25 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.613

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200336

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES - Prestations (dispositions générales) - Prestations indues - Règles de tarification - Application - Preuve - Charge - Détermination

Dès lors que l'organisme social établit la nature et le montant de l'indu, il appartient au professionnel de santé de discuter les éléments de preuve et d'en apporter la preuve contraire. Conformément à l'article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen par le professionnel de santé tant lors des opérations de contrôle effectuées par les services de la caisse qu'à l'occasion de l'exercice des recours amiable et contentieux

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 avril 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 336 F-B

Pourvoi n° C 22-11.613





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 AVRIL 2024

La caisse primaire d'assurance maladie de Moselle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-11.613 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 3, sécurité sociale), dans le litige l'opposant à Mme [M] [V], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 9 décembre 2021), à la suite d'un contrôle de la facturation de l'activité de Mme [V], infirmière exerçant à titre libéral (la professionnelle de santé), portant sur les actes réalisés durant la période du 1er octobre 2012 au 30 novembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle (la caisse) a notifié à cette dernière, le 30 septembre 2015, un indu d'un montant de 72 020,09 euros correspondant aux prestations remboursées en méconnaissance des règles de facturation et de tarification.

2. La professionnelle de santé a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et huitième branches


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir en partie le recours de la professionnelle de santé, alors « que l'assurance maladie ne peut prendre en charge ou rembourser les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical que si ceux-ci ont fait l'objet, antérieurement à l'engagement des soins, d'une prescription médicale écrite, qualitative et quantitative ; que ces prescriptions médicales doivent être produites lors des opérations de contrôle - et non tardivement lors du recours contentieux - afin de permettre au service du contrôle médical de vérifier leur adéquation aux actes facturés ; qu'en l'espèce, la caisse faisait valoir sans être contestée que la professionnelle de santé avait facturé des actes concernant neuf patients mais avait refusé, lors des opérations de contrôle, de lui fournir les prescriptions médicales adéquates, en dépit de ses multiples demandes, de sorte que les actes facturés sans présentation des pièces justificatives ne pouvaient être pris en charge ; qu'elle ajoutait que les justificatifs produits tardivement lors du recours contentieux ne pouvaient être pris en considération car elle n'avait pu exercer son contrôle sur les facturations litigieuses ; qu'en jugeant que l'indu réclamé n'était plus justifié au prétexte inopérant que la professionnelle de santé avait produit au cours de la procédure judiciaire les prescriptions médicales et les factures afférentes aux assurés concernés, la cour d'appel a violé l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, les articles R. 133-9-1 et R. 315-1-1 du même code, le premier dans sa version issue du décret n° 2012-1032 du 7 septembre 2012, ensemble l'article 5 C de la première partie de la Nomenclature générale des actes professionnels annexée à l'arrêté du 27 mars 1972 modifié. »

Réponse de la Cour

5. Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article L. 162-1-7 du même code, d'établir l'existence du paiement, d'une part, son caractère indu, d'autre part. Dès lors que l'organisme social établit la nature et le montant de l'indu, il appartient au professionnel de santé de discuter les éléments de preuve produits et d'en apporter la preuve contraire.

6. Conformément à l'article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen par le professionnel de santé tant lors des opérations de contrôle effectuées par les services de la caisse qu'à l'occasion de l'exercice des recours amiable et contentieux.

7. L'arrêt relève, s'agissant de l'indu de facturation d'un acte AIS3 au lieu de AM1, que les démarches de soins infirmiers transmises à la caisse et non contestées par celle-ci mentionnaient la cotation des soins infirmiers AIS3, y ajoutant que ces derniers nécessitaient bien l'établissement d'une démarche de soins infirmiers. Il retient également que s'agissant de l'indu de 1 135,90 euros, les pièces produites aux débats et les explications données par la caisse ne permettent pas d'appréhender le bien-fondé de sa réclamation. Il ajoute, s'agissant du non-respect de l'article 13 de la Nomenclature générale des actes professionnels, qu'aucun élément justificatif n'est produit concernant deux patients et que rien n'établit qu'un troisième patient résidait à la même adresse qu'un autre.

8. S'agissant du non-respect des articles 23-1, 14 et 14B de la Nomenclature générale des actes professionnels, l'arrêt constate que la caisse ne produit pas aux débats les facturations de majorations d'acte unique concernant deux patients, d'une part, et qu'elle ne justifie pas de la cotation des deux majorations de nuit dont elle conteste la facturation, d'autre part. S'agissant de l'indu résultant de l'absence de prescriptions médicales, il relève que la professionnelle de santé a produit les prescriptions médicales et les factures afférentes aux assurés concernés.

9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit qu'il n'était pas justifié des indus litigieux.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la Caisse demandait la condamnation de la professionnelle de santé à lui rembourser la somme de 79,15 euros correspondant à la facturation d'un AIS 3 indu pour surveillance clinique de la patiente [F] [S] (cf. ses conclusions d'appel, p. 14, § 3) ; que dans ses conclusions d'appel, la professionnelle de santé reconnaissait son erreur de facturation sur ce point et admettait que l'indu était bien de 79,15 euros ; qu'en rejetant pourtant totalement la réclamation de la Caisse concernant cette patiente, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les dernières prétentions des parties.

13. L'arrêt rejette la réclamation de la caisse correspondant à la facturation d'un AIS3 indu de 79,15 euros pour surveillance clinique d'une patiente.

14. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, la professionnelle de santé reconnaissait son erreur de facturation sur ce point et admettait que l'indu était bien de 79,15 euros, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en ses quatrième et sixième branches

Enoncé du moyen

15. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 4°/ que les juges ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la caisse demandait la condamnation de la professionnelle de santé à lui rembourser un indu de 139,56 euros relatif à la patiente [Z] [Y] en lui reprochant, non pas d'être l'auteur de la falsification figurant sur la prescription médicale de cette patiente, mais d'avoir facturé des soins pendant 5 mois et 25 jours, au-delà des 3 mois prescrits, alors qu'elle indiquait n'avoir facturé des soins que pendant 3 mois (cf. ses conclusions d'appel, p. 16, § 3) ; qu'en rejetant la demande de la caisse au prétexte inopérant qu'elle ne prouvait pas que la professionnelle de santé était l'auteur de la falsification évoquée, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

6°/ que les juges ne peuvent modifier l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la Caisse demandait la condamnation de la professionnelle de santé à lui rembourser un indu de 336,65 euros relatif au patient [J] [L] en lui reprochant, non pas d'avoir falsifié la prescription médicale de ce patient en y ajoutant la mention « AR x 8 », mais d'avoir établi des facturations non conformes à la prescription médicale, à savoir des majorations d'acte unique (MAU) et des majorations jour férié (F) non prescrites ; qu'en rejetant sa réclamation au prétexte inopérant qu'elle ne prouvait pas que la professionnelle de santé était l'auteur de la falsification litigieuse, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

16. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les dernières prétentions des parties.

17. Pour rejeter la demande de la caisse tendant à obtenir la condamnation de la professionnelle de santé à lui rembourser un indu de 139,56 euros et un autre de 336,65 euros, l'arrêt retient qu'elle ne prouve pas que cette dernière était l'auteur de la falsification des prescriptions médicales litigieuses.

18. En statuant ainsi, alors que la caisse ne reprochait pas à la professionnelle de santé une falsification mais lui faisait grief d'avoir facturé des soins pendant 5 mois et 25 jours, au-delà des 3 mois prescrits, dans le premier cas, et d'avoir établi des facturations non conformes à la prescription médicale, à savoir des majorations d'acte unique (MAU) et des majorations jours fériés (F), dans le second cas, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la caisse en remboursement de la facturation d'un AIS3 indu d'un montant de 79,15 euros et de celles en paiement des indus de 139,56 euros et de 336,65 euros, l'arrêt rendu le 9 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne Mme [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre.

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