30 avril 2024
Cour d'appel de Besançon
RG n° 23/00152

1ère Chambre

Texte de la décision

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

BM/FA











REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/00152 - N° Portalis DBVG-V-B7H-ETBG





COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale



ARRÊT DU 30 AVRIL 2024





Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2022 - RG N°21/01459 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE VESOUL

Code affaire : 28A - Demande en partage, ou contestations relatives au partage





COMPOSITION DE LA COUR :



M. Michel WACHTER, Président de chambre.



Madame Bénédicte MANTEAUX et M. Cédric SAUNIER, Conseillers.



Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.





DEBATS :



L'affaire a été examinée en audience publique du 27 février 2024 tenue par M. Michel WACHTER, président de chambre, Madame Bénédicte MANTEAUX et M. Cédric SAUNIER, conseillers et assistés de Mme Fabienne ARNOUX, greffier.

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.







L'affaire oppose :





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE





Madame [J] [K] épouse [R]

née le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 18], demeurant [Adresse 7] - [Localité 13]



Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Jean-louis LANFUMEZ, avocat au barreau de BELFORT, avocat plaidant







ET :



INTIMÉES





Madame [C] [K]

née le [Date naissance 9] 1965 à [Localité 18], de nationalité française,

demeurant [Adresse 2]



Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE



Madame [A] [K] épouse épouse [N]

née le [Date naissance 8] 1969 à [Localité 18], de nationalité française, agent de fabrication,

demeurant [Adresse 3]



Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE



Madame [T] [K]

née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 14], de nationalité française, infirmière,

demeurant [Adresse 11]



Représentée par Me Xavier CLAUDE de la SCP CLAUDE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE







ARRÊT :





- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.






*************



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE





[X] [K], décédé le [Date décès 10] 2010 et [F] [P], son épouse, décédée le [Date décès 5] 2017, ont laissé pour leur succéder leurs quatre filles :

. [J] [K] épouse [R], née le [Date naissance 4] 1960

. [C] [K], née le [Date naissance 9] 1965

. [A] [K] épouse [N], née le [Date naissance 8] 1969

. [T] [K], née le [Date naissance 6] 1973.



Faute d'avoir pu procéder amiablement à la liquidation de la communauté matrimoniale de leurs parents et à celle de leurs successions, Mme [J] [K] a, par assignation délivrée en date des 29 octobre et 2 novembre 2021, saisi le tribunal judiciaire de Vesoul aux fins notamment de :

- dire qu'elle a la qualité de légataire particulier et est seule propriétaire de l'ensemble des biens immobiliers ayant fait l'objet des testaments du 22 novembre 2003 de leurs parents, ainsi que de la délivrance de legs opérée par acte authentique de Me [S] en date du 12 juin 2020 ;

- dire que Mmes [C], [A] et [T] [K] sont bénéficiaires de la donation-partage ayant fait l'objet de l'acte authentique de Me [V] en date du 22 novembre 2003 ;

- dire que, pour le surplus, chacune des parties en cause peut prétendre à un quart des successions de leurs parents ;

- ordonner le partage des liquidités et la répartition entre les divers héritiers à raison des droits précités ;

- dire qu'elle est créancière sur les successions précitées d'une somme de 54 500,81 euros à titre de salaire différé ;

- voir ordonner l'attribution de la parcelle cadastrée section [Cadastre 12] sur la commune de [Localité 16] (70) lieu-dit [Localité 19] d'une contenance de 20 ares 60 centiares, et anciennement cadastrée section [Cadastre 22], en contrepartie de telle soulte qu'il appartiendra au(x) notaire(s) de fixer.



Elle a par la suite sollicité le rapport à la succession de la somme de 448 euros par sa soeur [C] et de 495,68 euros par sa soeur [A] et a sollicité la condamnation de ses trois soeurs à produire sous astreinte les contrats d'assurance vie dont elles sont bénéficiaires et la preuve des sommes perçues par elles et des versements effectués par leurs parents sur ces contrats d'assurance vie.





Par jugement rendu le 13 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Vesoul a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des communauté et successions confondues de [X] [K] et [F] [P] ;

- commis pour y procéder Me [E] [W], notaire à [Localité 18] et Me [T] [V], notaire à [Localité 23] ;

- ordonné l'attribution préférentielle au profit de Mme [J] [K] de la parcelle située sur la commune de [Localité 16] (70 400), cadastrée section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 19], d'une contenance de 20 ares 60 centiares - anciennement cadastrée section [Cadastre 22] ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes et notamment des demandes de Mme [J] [K] visant à :

. ce qu'elle soit dite légataire de l'ensemble des biens immobiliers au terme des deux testaments du 22 novembre 2003 et ses soeurs bénéficiaires de la donation partage du 22 novembre 2003,

. ce qu'il soit versé 54 500, 81 euros à titre de créance de salaires différés,

. à rapporter à la succession diverses sommes,

. ce que ses soeurs produisent sous astreinte des documents relatifs à des contrats d'assurance vie dont elles ont bénéficié ;

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage et la distraction de ceux-ci au profit des avocats de la cause selon leurs affirmations d'en avoir fait l'avance.



Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que :

- il était prématuré de procéder à ce stade à une répartition de l'actif successoral entre les parties ;

- sur la demande de Mme [J] [K] de salaire différé, elle pouvait se prévaloir d'un unique contrat de travail et exercer son droit de créances sur l'une ou l'autre des successions des parents coexploitants, statuts qui n'étaient pas contestés par ses soeurs ; le point de départ de la prescription courant à compter du décès de [F] [P], la demande était recevable ; en revanche faute de verser aux débats la preuve qu'elle ne percevait pas de contrepartie de son travail, sa demande devait être rejetée ;

- sur la demande d'attribution préférentielle, Mme [J] [K] justifiant de l'exploitation de la parcelle [Cadastre 12] lieu-dit [Localité 19], il devait y être fait droit ;

- les sommes pour lesquelles Mme [J] [K] demande des rapports à la succession ayant été réglées après le décès des parents, elles ne pouvaient être considérées comme des libéralités faites par eux ;

- Mme [J] [K] ne justifiait pas de loyers sur l'exploitation de certaines terres qui n'auraient pas fait l'objet d'un versement à la succession ;

- elle ne justifiait pas non plus de l'existence de contrats d'assurance vie souscrits par leurs parents au profit de ses soeurs, ni des sommes reçues par elles ni des versements des parents pour constituer ces contrats.





Par déclaration parvenue au greffe le 3 février 2023, Mme [J] [K] a régulièrement interjeté appel de ce jugement. Par conclusions transmises au greffe le 22 mai 2023, Mmes [C], [A] et [T] [K] ont relevé appel incident.





PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Selon conclusions transmises le 31 juillet 2023, Mme [J] [K] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :

. ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage,

. commis pour y procéder Me [W] et Me [V],

. ordonné l'attribution préférentielle à son profit de la parcelle située sur la commune de [Localité 17], cadastrée section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 19] ;

et d'infirmer le jugement pour le surplus, et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- juger qu'il incombera au(x) notaire(s) désigné(s) de rédiger un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de la désignation en application de l'article 1364 du code de procédure civile et, en cas de désaccord des copartageants, un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi qu'un projet d'état liquidatif ;

- juger qu'elle a la qualité de légataire particulier et est seule propriétaire de l'ensemble des biens immobiliers ayant fait l'objet des testaments du 22 novembre 2003 de leurs parents ainsi que de la délivrance de legs opérée par acte authentique de Me [M] [S], notaire à [Localité 23] en date du 12 juin 2020 ;

- dit que ses trois soeurs sont bénéficiaires de la donation partage ayant fait l'objet de l'acte authentique passé par devant Me [B] [V], notaire à [Localité 23], le 22 novembre 2003 ;

- juger que pour le surplus, chacune des parties en cause peut prétendre à un quart des successions de [X] [K] et [F] [P] ;

- ordonner le partage des liquidités et la répartition entre les divers héritiers à raison des droits précités ;

- juger qu'elle est créancière des successions précitées à hauteur de la somme de 54 500, 81 euros à titre de salaire différé ;

- juger que sa soeur [C] doit réintégrer dans la succession de leur mère la somme de 448 euros ;

- juger que sa soeur [A] doit réintégrer dans la succession de leur mère la somme de 495,68 euros ;

- juger que dans la quinzaine de la signification de l'arrêt à intervenir et, au-delà, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ses trois soeurs devront produire :

. les contrats d'assurance vie souscrits par leurs parents dont elles étaient bénéficiaires ;

. la justification des sommes qu'elles ont effectivement perçues suite au décès de leurs parents,

. la justification des montants des sommes versées par leurs parents pour constituer ces assurances vie et des dates auxquelles ces versements ont été effectués ;

- juger, en conséquence, que ses droits en ce qui concerne les assurances vie sont réservés et ne pourront être déterminés qu'après production de ces pièces ;

- renvoyer les parties par devant les notaires de manière à procéder aux estimations et calculs indispensables ainsi qu'aux répartitions et attributions s'imposant ;

- débouter Mmes [C], [A] et [T] [K] de toutes prétentions plus amples ou contraires ;

- condamner, chacune, à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- juger que les dépens d'instance seront prélevés en frais privilégiés de partage dont distraction au profit de la SCP Dumont-Pauthier, avocat postulant, qui justifie en avoir effectué l'avance en cause d'appel.



Mmes [C], [A] et [T] [K] ont répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 26 juillet 2023 pour demander à la cour de :

- débouter leur soeur [J] de l'intégralité de ses demandes, en particulier de celle visant à se voir gratifier d'un salaire différé, irrecevable comme étant prescrite, et, en tous les cas, injustifiée ;

- confirmer le jugement du 13 décembre 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné l'attribution préférentielle au profit de Mme [J] [K] de la parcelle située sur la commune de [Localité 17], cadastrée section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 19] ;

> statuant à nouveau sur ce point :

- débouter Mme [J] [K] de sa demande d'attribution de cette parcelle ;

> à défaut, s'il y était fait droit :

- juger qu'elle serait redevable d'une soulte qu'il appartiendra au(x) notaire(s) de fixer ;

- la condamner à leur payer, à chacune, la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.



Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.






MOTIFS DE LA DÉCISION





- Sur la demande de Mme [J] [K] au titre d'une créance de salaire différé :



Le jugement critiqué a débouté Mme [J] [K] de sa demande relative à se voir reconnaître titulaire d'une créance de 54 500, 81 euros à titre de créance de salaires différés.



Mme [J] [K] a relevé appel de cette disposition du jugement et fait valoir que :

- sa mère a travaillé comme conjoint collaborateur du 1er janvier 1961 au 31 décembre 1993 en étant affiliée elle-même auprès de la MSA ;

- elle-même a travaillé sur l'exploitation agricole du 1er octobre 1979 au 10 octobre 1983 alors que ses parents l'exploitaient conjointement ;

- durant ce travail, elle-même n'a jamais été associée aux bénéfices ni aux pertes de l'exploitation et n'a jamais reçu aucune contrepartie en nature ou en rémunération pour sa collaboration.



Mmes [C], [A] et [T] [K] opposent à cette demande une fin de non recevoir tirée de la prescription en faisant valoir que :

- Mme [J] [K] ne justifie pas que leur mère aurait eu le statut d'exploitante ou de coexploitante ; leur mère n'était affiliée à la MSA qu'en qualité de conjointe participant aux travaux, ce qui ne fait pas d'elle une coexploitante ; au décès de son mari, comme elle n'avait aucune compétence pour poursuivre l'exploitation des terres, elle les a mises en location ;

- sa créance ne pouvant s'exercer que sur la succession de leur père décédé en 2010, sa demande est donc prescrite.





Décision de la cour :



L'article L. 321-13 du code rural et de la pêche dispose que les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.

Le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant.



Le délai de prescription de la demande de salaire différé court du jour de l'ouverture de la succession de l'exploitant ; en cas de coexploitation, le descendant est réputé bénéficiaire d'un unique contrat de salaire différé et peut exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions.



En l'espèce, l'attestation de la MSA indique que [F] [K] a été affiliée à son organisme en qualité de conjointe participante aux travaux pour la période 1961-1993.



S'agissant d'une épouse d'un exploitant agricole ayant exercé de 1961 à 1993, donc principalement avant la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d'orientation agricole qui a commencé à organiser un début de statut à l'épouse de l'exploitant agricole, et qui a cessé son activité avant la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, la détermination de la qualité d'exploitante ou de coexploitante pour le calcul du salaire différé ne peut se baser uniquement sur le statut minimal et par défaut reconnu par la MSA.

Il y a lieu de recourir aux éléments probants versés aux débats par les parties sur l'effectivité du travail accompli par [F] [K] dans la ferme, aux côtés de son mari.



Il résulte des deux attestations de Mme [L] [K] épouse [H], soeur de [X] [K], que [F] [K] a travaillé sur la ferme de 1979 à 1983 (période pour laquelle Mme [J] [K] réclame un salaire différé) et même avant, en trayant les vaches, faisant les foins et s'occupant de la ferme et des vaches, et que c'était elle avec sa fille aînée [J] qui faisait tourner la ferme alors que son mari s'était cassée la jambe.

Un collègue agriculteur M. [I] atteste avoir vu [F] [K] travailler avec son époux sur la ferme de 1979 à 1983 et précise que, à cette époque, [X] [K] s'était cassé la jambe.



Ainsi, la cour considère qu'il est établi que [F] [K] assurait, en pratique, de nombreuses tâches dans la gestion de l'exploitation à telle enseigne qu'elle doit être considérée comme étant coexploitante avec son mari de l'entreprise familiale.



Dès lors, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que Mme [J] [K] pouvait formuler sa demande de créance de salaire différé à l'une ou l'autre des successions de ses parents coexploitants, et, au vu de la date du décès de [F] [K] (2017) et de celle de l'assignation en première instance (2021), que la fin de non recevoir tirée de la prescription devait être rejetée.





Par certificat en date du 15 septembre 1998, la MSA de la Haute-Saône a attesté que Mme [J] [K] a été affiliée à l'assurance vieillesse des professions non salariées agricole en qualité d'aide familiale du 1er octobre 1979 au 10 octobre 1983 sur l'exploitation de M. [X] [K] domicilié à [Localité 16]. Mme [J] [K] produit également un calcul par cet organisme de sa créance de salaire différé fixant son montant à 54 500,81 euros pour cette période du 1er octobre 1979 au 10 octobre 1983.



L'attestation de sa tante [L] [H] indique que Mme [J] [K], dans le cadre de la collaboration de l'exploitation agricole de ses parents « travaillait gratuitement sans aucune rémunération et ceci pendant plus de 4 ans pour aider sa mère vu que son père s'était cassé la jambe » ; l'attestation de M. [I] indique que Mme [J] [K] avait quitté son emploi de vendeuse pour travailler bénévolement, sans rémunération, gratuitement avec sa mère sur la ferme.

Mme [J] [K] verse aux débats ses avis d'imposition des années 1980, 1981 et 1982 faisant état , au titre de ces années, d'une absence totale de revenus ; au titre de l'année 1979, ses seules ressources déclarées étaient celles perçues sur la période du 1er janvier au 30 septembre 1979 au titre de l'emploi salarié occupé au magasin [20] jusqu'au 29 septembre 1979 qu'elle a quitté pour travailler sur la ferme. Au titre de l'année 1983, Mme [J] [K] a exclusivement bénéficié de ressources à compter du 11 octobre, date à compter de laquelle elle n'était plus aide familiale pour ses parents mais employée par la boulangerie [21].



Au vu de ces éléments, la cour considère suffisamment établi que le travail de Mme [J] [K] sur l'exploitation de ses parents était direct et effectif, qu'elle n'était associée ni aux bénéfices ni aux pertes de l'exploitation et qu'elle ne percevait aucun salaire en contrepartie de son travail.



Dès lors, infirmant le jugement, la cour fait droit à la créance due par la succession de [F] [K] à Mme [J] [K] à hauteur de 54 500,81 euros, le calcul du montant n'étant pas contesté et étant conforme aux prescriptions de l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche.





- Sur la demande d'attribution préférentielle de Mme [J] [K] concernant une parcelle :



Le jugement soumis à examen de la cour a ordonné l'attribution préférentielle au profit de Mme [J] [K] de la parcelle située sur la commune de [Localité 16] (70 400), cadastrée section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 19], d'une contenance de 20 ares 60 centiares - anciennement cadastrée section [Cadastre 22].

Mmes [C], [A] et [T] [K] ont relevé appel de cette disposition du jugement.



Mme [J] [K] demande l'attribution préférentielle de cette parcelle qu'elle dit exploiter avec son mari.

Mmes [C], [A] et [T] [K] font valoir que Mme [J] [K] ne prouve pas cette exploitation.





Décision de la cour :



L'article 831 du code civil dispose que tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute partie d'entreprise agricole, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants.



L'exploitation effective de la parcelle litigieuse par Mme [J] [K] ou son mari étant contestée par Mmes [C], [A] et [T] [K], il appartient à Mme [J] [K] d'en administrer la preuve.

Or, les courriers et règlements qu'elle verse aux débats au titre des fermages de parcelles appartenant à l'indivision successorale ne permettent pas d'établir que la parcelle litigieuse, cadastrée section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 19], sur la commune de [Localité 16] (70 400) d'une contenance de 20 ares 60 centiares - anciennement cadastrée section [Cadastre 22], est concernée par ce fermage et fait l'objet d'une exploitation effective par le couple [R].



Dès lors, la cour infirme le jugement sur ce point et dit qu'il appartiendra aux parties de se mettre d'accord entre elles devant les notaires sur le devenir de cette parcelle.





- Sur les rapports à la succession :



Le jugement soumis à l'examen de la cour a rejeté la demande de Mme [J] [K] visant à condamner Mmes [C] et [A] [K] à rapporter à la succession des loyers qui revenaient à la succession.

Mme [J] [K] a formé appel de ce chef du jugement.



Elle demande, sur le fondement de l'article 1302-1 du code civil relatif à l'action en restitution de l'indu, que sa soeur [C] soit condamnée à réintégrer dans la succession de leur père la somme de 448 euros, et sa soeur [A] la somme de 495,68 euros ; elle fait valoir qu'elle a versé ces sommes à titre de loyers de parcelles appartenant à la succession mais que ses soeurs [C] et [A] les ont indûment perçues.



Mmes [C], [A] et [T] [K] font valoir que les sommes dont il est question sont inscrites au crédit du compte de la succession de leur père.





Décision de la cour :



L'examen du relevé de « compte client succession [X] [K] » tenu par le notaire en date du 16 novembre 2021 montre que la somme de 448 euros visée par Mme [J] [K] apparaît en crédit du compte de la succession et que dès lors il n'est pas établi que Mme [C] [K] ait gardé à son seul profit cette somme qui revenait à la succession.



La cour confirme donc le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] [K] de cette demande.



Concernant la somme de 495,68 euros, le même relevé de compte porte à cette date le libellé d'écriture suivant : « payé à Mme [N] [A] loyers [R] 2015+2016+2017+2018 » ; cette somme est effectivement portée en débit du compte de la succession. Cependant, Mme [J] [K] ne verse pas aux débats les baux ruraux dont elle bénéficie avec son mari et qui pourraient tout aussi bien concerner des terres ayant fait l'objet de la donation de parcelles à [A] le 22 novembre 2003.



Dès lors, Mme [J] [K] échouant à prouver le recel successoral allégué, la cour confirme le rejet prononcé par le jugement.





- Sur la demande de Mme [J] [K] au titre de la production de pièces relatives aux contrat d'assurance vie :



Le jugement déféré à la cour a débouté Mme [J] [K] de sa demande de production de pièces relatives à des contrats d'assurance vie dont elle soutient que ses soeurs sont bénéficiaires, aux sommes perçues par elles à ce titre et au montant des versements par leurs parents sur ces contrats d'assurance vie.



Mme [J] [K] a relevé appel de ce chef du jugement qui l'a déboutée de cette demande et soutient qu'il existait des contrats d'assurance-vie dont ses soeurs étaient bénéficiaires et notamment d'un contrat d'assurance vie souscrit par [F] [K] au titre duquel sa soeur [T] aurait perçu une somme de 30 500 euros.



Mmes [C], [A] et [T] [K] s'opposent à ces demandes en faisant valoir que c'est Mme [J] [K] qui supporte la charge de la preuve du caractère manifestement excessif des primes versées, et qu'elle échoue à apporter le moindre commencement de preuve qu'elles auraient perçu des sommes au titre d'assurances vie ou que leurs parents auraient eu la volonté de se dépouiller au détriment de certains héritiers.



Décision de la cour :



L'existence d'un contrat d'assurance vie Predissime 9 n° 825 56001507898 souscrit en janvier 2007 par [F] [K] auprès de la [15] au bénéfice de Mmes [C], [A] et [T] [K] est prouvé (pièce 40 de Mme [J] [K]). La pièce n° 41 a trait au même contrat Predissime n° 56001507898. Des éléments y figurant, il ressort que [F] [K] a versé 30 500 euros de primes en 10 ans et 6 mois soit une somme mensuelle de 242 euros.

Mme [J] [K], qui ne verse aux débats aucun document permettant à la cour de connaître la situation financière de sa mère, ne justifie pas du caractère manifestement excessif des primes versées.

Par ailleurs, Mme [J] [K] ne verse aucun élément sur l'existence d'un autre contrat d'assurance vie.



En conséquence, il convient, pour ces motifs substitués à ceux des premiers juges, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté cette demande de Mme [J] [K].





PAR CES MOTIFS,



La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique :



Confirme le jugement rendu entre les parties le 13 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Vesoul sauf ce qu'il a :

- ordonné l'attribution préférentielle au profit de Mme [J] [K] de la parcelle située sur la commune de [Localité 16] (70 400), cadastrée section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 19], d'une contenance de 20 ares 60 centiares - anciennement cadastrée section [Cadastre 22] ;

- débouté Mme [J] [K] de sa demande de condamnation de la succession à lui verser la somme de 54 500, 81 euros à titre de créance de salaires différés ;



Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant :



Déboute Mme [J] [K] de sa demande d'attribution préférentielle à son profit de la parcelle située sur la commune de [Localité 16] (70 400), cadastrée section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 19], d'une contenance de 20 ares 60 centiares - anciennement cadastrée section [Cadastre 22] ;



Juge que Mme [J] [K] bénéficie sur la succession de [F] [K] d'une créance de salaires différés de 54 500, 81 euros ;



Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et définitivement supportés par Mmes [J], [C], [A] et [T] [K] à proportion de leurs droits dans le partage ;



Accorde aux avocats de la cause qui l'ont sollicité, le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute Mme [J] [K] et Mmes [C], [A] et [T] [K] de leurs demandes.











Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Fabienne Arnoux, greffier.







Le greffier, Le président,

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