2 mai 2024
Cour d'appel de Limoges
RG n° 23/00362

Chambre civile

Texte de la décision

ARRET N°152 .



N° RG 23/00362 - N° Portalis DBV6-V-B7H-BIOIQ



AFFAIRE :



S.A.S. RENOV FACADES

C/

M. [T] [Z], Mme [X] [Z], M. [Y] [K], Mme [L] [N] EPOUSE [K]









GS/LM







Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels



















Grosse délivrée aux avocats





COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

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ARRET DU 02 MAI 2024

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Le DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE la chambre civile a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :



ENTRE :



S.A.S. RENOV FACADES, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Vincent DESPORT, avocat au barreau de BRIVE



APPELANTE d'une décision rendue le 17 MARS 2023 par le TRIBUNAL JUDICIAIRE HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BRIVE



ET :



Monsieur [T] [Z]

né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 5], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Chloé SANCHEZ, avocat au barreau de TULLE



Madame [X] [Z]

née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 5], demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Chloé SANCHEZ, avocat au barreau de TULLE



Monsieur [Y] [K], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mélanie COUSIN de la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE



Madame [L] [N] EPOUSE [K], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Mélanie COUSIN de la SELAS GOUT DIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TULLE





INTIMES



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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 07 Mars 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2024.



La Cour étant composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de Monsieur Gérard SOURY et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a été entendu en son rapport, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.



Puis Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 02 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.



LA COUR



FAITS et PROCÉDURE



Le 12 mars 2018, les époux [K] ont confié à la société Renov façades le nettoyage haute-pression de la toiture en fibrociment d'une grange leur appartenant. Lors de cette opération, des particules d'amiante ont été projetées sur la propriété voisine des époux [Z].



Le 20 mai 2021, les époux [Z] ont assigné la société Renov façades et les époux [K] devant le tribunal judiciaire de Brive en réparation de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité délictuelle.



Par jugement réputé contradictoire du 17 mars 2023, le tribunal judiciaire a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire:

- déclaré la société Renov façades seule responsable du préjudice subi par les époux [Z],

- condamné cette société à payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts aux époux [Z] en réparation de leurs préjudices,

- rejeté les demandes formées par les époux [Z] à l'encontre des époux [K].



La société Renov façades a relevé appel de ce jugement.





MOYENS et PRÉTENTIONS



La société Renov façades conclut au rejet des demandes des époux [Z] en soutenant que ces derniers ne rapportent pas la preuve de la présence d'amiante dans le sol de leur propriété. Subsidiairement, cette société demande l'organisation d'une expertise judiciaire.



Les époux [Z] fondent en cause d'appel, leur action sur le trouble anormal du voisinage, et appelants incidents, demandent la condamnation in solidum de la société Renov façades et des époux [K] à leur payer une somme portée à 31 430 euros en réparation de leur préjudice matériel et 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral. Ils soutiennent rapporter la preuve de la pollution par l'amiante de leur parcelle consécutivement aux travaux sur la grange des époux [K]. Subsidiairement, ils invoquent la responsabilité du fait des choses.



Les époux [K] concluent à la confirmation du jugement. Subsidiairement, ils s'opposent aux prétentions des époux [Z] qu'ils estiment non justifiées. Très subsidiairement, ils demandent à être garantis de toutes condamnations par la société Renov façades.






MOTIFS



Sur les responsabilités.



1) la responsabilité de la société Renov façades.



La société Renov façades n'articule aucune critique à l'encontre du chef du jugement retenant le principe de sa responsabilité en sa qualité de gardienne des résidus d'amiante provenant de la toiture qu'elle nettoyait puisqu'elle se borne, pour s'opposer aux prétentions des époux [Z], à soutenir que ceux-ci ne justifient pas d'un préjudice, les résidus d'amiante s'étant seulement déposés en surface de leur jardin sans pénétrer le sol.



Cependant, ce seul dépôt d'une substance dangereuse pour la santé des personnes tel que constaté dans le rapport d'analyse EasyLab du 18 avril 2018, même limité à la surface de la parcelle, suffit à constituer un préjudice qui engage la responsabilité de la société Renov façades, sans qu'il y ait lieu d recourir à une mesure d'expertise.



2) La responsabilité des époux [K].



En cause d'appel, les époux [Z] soutiennent, à titre principal, avoir subi un trouble du voisinage, qui engage la responsabilité des époux [K] en leur qualité de propriétaire de la grange concernée par les travaux litigieux.



L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit.



En l'occurrence, même si elle trouve son origine dans la mauvaise exécution des travaux commandés sur leur grange par les époux [K] à la société Renov façades, le dépôt de résidus d'amiante provenant de la toiture de cet immeuble sur la parcelle voisine des époux [Z] s'analyse en une pollution du site constitutive d'un trouble anormal du voisinage, qui comme tel, engage la responsabilité de plein droit des époux [K] en leur qualité de propriétaire de la grange.



Il s'ensuit que le jugement sera réformé pour déclarer les époux [K] responsables, in solidum avec la société renov façades, du préjudice des époux [Z].



Sur le préjudice subi par les époux [Z].



1) le préjudice matériel.



La présence de fibres d'amiante sur la parcelle des époux [Z] est établie par le rapport d'analyse EasyLab du 18 avril 2018. Cette présence d'une substance dangereuse pour la santé, même limitée à la surface du sol, implique un traitement pour remédier à cette contamination.



Pour justifier la majoration de l'indemnisation de leur préjudice matériel au montant de 31 430 euros, les époux [Z] se fondent sur deux devis:

- un devis de la société Vitale assistance du 27 août 2018 portant sur le traitement de l'amiante par voie de décapage du terrain contaminé,

- un devis de la société Mirat du 25 février 2020 portant sur la remise en état du jardin.



Le devis de la société Vitale assistance du 27 août 2018 d'un montant de 12 914 euros TTC pour des prestations de traitement de l'amiante sur le fonds des époux [Z] apparaît justifié par les nécessités sanitaires de décontamination du terrain pollué. Ce devis inclut la dépose du grillage et des piquets du parc à poules. Aucune indemnité complémentaire ne saurait être allouée aux époux [Z] au titre de ce grillage, dont seule la dépose est prévue et qui peut être rétabli après décontamination, sauf preuve de sa perte totale non rapportée en l'espèce. Le jugement sera réformé en ce qu'il a alloué aux époux [Z] une somme de 1 375 euros à titre de dommages-intérêts pour reprise du grillage.



S'agissant du devis de la société Mirat 'paysages et pépinières' d'un montant de 15 516 euros TTC, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu l'engazonnage du jardin des époux [Z] pour un montant de 1 410 euros HT, soit 1 692 euros TTC, puisque la remise en état du site (herbe et nivellement) n'était pas comprise dans le devis de désamiantage de la société Vitale assistance et que le décapage de la surface du sol nécessite la remise en état de celui-ci.



En revanche, c'est à tort que les premiers juges ont retenu les travaux de remise en état du bassin d'agrément dont le lien avec le désamiantage n'est pas justifié.



Pour le surplus, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté les autres prestations de ce devis, comme étrangères aux travaux de désamiantage, sauf à faire bénéficier les époux [Z] d'un enrichissement incompatible avec le principe de l'indemnisation.



2) Le préjudice moral.



Au soutien de leur demande d'indemnisation d'un préjudice moral, les époux [Z] font valoir que la pollution de leur jardin par l'amiante a eu pour conséquence:

- de détériorer les relations précédemment amicales avec leurs voisins,

- de les priver de l'agrément de leur jardin,

- de générer une angoisse pour leur santé liée à la contamination de leur propriété.



La détérioration des relations avec les époux [K] trouve son origine dans le litige opposant les parties et ne saurait donner lieu à indemnisation.



La privation de l'agrément du jardin constitue un trouble de jouissance dont la réparation n'est pas réclamée.



Enfin, l'angoisse dont font état les époux [Z] n'est étayée par aucun élément objectif.



La demande en réparation d'un préjudice moral sera donc rejetée.



Sur le recours en garantie formé par les époux [K] à l'encontre de la société Renov façades.



La pollution par l'amiante de la parcelle des époux [Z] trouve son origine exclusive dans la faute de la société Renov façades qui, en sa qualité de professionnelle, ne pouvait ignorer le risque sanitaire propre à la couverture en fibrociment sur laquelle portait sa prestation de nettoyage et qui se devait de prendre toutes précautions nécessaires pour satisfaire à son obligation de résultat d'exécuter la mission qui lui était confiée par les époux [K] sans dommage pour les riverains de la grange.



Il convient de condamner la société Renov façades à garantir les époux [K] de toutes les sommes auxquels ces derniers sont tenus à l'égard des époux [Z].





PAR CES MOTIFS



La Cour d' appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;



INFIRME le jugement rendu le 17 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Brive;



Statuant à nouveau,



CONDAMNE in solidum la société Renov façades et les époux [K] à payer aux époux [Z]:

- 12 914 euros TTC au titre du désamiantage de leur parcelle,

- 1 692 euros TTC au titre de l'engazonnage de leur jardin;



CONDAMNE la société Renov façades à garantir les époux [K] des sommes supportées par ceux-ci au titre des condamnations précitées, sur justificatifs;



REJETTE la demande des époux [Z] en réparation d'un préjudice moral ;



Vu l'équité, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la société Renov façades aux dépens de première instance et d'appel.





LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,











Line MALLEVERGNE. Corinne BALIAN.

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