2 mai 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/17449

Pôle 4 - Chambre 10

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 02 MAI 2024



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/17449 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZOKJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 12/07883





APPELANTES



Madame [Z] [X] veuve [C]

née le [Date naissance 6] 1960 à [Localité 15]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

[Localité 12]



ET



Madame [E] [C]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 16]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

[Localité 12]



Représentées par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistées par Me Tauniua CERAN-JERUSALEMY, avocat au barreau de POLYNESIE





INTIMÉS



RELYENS MUTUAL INSURANCE, anciennement dénommée SOCIETE HOSPITALIERE D'ASSURANCES MUTUELLES (S.H.A.M.) , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 9]



ET



[14] - INSTITUT [14], pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 8]

[Localité 11]



Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistés à l'audience de Me Soledad RICOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0536

INTERVENANTES



CAISSE DE PREVOYANCE SOCIALE DE LA POLYNESIE FRANÇAISE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 16]



Représentée et assistée par Me Charlotte SADANIA, avocat au barreau de PARIS





CPAM VAL DE MARNE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 10]



Défaillante, régulièrement avisée le 20 aout 2018 par procès-verbal de remise à personne habilitée





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été plaidée le 07 Mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN, Présidente dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA





ARRÊT :



- réputé contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine Silvan, greffier, présent lors de la mise à disposition.






***



RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



[V] [C], né le [Date naissance 7] 1959, a bénéficié d'un curage cervical gauche, le 21 septembre 2000, à la clinique [13] à [Localité 16]. L'examen du ganglion a permis de retrouver des métastases massives d'un carcinome épidermoide moyennement différencié mature et parakératinisant.



[V] [C] a consulté deux ans plus tard après la réapparition d'une tuméfaction.



Le 22 août 2022, il a subi un scanner cervical-thoraco-abdominal au centre hospitalier territorial ainsi que, le 30 août 2002, une cervicotomie gauche effectuée par le docteur [I]. Ont été retrouvés 3 nodules ainsi qu'une infiltration musculaire striée par un carcinome épidermoide moyennement différencié mature et parakératinisant.



Une biopsie de l'amygdale gauche réalisée le 29 octobre 2002 a mis en évidence 'un carcinome épidermoide au minimum in situ'.



Une lésion de l'amygdale gauche avec atteinte ganglionnaire cervicale gauche subsistant après deux chirurgies (le curage cervical et la cervicotomie), une évacuation sanitaire a été demandée vers l'institut [14] ([14]) pour un traitement radio-chirurgical.



Du 3 janvier au 16 mai 2003, [V] [C] a été hospitalisé au sein de cet établissement où il a bénéficié, notamment, de traitements de chimiothérapie et radiothérapie.



Le 12 mars 2003, il s'est vu administrer une irradiation corporelle totale par erreur, suite à une méprise avec un homonyme.



L'institut [14] a fait une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles ( SHAM ).



Le [Date décès 4] 2004, [V] [C] est décédé.



Par acte d'huissier en date du 16 février 2012, les ayants-droits de [V] [C], Madame [Z] [C], sa veuve, et Madame [E] [C], sa fille, (les consorts [C]), ont assigné l'institut [14] et son assureur devant le tribunal de première instance de Papeete aux fins de voir ordonner une expertise médicale.



Par jugement en date du 25 juillet 2012, le tribunal de première instance de Papeete a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Créteil s'estimant incompétent.



Par jugement en date du 28 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Créteil a ordonné une expertise cependant la consignation n'a pas été versée par les consorts [C].



Par jugement du 7 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Créteil a :

- Débouté Mesdames [Z] et [E] [C] de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamné solidairement Mesdames [Z] et [E] [C] aux dépens de l'instance.



Le 12 août 2016, Mesdames [Z] et [E] [C] ont interjeté appel de ce jugement.



Par arrêt du 2 novembre 2017, la cour d'appel de Paris a dit l'appel recevable, que l'[14] avait commis une faute dans les soins dispensés à [V] [C] le 12 mars 2003, et avant dire droit sur l'évaluation des préjudices, ordonné une expertise.

Les dépens ont été réservés et un sursis à statuer a été ordonné sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.



Le Professeur [P] [A], désigné en qualité d'expert, ne déposant malgré les relances aucun rapport d'expertise, par ordonnance du 26 octobre 2022, le conseiller de la mise en état près la cour d'appel de Paris a ordonné son remplacement par le docteur [H] [L], radiothérapeute, experte près la cour d'appel de Lyon, exerçant au service de radiothérapie du centre de lutte contre le cancer [V] [R].



Cette dernière a déposé son rapport d'expertise définitif le 2 août 2023.



En parallèle, une médiation a été mise en place, en vain.



En janvier 2023, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a adopté la dénomination Relyens mutual insurance.









Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 février 2024, Mesdames [Z] et [O] [C] demandent à la Cour de :



Vu l'arrêt rendu par la Cour de céans le 2 novembre 2017



- Réformer le jugement rendu le 7 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Créteil, devenu tribunal judiciaire en ce qu'il a débouté Mesdames [Z] et [O] [C] de leurs demandes indemnitaires,



- Recevoir Mesdames [Z] et [O] [C] en leurs demandes et les y déclarer bien fondées,



Statuant à nouveau



- Condamner solidairement l'institut [14] et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser à la succession de Monsieur [V] [C] représentée par les requérantes les sommes suivantes :



- 80.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- 80.000 euros au titre du préjudice de souffrance endurée ;

- 300.000 euros au titre du préjudice extra-patrimoniaux évolutif ;

- 30.000 euros au titre du préjudice d'impréparation en matière médicale.



Condamner solidairement l'institut [14] et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser à Madame [Z] [C] les sommes suivantes :



- 35.000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- 30.000 euros au titre du préjudice d'accompagnement.



Condamner solidairement l'institut [14] et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser à Madame [E] [C] les sommes suivantes :

- 35.000 euros au titre du préjudice d'affection ;

- 30.000 euros au titre du préjudice d'accompagnement.



Condamner solidairement l'institut [14] et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser à Mesdames [Z] et [O] [C] la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.



Les condamner de même aux entiers dépens avec distraction d'usage.



Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, l'institut [14] et son assureur, Relyens mutual insurance, demandent à la Cour de :



Déclarer Mesdames [Z] et [O] [C] non fondées en leur appel.



Vu l'arrêt mixte du 2 novembre 2017,

Vu l'ordonnance de remplacement d'expert,

Vu le rapport d'expertise du docteur [L] ;



- Juger que le décès n'est pas en lien de causalité avec l'accident médical du 12 mars 2003,



- Fixer comme suit les préjudices imputables à l'accident médical :



Déficit fonctionnel temporaire : 975 euros ;

Souffrances endurées : 15.000 euros ;

Préjudice esthétique temporaire : 2.000 euros ;

Préjudice esthétique définitif : 1.000 euros.



- Débouter Mesdames [Z] et [O] [C] de toutes demandes plus amples.



Subsidiairement :



- Fixer à concurrence de la somme de 2.000 euros chacune l'indemnisation du préjudice d'affection de Mesdames [Z] et [O] [C],



- Condamner Mesdames [Z] et [O] [C], aux entiers dépens, qui seront recouvrés par la SCP Regnier Bequet Moisan, pour ceux dont elle aura fait l'avance, sans avoir reçu provision.



La Caisse de Prévoyance sociale de la Polynésie Française a constitué avocat le 23 mai 2019, attraite dans la cause à la demande de la cour d'appel de Paris par arrêt du 2 novembre 2017.



Elle n'a déposée aucunes conclusions avant la clôture.



La clôture a été prononcée au 21 février 2024.



La Caisse de Prévoyance sociale de Polynésie française a déposé le 5 mars 2024 des conclusions sollicitant le rabat de l'ordonnance de clôture et la condamnation de l'[14] à lui payer la somme de 6.449.260 XPF, au titre des prestations servies au profit de [V] [C] en lien avec la faute médicale commise.



L'[14] s'est opposé, à l'audience, au rabat de l'ordonnance de clôture et a soulevé l'irrecevabilité des conclusions déposées par la Caisse.



La CPAM du Val de Marne a été attraite à la cause par assignation en date du 20 août 2018 remise à personne habilitée à recevoir l'acte.



Elle n'a pas constitué avocat et le présent arrêt sera réputé contradictoire.




MOTIFS



* Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture par la Caisse de Prévoyance sociale de Polynésie française :



En application de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.



La Caisse de Prévoyance sociale de Polynésie française (qui a constitué avocat depuis le 23 mai 2019, sa mise en cause ayant été demandée par la cour) a déposé le 5 mars 2024, après l'ordonnance de clôture et deux jours avant l'audience de plaidoirie, ses premières conclusions en ouverture de rapport alors que celui-ci a été déposé le 27 juillet 2023.



A aucun moment, durant la mise en état, elle n'a sollicité le report de l'ordonnance de clôture et la tardiveté du dépôt de ses écritures ne permettait pas à l'[14], dont elle demandait la condamnation, de conclure en réponse avant l'audience.



Le dépôt des écritures concernant ses débours n'était en rien conditionné au dépôt des écritures adverses et elle était en mesure de conclure dès sa constitution dans le cadre de la présente procédure et en tout état de cause, dès le dépôt par l'expert de son rapport.



Son éloignement géographique et le dépôt des conclusions des appelantes et des intimées les 16 janvier et 5 février 2024, soit plusieurs jours avant l'ordonnance de clôture intervenue le 21 février 2024, ne peuvent constituer une cause grave justifiant sa révocation au sens de l'article 803 du code de procédure civile précité.



Dès lors, sa demande en ce sens est rejetée et ses conclusions et pièces notifiées le 5 mars 2024 sont déclarées irrecevables.



* Sur le fond :



In limine litis :



Dans le cadre d'une seconde cure de radiothérapie au sein de l'[14], une irradiation accidentelle corporelle totale a été administrée à [V] [C] le 12 mars 2003 à la suite d'une méprise due à une homonymie avec un certain Monsieur [C] hospitalisé dans le Morbihan.



La radiothérapie de [V] [C] a pu reprendre, après une interruption, le 22 avril 2003 et s'est terminée le 02 mai 2003.



[V] [C] a bénéficié le 9 mai 2003 d'une fermeture de colostomie à l'[14] et a quitté le 16 mai 2003 le service pour regagner son domicile avec des rendez-vous au mois d'août 2003 en ORL, scanner oropharynx, consultation ORL et consultation odontologique.



Cependant, il ne s'est pas présenté à ses rendez-vous ayant regagné la Polynésie française le 8 mai 2003 où, semble-t-il, aucune prise en charge spécifique n'a été organisée.



Il est décédé le [Date décès 4] 2004, soit un an et deux mois après l'accident de radiothérapie du 12 mars 2003.

****



Par arrêt mixte en date du 2 novembre 2017, la cour d'appel de céans a retenu la faute de l'[14] dans le cadre des soins dispensés à [V] [C] le 12 mars 2003 et ordonné, avant dire droit, une mesure d'expertise en vue en de déterminer les préjudices en lien de causalité avec ledit manquement.



Cet arrêt étant revêtu de l'autorité de la chose jugée, il est acquis aux débats et non contesté que l'[14] a commis une faute dans les soins dispensés à Monsieur [V] [C].



Doivent être examinés la question du lien de causalité entre la faute commise et les préjudices dont il est demandé réparation par les appelantes.



I- Sur le lien de causalité :



Les consorts [C] font valoir que la concomitance entre l'irradiation totale et l'aggravation immédiate et brutale de l'état de santé de [V] [C] jusqu'à son décès rapporte, de manière certaine, la preuve du lien de causalité directe entre l'erreur médicale et les préjudices dont le patient a été la victime, ce qui est contesté par l'[14].



Sur ce,



Il résulte de l'expertise que [V] [C] a été pris en charge à l'institut [14] pour un carcinome épidermoïde de l'amygdale gauche inopérable qui était une récidive d'un carcinome épidermoïde cervical gauche diagnostiqué initialement en 2000.



Une panenscopie réalisée à l'[14] le 14 janvier 2003 a dressé un bilan de la situation avant les soins cancéreux : ' On note une infiltration en masse de toute la loge amygdalienne gauche remontant en haut dans le cavum, atteignant les deux piliers. Au total, il s'agit d'une volumineuse tumeur très infiltrante de la loge amygdalienne gauche, associée à une très volumineuse adénopathie cervicale. Cette lésion est inopérable tant du fait du volume ganglionnaire que de l'importance de l'infiltration de la loge amygdalienne remontant dans le cavum. On confirme l'indication de radio-chimiothérapie concomitante en l'absence de dissémination métastatique'.



Le traitement de son cancer a pu débuter le 14 février 2003, différents autres problèmes de santé de [V] [C] ayant dû être traités auparavant : un abcès de la marge anale, une cellulite nécrosante ayant nécessité une hospitalisation en réanimation ainsi qu'une greffe de peau de la région scrotale et périnéale.



L'expert, le docteur [L], radiothérapeute, souligne que l'irradiation accidentelle corporelle totale de Monsieur [C] le 12 mars 2003, lors de la seconde séance, 'a eu un impact sur la prise en charge de sa maladie'.



Elle a en effet entrainé une aplasie médullaire fébrile nécessitant un isolement du 29 mars 2003 au 08 avril 2003, soit pendant 11 jours, occasionnant une mucite de la cavité buccale douloureuse avec nécessité d'une antibiothérapie intraveineuse, une corticothérapie intraveineuse et un traitement antalgique de niveau trois avec morphine.



L'expert ajoute que l'irradiation totale a eu comme conséquence d'une part, une interruption de traitement de radiothérapie pendant quatre semaines et d'autre part, deux cures de chimiothérapie au lieu de trois.



* Sur l'impact de l'arrêt de la radiothérapie :



Le pronostic de la maladie étant défavorable (maladie évoluant depuis 2000 en récidive en août 2002 à fort volume tumoral et inopérable), l'expert conclut qu' « on ne peut affirmer qu'il y a un lien direct et certain entre l'allongement de l'étalement de la radiothérapie et la poursuite évolutive (de la maladie cancéreuse) présentée par Monsieur [V] [C]. »



* Sur l'impact de deux cures au lieu de trois :



L'expert considère que d'après la littérature médicale, la dose de chimiothérapie qui a été administrée était suffisante pour avoir un bénéfice antitumoral.

Elle ne retient pas « la non-réalisation du troisième cycle de chimiothérapie comme facteur influençant le contrôle local à distance chez Monsieur [V] [C] ».



L'expert conclut donc que l'accident d'irradiation corporelle n'a pas eu d'incidence sur la survenue du décès de ce dernier.



Le docteur [L] a recherché des études portant sur des patients ayant un cancer ORL proche et appliquant leurs chiffres à [V] [C] relève que la survie globale à trois ans est de 21 % et à cinq ans de 11 % observant que ce dernier a vécu 21 mois par rapport à la date du diagnostic le 22 août 2002 (soit la date du scanner cervico thoraco abdominal).



Au vu de l'ensemble de ces éléments, et notamment du pronostic défavorable d'un cancer évoluant depuis 2000 avec une tumeur volumineuse et ne pouvant être opérée, la cour retient l'absence de lien de causalité direct et certain entre l'accident médical fautif du 12 mars 2003 et la poursuite évolutive de sa maladie cancéreuse puis son décès.



II - Sur les préjudices de [V] [C] :



Après avoir écarté les préjudices de dépenses de santé actuelles, de perte de gains professionnels actuels, de tierce personne et de frais divers, l'expert se prononce en faveur

des préjudices temporaires suivants : déficit fonctionnel temporaire en raison d'une hospitalisation du 12 mars 2003 au 20 avril 2003, souffrances endurées et préjudice esthétique temporaire.



S'agissant des préjudices permanents extra patrimoniaux, l'expert relève un préjudice esthétique permanent en lien avec l'alopécie de 1/7.



La cour observe que les consorts [C] ne formulent pas de demande au titre du déficit fonctionnel temporaire ni au titre du préjudice esthétique permanent.





* Sur le préjudice au titre des souffrances endurées :



Les consorts [C] sollicitent la somme de 80.000 euros alors que l'[14] propose de leur allouer une somme de 15.000 euros au titre des souffrances endurées.



Sur ce,



L'expert évalue les souffrances endurées par [V] [C] à 4 sur une échelle de 1 à 7.



Il résulte de l'expertise que pendant son hospitalisation en chambre avec mesures d'isolement, il a souffert de douleurs importantes nécessitant un traitement antalgique de niveau 3 avec de la morphine « initialement au pousse-seringue électrique puis avec un relais vers per os ».



L'expert mentionne que le 29 mars 2003 : « on majore les doses de morphine devant une dysphagie douloureuse de plus en plus intense et secondaire aux réactions de radio-mucite. »



Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de fixer à 20.000 euros la somme allouée aux ayants droit de [V] [C] au titre de l'indemnisation des souffrances endurées par ce dernier.



*Sur le préjudice esthétique temporaire :



Les consorts [C] sollicitent la somme de 80.000 euros alors que l'[14] propose une somme de 2.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.



Ils font valoir qu'à son retour à Tahiti, [V] [C] n'avait plus le corps d'un homme de 44 ans mais celui d'un homme de plus de 75 ans et qu'il fallait l'aider à s'habiller, à préparer tous ses repas, le soutenir ou l'aider à marcher, car ses jambes ne le portaient plus, tellement sa perte de poids et de masse musculaire avait été importante.



Sur ce,



Il résulte de l'expertise que suite à l'accident médical, [V] [C], pendant les quatre semaines d'hospitalisation, a subi une fonte musculaire et une dégradation de sa présentation générale perdant ses cheveux.



L'expert évalue le préjudice esthétique temporaire à 2 sur une échelle de 1 à 7.



La cour fixe, compte tenu de ces éléments, le préjudice esthétique temporaire de [V] [C] résultant de l'accident d'irradiation corporelle à la somme de 7000 euros.



* Sur le préjudice extra-patrimonial évolutif :



Les appelantes sollicitent l'allocation de la somme de 300.000 euros au titre du préjudice patrimonial évolutif au regard de la connaissance que [V] [C] avait de sa contamination suite à son irradiation qui allait entrainer son décès.



L'[14] sollicite le rejet de la demande.



Sur ce,



Les appelantes se réfèrent à l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination virale : il inclut les perturbations et les craintes éprouvées toujours latentes concernant l'espérance de vie ainsi que la crainte des souffrances ; il comprend aussi le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination ; il comprend également les perturbations de la vie sociale familiale et sexuelle ; il comprend enfin les souffrances, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément provoqué par les soins et traitements subis pour combattre la contamination ou en réduire les effets ; il n'inclut pas le préjudice à caractère personnel constaté par le déficit fonctionnel lorsqu'il existe.



Il s'agit d'un poste de préjudice qui concerne toutes les pathologies évolutives, maladies incurables susceptibles d'évoluer et dont le risque d'évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui doit être indemnisé en tant que tel.



Il fait référence aux virus de l'hépatite C, du VIH, à la maladie de Creutzfeldt [G] ou de l'amiante.



En l'espèce, [V] [C] a été pris en charge par l'[14] pour un cancer récidivant et inopérable dont le pronostic vital était mauvais et à l'origine de craintes concernant son espérance de vie lorsqu'il a subi l'irradiation corporelle fautive.



Il n'est pas résulté, en lien de causalité direct et certain, avec l'irradiation subie, de préjudice spécifique évolutif tel que décrit ci-dessus.



Les appelantes sont par conséquent déboutées de leur demande de ce chef.



* Sur le préjudice d'impréparation :



Les appelantes, qui sollicitent la somme de 30.000 euros de ce chef, font valoir que [V] [C] n'a pas été informé de ce qu'il allait recevoir une irradiation corporelle totale et que son préjudice d'impréparation est donc constitué.

L'[14] sollicite le rejet de cette demande.



Sur ce,



Aux termes de l'article L 1111-2 du code de la santé publique, le médecin doit informer son patient des différentes investigations, traitements ou actes de soins qui lui sont proposés, de leur utilité, de leurs conséquences et des risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que des autres solutions possibles et des conséquences prévisibles en cas de refus. L'information donnée par le médecin à son patient doit l'être au cours d'un entretien individuel, sous une forme essentiellement orale. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer le patient en raison de son état constituent des motifs de dispense de cette obligation. C'est au praticien qu'incombe la charge de prouver, par tous moyens, qu'il a rempli son obligation.



Il n'est pas soutenu par les appelantes que [V] [C] n'ait pas été informé, au titre du traitement de son cancer, des risques inhérents aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés ni que son consentement n'ait pas été recueilli par le praticien.



A l'évidence, il ne pouvait être informé qu'une irradiation fautive allait être réalisée par l'[14] suite à une homonymie ne s'agissant pas de complications d'une irradiation.



Dès lors, la cour déboute les consorts [C] de leur demande d'indemnisation au titre d'un préjudice d'impréparation subi par [V] [C].



III- Sur le préjudice d'affection et d'accompagnement des victimes indirectes :



Les appelantes sollicitent la somme de 35.000 euros chacune au titre du préjudice d'affection et de 30.000 euros chacune au titre du préjudice d'accompagnement, faisant valoir qu'elles ont assisté à la dégradation de l'état de santé de la victime ainsi qu'à ses souffrances et l'ont assistée pour tous les actes de la vie courante.



L'[14] fait valoir qu'en l'absence de perte de chance de survie, les indemnisations sollicitées au titre des préjudices d'affection du fait du décès de [V] [C] ne pourront qu'être rejetées, en l'absence de lien de causalité entre l'accident radiologique et le décès qui résulte de l'évolution inéluctable d'une pathologie cancéreuse de mauvais pronostic.

A titre subsidiaire, il demande que soit retenu un préjudice d'affection résultant non du décès mais de l'état temporairement diminué du patient du fait de cet accident de 2.000 euros pour chaque appelante.







Sur ce,



Le préjudice d'affection et d'accompagnement allégué en l'espèce par les appelantes résultant de la dégradation de l'état de santé de la victime ainsi que de ses souffrances, est en lien de causalité avec la maladie cancéreuse et non avec irradiation fautive subie.



Au titre préjudice d'affection résultant non du décès mais de l'état temporairement diminué du patient du fait de l'accident, il convient de condamner solidairement l'institut [14] et la société Relyens mutual insurance à payer la somme de 2.000 euros à chaque appelante.



*Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :



L'institut [14] et la société Relyens mutual insurance sont condamnés solidairement aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Madame [Z] [X], veuve [C] et Madame [E] [C] la somme totale de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



Déboute la Caisse de Prévoyance sociale de la Polynésie française de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,



Déclare irrecevables les conclusions et pièces communiquées par la Caisse de Prévoyance sociale de la Polynésie française le 5 mars 2024,



Infirme le jugement du 7 novembre 2014 du tribunal de grande instance de Créteil,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Condamne solidairement l'institut [14] et la société Relyens mutual insurance à payer à Madame [Z] [X], veuve [C] et à Madame [E] [C] les sommes suivantes :

- 20.000 euros au titre des souffrances endurées,

- 7.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 2.000 euros à chacune au titre de leur préjudice d'affection et d'accompagnement,



Condamne solidairement l'institut [14] et la société Relyens mutual insurance à payer à Madame [Z] [X], veuve [C] et à Madame [E] [C] une indemnité totale de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne solidairement l'institut [14] et la société Relyens mutual insurance aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l 'article 699 du code de procédure civile,



Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.





LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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