apparaît pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,



La cour,



Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,



Confirme le jugement rendu le 18 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Bobigny sous le n° RG 23/858 en toutes ses dispositions ;



Déboute les parties de leurs autres demandes ;



Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel ;



Dit que les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.





La greffière, La présidente,

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