25 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-15.393

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200349

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

Texte de la décision

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 avril 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 349 F-B

Pourvoi n° M 22-15.393




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 AVRIL 2024

La société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-15.393 contre l'arrêt rendu le 22 février 2022 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à la [3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la [3], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 22 février 2022), par courrier du 22 juillet 2019, la [3] (la caisse) a notifié à la société [4] (l'employeur) le taux d'incapacité permanente attribué à l'un de ses salariés (la victime) à la suite de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 2 décembre 2016.

2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer son recours irrecevable, alors :

« 1°/ que s'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de la caisse de mutualité sociale agricole, fixant le taux d'incapacité permanente partielle attribuée à un salarié, sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée ; que ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande ; qu'en considérant, pour déclarer irrecevable le recours formé par l'employeur devant le tribunal judiciaire à l'encontre de la décision de la caisse concernant l'attribution à la victime d'un taux d'incapacité permanente partielle de 18 %, que les dispositions de l'article R. 142-1-A-III du code de la sécurité sociale invoquées par l'employeur concernant l'accusé de réception de la demande n'étaient pas applicables en l'espèce et en ajoutant que, du fait de la nature du litige portant sur l'opposabilité à l'égard de l'employeur d'une décision prise par l'organisme de sécurité sociale, l'employeur, qui n'avait par définition formulé aucune demande, s'était vue notifier une décision de la caisse fixant à 18 % le taux d'incapacité résultant de la maladie professionnelle dont son salarié avait été déclaré atteint ainsi que le montant de la rente en découlant, quand par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 août 2019, l'employeur avait formé un recours amiable devant la commission de recours amiable de la caisse à l'encontre de la décision du 25 juillet 2019 pour contester le taux d'incapacité fixé par celle-ci, de sorte que les dispositions précitées, destinées à garantir les droits de tous les intéressés qu'ils soient assurés ou employeurs, étaient applicables au recours contentieux formé par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article R. 142-1-A-III du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019 ;

2° / que s'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de la caisse de mutualité sociale agricole, fixant le taux d'incapacité permanente partielle attribuée à un salarié, sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée ; que ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande ; qu'en considérant que la notification de la caisse à l'employeur, en date du 22 juillet 2019, précisait d'une part les voies et délais de recours applicables en matière agricole auprès de la commission de recours amiable de la caisse dans un délai de deux mois à compter de la réception de la notification, d'autre part, qu'à défaut de réponse dans un délai de deux mois à compter de la réception de la réclamation par la commission de recours amiable, le réclamant pouvait considérer la demande comme rejetée, ce dernier disposant alors d'un délai de deux mois pour saisir le pôle social du tribunal de grande instance compétent, et en ajoutant que sa réception effective était établie par le propre courrier de réclamation formée par l'employeur le 20 août 2019, qui faisait état de la date et de la teneur de cette décision et se trouvait annexée à la lettre de réclamation et qu'il était attesté d'une date certaine de réception de cette contestation par la caisse au moyen de l'avis de réception de celle-ci en date du 21 août 2019, ce dont l'employeur avait eu connaissance puisque l'ayant reçu et le produisant aux débats, pour en déduire que l'employeur avait été informé des délais et voies de recours applicables et avait disposé des éléments d'information lui permettant effectivement de les exercer, tout en constatant qu'aucun accusé réception de la réclamation de la société, faisant suite à la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable et contenant les délais et voies de recours applicables pour exercer un recours contentieux ne lui avait été adressé, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas tiré les conséquence légales de ses propres constatations et a violé l'article R. 142-1-A III du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019.»

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 142-1-A, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige :

4. Aux termes de ce texte, s'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande.

5. Il en résulte qu'en l'absence d'un accusé de réception du recours préalable mentionnant les délais et voies de recours, la forclusion de son recours contentieux ne peut être opposée au requérant dont le recours préalable, qui constitue une demande au sens du texte susvisé, a fait l'objet d'une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

6. Ces dispositions sont applicables au recours de l'employeur qui conteste la décision d'une caisse attribuant un taux d'incapacité permanente à la victime d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute.

7. Pour déclarer irrecevable le recours de l'employeur en contestation du taux d'incapacité permanente attribué par la caisse à la victime, l'arrêt retient que l'employeur qui conteste l'opposabilité à son égard d'une décision prise par l'organisme de sécurité sociale ne formule aucune demande au sens de l'article R. 142-1-A, III, du code de la sécurité sociale. Il constate que la notification de cette décision à l'employeur mentionnait les délais et voies de recours en cas de décision implicite de rejet de son recours préalable par la commission de recours amiable. Il en déduit que le recours contentieux de l'employeur, introduit plus de deux mois après l'expiration du délai d'acquisition de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, est atteint par la forclusion.

8. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier que l'accusé de réception du recours préalable de l'employeur mentionnait les délais et voies de recours en cas de décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la [3] et la condamne à payer à la société [4] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.