19 avril 2024
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 23/01482

Comm.d'indemn.de la dét.

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS



PREMIÈRE PRÉSIDENCE



RÉPARATION A RAISON D'UNE DÉTENTION









DÉCISION du :

19/04/2024





I.D.P N° :

8/2023





N° RG 23/01482 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GZY6





Arrêt N° :







NOTIFICATIONS le : 19/04/2024

[K] [B]

Me Eddy ARNETON

Me [O] [J]

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT

PG





PARTIES EN CAUSE



Monsieur [K] [B], demeurant [Adresse 1]



NON COMPARANT .

Représenté par Me Eddy ARNETON, avocat au barreau de PARIS



Demandeur suivant requête en date du : 23 Juin 2023



L'agent judiciaire de l'Etat



représenté par Me Johan HERVOIS, avocat au barreau de ORLEANS



Le ministère public



représenté par Madame Christine TEIXIDO, Avocat Général.



COMPOSITION DE LA COUR



Président : Sébastien EVESQUE, Conseiller à la Cour d'Appel d'Orléans, en remplacement de Madame la première présidente par ordonnance n°279/2023 en date du 25 septembre 2023



Greffier : Madame Fatima HAJBI, greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.







DÉROULEMENT DES DÉBATS :



A l'audience publique du 15 Mars 2024, ont été entendus:



Me Eddy ARNETON, Conseil du requérant, en ses explications,



Me Johan HERVOIS, Conseil de l'agent judiciaire de l'État en ses explications,



Le Ministère Public en ses réquisitions,



L'Avocat du requérant ayant eu la parole en dernier



Le Conseiller faisant fonction de Premier Président a ensuite déclaré que la décision serait prononcée le 19 avril 2024.



DÉCISION:



Prononcé le 19 AVRIL 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.



Le Conseiller faisant fonction de Premier Président,statuant en application des articles 149 et suivants du Code de procédure pénale,



Assisté de Madame Fatima HAJBI, greffier ,



Sur la requête, enregistrée le 23 Juin 2023 sous le numéro IDP 8/2023 - RG N° N° RG 23/01482 - N° Portalis DBVN-V-B7H-GZY6 concernant [K] [B].



Vu les pièces jointes à la requête,



Vu les conclusions, régulièrement notifiées,




de l'Agent Judiciaire de l'État, du 2 août 2023 reçues au greffe le 04 août 2023,

du Procureur Général près cette Cour, du 18 octobre 2023 reçues au greffe le 19 octobre 2023,




Vu les conclusions en réponse de l'agent judiciaire de l'Etat en date du 3 novembre 2023



Vu les conclusions en réponse du 24 novembre 2023 reçues au greffe le 27 novembre 2023, déposées par le Conseil du requérant.



Vu les conclusions récapitulatives de l'agent judiciaire de l'Etat en date du 05 décembre 2023 reçues au greffe le 07 décembre 2023



VU les conclusions du Procureur Général en date du 15 février 2024.



Vu la lettre recommandée avec demande d'avis de réception par laquelle a été notifiée le 13 février 2024, la date de l'audience, fixée au 15 MARS 2024.



Les débats ayant eu lieu, en l'absence d'opposition en audience publique, au cours de laquelle ont été entendus Me Eddy ARNETON, Conseil du requérant, Me [O] [J] représentant l'Agent Judiciaire de l'État, Madame Christine TEIXIDO, Avocat Général, le Conseil du demandeur ayant eu la parole en dernier lieu.






FAITS ET PROCÉDURE



M. [K] [B] a été incarcéré le 29 mai 2019 en application de l'ordonnance de placement en détention provisoire du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Tours du même jour.



Le 11 février 2021, M. [K] [B] était libéré et placé sous assignation à résidence avec surveillance électronique.



Par jugement du 9 juillet 2021, le tribunal correctionnel de Tours relaxait Monsieur [K] [B] des faits poursuivis.



La décision a fait l'objet d'un appel et est devenue définitive suite à l'ordonnance de non-admission d'appel du 7 octobre 2021 par laquelle la présidente de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Orléans a constaté le désistement d'appel du ministère public et dit n'y avoir lieu à admission de l'appel.



Par requête arrivée au greffe de la cour d'appel d'Orléans le 23 juin 2023, M. [K] [B] présentait une demande d'indemnisation se fondant sur les articles 149 et suivants du code de procédure pénale.



Cette requête a été transmise par le greffe de la cour d'appel le 28 juin 2023 au procureur général près la cour d'appel en copie et, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du même jour reçue le 30 juin 2023, à l'agent judiciaire de l'État.



L'agent judiciaire de l'État a adressé ses conclusions à la cour le 4 août 2023. Elles ont été transmises au conseil de M. [K] [B] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 8 août 2023 et reçue le 10 août 2023. Elles ont été transmises en copie au procureur général le 8 août 2023.



Le ministère public a adressé ses conclusions à la cour le 19 octobre 2023. Ces conclusions ont été transmises au conseil de M. [K] [B] et au conseil de l'agent judiciaire de l'État par lettres recommandées avec accusé de réception adressées le 24 octobre 2023 et reçues le 27 et le 31 octobre 2023.



L'agent judiciaire de l'État a adressé ses conclusions récapitulatives à la cour le 3 novembre 2023. Elles ont été transmises au conseil de M. [K] [B] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 10 novembre 2023 et reçue le 14 novembre 2023. Elles ont été transmises en copie au procureur général le 10 novembre 2023.



Le requérant a adressé ses conclusions responsives à la cour le 27 novembre 2023. Elles ont été transmises au conseil de l'agent judiciaire de l'État par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 1er décembre 2023 et reçue le 5 décembre 2023. Elles ont été transmises en copie au procureur général le 1er décembre 2023.



L'agent judiciaire de l'État a adressé ses conclusions récapitulatives n°2 à la cour le 7 décembre 2023. Elles ont été transmises au conseil de M. [K] [B] par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 7 décembre 2023 et reçue le 12 décembre 2023. Elles ont été transmises en copie au procureur général le 7 décembre 2023.



Le ministère public a adressé ses conclusions à la cour le 15 février 2024. Ces conclusions ont été transmises au conseil de M. [K] [B] et au conseil de l'agent judiciaire de l'État par lettres recommandées avec accusé de réception adressées le 13 février 2024 et reçues le 16 février 2024.



Les parties ont été convoquées à l'audience du 15 mars 2024 par lettres recommandées avec accusé de réception adressées le 13 février 2024 et reçues le 16 et le 19 février 2024.



Elles ont comparu, soutenant chacune oralement les conclusions déposées.



L'affaire a été mise en délibéré avec indication que la décision serait rendue le 19 avril 2024.



MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Dans ses conclusions responsives arrivées au greffe de la cour le 27 novembre 2023 et auxquelles la cour renvoie pour de plus amples développements, M. [K] [B] expose avoir été placé en détention provisoire du 29 mai 2019 au 11 février 2021, soit 625 jours, et d'avoir été placé sous assignation à résidence du 11 février 2021 au 6 juillet 2021, soit 145 jours. Il précise avoir fait l'objet d'une relaxe suite à la décision du tribunal correctionnel de Tours du 6 juillet 2021.



Il évoque avoir subi une détention injustifiée pendant 770 jours.



Au titre de son préjudice moral, il expose les éléments suivants :


La durée de la peine encourue est de nature à majorer son préjudice moral ;

Son préjudice moral est renforcé en l'absence de passé carcéral ;

Son préjudice moral est renforcé du fait des conditions de sa détention ;

Son préjudice moral est renforcé du fait de la dégradation de sa situation personnelle et familiale.




Il sollicite la somme de 192 250,00 euros en réparation de son préjudice moral.



Au titre de son préjudice matériel, il demande à être indemnisé de la perte de chance d'exercer une activité rémunérée. Il sollicite la somme de 26 065,40 euros pour la période de sa détention provisoire, ainsi que la somme de 5 319,20 euros en complément de salaires pour la période de son assignation à résidence. Il sollicite par ailleurs la somme de 4 387,67 euros en réparation de la perte de chance de cotiser pour sa retraite de base et ses retraites complémentaires.

Il demande également que la somme de 20 070,00 euros lui soit allouée en réparation de ses frais d'avocat liés au contentieux de la détention.



Il sollicite enfin que lui soit versée la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





***



Par ses conclusions récapitulatives n°2 arrivées à la cour d'appel le 7 décembre 2023, auxquelles la cour renvoie pour de plus amples développements, l'agent judiciaire de l'État présente les arguments et moyens suivants :


La recevabilité de la demande n'est pas contestée ;

Le requérant a contribué, par ses déclarations, à la réalisation de ses préjudices ;

L'expertise psychiatrique n'a pas relevé de choc carcéral et le requérant a pu exprimer que sa détention s'est bien passée ;

La vie commune du requérant avec sa compagne et son fils n'avait repris que depuis peu de temps au moment de sa détention alors qu'il s'était séparé de sa compagne en 2016 ;



Le permis de visite de sa compagne a été suspendu pendant une durée de 8 mois suite à une sanction ;

Le requérant ne verse au débat aucune facture au titre des honoraires d'avocats demandés dans le cadre de la détention ;

La convention d'honoraires versée n'est pas signée et ne prévoit qu'un honoraire forfaitaire ne distinguant pas les diligences en lien avec la détention des autres ;

Le requérant ne justifiait d'aucune qualification professionnelle ni d'aucune ancienneté dans l'emploi ;

La rupture de son contrat de travail est intervenue 53 jours avant son incarcération ;

Le requérant n'établit pas qu'il aurait été constamment employé par la société [5] depuis le 1er juin 2022 ;

Le requérant ne peut pas être indemnisé de sa perte de chance de cotiser pour la retraite ;

La somme sollicitée au titre de la perte de chance de cotiser à un régime de retraite complémentaire ne correspond pas au montant des droits de retraite qui auraient résulté du paiement des cotisations ;

Il ne verse aucun justificatif des sommes demandées au visa de l'article 700 du code de procédure civile.




L'agent judiciaire de l'État conclut, à titre principal, que la somme allouée à M. [K] [B] au titre de son préjudice moral soit limitée à 55 760,00 euros et qu'il soit débouté de l'ensemble de ses autres demandes. Il demande, à titre subsidiaire, que les sommes mises à la charge de l'État au titre de la réparation du préjudice matériel du requérant et au titre de l'article 700 du code de procédure civile soient réduites à de plus justes proportions.



***



Par des écritures reçues le 15 février 2024, le procureur général propose qu'il soit alloué à M. [K] [B] la somme de 62 400,00 euros pour la période de détention provisoire et celle de 7 300,00 euros pour la durée de son assignation à résidence. Il propose également que le requérant soit débouté de ses demandes au titre de son préjudice matériel et propose que la somme de 1 000,00 euros lui soit octroyée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Les parties ont été régulièrement convoquées et entendues à l'audience tenue le 15 mars 2023.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la recevabilité de la requête



Selon les dispositions combinées des articles 149-1, 149-2 et R. 26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.



Il lui appartient, dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle la décision a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire.



L'article R. 26 du code de procédure pénale précise que le délai de six mois prévu à l'article 149-2 ne court à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive que si, lors de la notification de cette décision, la personne a été avisée de son droit de demander une réparation ainsi que des dispositions de l'article 149-1,149-2 et 149-3 (premier alinéa).





La présente requête a été reçue au greffe de la cour d'appel le 23 juin 2023.



La décision du tribunal judiciaire de Tours prononçant la relaxe a été rendue le 9 juillet 2021 et est devenue définitive le 7 octobre 2021 suite à l'ordonnance de non-admission d'appel par laquelle la présidente de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel d'Orléans a constaté le désistement d'appel du ministère public et dit n'y avoir lieu à admission de l'appel.



Le requérant fait valoir qu'il n'a pas été averti de son droit à indemnisation et du délai dans lequel ce droit lui était ouvert lors de la notification de la décision du tribunal correctionnel de Tours.



En l'absence de tout élément permettant de considérer que la notification aurait bien été réalisée, la requête de M. [K] [B] est recevable.





Sur la durée de la période à indemniser



Il ressort des éléments versés au dossier que M. [K] [B] a été placé en détention provisoire du 29 mai 2019 au 11 février 2021, soit 625 jours, et qu'il a été placé sous assignation à résidence du 11 février 2021 au 6 juillet 2021, soit 145 jours.



Dans ces conditions, en application des dispositions des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, la période d'incarcération ouvrant droit à indemnisation a donc couru pendant 770 jours.



C'est cette période qui sera prise en compte pour calculer le montant de l'indemnisation.



Sur le préjudice moral



M. [K] [B] a fait l'objet d'une détention provisoire non justifiée pour une durée de 625 jours et d'un placement sous assignation à résidence injustifié pour une durée de 145 jours.



La privation de liberté entraîne nécessairement un préjudice moral résultant du choc ressenti par une personne injustement privée de liberté.



Il est constant qu'au moment de son incarcération, le casier judiciaire de M. [K] [B] portait la trace de plusieurs mentions. Il n'avait cependant jusqu'alors effectué aucune peine d'emprisonnement de telle sorte que son préjudice moral est renforcé par le choc carcéral ressenti.



Si le rapport d'expertise psychiatrique réalisé le 6 juin 2020 conclut que le requérant ne présente pas de choc carcéral, ce constat, postérieur d'un an à la date d'incarcération de M. [K] [B], ne suffit pas à remettre en cause le choc nécessairement ressenti au moment d'une première confrontation au monde carcéral.



Le requérant soutient que son préjudice moral serait renforcé du fait de l'angoisse ressentie face à la peine encourue. Cependant aucun élément du dossier n'établit que M. [K] [B] aurait fait état d'une angoisse particulière relative à la nature des faits poursuivis et à l'importance de la peine encourue. Son préjudice moral n'est donc pas renforcé de ce fait.



Le requérant soutient également que son préjudice serait renforcé du fait des conditions de sa détention. Il ressort des pièces du dossier que M. [K] [B] a pu être affecté à une cellule avec deux autres codétenus. Si le courrier de la directrice du centre pénitentiaire de [4] du 30 septembre 2020 souligne qu'après avoir été interrogé sur le sujet, M. [K] [B] a refusé une proposition de changement de cellule, il ressort de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans du 15 octobre 2020 que ce refus était motivé par la crainte de se retrouver en cellule avec des codétenus qu'il n'aurait pas « choisis » et qui pourraient prendre, par exemple, des médicaments. Il apparaît ainsi qu'après les vérifications réalisées sur les conditions d'encellulement de M. [K] [B] en application de l'arrêt précité, il a fait l'objet d'un changement de cellule le 20 octobre 2020. Il justifie donc bien des conditions de détention dégradées qu'il a personnellement subies et son préjudice moral est, de ce fait, renforcé.



M. [K] [B] soutient enfin que son préjudice moral serait renforcé du fait de la dégradation de sa situation personnelle et familiale. Il soutient que malgré les demandes de permis formulées par plusieurs de ses proches, tout contact extérieur lui était interdit jusqu'au mois de décembre. Cependant, cette situation ne résulte pas de la détention mais des besoins de l'enquête au regard de la nature des faits poursuivis. Le requérant n'établit pas que, par la suite, il aurait été empêché de maintenir des liens relationnels avec ses proches dans le cadre de sa détention.



S'il soutient n'avoir pu être présent pour sa mère atteinte d'un cancer que durant quelques mois après sa libération, il ne verse au débat aucun élément de nature à étayer cette prétention.



Il soutient enfin que la mesure d'assignation à résidence à été acceptée sur condition d'éloignement géographique avec un déménagement en [3] à plusieurs milliers de kilomètres de son foyer. Il ressort en effet de l'ordonnance de placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique du 21 décembre 2020 que ce n'est qu'à la condition de cet éloignement que la libération de M. [K] [B] a été acceptée, d'autres propositions d'hébergement à proximité ayant été proposées. Cette mesure a donc eu un impact sur ses liens relationnels dont il sera tenu compte pour l'évaluation de son préjudice moral.



Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice moral de M. [K] [B] est évalué à la somme de 63 000,00 euros en ce qui concerne la période de placement en détention provisoire du 29 mai 2019 au 11 février 2021, et à celle de 7 000,00 euros pour ce qui est de la période d'assignation à résidence du 11 février 2021 au 6 juillet 2021.



Son préjudice moral est donc indemnisé par la somme totale de 70 000,00 euros.



Sur le préjudice matériel



M. [K] [B] sollicite l'indemnisation de la perte de chance d'exercer un emploi pendant la durée de sa détention ainsi que l'indemnisation d'une perte de revenu durant la période de son assignation à résidence sous surveillance électronique.



Il soutient que, préalablement à sa détention, il exerçait un emploi de chauffeur livreur au sein de la société [2]. Il verse à ce titre des bulletins de paie pour les mois de janvier, février, mars et avril 2019 faisant état d'une durée de maintien dans les effectifs pour la période allant du 7 janvier 2019 au 5 avril 2019. Il soutient ensuite qu'il a pu être employé dès sa sortie de détention provisoire au sein de la société [5], d'abord dans le cadre de son assignation à résidence sous surveillance électronique, puis à temps plein à compter de sa remise en liberté. Il verse à ce titre son contrat de travail à durée indéterminée ainsi que ses bulletins de salaires pour les mois de février à juin 2021 inclus, dans le cadre de son assignation à résidence, puis pour les mois d'août 2021 à mai 2022 faisant état d'un poste occupé à temps plein. Le requérant verse enfin son bulletin de paie au sein de la même société pour le mois d'octobre 2023.



Il est constant que M. [K] [B] n'occupait pas un emploi au moment de son placement en détention provisoire de telle sorte que, pour la durée de celle-ci, il ne peut prétendre qu'à la seule réparation d'une perte de chance d'occuper un emploi, laquelle ne peut être égale à l'avantage procuré si la chance s'était réalisée. Il ressort des éléments versés au dossier que M. [K] [B] a pu occuper un emploi préalablement à son incarcération et qu'il en a occupé un autre dès sa remise en liberté. Dans ces conditions, il y a lieu d'indemniser la perte de chance d'occuper un emploi pendant la durée de sa détention.



Il ressort des éléments du dossier que préalablement à son incarcération, M. [K] [B] ne fait état que d'une durée d'emploi de quelques mois. Il ne justifie pas avoir travaillé préalablement à cette période et n'expose pas les raisons de la fin de ce contrat. Il ne justifie pas non plus de formations ou d'un projet professionnel clairement défini. Il établit cependant avoir travaillé pendant une période continue depuis sa sortie de détention. Dans ces conditions, la perte de chance d'occuper un emploi dans le cadre de sa détention est évaluée à 50%.



En prenant pour référence une perte de revenu mensuel de 1 271,48 euros comme le propose le requérant sur la base des fiches de paie du mois d'août 2021 au mois de mai 2022 et une durée de 20,5 mois il y a lieu de fixer le montant de son indemnisation à 1 271,48x50%x20,5 = 13 032,67 euros.



Concernant la perte de revenus durant la période de son assignation à résidence sous surveillance électronique, le requérant fournit ses bulletins de paie pour la période concernée, du 22 février 2021 au 30 juin 2021. Conformément à l'ordonnance de placement sous assignation à résidence, le requérant ne pouvait s'absenter de son domicile que pour une durée quotidienne de trois heures, soit quinze heures hebdomadaires.



Pour le mois de février, le bulletin de paie versé au dossier fait état de 35 heures rémunérées pour une durée de contrat d'une semaine, du 22 au 28 février. Il a donc été rémunéré de l'entièreté des heures pouvant être payées au titre de son contrat pour ce mois-ci et ne peut se prévaloir d'aucune perte de revenu.



Pour les mois de mars et avril 2021, il a été rémunéré pour une durée mensuelle de travail de 35 heures au taux horaire de 10,250. En comparaison avec le bulletin de paie du mois d'août 2021 pour lequel il a été rémunéré à temps plein au même taux horaire, la perte de salaire net s'élève à 1 230,64 ' 283,98 = 946,66 euros pour chacun de ces deux mois. Il sera indemnisé de cette perte.



Pour le mois de mai 2021, il a été rémunéré pour une durée mensuelle de travail de 65 heures au taux horaire de 10,250. En comparaison avec le bulletin de paie du mois d'août 2021 pour lequel il a été rémunéré à temps plein au même taux horaire, la perte de salaire net s'élève à 1 230,64 ' 527,40 = 703,24 euros. Il sera indemnisé de cette perte.



Pour le mois de juin 2021, il ressort du bulletin de paie versé au dossier qu'il a été en absence maladie du 1er juin au 28 juin de telle sorte qu'il n'a été rémunéré que pour deux journées de travail, soit 6 heures en application de l'ordonnance d'assignation à résidence. Si ces deux journées avaient été travaillées à temps plein, il aurait été rémunéré pour 14 heures de travail effectif au lieu de 6 heures. Sa rémunération a donc été amputée de 8 heures de travail rémunéré. La perte de salaire net s'élève donc à (48,68/6)x8 = 64,91 euros. Il sera indemnisé de cette perte.



Pour le mois de juillet 2021, le requérant ne justifie d'aucun bulletin de paie et donc d'aucune perte de revenu.



Au regard de ces éléments, la perte de salaire indemnisable pour la période de l'assignation à résidence de M. [K] [B] s'élève à 2 661,47 euros.



Le requérant sollicite ensuite l'indemnisation de son préjudice tiré de la perte de chance de cotiser pour sa retraite et pour la retraite complémentaire.



Cependant, il résulte des articles L. 351-3, R. 351-3, R. 351-5 et R. 351-12 du code de la sécurité sociale que la personne assujettie à un régime obligatoire de sécurité sociale général ou spécial ne perd, du fait de la détention, aucun droit à indemnisation relatif à la période d'assurance au régime de base dès lors que la détention provisoire subie ne vient pas s'imputer sur une peine ferme. Aucune indemnisation ne peut donc être admise au titre de la perte de droits à la retraite.



Si le requérant soutient qu'il aurait également perdu la chance d'acquérir des points de retraite au titre de la retraite complémentaire, il ne démontre pas la réalité de la perte invoquée pas plus qu'il ne fournit le décompte du nombre de points qui auraient été perdus à cette occasion.



Dans ces conditions, il sera débouté des demandes formulées à ce titre.



Le requérant sollicite enfin la somme de 20 070,00 euros au titre des frais d'avocat liés au contentieux de la détention.



Il verse à ce titre une convention d'honoraires non signée visant de nombreuses diligences, dont certaines liées à la détention, pour un montant forfaitaire de 45 000,00 euros. Il fournit également une fiche de diligences au titre de laquelle le requérant évalue le montant des diligences en lien avec la détention à la somme de 20 070,00 euros TTC.



Cependant, en l'absence de toute facture détaillée et alors qu'un honoraire forfaitaire global a été conclu pour l'ensemble des diligences accomplies dont toutes ne sont pas en lien avec la détention, ces éléments ne permettent pas de justifier l'indemnisation du préjudice matériel réclamée.



Il ressort cependant des pièces versées au dossier que le conseil de M. [K] [B] a introduit plusieurs demandes de mise en liberté le 24 décembre 2019, le 23 mars 2020 et le 14 décembre 2020 qui ont donné lieu à plusieurs procédures jusqu'à sa remise en liberté le 11 février 2021. Il sera donc fait droit à la demande de M. [K] [B] d'indemnisation des frais d'avocat liés au contentieux de la détention à hauteur de 2 000 euros.



Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice matériel de M. [K] [B] est indemnisé par la somme de 17 694,14 euros.



Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile



Aucune convention d'honoraires, devis ou facture de nature à établir le montant des honoraires sollicités par son conseil dans le cadre de la présente instance n'étant produite, il sera alloué à M. [K] [B] une indemnité de procédure de 1 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.









PAR CES MOTIFS,



Statuant publiquement par décision susceptible de recours devant la commission nationale de réparation des détentions,



DÉCLARE M. [K] [B] recevable en sa requête en indemnisation,



ALLOUE à M. [K] [B] la somme de 70 000,00 euros (SOIXANTE DIX MILLE EUROS) en réparation de son préjudice moral,



ALLOUE à M. [K] [B] la somme de 17 694,14 euros (DIX SEPT MILLE SIX CENT QUATRE VINGT QUATORZE EUROS ET QUATORZE CENTIMES) en réparation de son préjudice matériel,



ALLOUE à M. [K] [B] la somme de 1 000,00 euros (MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



LAISSE les dépens à la charge du Trésor public,



RAPPELLE que cette décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit,



DIT que la présente décision sera notifiée à la requérante et à l'agent judiciaire de l'État dans les formes prescrites à l'article R. 38 du code de procédure pénale et qu'une copie en sera remise au procureur général près la cour d'appel d'Orléans.



La présente décision a été signée par Monsieur Sébastien Evesque, conseiller faisant fonction de premier président, et Madame Fatima Hajbi, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.









Le greffier,





[D] [H]



Le conseiller faisant fonction de Premier Président,





[U] [I]

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