2 mai 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 23/58657

Service des référés

Texte de la décision

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/58657 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3IES

N° : 12

Assignation du :
17 Novembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le :


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 02 mai 2024



par François VARICHON, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assisté de Larissa FERELLOC, Greffier.
DEMANDERESSE

Madame [G] [W] [V] [B]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Stéphanie GIOVANNETTI, avocat au barreau de PARIS - #D1982



DEFENDERESSE

La S.A.R.L. LOTUS
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Me Mila DROUARD, avocat au barreau de PARIS - #R0209



DÉBATS

A l’audience du 21 Mars 2024, tenue publiquement, présidée par François VARICHON, Vice-président, assisté de Larissa FERELLOC, Greffier,






Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,


EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 5 juillet 2018, Mme [U] [X], aux droits de laquelle se présente Mme [G] [B], a consenti à la société LOTUS un renouvellement de bail commercial portant sur des locaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 4] et [Adresse 3] à [Localité 5], pour une durée de neuf ans à compter du 31 janvier 2018, moyennant un loyer annuel de 46.304,35 € HT et HC payable par trimestre et d’avance.

Le 6 octobre 2023, Mme [G] [B] a fait signifier à la société LOTUS un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail d’avoir à lui payer la somme de 38.555,52 € au titre des loyers et charges, outre une pénalité contractuelle correspondant à 10 % de l’arriéré locatif.

Le 17 novembre 2023, Mme [G] [B] a fait assigner la société LOTUS devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris auquel elle demande de:

- constater l’acquisition de la clause résolutoire;
- ordonner l’expulsion de la société LOTUS et de tous occupants de son chef sous astreinte de 200 € par jour de retard;
- ordonner la séquestration du mobilier;
- condamner par provision la société LOTUS à lui payer une indemnité d’occupation égale au montant du loyer augmenté des charges et taxes exigibles;
- condamner la société LOTUS à lui payer une provision de 40.573,37 € à titre d’arriéré locatif selon décompte arrêté au 8 novembre 2023;
- condamner la société LOTUS à lui payer une provision de 4.057,33 € à titre de pénalité contractuelle;
- condamner la société LOTUS à lui payer 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens en ce compris le coût du commandement de payer, de l’état des nantissements et privilèges et de l’extrait Kbis.

A l’audience du 21 mars 2024, Mme [G] [B] actualise sa demande de paiement de l’arriéré locatif à la somme de 24.436,53 € selon décompte arrêté au 31 mars 2024, échéance du 1er trimestre 2024 incluse.

Aux termes de ses conclusions développées oralement à l’audience, la société LOTUS demande au juge de:

- lui accorder 24 mois pour apurer sa dette résiduelle d’un montant de 24.436,53 €;
- débouter Mme [G] [B] sa demande de paiement de la pénalité contractuelle;
- réduire à 500 € le montant de l’indemnité éventuellement allouée à Mme [G] [B] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, à l'assignation introductive d’instance et aux écritures déposées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'expulsion d'un locataire devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés en application des dispositions précitées dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1104 ajoute qu’ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l’espèce, le bail du 5 juillet 2018 comporte une clause résolutoire applicable notamment en cas de défaut de paiement à son échéance d’un seul terme de loyer ou de charges. Le commandement de payer signifié 6 octobre 2023 à la société LOTUS vise cette clause. Il porte sur un arriéré locatif de 38.555,52 € selon décompte annexé à l’acte, outre une pénalité contractuelle correspondant à 10 % de cette somme.

Il résulte du décompte versé aux débats que la société LOTUS ne s’est pas acquittée des causes du commandement du 6 octobre 2023 dans le délai d’un mois à compter de la délivrance de l’acte. Il convient donc de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies à la date du 6 novembre 2023 à 24h00.

Sur les demandes de provision

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L’article 1728 du code civil énonce que le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.

En l’espèce, Mme [G] [B] produit un décompte des loyers et de charges arrêté à la somme de 24.436,53 €.

L’obligation de la société LOTUS n’étant pas sérieusement contestable, il convient de la condamner à titre provisionnel à payer cette somme à Mme [G] [B] à titre d’arriéré de loyers, charges et accessoires selon décompte arrêté au 20 mars 2024, échéance du 1er trimestre 2024 incluse, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2023, date du commandement précité.

La clause pénale dont se prévaut la bailleresse à l’appui de sa demande de paiement de la somme de 4.057,33 € étant susceptible d’être modérée par le juge du fond en application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, il n’y a pas lieu à référé sur ce point.

Sur les demandes de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire

La société LOTUS sollicite le bénéfice de délais de paiement. Elle explique qu’après avoir rencontré des difficultés ponctuelles de paiement, elle a effectué plusieurs versements pour réduire sa dette.

Mme [G] [B] s’oppose à l’octroi des délais sollicités.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, il résulte du relevé de compte actualisé versé aux débats que la société LOTUS a effectué au cours des dernières semaines des versements substantiels afin de réduire le montant de sa dette locative à l’égard de Mme [G] [B]. Dans ces conditions, il y a lieu de lui accorder des délais de paiement pour s’acquitter du montant de sa dette résiduelle, selon les termes du dispositif ci-après.

Les délais ainsi accordés auront pour effet de suspendre la clause résolutoire, étant entendu que s'ils ne sont pas respectés, l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible, la clause résolutoire retrouvera son plein effet et la société LOTUS devra quitter les lieux sous peine d’expulsion et de celle de tous les occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique si besoin est. Dans cette hypothèse, la société LOTUS sera également redevable envers Mme [G] [B], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux, caractérisée par la restitution des clés au Mme [G] [B], d'une indemnité d'occupation qui sera fixée à titre provisionnel au montant du loyer augmenté des charges et taxes, tel qu’il résulterait de la poursuite du bail. La nécessité d’une astreinte n’étant pas démontrée, celle-ci ne sera pas ordonnée.

Sur les demandes accessoires

La société LOTUS sera condamnée aux dépens de l’instance, en compris les frais de levée de l’état des privilèges et nantissements et de l’extrait Kbis acquittés auprès du tribunal de commerce. En revanche, il n’y a pas lieu d’inclure dans les dépens le coût du commandement de payer du 6 octobre 2023 puisque celui-ci, inscrit au débit du relevé de compte de la société LOTUS, est d’ores et déjà inclus dans somme de 24.436,53 € au paiement de laquelle la défenderesse a été condamnée à titre provisionnel.

L’équité commande de condamner la société LOTUS à payer à Mme [G] [B] la somme de 1.500 € € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Constatons l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail du 5 juillet 2018 portant sur les locaux situés [Adresse 4] et [Adresse 3] à [Localité 5], avec effet à la date du 6 novembre 2023 à 24h00,

Condamnons la société LOTUS à payer à Mme [G] [B] la somme provisionnelle de 24.436,53 € à titre d’arriéré de loyers, charges et accessoires selon décompte arrêté au 20 mars 2024, échéance du 1er trimestre 2024 incluse, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2023,

Accordons à la société LOTUS des délais de paiement,

Disons que la société LOTUS pourra s’acquitter du paiement de la provision précitée, en sus du loyer et des charges courants, moyennant 11 mensualités successives d’un montant de 1.500 € chacune et une 12ème mensualité soldant la dette, étant précisé que le premier versement devra avoir lieu avant le 10 du mois suivant la signification de la présente ordonnance et que chaque versement mensuel devra intervenir avant le 10 de chaque mois,

Disons que les effets de la clause résolutoire seront suspendus durant le cours des délais ainsi accordés,

Disons qu’en cas de paiement de la dette selon les termes de l’échéancier susvisé, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué,

Disons qu’à défaut de paiement d’un seul loyer et des charges courants ou d’une seule mensualité à échéance, la clause résolutoire reprendra ses effets, et :

- le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,

- l’expulsion de la société LOTUS pourra être poursuivie ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 4] et [Adresse 3] à [Localité 5], avec l’assistance, si besoin, de la force publique et d’un serrurier,
- le sort des meubles se trouvant dans les lieux loués sera régi conformément aux articles L. 433-1 et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
- la société LOTUS sera condamnée à payer, à titre provisionnel, à Mme [G] [B] une indemnité d’occupation égale au montant du loyer tel qu’il résulterait de la poursuite du contrat outre les charges et taxes, jusqu’à la libération effective des lieux et la remise des clés,

Déboutons Mme [G] [B] de sa demande de prononcé d’une astreinte,

Condamnons la société LOTUS à payer à Mme [G] [B] la somme de 1.500 € € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons la société LOTUS au paiement des dépens, en ce compris les frais de levée de l’état des privilèges et nantissements et de l’extrait Kbis acquittés auprès du tribunal de commerce,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les autres demandes.


Fait à Paris le 02 mai 2024

Le Greffier, Le Président,



Larissa FERELLOC François VARICHON

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