30 avril 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 23/03866

Chambre commerciale 3-2

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4IA



Chambre commerciale

3-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 AVRIL 2024



N° RG 23/03866

N° Portalis

DBV3-V-B7H-V5EI



AFFAIRE :



[L] [V]

...



C/



S.E.L.A.R.L. MMJ

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2023 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2021L01363



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Banna NDAO



Me Georges ZOGHAIB



Me Franck LAFON



Me Katell

FERCHAUX-

LALLEMENT



MP



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Monsieur [L] [V] ès qualités d'ancien représentant légal de la société NATEXIAS

[Adresse 3]

[Localité 8]



Représentant : Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 - N° du dossier 23/094

Représentant : Me Franck SERFATI, Plaidant, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : 149



Monsieur [N] [C] ès qualités de représentant légal de la société NATEXIAS

[Adresse 4]

[Localité 9]



Représentant : Me Georges ZOGHAIB de la SCP LUCQUIN-ZOGHAIB AVOCATS, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 149



Monsieur [Y], [K] [M] ès qualités d'ancien représentant légal de la société NATEXIAS

[Adresse 1]

[Localité 11]



Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20230233

Représentant : Me Christian GAYRAUD de la SCP GAYRAUD BENAHJI DANIELOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire: 51



APPELANTS ET INTIMES

****************



LE PROCUREUR GENERAL

POLE ECOFI - COUR D'APPEL DE VERSAILLES

[Adresse 5]

[Localité 7]



S.E.L.A.R.L. MMJ prise en la personne de Me [I] [P] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société NATEXIAS

[Adresse 2]

[Localité 10]



Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20230349

Représentant : Me Béatrice HIEST NOBLET de la SCP HYEST et ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0311



INTIMES

****************



Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Novembre 2023, Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :



Monsieur Ronan GUERLOT, Président,,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN






En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 30 aout 2023 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.



La SAS Natexias (la société Natexias), créée le 20 novembre 2015 par M. [L] [V], avait pour activité les travaux de bâtiment, construction, rénovation, équipement du bâtiment, agencement et vente. Elle a eu pour dirigeants successifs :



- M. [L] [V] du 26 novembre 2015 au 5 février 2018 ;

- M. [Y] [M] du 5 février 2018 au 14 mai 2018 ;

- M. [N] [C] du 14 mai 2018 au 10 mai 2019 ;



Par un jugement du 10 mai 2019, le tribunal de commerce de Pontoise, saisi par assignation de la société Pallanche constructions, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Natexias, désigné la Selarl MMJ, prise en la personne de M. [P], en qualité de liquidateur judiciaire et fixé la date de cessation des paiements au 3 octobre 2018.



Par un jugement du 5 juin 2023, le tribunal de commerce de Pontoise a :



- constaté l'insuffisance d'actif de la société Natexias à hauteur de la somme de 8 608 883,08 euros ;

- condamné M. [V] à payer la somme de 68 658,46 euros en recouvrement partiel de l'insuffisance d'actif, avec intérêts de droit calculés au taux légal à compter du jugement ;

- condamné M. [C] à payer la somme de 5 000 euros en recouvrement partiel de l'insuffisance d'actif, avec intérêts de droit calculés au taux légal à compter du présent jugement ;

- condamné in solidum MM. [M], [V] et [C] à payer la somme de 508 647,20 euros en recouvrement partiel de l'insuffisance d'actif avec intérêts de droit calculés au taux légal à compter du présent jugement ;

- condamné in solidum MM.[M], [V] et [C] à payer à la Selarl MMJ ès-qualités la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné MM. [M], [V] et [C] aux entiers dépens de l'instance.



Par déclarations des 16 juin, 10 juillet et 12 juillet 2023 MM. [V], [M] et [C] ont respectivement interjeté appel.



Par ordonnances des 1er et 10 août 2023, ces trois procédures ont fait l'objet d'une jonction.



Dans ses conclusions déposées au greffe et signifiées par RPVA le 6 juillet 2023, M. [V] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris comme étant dépourvu de toute motivation précise, en tout cas suffisante, pertinente et circonstanciée ;

Statuant à nouveau,

- débouter maître [P], ès-qualités, de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

- condamner maître [P] ès-qualités à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.



Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et signifiées par RPVA le 16 novembre 2023, M. [M] demande à la cour de :



- juger qu'il n'a commis aucune faute de gestion ;

- juger également si par impossible la cour retenait une ou plusieurs fautes de gestion que le lien de causalité entre cette faute de gestion ou ces fautes de gestion et l'augmentation de l'insuffisance d'actif n'est pas démontré par la Selarl MMJ représentée par maître [P] ;

En conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé des sanctions pécuniaires à son encontre ;

A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour prononçait une condamnation à l'encontre des trois défendeurs, juger que cette dernière ne peut être supérieure à la somme de 228 000 euros correspondant à la remise en cause par les services fiscaux du contrat d'apporteur d'affaires signé entre la société Sonexy et la société Natexias ;

- juger qu'en tout état de cause qu'il n'y a lieu à condamnation in solidum entre eux ;

- débouter la Selarl MMJ de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

- condamner la Selarl MMJ en tous les dépens dont distraction au profit de maître Lafon conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et signifiées par RPVA le 25 octobre 2023, M. [C] demande à la cour de :



- juger qu'il n'a commis aucune faute de gestion ;

- juger également si par impossible la cour retenait une ou plusieurs fautes de gestion que le lien de causalité entre cette faute de gestion ou ces fautes de gestion et l'augmentation de l'insuffisance d'actif n'est pas démontré par la Selarl MMJ représentée par maître [P] ;

En conséquence,

- infirmer le jugement ;

A titre subsidiaire, si par impossible la cour prononçait une condamnation à l'encontre des défendeurs, juger qu'il n'y a lieu à condamnation in solidum entre eux.





Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et signifiées par RPVA le 9 novembre 2023, la Selarl MMJ, ès qualités, demande à a la cour de :



- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité pour MM. [V], [C] et [M] ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné MM. [V], [C], et [M] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la déclarer bien fondée en son appel incident.

Et, y faisant droit,

- infirmer le jugement déféré quant au quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de

MM. [V], [C] et [M].

Statuant à nouveau de ce chef,

- les condamner in solidum à lui payer une somme supérieure au montant retenu par les premiers juges au titre de leur responsabilité pour insuffisance d'actif, dans la limite du montant de l'insuffisance d'actif de 9 819 226,26 euros.

En toute hypothèse,

- condamner in solidum MM. [V], [C] et [M] à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- les condamner aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl BDL avocats, représentée par maître Ferchaux Lallement.



Dans son avis notifié par RPVA le 30 août 2023, le ministère public demande à la cour de confirmer en tous points le jugement et s'en remet à la sagesse de la cour concernant le quantum et la répartition de la condamnation en insuffisance d'actif entre les dirigeants.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 novembre 2023.



Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




Motifs de la décision



A-Sur l'insuffisance d'actif et les fautes de gestion



1- Sur le montant de l'insuffisance d'actif

M.[M] conteste le montant de l'insuffisance d'actif et le considère comme erroné. Il expose que le passif chirographaire d'un montant de 7 398 434,08 euros doit être retraité. A cet égard, il fait valoir que la créance déclarée par la SCI Amaryllis à hauteur de 2 611 074 euros ne doit pas être admise au passif de la société Natexias au motif qu'elle fait l'objet d'une instance en cours devant le tribunal judiciaire de Versailles. Il considère en outre qu'elle est éteinte car la société Abeille Iard & Santé a désintéressé la SCI Amaryllis de son préjudice. Il souligne plus largement que le liquidateur judiciaire n'a pas pris en compte les divers remboursements obtenus par les maîtres de l'ouvrage par leur assurance et conteste l'admission de toutes les créances relatives aux chantiers non terminés à défaut de titre exécutoire. Il fait observer que le dernier dirigeant, M. [C], a contesté l'ensemble des créances déclarées portant sur les chantiers litigieux et que le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour en connaître en renvoyant les créanciers à saisir le juge du fond aux fins de fixation.

Il conteste également la créance de la société Skwirrel d'un montant de 1 989 844 euros correspondant à trois chèques de garantie émis par la société Natexias revenus impayés. Il explique que la société Natexias en tant que sous-traitant de la société Skwirrel est créancière de cette dernière, qui ne l'a pas payée pour le travail réalisé, et relève à cet égard que le liquidateur de la société Skwirrel n'apporte pas la preuve que certaines prestations effectuées par la société Natexias sont fictives.

Il en déduit que, déduction faite de ces créances, le montant du passif s'élève à 1 705 054 euros et considère que la société Natexias n'était en état de cessation des paiements au jour du jugement d'ouverture.

Il fait en outre observer que la dette résultant de la vérification fiscale est postérieure à la date de la liquidation judiciaire et que les dettes de 800 000 euros de la société Natexias envers ses fournisseurs et créanciers au jour du jugement d'ouverture auraient pu être largement couvertes par la créance qu'elle détenait envers la société Skwirrel.

Il termine en soulignant que la mise en demeure de la société Pallanche constructions ne permet pas de caractériser l'existence d'une insuffisance d'actif qui serait née sous son mandat.



La Selarl MMJ ès qualités soutient que selon l'état des créances au 12 octobre 2022, le montant de l'insuffisance d'actif s'élève à 9 819 226,26 euros. Elle fait valoir qu'aucun actif n'a pu être réalisé et que le commissaire-priseur a dressé un constat d'impécuniosité le 18 juillet 2019. Elle fait observer que le dernier représentant légal de la société Natexias ne lui a donné aucun motif de contestations.

Concernant la créance de la société Amaryllis, elle expose que la créance de cette dernière a été définitivement admise et s'agissant de la créance déclarée par la société Skwirrel à hauteur de 1 989 844 euros, elle fait valoir que celle-ci s'est vue objecter par le PNCEE (Pôle national des certificats d'économies d'énergie) la fictivité de certains des chantiers de la société Natexias.

Concernant la créance que la société Natexias réclame à la société Skwirrel à hauteur de 2 060 000 euros, elle expose qu'elle a été contestée dans la procédure de liquidation judiciaire de la société Skwirrel, qu'elle a été déclarée à titre chirographaire et que, dès lors, son recouvrement apparaît improbable.

Elle considère en tout état de cause que l'insuffisance d'actif de la société Natexias est caractérisée depuis début 2017. A cet égard, elle souligne que les données comptables de l'exercice 2017 révèlent que le chiffre d'affaires de cet exercice, qui résulte en grande partie des contrats conclus avec la société Skirrel, n'est pas probant car il est totalement disproportionné avec le résultat net d'exploitation. Elle ajoute que, dès l'exercice 2016, l'impôt sur les sociétés et la TVA n'ont pas été acquittés et que, selon les relevés bancaires, des frais de prélèvement ont été rejetés dès mars 2018. Elle considère dès lors que la société Natexias n'était plus capable de poursuivre son activité dès décembre 2018 ayant abandonné des chantiers à ce moment.



MM. [V] et [C] ne font pas d'observation sur le montant de l'insuffisance d'actif retenu par le tribunal.



Le ministère public demande la confirmation du jugement.



réponse de la cour



L'article L. 651-2 du code de commerce dispose notamment :



'lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut pas être engagée'.



L'insuffisance d'actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l'actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s'apprécie à la date à laquelle le juge statue.



En l'espèce, selon la dernière liste des créances du 12 octobre 2022 (pièce 37 du liquidateur judiciaire), le passif définitivement admis s'élève à la somme de 9 819 226,26 euros, hors passif provisionnel étant relevé que le dernier dirigeant, M. [C], n'a présenté aucun motif sérieux de contestation au liquidateur judiciaire. En effet, il n'a pas détaillé ses annotations sur l'éventuel rejet de certaines créances.



Ainsi, il n'est pas démontré que la créance de la société Amaryllis d'un montant de 2 611 074 euros fasse l'objet d'une contestation sérieuse au cours d'un procès en cours ou qu'elle soit éteinte. De manière surabondante, la cour observe que dans l'hypothèse où l'assureur de la société Amaryllis l'aurait indemnisé celui-ci disposerait d'un recours subrogatoire à l'égard de la société Natexias qui n'éteindrait aucunement la créance principale. Dans ces conditions, la créance de la société Amaryllis doit être comptabilisée dans l'insuffisance d'actif.



Les dettes fiscales de la société Natexias doivent être également incluses dans l'insuffisance d'actif. En effet, si celles-ci ont été révélées lors d'un contrôle fiscal postérieurement au jugement d'ouverture, elles trouvent néanmoins leur origine antérieurement au dit jugement puisqu'elles sont nées de manquements commis au cours des exercices 2016, 2017 et 2018.



En revanche, la créance de la société Skwirrel d'un montant de 1 989 844 euros ne peut être incluse dans l'insuffisance d'actif. En effet, selon la déclaration de cette société (pièce 26 du liquidateur), cette créance correspond à des avances versées par la société Skwirrel à la société Natexias dans l'attente de la validation des travaux réalisés par la société Natexias par le PNCCE. Or, pour fonder sa demande de remboursement de ces avances, la société Skwirrel fait état du refus du PNCCE de valider les travaux, sans toutefois produire de document émanant de cet organisme.



Par ailleurs, il est constant qu'aucun actif n'a pu être réalisé et qu'un constat d'impécuniosité a été dressé le 18 juillet 2019 par un commissaire-priseur. De surcroît, la créance chirographaire de la société Natexias d'un montant de 2 060 000 euros déclarée à la liquidation judiciaire de la société Skwirrel ne peut être comptabilisée dans l'actif réalisé au jour où la cour statue.



Il en résulte que la somme de 7 829 382,26 euros (9 819 226,26 - 1 989 844) est donc retenue au titre de l'insuffisance d'actif. Il convient en conséquence de retenir une insuffisance d'actif de 7 829 382,26 euros.



2 -Sur les fautes de gestion des dirigeants et leur lien de causalité



a- sur le compte courant débiteur de M. [V]



M. [V] ne conteste pas l'existence d'un compte courant débiteur en sa faveur d'un montant de 68 658,46 euros mais fait valoir que sa situation personnelle doit être prise en considération avant toute condamnation.



Le liquidateur judiciaire soutient que ces décaissements sont constitutifs de prélèvements indus de l'actif de la société Natexias au profit de M. [V]. Il souligne que ces retraits ou virements ont été effectués sur la période allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et que la société Natexias n'a fourni aucune explication sur ces flux financiers.

Le ministère public fait observer que la proposition de rectification de l'administration fiscale fait état d'un compte courant débiteur d'un montant de 68 658,46 euros au titre de l'exercice 2017, au profit de M. [V].



réponse de la cour



Il résulte des articles L. 225-43 du code de commerce rendu applicable aux sociétés par actions simplifiées par l'article L. 227-12 du même code que sous peine de nullité, il est interdit aux dirigeants de SAS de se faire consentir un découvert en compte courant.



Il est constant que l'existence d'un compte courant débiteur constitue une faute de gestion.



Il n'est pas discuté que M. [V] s'est fait consentir des avances en compte courant pendant son mandat de dirigeant de la société Natexias à hauteur de 68 658,46 euros et que ce solde, qui est toujours inscrit en débit dans les comptes de la débitrice principale, n'a jamais été remboursé par M. [V].



Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de remboursement, cette faute de gestion a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif. La faute de gestion et le lien de causalité avec l'insuffisance d'actif sont ainsi caractérisés.



Contrairement à ce que le tribunal a retenu, il n'y a pas lieu de condamner spécifiquement M. [V] à payer la somme de 68 658,46 euros. Cette somme sera incluse dans le montant global de la condamnation.



b- sur l'absence de déclaration de cessation des paiements



M. [M] fait valoir qu'il n'est pas concerné par ce manquement car il a démissionné avant la date de cessation des paiements retenue par le tribunal, à savoir le 3 octobre 2018.



M. [C] ne conteste ni la date de l'état de cessation des paiements ni son défaut de déclaration. Il considère cependant que ce défaut n'a pas pu contribuer à l'augmentation du passif ou encore à accroître l'insuffisance d'actif et qu'aucune démonstration d'un lien de causalité n'est faite par le liquidateur judiciaire. Il ajoute que la créance du Trésor public a son fait générateur antérieurement à son mandat de dirigeant.



Le liquidateur judiciaire réplique que le seul fait de permettre à une société en état de cessation des paiements de poursuivre son activité ne peut que participer à l'aggravation de l'insuffisance d'actif mais aussi à tromper les tiers notamment les cocontractants qui restent dans l'ignorance de l'état de la société. Il fait valoir que, selon ses relevés bancaires, la société Natexias a subi des frais postérieurement à l'état de cessation des paiements, lesquels ont participé à l'aggravation du passif et que les intérêts à compter de la mise en demeure de la société créancière Pallanche constructions mis à la charge de la société Natexias ont continué à courir. Il conclut que le passif significatif généré entre le 15 novembre 2018 et le 10 mai 2019 est d'un montant de 1 084 997,75 euros.



Le ministère public expose que l'état de cessation des paiements n'a pas été déclaré dans le délai légal par M. [C], en faisant observé que la procédure a été ouverte sur assignation de la société Pallanche constructions. Il estime que cette omission a entraîné une aggravation du passif de la société, notamment du fait des intérêts au taux légal continuant à courir en l'absence de règlement de la créance Pallanche constructions.



réponse de la cour



Selon l'article L.640-4 du code de commerce, l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s'il n'a pas dans ce délai demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.



Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de quarante-cinq jours s'apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans le jugement de report.



En l'espèce, le jugement d'ouverture, devenu définitif, a fixé la date de cessation des paiements au 3 octobre 2018, de sorte que la déclaration de cessation des paiements aurait dû être déposée au plus tard le 18 novembre 2018. Il n'est pas discuté qu'aucune déclaration de cessation des paiements n'a été faite par M. [C], dirigeant en fonction au jour de la date de la cessation des paiements de la société Natexias. Le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal est ainsi caractérisé.



Or, entre la date d'expiration du délai légal de quarante-cinq jours et la date du jugement de liquidation judiciaire, les déclarations de créances montrent que le passif de la société Natexias a augmenté. Ainsi, il ressort de ses relevés bancaires du 31 décembre 2018 (pièces 32 et 33 du liquidateur) que lui ont été facturés des frais à hauteur de 1 084 997,75 après l'état de cessation des paiements.



Dans le même temps, l'actif n'a pas été renforcé.



Il en résulte que l'omission de déclaration de la cessation des paiement a entraîné une augmentation de l'aggravation du passif de la société résultant notamment des frais et intérêts précités.



L'absence de déclaration, dont la gravité excède la simple négligence au regard de ses conséquences sur l'augmentation du passif, ne peut se justifier par la survenance de circonstances extérieures indépendantes de la volonté du dirigeant ou d'une conjoncture défavorable.



C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que M. [C], qui était président de la société Natexias du 14 mai 2018 au 10 juin 2019 soit au moment de la cessation des paiements retenue par le tribunal, a commis une faute en s'abstenant de déclarer la cessation des paiements de la société Natexias dans le délai de quarante cinq jours.



c- sur le défaut de tenue d'une comptabilité régulière et la violation des règles de TVA



M. [C] soutient qu'on ne peut lui reprocher l'irrégularité de la comptabilité tenue avant le début de son mandat de dirigeant. Il souligne également que la proposition de rectification de l'administration fiscale concerne des périodes antérieures à son mandat et qu'en conséquence aucun manquement ne saurait lui être adressé du fait d'une comptabilité prétendument incomplète ou irrégulière.



M.[M] fait valoir que pendant son mandat, la comptabilité était régulièrement tenue, que les déclarations fiscales et sociales ont été correctement effectuées et que les sommes dues aux divers organismes ont été payées. Il ajoute qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir établi les comptes au titre de l'exercice 2018 puisqu'il a cessé son mandat de président de la société Natexias le 14 mai 2018. Il fait observer que les documents comptables de cet exercice n'étaient plus en sa possession dans la mesure où il n'était plus dirigeant. Il considère que le liquidateur pouvait en demander la communication après de M. [C] ou de l'expert comptable. Il termine en soulignant qu'il ne lui appartenait pas d'établir le bilan 2018 puisqu'il n'était plus en fonction au cours du premier semestre 2019.



Le liquidateur judiciaire réplique que, lors de la procédure de vérification de la comptabilité de la société Natexias, l'administration fiscale a relevé de nombreuses irrégularités comptables concernant les exercices 2016 et 2017. Il souligne que l'administration fiscale en a conclu que ces anomalies ne permettaient pas d'assurer la 'permanence du chemin de révision' de sorte que le caractère non régulier de la comptabilité sur l'ensemble de la période vérifiée est établi. Il fait également valoir qu'aucun fichier comptable ne lui a été présenté ainsi qu'à l'administration fiscale au titre de l'exercice 2018. Il ajoute qu'aucun expert-comptable n'a pu être identifié contrairement aux affirmations de M.[M] qui ne lui a communiqué ni nom ni adresse.



M. [V] ne fait aucune observation sur la régularité de la comptabilité de la société Natexias.



Le ministère public formule des observations similaires à celles du liquidateur judiciaire et invite la cour à confirmer le jugement en ce qu'il a retenu une faute de gestion pour chacun des dirigeants puisque l'irrégularité de la comptabilité s'est prolongée tout au long des mandats des trois dirigeants.



réponse de la cour



Les articles L.123-12 à L.123-28 et R. 123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d'une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, au moyen de la tenue d'un livre journal et d'un grand livre.



Les mouvements doivent être enregistrés chronologiquement au jour le jour et non en fin d'exercice, seuls les comptes annuels étant établis à la clôture de l'exercice. Les dirigeants sont responsables de la bonne tenue et l'établissement sincère et régulier de la comptabilité de la société.



L'établissement de la comptabilité complète d'une société, d'après les textes précédemment rappelés, ne se limite pas à la remise annuelle des bilans et comptes de résultat mais suppose l'établissement d'une comptabilité quotidienne au travers des éléments comptables précités.



En l'espèce, aucune comptabilité relative à l'exercice 2018 n'a été remise au liquidateur judiciaire. Les bilans produits par M.[M] en cause d'appel ne suffisent pas à établir l'existence d'une comptabilité complète et régulière.



En outre, concernant les exercices précédents, il ressort de la proposition de rectification de l'administration fiscale du 26 juillet 2019 (pièce 20 du liquidateur, voir p. 6 et suivantes) que, sur une période allant du 26 octobre 2015 au 31 décembre 2017 pour l'ensemble des déclarations fiscales et jusqu'au 31 décembre 2018 en matière de TVA, la société Natexias n'a pas tenu une comptabilité régulière.



L'administration fiscale a relevé au titre des exercices 2016 et 2017 plusieurs anomalies qui ne permettent pas 'd'assurer la permanence du chemin de révision' ce dont elle a déduit que la comptabilité sur la période vérifiée n'a pas de caractère probant compte tenu du 'caractère significatif du nombre d'anomalies [qui] démontrent le caractère non régulier de la comptabilité.'



Au titre de l'exercice 2016, l'administration fiscale a constaté que 853 lignes d'écritures sur 2517 au total sont incluses dans des écritures comportant des dates comptables différentes en sorte que pour ces lignes, une même opération comptable regroupant plusieurs lignes a un numéro différent. Elle a également relevé que 24 lignes d'écritures sur 2 517 au total, sont incluses dans des écritures comptables comportant une date différente, en sorte que pour ces lignes une même opération comptable regroupant plusieurs lignes a des numéros de pièces différents.

En outre, au titre de l'exercice 2017, il ressort de la proposition de vérification, que 575 lignes d'écritures sur 7010 lignes, sont incluses dans des écritures comportant des numéros de pièces différents et que 24 lignes sur 2 517 lignes au total sont inclues dans des écritures comportant des dates comptables différences en sorte qu'une même opération comptable regroupant plusieurs lignes a un numéro différent ou a un numéro de pièce différent.



En conséquence de ces manquements, l'administration a considéré que la société Natexias est redevable de 188 111 euros de majorations et de 1 189 949 euros de pénalités.



Dès lors, les carences ainsi mises en lumière dans la comptabilité de la société Natexias, qui ne sauraient être qualifiées de mineures et de simples négligences, traduisent un manque manifeste de compétence dans l'administration et la gestion de l'entreprise de la part de chacun des dirigeants de la société.



Il résulte de ce qui précède qu'aucun des trois dirigeants de la société Natexias n'a tenu et produit une comptabilité reflétant une image fidèle de la société.



L'absence de comptabilité probante de la société Natexias durant ces trois derniers exercices constitue une faute de gestion commise par ses différents dirigeants durant chacun de leur mandat respectif.



Cette faute a nécessairement contribué à l'insuffisance d'actif d'une part, en augmentant directement son montant du fait des majorations et pénalités prononcées et d'autre part, en privant la société d'un outil de gestion qui aurait permis à ses différents dirigeants de percevoir l'évolution réelle de la situation financière de la société et de contrôler la rentabilité ou de déceler les difficultés que celle-ci ne pouvait plus surmonter. Ce manquement peut donc être retenu à l'encontre de MM. [C], [M] et [V].



d- sur l'absence de paiement des dettes fiscales



M. [M] fait valoir que la proposition de rectification de comptabilité ne concerne que les exercices 2016 et 2017. Il en déduit qu'il n'est pas concerné par l'absence de paiement des dettes fiscales puisqu'il n'était dirigeant qu'entre 5 février 2018 et le 14 mai 2018.



M. [C] soutient également que les sommes réclamées par l'administration fiscale sont antérieures à sa prise de fonction. Il souligne que c'est au mois de juillet 2019 que le Trésor public a adressé sa proposition de rectification sur les exercices 2016 et 2017 soit bien après la liquidation judiciaire de la société Natexias. Il ajoute que le fait de ne pas régler les sommes dues à un créancier n'est pas constitutif en soi d'une faute de gestion et considère que sa responsabilité doit être dès lors écartée.



M. [V] ne fait aucune observation sur ce grief.



Le liquidateur judiciaire relève que les majorations et les pénalités appliquées par l'administration fiscale lors de ses vérifications sont des charges étrangères à l'activité normale de l'entreprise. Il estime que le montant des dettes impayées révèle l'ampleur des fautes de gestion des dirigeants. Il fait en outre observer que selon l'administration fiscale, la déduction non admise de charge constitue une infraction aux règles fondamentales de déduction des charges.

Le ministère public souligne l'importance des montants des majorations et pénalités mis à la charge de Natexias à la suite de la vérification comptable et la responsabilité des trois dirigeants à cet égard.



réponse de la cour



Il est constant que les dettes nées antérieurement au jugement d'ouverture peuvent contribuer à l'insuffisance d'actif. Il en est ainsi des dettes fiscales exigées postérieurement au jugement d'ouverture après une vérification de comptabilité mais nées antérieurement audit jugement en raison des manquements de la société à ses obligations fiscales.



En l'espèce, la société Natexias a fait l'objet d'une proposition de rectification fiscale tant en raison des erreurs répétées dans sa déclaration de TVA que de manquements relatifs à l'impôt sur les sociétés sur une période courant du 26 octobre 2015 au 31 décembre 2017 pour l'ensemble des déclarations fiscales et jusqu'au 31 décembre 2018 en matière de TVA. Il n'est pas allégué ou démontré que la proposition de rectification a fait l'objet d'un recours.



Il ressort de la proposition de rectification que les manquements de la société Natexias à ses obligations fiscales se sont traduits par un redressement fiscal d'un montant de :




47 505 euros pour la TVA relative à l'exercice 2016 ;

19 002 euros de majoration en raison d'un manquement délibéré;

422 773 euros pour la TVA relative à l'exercice 2017 ;

169 109 euros de majoration en raison d'un manquement délibéré ;

190 827 euros au titre de l'impôt sur les sociétés relatif à l'exercice 2017 ;

53 333 euros de majoration en raison d'un manquement délibéré ;

5 000 euros d'amende forfaitaire au titre de l'exercice 2018 ;


Soit un total de : 907 549 euros.



Les majorations et pénalités infligées par l'administration fiscale à la suite du non paiement des dettes fiscales ont nécessairement contribué à aggraver l'insuffisance d'actif de la société Natexias. Le manquement aux obligations fiscales a été commis par ses différents dirigeants successifs car il appartenait à chacun de régulariser la situation fiscale de la société pendant son mandat.

En conséquence, cette faute de gestion doit être retenue à l'encontre de MM. [V], [M] et [C].



e- sur les détournements d'actifs



- sur les détournements d'actif de la société Natexias au profit de la société Sonexy



M. [V] soutient qu'il n'a commis aucun détournement d'actif s'agissant de la cession de créance à la société Sonexy. Il fait valoir qu'il a quitté la société Natexias le 5 février 2018 et qu'il ne peut être tenu responsable d'une cession de créance intervenue le 10 juillet 2018, date à laquelle il n'était plus dirigeant.



M.[M] soutient qu'il n'a pas pu commettre une telle faute de gestion puisqu'il n'était pas dirigeant de la société Natexias ni lors de la signature du contrat d'apporteur d'affaires avec la société Sonexy ni lors de la cession de créance à cette dernière. Il fait valoir qu'à cette période, il n'était que dirigeant de la société Sonexy. Il indique que si le contrat avec la société Sonexy a été remis en cause par les services fiscaux c'est en raison de l'absence de justificatifs. A cet égard, il souligne qu'il produit devant la présente cour des factures pour justifier des prestations fournies par la société Sonexy. En outre, il considère que seules deux factures représentant un montant de 228 000 euros ont été remises en cause par l'administration fiscale et souligne que ces factures ont été reçues pendant le mandat de son prédécesseur. Enfin, il fait savoir que si la société Natexias a bien cédé à la société Sonexy la créance d'un montant de 534 079,56 euros qu'elle détenait sur la société S.C.C.V C.C.F.A, cette dernière est en liquidation judiciaire depuis le 28 novembre 2019. Il en déduit que la société Natexias n'a subi aucun préjudice au titre de ladite cession de créance puisqu'à ce jour aucun règlement n'a été effectué par le liquidateur de la société S.C.C.V C.C.F.A. Il fait observer qu'en raison de son rang il n'y a pas d'espoir de règlement.



M. [C] considère qu'aucun détournement d'actif n'est démontré à son égard. Il ajoute qu'il n'est pas concerné par les relations contractuelles nouées avant son mandat entre les sociétés Natexias et Sonexy.



Le liquidateur judiciaire soutient que l'actif de la société Natexias a été en partie détourné au profit de la société Sonexy sous couvert d'une convention ne correspondant à aucune prestation. Il s'appuie en premier lieu, sur les observations de l'administration fiscale qui a souligné que le contrat d'apporteur d'affaires était incomplet et qu'aucune facture concernant ces prestations n'a été présentée à l'administration fiscale. Il relève que la société Natexias a été redressée pour un montant de 400 000 euros au titre des charges déduites irrégulièrement. En second lieu, il s'étonne que M.[M] produise en instance d'appel des factures qui n'ont jamais été remises à l'administration fiscale et conteste la réalité des six factures produites. Il estime que le caractère fictif des prestations facturées ressort notamment du fait que la société Sonexy n'a déclaré aucun salarié au titre de l'année 2017.



Le ministère public observe que l'administration fiscale a considéré dans sa proposition de rectification que des prestations fictives ont été facturées à la société Natexias par la société Sonexy. Il ajoute que le 10 juillet 2018, soit presque trois mois avant la date de cessation des paiements, la société Natexias a cédé une créance de 508 647,20 euros à la société Sonexy afin de compenser une créance de cette dernière à son égard s'élevant à un montant étonnamment proche de 508 667,20 euros. Il en déduit que MM. [V], [M] et [C] ont ensemble privé la société Natexias de la somme de 508 647,20 euros et ainsi augmenté d'autant l'insuffisance d'actif.



réponse de la cour



En l'espèce, la société Natexias a, par acte du 10 juillet 2018, cédé la créance qu'elle détenait sur la société S.C.C.V C.C.F.A d'un montant de 508 647,20 euros à la société Sonexy (pièce 29 du liquidateur judiciaire).



Il n'est pas sérieusement discuté que cette cession avait pour objet de compenser des dettes de la société Natexias à l'égard de la société Sonexy pour des prestations effectuées par cette dernière au profit de la première.



Or, l'administration fiscale a estimé que la société Sonexy n'avait en réalité réalisé aucune prestation au profit de la société Natexias.



Si en cause d'appel, il est produit plusieurs factures émises par la société Sonexy pour justifier sa créance, la cour observe qu'aucun contrat n'est versé aux débats venant justifier ces différentes factures.

La cour constate en outre que ces factures ont des objets fondamentalement différents. En effet, soit elles concernent des commissions pour apport d'affaires (pièces 7 et 8 de M. [M]), dont, au demeurant, ne sont précisés ni le pourcentage de commission, ni l'adresse exacte des chantiers apportés, soit elles portent sur des prestations diverses réalisées par la société Sonexy telles que la surveillance par un maître chien, la location d'engins sans plus de détails, retouche placo etc... (pièces 6, 10 et 11 de M. [M]) ou encore le contrôle qualité pour 292 chantiers (pièce 9 M. [M]).

Compte tenu de ces éléments, le liquidateur judiciaire a justement mis en exergue l'incohérence de ces factures dont certaines mentionnent une TVA de 0 %, dont beaucoup prévoient un montant forfaitaire ne faisant état d'aucun détail entre les coûts de matériaux, le nombre de m² à réaliser, et la main d'oeuvre.

En outre, si M. [M] soutient qu'à défaut de salariés, il aurait fait appel à des sous-traitants pour réaliser les différentes prestations, la cour observe que le bilan de la société Sonexy pour l'exercice 2017 fait état d'appel à des sous-traitants pour un montant de 290 600 euros sans plus d'explications et qu'il n'est pas produit de contrat de sous-traitance pour les différents chantiers mentionnés dans les factures.



Il en résulte que les différentes factures produites, au vu de leur incohérence et leur caractère incomplet, ne permettent pas de justifier l'existence de la créance de la société Sonexy à l'égard de la société Natexias.



Il convient donc de retenir que la cession de créance au bénéfice de la société Sonexy constitue une faute de gestion du dirigeant en place au jour de la cession, à savoir M.[C].



Pour autant, la créance litigieuse cédée porte sur une créance détenue sur la société S.C.C.V C.C.F.A en liquidation judiciaire depuis le 28 novembre 2019. Cette créance n'a pas pu être recouvrée. Par conséquent, la faute de gestion retenue n'a pas contribué à l'insuffisance d'actif de la société Natexias puisque cet actif n'aurait pas pu en tout état de cause être recouvré.



C'est donc à tort que le tribunal a considéré que MM. [V], [M] et [C] ont privé la société Natexias du montant de la cession de créance intervenue. Il convient d'écarter cette faute de gestion.



- sur les détournements d'actifs de la société Natexias au profit de la SCI La grande vallée



M.[V] invoque l'existence d'une procédure en cours l'opposant à la société Investeuro.



M.[M] soutient également que la procédure est toujours pendante devant la cour d'appel de Versailles et que la radiation intervenue ne met pas fin à la procédure.



M.[C] ne fait aucune observation.



Le liquidateur judiciaire fait valoir qu'à la suite d'un litige entre la société Natexias et l'un de ses associés, la société Investeuro, portant sur le remboursement de son compte courant d'associé et le rachat de ses actions, cette dernière a agi en recouvrement contre MM. [V] et [M], ceux-ci lui ayant signé une reconnaissance de dette. Il expose qu'un jugement rendu le 13 avril 2022 par le tribunal de commerce de Pontoise a condamné MM. [V] et [M] à payer à la société Investeuro la somme de 650 000 euros.

Il conteste l'argumentation de M. [M] selon laquelle un appel serait pendant et fait observer que la conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a, par décision du 16 février 2023, radié les appels de ces derniers. Il expose que, selon le conseil de la société Investeuro, les fonds investis dans la société Natexias auraient été en partie détournés au profit de la société La grande vallée, dont M.[M] a été le gérant du 3 mai 2017 au 28 juin 2019 pour réaliser une opération immobilière au [Adresse 6] à [Localité 11], soit à l'adresse du siège des sociétés Natexias et Sonexy.



Le ministère public souligne que la société Natexias n'a pas fait suite à la demande de la société Investeuro en application d'un protocole d'accord de lui racheter ses actions à hauteur de 40 000 euros et de lui rembourser son compte courant d'associé d'un montant de 1 260 000 euros. Il reprend à son compte l'argumentaire du liquidateur qui indique que, selon le conseil d'Investeuro, les fonds investis auraient été en partie détournés au profit de la SCI la grande vallée.



réponse de la cour



En l'espèce, il n'est pas contesté que par acte du 5 décembre 2017, la société Investeuro a acquis des actions de la société Natexias moyennant un prix de 40 000 euros et a apporté1 260 000 euros en compte courant d'associés avec la possibilité dans un délai de 6 à 9 mois de se faire rembourser de la totalité.





Il est également constant que, par lettres recommandées du 18 juin 2018, elle a vainement demandé à la société Natexias le rachat de ses actions et le remboursement de son compte courant et que le 28 septembre 2018, MM. [V] et [M] ont signé une reconnaissance de dette au bénéfice de la société Investeuro aux termes de laquelle ils se reconnaissent solidairement débiteurs de la somme de 1 300 000 euros en lieu et place de la société Natexias.



Il ressort des pièces versées aux débats que le 20 décembre 2018, la somme de 650 000 euros a été remboursée à la société Investeuro et que par un jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 13 avril 2022, MM. [V] et [M] ont été condamnés à lui payer la somme restante de 650 000 euros majorée des intérêts. La cour observe que, s'ils ont interjeté appel, leur appel a été radié.



Selon le mémorandum du conseil de la société Investeuro produit en pièce 19 par le liquidateur, une partie des fonds investis par la société Investeuro dans la société Natexias a été détournée au profit de la société La grande vallée.



Il est versé un document bancaire annexé au mémorandum selon lequel la société Natexias aurait procédé à un virement de 925 000 euros le 12 janvier 2018 sur le compte de la société La grande vallée. Toutefois, la cour observe que ce document est illisible.



En outre, le procès verbal de la société la grande vallée mentionnée par le conseil de la société Investeuro dans son mémorandum qui démontrerait que la société Natexias s'était engagée à prêter une somme maximum de 800 000 euros à la société La grande vallée dans le cadre d'une opération immobilière et que la société Natexias aurait acquis des parts démembrées de cette société n'est pas versé aux débats.



Il résulte de ce qui précède que le seul mémorandum du conseil de la société Investeuro ne suffit pas à apporter la preuve d'un détournement de fonds commis par MM. [V] et [M] pendant leur mandat respectif au détriment de la société Natexias.



En effet, aucun autre élément produit ne vient étayer cette affirmation. En outre, le jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 13 avril 2022 versé aux débats, n'a pas eu à trancher la question de la responsabilité de MM. [V] et [M] au titre d'un détournement de fonds ou encore d'escroquerie et ne s'est prononcé que sur la validité et les effets de la reconnaissance de dettes de MM. [V] et [M] vis-à-vis de la société Investeuro.



Dès lors, le grief de détournement d'actif de la société Natexias au profit de la société La grande vallée ne peut être retenu.

- sur le détournement d'actif au profit d'une société Natexias de droit belge



M. [V] fait valoir qu'il n'est pas concerné par la création de la société Natexias en Belgique dès lors qu'il n'a plus aucun lien ni intérêt avec l'entité française depuis l'été 2018.



M. [M] ne fait aucune observation.



M. [C] fait valoir qu'aucun texte ne s'oppose à ce qu'il puisse créer une société au même nom que la débitrice en Belgique et que cette seule création ne saurait à elle seule justifier d'un quelconque détournement d'actif



Le liquidateur judiciaire fait valoir qu'une société Natexias a été constitué en Belgique le 5 octobre 2018 alors que la société Naxtias était en état de cessation des paiements. Il conteste les explications de son gérant, M. [C], selon lesquelles la société belge n'avait pas d'activité et considère qu'un détournement de clientèles a été commis au détriment de société de droit français au profit de la société de droit belge.



réponse de la cour



En l'espèce, il n'est pas rapporté la preuve que des actifs de la société Natexias aient été détournés au bénéfice de la société belge du même nom. Aucun élément ne vient étayer la thèse du liquidateur. Il n'y a donc pas lieu de retenir ce grief.



f- sur l'abandon et le retard dans l'exécution de chantiers.



M.[V] ne fait pas d'observation à ce sujet.



M.[M] conteste que l'abandon de certains chantiers et le retard dans l'exécution de ces derniers constituent des fautes de gestion. Il fait principalement valoir que l'exécution de tout chantier comporte un aléa. Pour les chantiers Amaryllis et [Localité 12] Panorama, il souligne qu'il n'était pas dirigeant à la date de l'arrêt de ces chantiers.

Pour celui de [Adresse 13], il expose qu'il s'agit de factures impayées pour une période où il n'était pas non plus dirigeant.

Pour le chantier Le clos du cèdre, il considère qu'il s'agit également de factures impayées et que le non-règlement qui n'est pas daté par le liquidateur ne saurait constituer une faute de gestion.



M. [C] reprend les mêmes arguments que M.[M] concernant les chantiers Amaryllis et [Localité 12] Panorama, en exposant qu'il n'était pas dirigeant à cette période.

Pour le chantier Le clos du cèdre, il fait valoir que cette société a réglé directement les sous-traitants affectés aux travaux requis et que le retard pris sur le chantier ne saurait être analysé comme une faute de gestion.



Le liquidateur considère que l'inertie totale de la direction de la société Natexias relative à l'abandon de chantiers a exposé la société à des frais et pénalités très importants qui s'élève à 1 112 330,71 euros, qu'une gestion normale aurait permis d'éviter. Il observe que l'abandon des chantiers est intervenu à partir de la fin de l'année 2017 et qu'aucun des dirigeants n'a mis en oeuvre les mesures nécessaires pour honorer les engagements de la société, ni même pour répondre aux mises en demeure reçues, ce qui caractérise une inertie coupable. Il souligne que chacun des défendeurs renvoie à la responsabilité des autres. Il considère dès lors que les premiers juges ont à tort omis de se prononcer sur cette faute de gestion des trois dirigeants.



réponse de la cour



En l'espèce, il est constant que la société Natexias a abandonné trois chantiers importants : le chantier Amaryllis, le chantier [Localité 12] Panorama, le chantier Le Clos du cédre. La créance déclarée et admise dans le cadre de ces trois chantiers est respectivement de 2 611 074 euros pour le premier, 1 393 027,29 euros pour le deuxième et 336 625,01 euros soit un total de 4 340 726,3 euros à savoir plus de la moitié de l'insuffisance d'actif.



Or, aucune explication n'est donnée sur l'arrêt en décembre 2017 du chantier Amaryllis et ses malfaçons, étant observé que ce contrat a été résilié le 2 février 2018 pendant le mandat de M. [V].



De même, le chantier [Localité 12] Panorama a connu de nombreux retards et manquements. En effet, dès le 2 novembre 2017, la société Natexias a été mise en demeure pendant le mandat de M. [V] et les manquements et retards se sont accumulés pendant le mandat de M. [M] en sorte que le contrat a été résilié le 18 mai 2018 après une dernière mise en demeure pendant le mandat de M. [C]. Les dirigeants n'apportent pas non plus d'explications sur ces difficultés.



Il en va encore de même pour le chantier Le clos du cèdre dont le contrat a été conclu le 29 mars 2018 pendant le mandat de M.[M] alors que les travaux devaient être effectués dès avril 2018 pendant le mandat de M. [C].



Il résulte de ce qui précède que dès novembre 2017, la société Natexias connaissait de graves difficultés pour exécuter ses engagements. Or, n'ayant pris aucune mesure pour tenter d'honorer les engagements de la société Natexias et n'ayant pas répondu aux mises en demeure ou essayé de régler les différents conflits amiablement, les dirigeants ont fait preuve d'inertie. La cour observe au demeurant qu'alors même que la société Natexias abandonnait deux chantiers importants, elle s'engageait dans un nouveau chantier sachant qu'elle était incapable de l'exécuter.



En conséquence, au vu de l'ampleur du passif engendré par leur inertie, il convient de retenir que chacun des dirigeants a commis une faute de gestion en omettant de prendre les mesures nécessaires aux fins d'exécuter les engagements contractuels de la société Natexias.



B. Sur la sanction pécuniaire



M. [V], qui sollicite qu'il soit fait application du principe de proportionnalité au regard de ses fautes, fait état de son état de santé et notamment de son hospitalisation pendant quelques mois en établissement psychiatrique. Il précise qu'il a véritablement souffert d'un revers de situation et qu'il s'est lancé dans le secteur du bâtiment sans aucune expérience.



M. [M] souligne qu'il a de faibles revenus. A cet égard, il produit son avis d'imposition sur les revenus 2022 et un bulletin de salaire 2023. Il indique être marié et avoir cinq enfants à charge. Il fait valoir qu'il n'a perçu aucun dividende de la société Sonexey dont il est le dirigeant. Il souligne qu'il est salarié de la société SFY dont son épouse détient 50 % du capital et qu'il est marié sous le régime de la séparation de biens. Il en conclut que la cour devrait prendre en compte d'une part, la faute commise et d'autre part, sa faculté contributive.



M.[C] ne fait pas d'observation à ce sujet.



Le liquidateur relève que l'état patrimonial réel de M. [M] est inconnu. Il précise que M.[M] détient plusieurs sociétés tel qu'il est relevé dans l'ordonnance de référé du 21 octobre 2022 et au-delà desquelles il faut ajouter la SCI CAP 2012 dont il a fait l'acquisition de parts sociales par acte du 10 mai 2022 et dont l'actif est inconnu.



réponse de la cour



La sanction doit être proportionnée à la gravité des fautes reprochées et à la situation personnelle du dirigeant et de ses facultés contributives.

En l'espèce, M. [V] a été dirigeant de la société Natexias du 26 novembre 2015 au 5 février 2018. L'ensemble des fautes de gestion commises par ce dernier est particulièrement grave eu égard à leur nombre, aux carences de gestion qu'elles font ressortir, à leur répétition dans la durée et à l'immobilisme dont a fait preuve ce dernier plus particulièrement quant à la gestion du chantier Amaryllis. Il n'est aucunement fait état de la situation patrimoniale et professionnelle actuelle de M. [V] qui ne justifie pas du montant de ses ressources et charges. Il fait simplement valoir que postérieurement à son mandat, il a été hospitalisé et qu'ancien prothésiste dentaire il ne connaissait pas le secteur du bâtiment.



M. [M] a été dirigeant de la société Natexias du 5 février 2018 au 14 mai 2018. Durant son court mandat, il a néanmoins participé à l'aggravation du passif de la société. Il indique avoir eu au titre de l'année 2022 un salaire de 51 895 euros et n'avoir reçu aucun dividende.

Il précise en outre, sans produire son contrat de travail, être salarié de la société SFY dans laquelle son épouse est associée et percevoir un salaire mensuel de 5 312,09 euros brut en tant que responsable commercial depuis 2006. S'il n'en fait pas état dans ses conclusions à l'exception des parts qu'il possède dans le capital de la société Sonexy, il résulte des pièces du dossier qu'il détient des parts de plusieurs sociétés, à savoir la société Gify, la société La belle bâtisse parisienne, la société Sonexy, la société La Grande Vallée et la société CAP 2012. Par ailleurs, il justifie avoir cinq enfants à charge.



M. [C] a été dirigeant de la société Natexias du 14 mai 2018 au 10 mai 2019. Dès le début de son mandat, la société connaissait des difficultés et M. [C] est resté passif tout en omettant de déclarer l'état de cessation des paiements. Il ne fait aucunement état de sa situation personnelle et professionnelle actuelle et ne justifie pas du montant de ses ressources et charges.



Au regard tant de l'implication de chacun dans les fautes de gestion graves qui ont été caractérisées précédemment que de la persistance durant plusieurs années des manquements fautifs, étant observé que si la responsabilité de M. [M] est moindre que celle de MM. [V] et [C] au regard de la durée de leurs mandats respectifs, celui-ci a néanmoins participé activement à ces agissements fautifs, il convient, infirmant le jugement, de condamner chacun des appelants, par voie d'infirmation, à payer solidairement à la Selarl MM, ès-qualités, la somme de 1 000 000 euros.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire,



Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;



Condamne solidairement MM. [L] [V], [Y] [M], [N] [C] à payer à la Selarl MMJ ès qualités la somme de 1 000 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de la présente décision ;



Condamne in solidum MM. [V], [C] et [M] aux dépens de première instance et d'appel ;



Condamne en application de l'article 700 du code de procédure civile, MM. [V], [C] et [M] à payer in solidum à la Selarl MMJ ès qualités la somme globale de 5000 euros ;









- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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