2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/02609

Pôle 4 - Chambre 12

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 12



ARRET DU 02 MAI 2024



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02609 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHCPH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2023 - Tribunal Judiciaire de MEAUX - RG n° 21/01981





APPELANT



FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS

[Adresse 4]

[Localité 9]

représenté par Me Denis LATREMOUILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0178





INTIMES



Monsieur [F] [D]

[Adresse 8]

[Localité 6]

né le [Date naissance 3] 1959

représenté par Me Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX, substitué par Me LAMBRET Morgane, avocat au barreau de MEAUX



Monsieur [Z] [D]

[Adresse 7]

[Localité 5]

né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 11]

comparant en personne,

représenté par Me Jean-charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX, substitué par Me LAMBRET Morgane, avocat au barreau de MEAUX







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie LEROY, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Présidente de chambre Madame Sylvie LEROY, Conseillère

Madame Morgane LE DOUARIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Eva ROSE-HANO



ARRÊT :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Andrée BAUMANN, Présidente et par Eva ROSE-HANO, Greffière présente lors de la mise à disposition.












Le 21 décembre 2015, M. [G] [C] a déposé plainte à l'encontre de M. [F] [D] et M. [Z] [D], ses voisins, pour des faits de violences volontaires commis la veille en réunion.



Après une mesure de médiation pénale, le 18 novembre 2016, le procureur de la République de Meaux rendait un avis de classement. Il était indiqué : 'l'examen de cette procédure ne justifie pas de poursuite pénale au motif que : l'avertissement ou le rappel à la loi a été suffisant pour faire cesser le trouble'.



Parallèlement, la victime saisissait la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) de [Localité 10].

Par ordonnance du 26 mars 2018, le président de la CIVI ordonnait une expertise médicale et désignait le docteur [P], psychiatre, pour y procéder.

L'expertise était organisée le 22 mai 2018 et l'expert évaluait les préjudices de M. [C] de la manière suivante :

- Déficit fonctionnel temporaire partiel : 20% jusqu'à la consolidation

- Consolidation à la reprise du travail à temps plein le 6 juin 2017

- Déficit fonctionnel permanent : 7% tenant compte de l'impact émotionnel, relationnel, éléments anxio-dépressifs

- Souffrances endurées : 3/7

- Préjudice sexuel : sensible

- Préjudice d'agrément : conséquent, désinvestissement des pôles d'intérêts passés, repli sur soi et méfiance ont stoppé le plaisir des sorties et des voyages

- Dépenses de santé futures : en plus du maintien des soins psychiatriques au rythme actuel sur 2 années, soins psychologiques hebdomadaires (au minimum 9 à 12 mois)

- Incidence professionnelle : pénibilité accrue

- Préjudice esthétique : 1/7 (vitiligo)



Sur la base de ce rapport d'expertise, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) a offert à M. [C] une indemnisation de 29 364,09 euros.



M. [G] [C] a acceptée cette offre par procès-verbal, le 27 mars 2020.



Le président de la CIVI a homologué l'accord le 7 mai 2020.



Cette somme a été versée par le FGTI le 28 mai 2020.



Le FGTI a exercé son recours subrogatoire en application de l'article 706-11 du code de procédure pénale et assigné à cette fin M. [F] [D] et M. [Z] [D], devant le tribunal judiciaire de Meaux.



Par jugement du 19 janvier 2023, ce tribunal a :

- rejeté la demande du FGTI aux fins de condamnation de M. [F] [D] et de M. [Z] [D] à lui verser la somme de 29 364,09 euros ;

- condamné le FGTI à payer à M. [F] [D] et M. [Z] [D] ensemble, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande du FGTI au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le FGTI aux dépens.



Le FGTI a interjeté appel de ce jugement.



Par conclusions notifiées par la voie électronique le 1er décembre 2023, le FGTI demande à la cour :

- d'infirmer le jugement dont appel,

- et statuant à nouveau, de condamner solidairement M. [F] [D] et M. [Z] [D] à lui verser la somme de 29 364,09 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la première signification de l'assignation, soit le 12 mai 2021, et la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner solidairement aux dépens de la procédure de première instance,

- et en tout état de cause,

- de condamner solidairement M. [F] [D] et M. [Z] [D] aux dépens d'appel, et à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions notifiées par la voie électronique le 8 janvier 2024, MM. [F] et [Z] [D] demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- débouter le FGTI de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner au paiement de la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.



CELA ETANT EXPOSE, LA COUR



Le tribunal a rejeté la demande du FGTI au motif qu'il ne résultait d'aucun élément du dossier que M. [G] [C] ait présenté une incapacité totale de travail supérieure à un mois, et que dès lors, l'infraction que M. [F] [D] et M. [Z] [D] auraient éventuellement pu commettre n'entrait pas dans les conditions de l'article 706-3 du code de procédure pénale.

Surabondamment, elle a considéré que le caractère matériel d'une infraction pénale n'était pas démontré, et pas davantage le lien de causalité entre celle-ci et les préjudices invoqués par la victime.



Le FGTI critique le jugement déféré pour avoir considéré que les conditions d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale ouvrant droit à l'indemnisation d'une victime par la solidarité nationale n'étaient pas remplies.



Il fait valoir que contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, il est acquis que M. [F] [D] et M. [Z] [D] ont commis des violences sur la personne de M. [G] [C] et qu'il existe un lien de causalité entre ces faits et les préjudices subis par cette victime, et réparés aux termes de l'accord homologué par le président de la CIVI.



Il soutient qu'en effet, le classement de l'affaire est intervenu dans le cadre d'une médiation pénale, mesure d'alternative aux poursuites, à l'initiative du ministère public, et à laquelle M. [F] [D] et M. [Z] [D] ont consentie ; que le préjudice en lien avec l'agression a été déterminé à la suite du rapport d'expertise du docteur [P] désigné par le président de la CIVI, qui a évalué le déficit fonctionnel temporaire de la victime à 20 % du jour des faits, soit le 20 décembre 2015, jusqu'à la reprise du travail à temps plein, le 6 juin 2017 (total de 18 mois) et son déficit fonctionnel permanent à 7% de sorte que le critère de gravité des blessures imparti par l'article 706-3 du code de procédure pénale est rempli ; que par l'homologation de l'accord, le Président de la CIVI a expressément reconnu sa compétence et que l'absence de débat suffit à constater que les conditions posées à l'article 706-3 du code de procédure pénale étaient remplies.

M. [F] [D] et M. [Z] [D] tout en sollicitant la confirmation du jugement qui a rejeté la demande du FGTI, invoquent, dans leurs conclusions 'l'irrecevabilibité' de cette demande 'faute d'avoir fait déterminer le préjudice par une juridiction de jugement'.

A titre subsidiaire, ils concluent au caractère injustifié des préjudices, en l'absence de lien de causalité direct établi entre les coups prétendus et les arrêts de travail et le suivi psychiatrique de M. [C], plusieurs mois plus tard.



Sur ce,

L'article 706-3 du code de procédure pénale dispose que :

Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :

1° Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ni de l'article L 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux nuisibles ;

2° Ces faits :

- soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;

- soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 224-1 A à 224-1 C, 225- 4-1 à 225- 4-5, 225-5 à 225-10, 225-14-1 et 225-14-2 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;

3° La personne lésée est de nationalité française. [...].



Les articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale instituant en faveur des victimes d'infraction un mode de réparation autonome qui répond à des règles qui lui sont propres, le responsable du dommage ou la personne tenue d'en assurer la réparation n'est pas partie à l'instance qui se déroule devant la CIVI.

Parce que M. [F] [D] et M. [Z] [D] n'étaient pas parties à l'accord intervenu entre la victime et le FGTI et que l'ordonnance d'homologation du président de la CIVI ne leur est pas opposable, ils disposent, à l'occasion de l'exercice par le FGTI de son recours subrogatoire devant la juridiction civile, de la possibilité de contester les sommes qui leur sont réclamées et peuvent invoquer les moyens et exceptions qu'ils pouvaient opposer à la partie subrogeante aux droits de laquelle vient le FGTI.



Aux termes de l'articles 706-11 du code de procédure pénale :

Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes.

Le fonds peut exercer ses droits par toutes voies utiles y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois en cause d'appel.



Il est rappelé que le recours subrogatoire du FGTI, exercé contre l'auteur de l'infraction, n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une décision de justice statuant sur le préjudice de cette victime et opposable à l'auteur de l'infraction. Il est dès lors indifférent que M.[C] n'ait pas demandé à la juridiction pénale réparation de son préjudice.

Le moyen d'irrecevabilité opposé au FGTI pour ce motif est écarté.



Par ailleurs, il résulte des dispositions qui précèdent que seule l'infraction ayant ouvert le droit à indemnisation de la victime, peut fonder le recours subrogatoire du FGTI : il ne peut exercer son recours que s'il justifie que la personne dans les droits de laquelle il est subrogé a subi un préjudice découlant de l'infraction.



C'est dans ces conditions que M. [F] [D] et M. [Z] [D] contestent tant l'existence des violences qui leur sont imputées, en indiquant avoir accepté la mesure de médiation pénale dans un souci de sérénité, M. [G] [C] étant leur voisin, que la réalité des préjudices subis.



Il ressort des pièces pénales communiquées que le 20 décembre 2015, vers 17 h30 les policiers intervenaient pour un différend de voisinage.

Le 21 décembre 2015, vers 8 heures, M.[C] déposait plainte contre M. [F] [D] pour des coups de poing qui lui étaient assénés alors qu'il allait rentrer à son domicile après avoir sorti son chien, par deux de ses voisins, père et fils, avec lesquels il avait précédement eu un litige de stationnement. Il précisait que M. [Z] semblait l'attendre et lui avait dit ' ça fait 6 mois que j'attends ça !' après quoi il le saisissait à la gorge. Lui-même s'était défendu en le saisissant aussi au cou, lorsqu'un voisin était arrivé en leur demandant d'arrêter. La mère de M. [F] [D] mettait de l'huile sur le feu, et son mari arrivait.

M.[C] expliquait avoir reçu deux coups de poing au visage donnés par le père et le fils, qui l'avaient fait tomber, et avoir reçu des coups au flanc gauche. Ils étaient repartis chez eux.

Entendus sur les faits le 13 janvier 2021, M. [F] [D] et M. [Z] [D] déclaraient que de la maison du voisin, parvenait beaucoup de bruit. M. [Z] [D] décidait d'aller le voir pour discuter alors qu'il rentrait chez lui, mais il l'avait aggripé par les vêtements ; il avait fait de même en l'attrapant par les vêtements et le collant au mur, tandis que M.[C] proférait des insultes ; pendant qu'il le maintenait, M.[C] lui griffait le visage.

M. [Z] [D] relatait : 'je l'ai levé, il ne touchait plus le sol pendant 20/30 secondes'.

Il contestait les déclarations de M.[C].



M. [F] [D] déclarait qu'ayant entendu des cris, il était sorti et avait vu les deux hommes s'empoigner, M.[C] insultant son fils qui l'avait collé contre le mur. Il niait avoir porté des coups et être intervenu.



En confrontation, M. [F] [D] et M. [Z] [D] reconnaissaient avoir empoigné M. [G] [C] par le col, mais affirmaient tous deux qu'il avait commencé le premier et qu'ils n'avaient fait que répliquer, ce que démentait M. [G] [C].

Ils contestaient lui avoir porté des coups, ne s'expliquant pas l'origine des blessures présentées par celui-ci, pour lesquelles le docteur [U], médecin généraliste, évaluait l'incapacité totale de travail à 7 jours.

Cet examen médical descriptif repris en détail dans l'ordonnance du président de la CIVI du 26 mars 2018 faisait état d'une atteinte psychologique nette, d'une céphalée post traumatisme crânien, de bourdonnements dans l'oreille droite, de douleurs à la mâchoire droite et de contusions diffuses. Dans cette ordonnance était également visé un examen médico-légal réalisé le 15 janvier 2016 mentionnant la présence de griffures sur le visage et le cou, compatibles avec les faits.



M. [G] [C] niait être l'auteur des griffures présentes sur le corps de M. [F] [D] et de M. [Z] [D], et réciproquement.



Entendu le 2 février 2016, le voisin qui a séparé les trois protagonistes expliquait avoir vu une altercation 'entre deux hommes contre un autre'. Il déclarait que 'les deux personnes' empoignaient l'autre et le poussaient contre un mur. Les hommes se lâchaient et s'attrapaient. Ils se reprochaient de 'se faire chier l'un l'autre'.

Il lui était demandé ' d'après vous, qui était le plus véhément'.

Il répondait : 'pour moi, ce sont les deux personnes qui l'ont cherché, le nouvel arrivant [M.[C]] n'était pas agressif'.



Deux certificats médicaux datés du 21 décembre 2015 étaient versés au dossier, pour M. [F] [D] et M. [Z] [D] faisant état de de griffures au cou et au thorax. Un certificat des UMJ du 29 janvier 2015 constatait une contusion ancienne et superficielle de la base du cou chez M. [F] [D].

A l'issue de l'enquête pénale, procès-verbal de police du 26 mai 2016 à l'appui, il était demandé par le substitut en charge du dossier l'accord de M.[C] pour qu'il soit procédé par voie de médiation pénale.



Selon procès-verbal du 31 mai 2016, M.[C] acquiesçait à la mesure.



Le 18 novembre 2016, le procureur de la République de Meaux rendait un avis de classement ainsi libellé : 'l'examen de cette procédure ne justifie pas de poursuite pénale au motif que : l'avertissement ou le rappel à la loi a été suffisant pour faire cesser le trouble'.



De l'ensemble de ces éléments, il résulte que l'altercation verbale accompagnée de l'empoignade violente et concertée par MM.[D] de M. [G] [C], décrit par le témoin comme un individu calme, constitue l'élément matériel de l'infraction de violences.

Elles sont également corroborées par la présence des blessures objectivement constatées sur la personne de M. [C], dans les certificats médicaux établis peu après les faits.



Le préjudice réparé par le FGTI qui exerce son recours subrogatoire, doit avoir eu comme fait générateur, les actes répréhensibles commis le 20 décembre 2015.



M. [F] [D] et M. [Z] [D] sont en droit de discuter l'existence et le montant des indemnités allouées en réparation des préjudices subis.



Sur la base du rapport d'expertise du docteur [P], le FGTI a alloué à M. [G] [C], conformément au protocole d'accord homologué, les sommes suivantes :

- pertes de gains professionnels actuels : 1 564,09 euros

- dépenses de santé futures : 1 200 euros (3 200 euros dont est déduite la créance de la mutuelle 2 000 euros)

- incidence professionnelle : 5 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire 20 % : 2 650 euros

- souffrances : 6 000 euros

-déficit fonctionnel permanent : 12.950 euros.



M. [G] [C] a fait l'objet d'une première évaluation psychologique en mars 2016, visée à la procédure pénale qui fait état, selon procès-verbal du 26 mai 2016, d'un retentissement psychologique en rapport avec les faits, d'intensité très importante, évoquant un état de stress psychologique chronique à 4 mois des faits et d'évolution constante, compatible avec les faits de violences.



Dans son rapport d'expertise du 22 mai 2018, qui constitue un élément de preuve parmi d'autres, soumis à la discussion contradictoire des parties, le docteur [P] a considéré que ce n'était qu'après une phase de latence, assez habituelle chez des sujets introvertis, que M. [G] [C] avait développé secondairement une symptomatologie nécessitant un suivi psychiatrique demandé par son médecin traitant, face à l'intensité et à la fréquence significatives des crises d'angoisse invalidantes.

C'est ainsi qu'il a bénéficié d'arrêts de travail neuf mois après les faits, soit du 14 octobre 2016 au 6 mars 2017, après quoi il a repris son travail à mi-temps thérapeutique jusqu'au 5 juin 2017, puis à temps plein à compter du 6 juin 2017.

L'arrêt de travail établi le 14 octobre 2016 mentionne un état de stress post traumatique compliqué de dépression, suite à une agression du 20 décembre 2015.

Il est précisé que l'expert n'a pas retenu d'état antérieur psychiatrique, chez M. [G] [C] qui disait être en capacité, dans le cadre professionnel d'affronter l'agressivité de passagers, lorsque cela se présentait. Il n'a été fait état d'aucun arrêt de travail antérieurement aux faits en lien avec des événements traumatiques dans le cadre du travail.



Les conclusions du docteur [P] prises après examen du dossier médical et à la suite de son examen clinique, sont claires et motivées.



Les critiques opposées par M. [F] [D] et M. [Z] [D] relatives à l'absence de caractère certain et exclusif du lien de causalité entre les arrêts de travail et l'agression, qui reposent sur l'affirmation non étayée selon laquelle M. [G] [C] aurait 'revisité l'histoire' pour tromper le médecin expert et obtenir une indemnisation injustifiée, sont par voie de conséquence écartées.



Il s'ensuit que les conditions d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale étant remplies, M. [G] [C] était recevable à saisir la CIVI.



Sur le quantum de l'indemnisation



Les postes de préjudice contestés sont examinés au regard des développements ci-dessus, tenant compte des conclusions de l'expert rappelées plus haut :



- sur la perte de gains professionnels actuels



M. [G] [C] a été placé en arrêt de travail complet du 14 octobre 2016 au 6 mars 2017 et à mi-temps du 6 mars 2017 au 5 juin 2017.

Son employeur, la RATP, a établi le 2 mai 2018, une attestation de perte de salaire à hauteur de 1 564,09 euros au titre d'abattement sur salaire, d'abattement de 13ème mois et d'abattement pour primes diverses, pendant la période d'interruption de travail du 14 octobre 2016 au 6 mars 2017, pour cause de maladie.



Ainsi qu'il a été dit, le premier arrêt de travail du 14 octobre 2016 mentionne bien l'agression du 20 décembre 2015, comme cause de la maladie du salarié, à l'origine de cet arrêt, et l'expert psychiatre s'est expliqué sur l'apparition retardée des troubles psychologiques soufferts par la victime.

L'évaluation de ce préjudice par le FGTI, à hauteur de cette somme, n'est donc pas critiquable.



- sur les dépenses de santé futures



Le FGTI a réglé de ce chef la somme de 3.200 euros, sur la base d'un devis pour la mise en place d'un suivi psychothérapeutique du 1er juin 2019.



M. [F] [D] et M. [Z] [D] font valoir que M. [G] [C] n'a effectué que trois séances de psychothérapie pour 80 euros chacune, dont 50 euros remboursés par la mutuelle, pour chacune d'elles, de sorte que le reste à charge pour la victime est de 90 euros.



Le FGTI réplique que l'expertise a eu lieu le 22 mai 2018 et qu'à ce moment, M. [G] [C] ne bénéficiait pas de suivi psychologique, lequel n'est intervenu qu'à partir du 20 mai 2019 comme l'indique la pièce n°11.



Cette pièce est une attestation établie par M. [E], psychologue qui certifie, le 1er juin 2019, que M. [G] [C] a démarré le 20 mai 2019, un suivi psychothérapeutique, à raison de 40 séances qui s'achèveront le 20 mai 2020, au prix de 80 euros l'une.



Le besoin et le coût des séances en lien avec la symptomatologie post traumatique de la victime

est établi. Il est cependant démontré que la mutuelle de M. [G] [C] les prend en charge à hauteur de 50 euros l'une.

Dès lors, ce préjudice est évalué à 1 200 euros (30 euros de reste à charge x 40 séances).



- sur l'incidence professionnelle



Les séquelles conservées sur le plan psychologique augmentent la pénibilité au travail, ce qui justifie l'octroi de la somme de 3 000 euros, au lieu de celle de 5 000 euros allouée par le FGTI.



- gêne temporaire partielle



Elle a été indemnisée sur la base de 25 euros par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total, somme tout à fait raisonnable, de sorte que la somme totale de 2 650 euros allouée par le FGTI à M. [G] [C] est justifiée.



- souffrances



L'évaluation de ce poste de préjudice telle qu'elle ressort de l'offre du FGTI acceptée par M. [G] [C], n'est pas critiquable, au regard du traumatisme subi lors des faits et de la douleur physique et de la souffrance morale ressentis par M. [G] [C] jusqu'à la consolidation.

Il est donc alloué de ce chef la somme de 6 000 euros.



- déficit fonctionnel permanent



M. [G] [C] est né le [Date naissance 2] 1978, et avait 39 ans à la consolidation.

L'évaluation de ce préjudice à la somme de 12.950 euros n'est pas critiquable.



Par voie de conséquence, le jugement qui a rejeté les demandes du FGTI est infirmé et il lui est alloué la somme de 27 364,09 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, soit le 12 mai 2021, outre celles de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et de 1 000 euros sur le même fondement, en cause d'appel.



M. [F] [D] et M. [Z] [D] sont déboutés de leur demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,



Condamne solidairement M. [F] [D] et M. [Z] [D] à payer au FGTI la somme de 27 364,09 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2021,



Rejette les demandes présentées par M. [F] [D] et M. [Z] [D] en application de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne solidairement M. [F] [D] et M. [Z] [D] aux dépens de première instance et d'appel, et à payer au FGTI la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et 1 000 euros sur le même fondement en cause d'appel.



Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.





LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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