25 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.779

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200332

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Caisse - Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) - Contrôle - Opérations de contrôle - Demande de contestation - Recevabilité - Autorité de la chose jugée (non) - Procédures distinctes - Reconnaissance - Conséquence - Divers établissements d'une même société - Cas

Lorsque, à la suite d'opérations de contrôle communes portant sur divers établissement d'une même société, il a été adressé à cette dernière une lettre d'observations distincte pour chacun des établissements contrôlés, suivie de mise en demeure et de contrainte distinctes, les demandes de la cotisante contestant chacun des redressements ainsi notifiés n'ont pas le même objet. Doit, en conséquence, être cassé l'arrêt qui, pour dire la cotisante irrecevable à contester la procédure de contrôle, retient que la demande se heurte à l'autorité de la chose jugée d'un jugement définitif ayant statué sur la validité des opérations de contrôle, rendu dans le cadre de procédures distinctes concernant d'autres établissements de la même société

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 avril 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 332 F-B

Pourvoi n° X 21-16.779




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 AVRIL 2024

La société [3] ([3]), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-16.779 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) a adressé à la société [3] (la cotisante) une lettre d'observations concernant son établissement de [Adresse 6], suivie d'une mise en demeure, puis d'une contrainte.

2. La cotisante a saisi de recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La cotisante fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la contestation de la régularité de la procédure de contrôle, de déclarer régulières les opérations de contrôle, de rejeter la demande de nullité de la mise en demeure délivrée le 17 décembre 2013 et de valider la contrainte délivrée le 20 janvier 2014 à hauteur de la somme de 23 856 euros au titre des cotisations pour les années 2010, 2011 et 2012 et de celle de 3 685,00 euros au titre des majorations de retard et de la débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil, que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; que l'autorité de la chose jugée ne peut être invoquée qu'en cas de triple identité de parties, de cause et d'objet entre l'action définitivement jugée et la nouvelle demande ; que le jugement statuant sur un redressement URSSAF, ayant donné lieu à une lettre d'observations et une mise en demeure distinctes, ne statue pas sur le même objet et la même cause et n'est donc revêtu d'aucune autorité de la chose jugée vis-à-vis des instances relatives à d'autres redressements intervenus au sein d'une entreprise et ayant donné lieu à des lettres d'observations et lettre de mise en demeure distinctes, peu important que ces redressements concernent différents établissements d'une même entreprise ; qu'au cas présent les deux jugements devenus définitifs du tribunal des affaires de la sécurité sociale de Paris du 26 juillet 2016 afférents aux redressements par l'URSSAF Ile-de-France des établissements de [Adresse 5] et de [Adresse 4] de la Société [3] portaient sur une cause et un objet distincts de l'objet et de la cause de la présente instance relative au redressement de l'établissement de [Adresse 6] ; que ces deux jugements afférents aux redressements des établissements de [Adresse 5] et de [Adresse 4] ne statuaient pas sur la régularité de la procédure de redressement afférente à l'établissement de [Adresse 6], portaient sur des chefs de redressement et des montants différents et ont donné lieu à des dispositifs différents de celui du jugement rendu dans la présente instance ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande tendant à ce que soit jugée irrégulière la procédure de redressement et les opérations de contrôles afférentes à l'établissement de [Adresse 6] aux motifs que « les deux jugements favorables à la société ont prononcé la nullité de la mise en demeure et de la contrainte, et il n'est pas contesté que la régularité du contrôle a été soumise à l'examen du premier juge dans les cinq affaires. Cette régularité des opérations de contrôle a donc bien fait l'objet d'un jugement définitif au sens du texte précité. La chose demandée était la même, l'annulation des opérations de contrôle. Il n'est pas contesté que les moyens de nullité soulevés étaient les mêmes. Les demandes opposaient bien les mêmes parties, la société [3] et l'URSSAF d'Ile de France, ayant les mêmes qualités », quand les deux jugements du 26 juillet 2016 visés par l'arrêt n'avaient pas d'identité d'objet et de cause avec la présente instance en ce qu'ils portaient sur des redressements distincts relatifs à d'autres établissements de la Société [3], la cour d'appel a violé les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil ;

2°/ qu'en se fondant sur les motifs inopérants selon lesquels « Il est indifférent que le premier juge n'ait pas choisi de joindre les cinq affaires, la jonction étant une mesure d'administration judiciaire et n'ayant aucun effet sur l'étendue et l'autorité de la chose jugée » et que « dans chaque affaire, le tribunal a bien déclaré régulières les opérations de contrôle menées par l'URSSAF Ile de France à l'encontre de la société [3], seule dotée de la personnalité juridique et possédant un numéro SIREN. L'existence de cinq établissements, dépourvus de la personnalité morale et dotés seulement d'un numéro SIRET, ne limite en rien l'autorité de la chose jugée », cependant que le fait que les différents établissements de la Société [3] ne disposent pas de la personnalité morale ou de numéro SIRET, seule détenue par la Société [3], et que le juge choisisse discrétionnairement de joindre ou non des instances, n'autorisait pas la cour d'appel à retenir que les deux jugements devenus définitifs du tribunal des affaires de la sécurité sociale de Paris du 26 juillet 2016 afférents aux redressements des établissements de [Adresse 5] et de [Adresse 4] - correspondant à deux autres instances et ayant une cause et un objet distincts - avaient autorité de la chose jugée dans l'instance afférente au redressement de l'établissement de [Adresse 6], la cour d'appel a derechef violé les articles 480 du code de procédure civile et 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1355 du code civil et 480 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché en son dispositif. Il faut que la chose demandée soit la même et que la demande soit fondée sur la même cause.

5. Pour dire la cotisante irrecevable à contester la régularité de la procédure de contrôle, l'arrêt retient en substance que l'URSSAF a procédé à un contrôle qui a porté sur l'ensemble des établissements de la société, que le tribunal des affaires de sécurité sociale a rendu cinq jugements concernant ces différents établissements, et a par cinq fois validé ces opérations de contrôle. Il relève que ces jugements ont tous été frappés d'appel, mais que la société s'est désistée de ses appels concernant les établissements de [Adresse 5] et de [Adresse 4], de sorte que la régularité des opérations de contrôle, contestée dans les cinq affaires, a fait l'objet d'un jugement définitif au sens de l'article 1355 du code civil. Il ajoute que la chose demandée était la même, l'annulation des opérations de contrôle, que les moyens de nullité soulevés étaient les mêmes et que les demandes opposaient bien les mêmes parties, et que l'existence de cinq établissements, dépourvus de la personnalité morale et dotés seulement d'un numéro SIRET, ne limite en rien l'autorité de la chose jugée.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie de la contestation du redressement notifié à la cotisante à la suite du contrôle de son établissement de [Adresse 6], ayant donné lieu, à la suite d'une lettre d'observations concernant les chefs de redressement afférents à cet établissement, à une mise en demeure et à une contrainte, objet des instances jointes, ayant donné lieu au jugement qui lui était déféré, de sorte qu'elle avait un objet distinct des jugements devenus définitifs à la suite du désistement de la cotisante, concernant des mises en demeure et des contraintes décernées au titre d'autres établissements, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel interjeté par la société [3], l'arrêt rendu le 2 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne l'URSSAF d'Ile-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF d'Ile-de-France et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille vingt-quatre.

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