30 avril 2024
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 23/01400

2ème chambre

Texte de la décision

30/04/2024





ARRÊT N° 155



N° RG 23/01400 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PMJH

IMM / CD



Décision déférée du 19 Décembre 2022 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE -

M. DEDIEU

















S.E.L.A.S. EGIDE





C/



[Z]-[N] [C]





























































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

***



APPELANTE



S.E.L.A.S. EGIDE

En qualité de liquidateur de la SA [C] CLIMATISATION

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI - PONTACQ - GUY-FAVIER, avocat au barreau D'ARIEGE





INTIME



Monsieur [Z]-[N] [C]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Gregory VEIGA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE





EN PRESENCE :

MP PG COMMERCIAL

[Adresse 5]

[Localité 1]



COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère, chargée du rapport et V. SALMERON, présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

S.MOULAYES, conseillère



Greffier, lors des débats : C. OULIE





ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.


Exposé des faits et procédure :



Le 7 mai 2014, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SA [C] Climatisation bien-être- GCBE ( la société [C]).



Par jugement du 4 juin 2015, le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement par voie de continuation, la Selarl Vincent Mequinion étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.



Sur requête de la Selarl Vincent Mequinion, le tribunal a, par jugement du 29 novembre 2018, prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la Société [C] fixant au 29 novembre 2018 la date de cessation des paiements. La Selas Egide a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.



Le passif déclaré s'élevait à 936 072,68 €, dont 670 689,89 € de passif définitif, 57.747€ de créances déclarées à titre provisionnel et des créances contestées pour 207 635,79 €.



Par requête en date du 24 novembre 2021, le liquidateur a saisi le tribunal de commerce sur le fondement des articles L 651-2 et L 653-1 du code de commerce afin de faire condamner M. [Z]-[N] [C] à payer la somme de 841.000 € au titre de l'insuffisance d'actif et, à titre subsidiaire, 51.300 € au titre des rémunérations indûment perçues.



Le 19 décembre 2022, le tribunal de commerce de Toulouse a :

Débouté la Selas Egide en qualité de mandataire liquidateur de la SA [C] de sa demande de condamnation à la somme de 841.000 € à l'encontre de Monsieur [Z] [N] [C] ;

Débouté la Selas Egide en qualité de mandataire liquidateur de la SA [C] de sa demande de condamnation de Monsieur [Z] [N] [C] au règlement de la somme de 51 300 € ;

Débouté Monsieur [Z] [N] [C] de sa demande indemnitaire d'un montant de 10 000 € à l'encontre de la Selas Egide, ès qualités.



Par déclaration en date du 17 avril 2023, la Selas Egide a interjeté appel de ce jugement.



La clôture est intervenue le 6 novembre 2023





Prétentions et moyens des parties :



Vu les conclusions notifiées le 16 octobre 2023auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de LA Selas Egide en qualité de mandataire liquidateur de la société [C] demandant, au visa des articles L 651-2 du Code de Commerce,1302 du Code civil, de :

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Toulouse en date du 19 décembre 2022

En conséquence,



- Condamner Monsieur [Z]-[N] [C] à payer à la Selas Egide ès qualités la somme de 841 000 € outre intérêts au taux légal à compter du présent exploit introductif d'instance

- Dire et juger que les intérêts dus pour une année seront capitalisés et produiront à leur tour intérêt sur le fondement de l'article 1343.2 du Code Civil;

A titre subsidiaire,

- Condamner Monsieur [Z]-[N] [C] à payer à la Selas Egide es qualités la somme de 51 300 euros au titre des rémunérations indument perçues;

- Dire et juger que les intérêts dus pour une année seront capitalisés et produiront à leur tour intérêt sur le fondement de l'article 1343.2 du Code Civil;

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur [Z]-[N] [C] à payer à la Selas Egide ès qualités la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle formulée par [Z]-[N] [C] au titre d'une prétendue procédure abusive



Vu les conclusions notifiées le 17 octobre 2023auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de [Z] [N] [C] demandant à la cour de :

- Déclarer que la déclaration d'appel ne lui a dévolu aucune demande.

En conséquence, confirmer le jugement attaqué dans toute ses dispositions.

- Débouter la Selas Egide es qualité de l'ensemble de ses demandes.

Subsidiairement, réformant partiellement le jugement attaqué,

- Rejeter comme irrecevable les demandes fondées sur la modification d'intitulé de la rémunération perçue à partir d'avril 2017 pour cause de prescription.

- Débouter la Selas Egide,es qualité de l'ensemble de ses demandes.

- Condamner la Selas Egide en qualité de liquidateur de la SA [C] à lui verser une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

- Confirmer le jugement attaqué ce qu'il a condamné la Selas Egide, à verser à Monsieur [Z]-[N] [C] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.



A titre infiniment subsidiaire, accorder les plus larges délais de paiement à Monsieur [Z]- [N] [C].

Y ajoutant, condamner la Selas Egide, ès qualités à verser à Monsieur [Z]-[N] [C] une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner la Selas Egide ès qualités aux entiers dépens.



Le ministère public a sollicité par avis notifié aux parties par le RPVA avant l'ouverture des débats la confirmation du jugement entrepris.






Motifs 



Sur la saisine de la cour



M.[C] soutient que, la déclaration d'appel régularisée par la Selas Egide visant les chefs de jugements critiqués sans préciser que leur infirmation est sollicitée, ne saisit la cour d'aucune demande si bien que l'effet dévolutif n'a pas opéré.



La cour constate à la lecture de la déclaration d'appel que les chefs de jugement critiqués sont bien visés mais qu'il n'est pas précisé que l'appel tend à l'infirmation ou à l'annulation du jugement.



En revanche, les dernières conclusions de l'appelante contiennent une demande d'infirmation des chefs de jugement critiqués.



La déclaration d'appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l'étendue de l'effet dévolutif de l'appel.

Les conclusions, par l'énoncé dans leur dispositif de la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement déterminent quant à elles, la finalité de l'appel, qui tend à l'annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d'appel.


Dès lors, lorsque la déclaration d'appel vise l'ensemble des chefs de dispositif du jugement, l'appelant a la faculté de solliciter dans ses conclusions, soit la réformation, soit l'annulation de cette décision (2e Civ., 14 septembre 2023, pourvoi n° 20-18.169 )



La cour est donc bien saisie d'une demande d'infirmation des dispositions du jugement déféré.



- Sur la demande du liquidateur :

Selon l'article L651-2 du Code de commerce ' lorsque la Liquidation Judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d 'actif le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté en tout ou partie par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d 'actif ne peut être engagée'.



Il appartient en conséquence au liquidateur démontrer tant l'insuffisance d'actif que l'existence d'une faute de gestion, distincte d'une simple négligence, imputable au dirigeant.



En l'espèce, le liquidateur reproche à M.[C] d'avoir poursuivi, après homologation du plan, une activité déficitaire dans son seul intérêt personnel et d'avoir été défaillant dans ses obligations déclaratives.



- Sur la poursuite d'une activité déficitaire

Il appartient au liquidateur qui reproche au dirigeant d'avoir poursuivi l'activité déficitaire d'établir le caractère fautif de cette poursuite d'activité en démontrant qu'elle n'a été motivée que par la recherche d'un intérêt personnel.



Pour caractériser la recherche d'un intérêt personnel, le liquidateur fait valoir que le dirigeant n'a pas adapté sa rémunération aux difficultés de l'entreprise.



Il convient de rappeler que le tribunal a par jugement du 4 juillet 2015 homologué un plan de redressement sur 9 années.



Par ordonnance du 16 juin 2014, le juge commissaire au cours de la période d'observation, avait sur la requête de l'administrateur autorisé M.[C] à 'percevoir une rémunération nette mensuelle de 5835, 90 € auquel il convient d'ajouter un coût supplémentaire pour l'entreprise de 4.300 € mensuel représentant le paiement des charges sociales.'



Le jugement arrêtant le plan prévoit expressément 'le maintien de la rémunération nette mensuelle du dirigeant à hauteur de 5835, 90 € mensuels durant toute la durée du plan.'



Certes, comme le constate le liquidateur l'exercice clôt au 31 décembre 2016 a révélé un déficit de 168 785 euros et l'exercice 2017 un déficit de 91 014 euros.



Néanmoins, contrairement à ce que soutient l'administrateur M.[C] n'a pas perçu l'intégralité de la rémunération prévue au jugement arrêtant le plan, soit 5835, 90 x 12 = 76248 €, puisque, au vu des bulletins de salaire versés aux débats, il s'est alloué 71 750, 99 € en 2016 et seulement 47 853, 60 € en 2017.



En 2018, M.[C] n'a perçu que 2057,02 € net entre janvier et novembre.



Le liquidateur reproche en second lieu à M.[C] d'avoir continué à percevoir une rémunération après avoir fait valoir ses droits à la retraite en mars 2017.

M.[C] fait valoir que ce grief invoqué pour la première fois dans les conclusions du liquidateur signifiées le 31 mai 2022 est prescrit et subsidiairement que ce choix, validé par le commissaire à l'exécution du plan, n'est pas fautif.



Introduite le 24 novembre 2021, soit dans le délai de trois ans à compter du jugement d'ouverture du 29 novembre 2018, prévu à l'article L651-2 du code de commerce, l'action du liquidateur en comblement du passif n'est pas prescrite et le liquidateur demeure libre d'invoquer un grief distinct qui constitue un simple moyen nouveau tendant à la même fin que la demande initiale, à savoir, la condamnation du dirigeant à supporter l'insuffisance d'actif.



La cour constate au vu des pièces versées aux débats que M.[C] a été admis à la retraite à compter du mos d'avril 2017 et que son bulletin de salaire de mars 2017 mentionne une indemnité de départ à la retraite de 23.957 €.



Rien ne permet néanmoins de retenir que ce choix était fautif. En effet, d'une part l'indemnité perçue a été versée en compte courant d'associé et a permis un apport de trésorerie. D'autre part, cette situation a permis de limiter la rémunération du gérant à la somme de 2.057 € que M.[C] a perçue à compter d'avril 2017 au lieu de celle qu'il avait été autorisé à percevoir.



La cour observe que les efforts réalisés par le dirigeant qui a apporté en compte courant 50 000 € en 2016, 20 000 € en 2017 outre son indemnité de départ à la retraite de 23.957 €, soit au total la somme totale de 93 957€, en renonçant à s'allouer l'intégralité des rémunérations qu'il avait été autorisé à percevoir n'apparaissent pas compatibles avec la recherche de l'intérêt personnel dénoncée par le liquidateur.



La Selas Egide soutient également que M.[C] a laissé s'aggraver le passif sans prendre aucune mesure concrète visant à restructurer l'activité.

Mais, outre que le liquidateur ne précise pas quelles mesures concrètes auraient du être prises, les reproches qu'il forme ne sont fondés sur aucun des éléments débattus.

Au contraire, la requête du commissaire à l'exécution aux fins de constater l'inexécution du plan par le débiteur décrivait l'origine des difficultés de l'entreprise dans les termes suivants 'la société [C] a enregistré une baisse conséquente de son chiffre d'affaire suite à la perte de plusieurs marchés de maintenance et à l'impossibilité de candidater, dans un secteur d'activité fortement concurrentiel, à des marchés de taille importante qui lui permettraient de s'assurer d'un taux d'activité suffisant pour maintenir la rentabilité de son modèle économique '.



Le commissaire à l'exécution du plan soulignait encore que ' malgré les efforts entrepris par M.[C] depuis l'homologation du plan pour réduire et maîtriser les charges fixes de la structure et notamment les charges de personnel (effectif réduit à 15 salariés), l 'effondrement de chiffre d'affaire a directement impacté la trésorerie de l'entreprise.



Dès lors, rien ne permet de retenir un comportement fautif du dirigeant à l'origine de la résolution du plan de redressement et de la liquidation judiciaire de la société.



- Sur le manquement aux obligations déclaratives

Le liquidateur reproche enfin à M.[C] de ne pas avoir respecté ses obligations déclaratives en matière de salaires, ce qui a justifié une taxation d'office, à l'origine des créances 170 à 175 admises au passif.

Néanmoins, aucun des éléments débattus ne démontre que les créances 170 à 175 résultent d'une taxation d'office.

De surcroît, une omission déclarative n'est fautive que dès lors qu'elle excède la simple négligence, ce que rien ne permet de retenir en l'espèce.



C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté le liquidateur de l'ensemble de ses demandes.



- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action constitue par principe un droit. Elle ne dégénère en abus qu'en présence d'une intention malveillante ou dolosive qui n'est pas caractérisée en l'espèce, le mandataire s'étant mépris sur l'analyse du comportement du dirigeant au regard des règles de droit relatives à sa responsabilité pour insuffisance d'actif.



Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M.[C] de sa demande à ce titre. L'exercice de l'appel n'étant pas non plus abusif, M.[C] sera débouté de la demande formée à ce titre devant la cour.



Le jugement sera en conséquence intégralement confirmé en toutes ses dispositions.



Partie perdante, le liquidateur supportera les dépens.



Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Par ces motifs



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



y ajoutant,



Déboute M.[C] de sa demande de dommages et intérêts,



Dit que les dépens seront supportés par la procédure collective.



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Le Greffier La Présidente .

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