2 mai 2024
Cour d'appel de Lyon
RG n° 22/04393

3ème chambre A

Texte de la décision

N° RG 22/04393 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OLSN









Décision du Juge commissaire de LYON du 19 mai 2022

RG : 2022jc755







S.A. AXA FRANCE IARD



C/



Société SELARL [C] [H]

Société SCCV BON PASTEUR 1





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 02 Mai 2024







APPELANTE :



S.A. AXA FRANCE IARD immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 722 057 460, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représentée par Me Olivier COSTA de la SELARL BISMUTH AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T.88, postulant et par Me François BLANGY de la SCP CORDELIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant à l'audience par Me AUZIAS, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES :



Société SELARL [C] [H] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]



Société SCCV BON PASTEUR 1 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentées par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et ayants pour avocats plaidants Me Nicolas BES et Me Georges-Alexandre DERRIEN

de la SCP BES SAUVAIGO & Associés, avocats au barreau de LYON





* * * * * *





Date de clôture de l'instruction : 27 Février 2024



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Mars 2024



Date de mise à disposition : 02 Mai 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère



assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière



A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.



Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




* * * *



EXPOSÉ DU LITIGE



Par jugement rendu le 28 janvier 2021, la SCCV Bon Pasteur 1 a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon. La Selarl [C] [H], prise en la personne de Me [C] [H] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. Cette décision a été publiée au BODACC le 5 février 2021.



Par jugement rendu le 24 mars 2021, le tribunal de commerce de Lyon a converti la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SCCV Bon Pasteur 1 en liquidation judiciaire. La Selarl [C] [H] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire. Ce jugement a fait l'objet d'une publication au BODACC le 2 avril 2021.



Le 16 février 2021, la société Axa France IARD a déclaré entre les mains de la Selarl [C] [H] ès qualités, une créance d'un montant de 769.059,48 euros.



Le 11 octobre 2021, le liquidateur judiciaire a adressé une lettre recommandée avec avis de réception à la société Axa France IARD l'informant de la contestation de sa créance à la hauteur de 272.520,43 euros.



Par courrier du 10 novembre 2021, la société Axa France IARD a maintenu intégralement sa déclaration de créance et rappelé qu'elle avait accepté la réduction de sa créance dans le cadre d'un échéancier. Elle a indiqué que la créance déclarée correspondait aux frais pris en charge par le créancier dans le cadre de l'achèvement des travaux non exécutés.



Le 15 octobre 2021, un expert a déposé son rapport au tribunal judiciaire d'Angers concernant l'achèvement et visant à établir les comptes entre les différents intervenant dans ce chantier.



Par ordonnance du 19 mai 2022, le juge-commissaire, du tribunal de commerce de Lyon a


constaté l'existence d'une contestation sérieuse,

sursis à statuer,

renvoyé les parties à mieux se pourvoir et invité le créancier à saisir ladite juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce,

dit que la présente ordonnance sera notifiée aux parties dans les huit jours et qu'avis sera adressé aux mandataires de justice, conformément à l'article R. 624-4 du code de commerce,

dit que sa décision sera mentionnée sur la liste des créances,

dit que les dépens de la présente ordonnance seront tirés en frais privilégiés de procédure collective,

ordonné le dépôt au greffe de la présence ordonnance.




La Sa AXA France IARD a interjeté appel par déclaration du 14 juin 2022.



***





Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 février 2024, la société Axa France IARD demande à la cour, au visa de l'article R.624-5 du code de commerce, de :


infirmer l'ordonnance du 19 mai 2022 en toutes ses dispositions.




Statuant à nouveau,




inscrire la créance de la société AXA France IARD au passif de la SCCV Bon Pasteur 1 à hauteur de 769.059,48 euros,

condamner la SCCV Bon Pasteur 1 et la Selarl [C] [H], ès qualités, à payer à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.




Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 9 octobre 2023, la Selarl [C] [H] et la SCCV Bon Pasteur 1 1 demandent à la cour, au visa des articles L.624-2 et R.611-6 du code de commerce, de :




juger que la créance déclarée ne concerne ni la SCCV Bon pasteur 1 ni sa liquidation judiciaire,

juger qu'il existe une contestation sérieuse,

confirmer l'ordonnance rendue par le juge-commissaire en date du 19 mai 2022 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a constaté l'existence d'une contestation sérieuse, renvoyé les parties à mieux se pourvoir et invité le créancier à saisir le juge du fond,

débouter la société AXA France IARD de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

condamner la société AXA France IARD à verser à la Selarl [C] [H] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société AXA France IARD aux entiers dépens.




La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 février 2024, les débats étant fixés au 7 mars 2024.



Pour un plus ample exposé des moyens et motifs , renvoi sera effectué à dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur l'admission au passif de la créance déclarée par la société Axa France IARD



La société Axa France IARD fait valoir que :




sa créance d'un montant de 759.059,48 euros résulte d'un protocole d'accord transactionnel du 19 avril 2017 auquel la SCCV Bon Pasteur 1 est partie, et qui a force exécutoire suite à son homologation par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 22 décembre 2017,

elle dispose d'une créance certaine, liquide et exigible, et d'un titre exécutoire la concernant ce qui permet l'inscription de celle-ci au passif de la SCCV Bon Pasteur 1

les sommes dues par l'intimée sont détaillées dans un tableau réalisé par la société Auditec Bat, annexé au protocole d'accord,

les contestations sérieuses visées par le juge-commissaire sont antérieures à la signature du protocole transactionnel qui les a réglées,

en raison de la déconfiture de la SCCV Bon Pasteur 1 et des sociétés du groupe Art de Construire, elle a été contrainte de mettre en 'uvre sa garantie financière, la contrepartie étant le paiement par l'intimée des sommes avancées avec les autres sociétés du groupe, outre la mise en 'uvre de différentes garanties à son profit,

la SCCV Bon Pasteur 1 n'a pas respecté les obligations mises à sa charge suite à la signature du protocole transactionnel, notamment l'obligation de paiement, en dépit des délais de paiement accordé dans ce cadre,

la SCCV Bon Pasteur 1 est redevable solidairement avec les autres sociétés du Groupe Art de construire des sommes réclamées,

aucune caducité du protocole n'a été admise de sa part, la caducité évoquée dans ses conclusions de première instance ne portant que sur un accord postérieur sur les modalités de paiements,

le rapport d'expertise du 15 octobre 2021 n'a pas vocation à modifier sa créance puisqu'il ne porte que les réserves émises lors de la réception de l'ouvrage, le protocole ne prévoyant pas de conditions au paiement des sommes par les parties,

les sommes versées par l'appelante avaient pour objet de financer l'achèvement du chantier de construction et ne concernaient pas les réserves postérieures à la réception du chantier ou leur levée,

la SCCV Bon Pasteur 1 n'était pas concernée par la levée des réserves qui selon les termes mêmes du protocole, n'est pas susceptible d'influencer la créance détenue par la société Axa France IARD à son encontre,

le rapport d'expertise a dressé un compte entre le maître d'ouvrage et les constructeurs, mais ne portaient pas sur les relations entre la société Axa Assurance IARD et la SCCV Bon Pasteur 1 au titre du contrat de garantie de parfait achèvement.




La Selarl [C] [H] et la SCCV Bon Pasteur 1 font valoir que :




la créance déclarée fait l'objet de contestations sérieuses tant sur son existence que sur son quantum,

le tableau détaillant les sommes versées par la société Axa France IARD, établi par Auditec Bat fait état d'un solde d'un montant de 496.539,05 euros, due par la SCCV le Bon Pasteur 1,

la saisine du juge du fond par la société Axa France IARD démontre que cette dernière reconnaît l'existence d'une contestation sérieuse quant au bien-fondé de sa créance,

une expertise a été mise en 'uvre, avec un rapport déposé le 15 octobre 2021, pour faire les comptes entre les parties sur la question de l'achèvement des travaux, raison pour laquelle la SCI EHPAD du Cholet retient encore le solde du prix de vente,

la société Axa France IARD a reconnu dans ses écritures de première instance la caducité du protocole d'accord du 19 avril 2017.




Sur ce,



L'article L624-2 du code de commerce dispose que « Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission. »



Les documents versés aux débats à savoir le protocole d'accord du 19 avril 2017 ainsi que l'ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 22 décembre 2017 démontrent que la société Axa Assurance IARD a été contrainte d'intervenir au titre de la garantie contractuelle financière d'achèvement des travaux accordée à l'intimée, en raison de la défaillance des société ADC Constructions/ Art de Construire sur le chantier de la SCI EHPAD Cholet.



La lecture du protocole, notamment l'article 1, permet d'établir que la société SCCV Bon Pasteur 1 est partie au protocole, peu important le nom commercial et les différentes sociétés constituées dans le cadre du chantier, mais aussi d'établir que la société SCCV Bon Pasteur 1 sera redevable des sommes avancées par la société Axa Assurance IARD pour son compte, avec la fixation des modalités de remboursement.



Les éléments du protocole permettent de déterminer que toutes les sociétés citées en première page du protocole et faisant partie du groupe Art de Construire sont redevables solidairement des sommes réclamées au terme du protocole et sont toutes dénommées ensemble « le Groupe AMG/Art de Construire ».



Dès lors, cette mention implique que la SCCV Bon Pasteur 1 est redevable des sommes réclamées au protocole de même que toutes les autres sociétés mentionnées.



L'article 1 de ce protocole indique en outre que le groupe AMG a constitué la SCCV Bon Pasteur 1 dans le cadre de l'opération de construction.



Cet article précise également les garanties financières, nantissements ou hypothèques que la société AMG Participations et les sociétés du groupe Art de Construire devaient mettre en 'uvre pour garantir les sommes dues à l'appelante.



Enfin, il est relevé que le groupe AMG/Art de Construire a signé le protocole du 19 avril 2017.



Il est erroné de prétendre que la société Axa France IARD ne dispose d'aucune créance alors même qu'elle était engagée contractuellement au plan financier, en cas de défaillance de la société intimée, pour fournir les sommes nécessaires à l'achèvement du chantier engagé au profit de la SCI EHPAD Cholet. Cette garantie avait uniquement pour objet le financement des travaux restant à exécuter jusqu'à la réception et ne relevait pas d'une assurance de type dommages-ouvrages, ce qui mène à exclure les opérations d'expertise réalisées postérieurement à la réception du chantier concernant les réserves sur l'immeuble livré du débat, et à exclure toute conséquence de ces opérations sur la valeur juridique du protocole ou sa force exécutoire.



Il est noté que dans l'article 1 du protocole du 19 avril 2017, les sociétés du groupe bénéficiaient d'emblée d'un délai de paiement d'une année.



Enfin, renvoi était fait pour l'ensemble des parties au détail des sommes versées dans le cadre du suivi du chantier réalisé par Auditec Bat afin de déterminer les sommes dues par chaque entreprise, et notamment par le Groupe AMG/Art de Construire, au titre des différentes sociétés qui avaient été créées, dont la SCCV Bon Pasteur 1.



C'est à tort que la SCCV Bon Pasteur 1 prétend ne pas être concernée par le protocole alors qu'elle en est signataire par le biais du groupe auquel elle appartient et est donc engagée au titre des obligations souscrites dans le cadre du protocole.



En outre, elle ne peut nier que la société Axa France IARD bénéficie d'un titre exécutoire puisque la force exécutoire a été conférée au protocole du 19 avril 2017 par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris du 22 décembre 2017.



Les intimées prétendent que la société Axa France IARD a fait état de la caducité du protocole transactionnel dans le cadre de l'instance ouverte au fond, instance qui à leur sens démontre un acquiescement de l'appelante à la décision du juge-commissaire.



Toutefois, il est relevé que la société Axa France IARD a seulement entendu garantir ses droits en saisissant le juge du fond dans l'attente de la décision de la cour d'appel, et qu'en outre, la caducité évoquée par l'appelante ne concerne pas la valeur du protocole transactionnel mais porte sur des délais de paiement accordés postérieurement au protocole au groupe AMG/Art de construire pour s'acquitter des sommes dues.



Au regard de l'ensemble de ces éléments, il appert que la société Axa France IARD dispose d'une créance certaine, liquide, exigible et dénuée de toute contestation sérieuse quant à son existence ou son quantum.



Dès lors, il convient d'infirmer dans sa totalité la décision déférée, et statuant à nouveau d'ordonner l'inscription au passif de la SCCV Bon Pasteur 1, la créance de la société Axa France IARD pour la somme de 769.059,48 euros.





Sur les demandes accessoires



La SCCV Bon Pasteur 1 et la Selarl [C] [H] échouant en leurs prétentions, elle seront condamnées à supporter les dépens de première instance et de la procédure d'appel, qui seront tirés en frais privilégiés de procédure.



L'équité commande d'accorder à la société Axa France IARD une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La somme de 2.500 euros lui sera octroyée, et sera inscrite au passif de la SCCV Bon Pasteur 1, seule condamnée à ce titre.







PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel,



Infirme la décision déférée dans son intégralité ;





Statuant à nouveau



Ordonne l'inscription au passif de la SCCV Bon Pasteur 1 de la créance de la société Axa Assurance IARD pour la somme de 769.059,48 euros,



Condamne la SCCV Bon Pasteur 1 et la Selarl [C] [H] en sa qualité de liquidateur judiciaire à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel qui seront tirés en frais privilégiés de la procédure,



Octroie à la SA Axa France Iard la somme de 2.500 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Ordonne l'inscription de cette somme au passif de la SCCV Bon Pasteur 1.







LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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