18 avril 2024
Cour d'appel de Douai
RG n° 21/05465

CHAMBRE 1 SECTION 1

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 18/04/2024





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N° de MINUTE :

N° RG 21/05465 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T5OZ



Jugement (N° 17/01744)

rendu le 16 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Douai







APPELANTE



Madame [Z] [O] épouse [B]

née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 14]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 14]



représentée par Me Brigitte Lheureux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué.



INTIMÉS



L'Association [33]

ayant son siège [Adresse 24]

[Localité 25]



L'Association [34]

ayant son siège [Adresse 8]

[Localité 22]



Association [32]

ayant son siège [Adresse 7]

[Localité 18]



représentées par Me Sylvie Teyssedre, avocat au barreau de Lille substitué par Me Régis Debavelaere, avocat au barreau de Lille,

assistées de Me Jean-Pierre Le Goff, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant.



Le Groupement d'Intérêt Economique (G.I.E) [27]

pris en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 10]

[Localité 20]



représentée par Me Rodolphe Piret, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Françoise Charoux, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant





La société [28] société d'assurance mutuelle sur la vie à cotisations fixes

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 9]

[Localité 19]



représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Isabelle Thollon-Martin, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



La [31]

ayant son siège social [Adresse 13]

[Localité 23]



La [26]

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 19]



représentées par Me Jean-Baptiste Henniaux, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

assistées de Me Philippe Sackoun, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



L'Association [35]

représentée par son président

ayant son siège social [Adresse 15]

[Localité 20]



La Fondation dénommée '[30]' dite '[30]'

ayant son siège social [Adresse 11]

[Localité 21]



représentées par Me Alain Cockenpot, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistées de Me Valérie Courtois, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



Madame [E] [D]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 17]



défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 24 janvier 2022 à personne



Monsieur [C] [O]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 14]

demeurant [Adresse 5]

[Localité 14]



défaillant, déclaration d'appel signifiée le 13 décembre 2021 à l'étude d'huissier







DÉBATS à l'audience publique du 22 janvier 2024, tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe











COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Céline Miller, conseiller





ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024 après prorogation du délibéré en date du 4 avril 2024(date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.








ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 janvier 2024



****



De l'union de [X] [O] et de [M] [Y] sont issus, outre une enfant qui n'a pas vécu :

- [Z] [O], née en 1945, épouse [B],

- [C] [O], né en 1947.



Par acte notarié du 25 septembre 1952, [X] [O] a fait donation à son épouse de l'usufruit de l'universalité des biens et droits immobiliers et mobiliers dépendant de sa succession.



Il est décédé le [Date décès 12] 1984, laissant pour lui succéder son épouse et ses deux enfants.



[M] [Y] est décédée le [Date décès 16] 2017, laissant ses deux enfants pour lui succéder.



De son vivant, celle-ci avait souscrit plusieurs contrats d'assurance-vie :

- un contrat n° 01636331 du 2 octobre 1986 auprès du GIE [27] dont la valeur de rachat brute s'élevait à 109 074,89 euros au 28 décembre 2016,

- un contrat avec plusieurs avenants souscrits auprès de la société d'assurance mutuelle [28] comportant :

* un carnet d'épargne dont la valeur de rachat brute s'élevait à 529 792,80 euros au 31'décembre 2016,

* un contrat de prévoyance dont la valeur de rachat brute s'élevait à 4810,75 euros au 31'décembre 2016,

* un carnet d'investissement immobilier dont la valeur de rachat brute s'élevait à 1584,70 euros au 31 décembre 2016.



Les 3 et 27 juin 2016, [M] [Y] a modifié la clause désignant les bénéficiaires des deux contrats [28] et [27], ceux-ci étant devenus :

- pour une moitié : la [30], [35], la [26], [34], [33], [32] et la [31],

- pour l'autre moitié : Mme [E] [D].



Soutenant que les montants de ces deux contrats d'assurance-vie portaient atteinte à sa réserve héréditaire, Mme [Z] [O], épouse [B], fille des défunts, a fait assigner le GIE [27] et la [28] devant le tribunal de grande instance de Douai aux fins, notamment, d'obtenir l'annulation de l'adhésion à ces deux contrats d'assurance-vie et de voir juger que les sommes qui en seraient issues seraient rapportées à la succession.



M. [C] [O], son frère et co-héritier, est intervenu volontairement à l'instance.



Mme [B] a, par la suite, fait assigner en intervention forcée les bénéficiaires de ces contrats : la [30], [35], la [26], [34], [33], [32] et la [31] et Mme [D].



Par jugement réputé contradictoire du 16 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Douai a :

- débouté la société [28] de l'ensemble de ses fins de non-recevoir,

- débouté Mme [B] et M. [O] de leur demande de réintégration à la succession de leur défunte mère des primes des contrats d'assurance-vie,

- débouté M. [O] de sa demande d'annulation des contrats d'assurance-vie,

- débouté la [26], la [31], la [30], [35], [34], [33] et [32] de leur demande tendant à enjoindre à la société [28] et au GIE [27] de leur verser les primes de ces contrats d'assurance-vie,

- condamné in solidum Mme [B] et M. [O] aux dépens et à verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

* 1 000 euros à la [28],

* 1 000 euros au GIE [27],

* 2 000 euros à la [26] et à la [31],

* 1 000 euros à la [30],

* 1 000 euros à [35],

* 3 000 euros à [34], [33] et [32].



Mme [B] a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 19 janvier 2022, demande à la cour, au visa de l'article L. 132-13 et suivants du code des assurances, de le réformer et de :

- dire que l'intégralité des primes générées par le contrat collectif d'assurance monosupport [27] portant le numéro 01636331 et par les contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la société [28] seront purement et simplement rapportées à la succession de [M] [Y] ouverte en l'étude de Me [R], notaire à [Localité 29],

- condamner le GIE [27] et la société [28] aux dépens, dont distraction au profit de Me Lheureux, et à lui verser, chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







Aux termes de ses dernières conclusions remises le 2 décembre 2022, le GIE [27] demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la demande de réformation de l'appelante visant à rapporter à la succession de sa mère défunte l'intégralité des primes versées par les contrats litigieux,

- si la cour devait estimer que les bénéficiaires désignés n'avaient pas vocation à percevoir les capitaux décès afférents à l'adhésion n° 01636331, au visa de l'article 1302 du code civil :

* condamner la [30], [33], [32], [34], [35], [26] et la [31] à lui restituer la somme de 7 940,24 euros,

* condamner Mme [D] à lui restituer la somme de 55 581,69 euros,

à charge pour elle de régler ces montants entre les mains de qui la cour ordonnera.

- en tout état de cause, débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes et condamner cette dernière aux dépens, dont distraction au profit de Me Piret de la SCP Dragon & Biernacki, ainsi qu'à lui verser la somme de 1 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par dernières conclusions remises le 31 octobre 2022, la société [28] demande à la cour de :

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire :

- condamner les bénéficiaires entrés en possession de la fraction du capital décès leur revenant à lui restituer les sommes correspondantes,

y ajoutant,

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum la ou les parties qui viendraient à succomber aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Processuel, et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par conclusions du 15 avril 2022, la [31] et la [26] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner aux dépens, dont distraction au profit de Me Henniaux, et à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



[34], [33] et [32] demandent à la cour, par conclusions remises le 15 avril 2022, au visa des articles 843 et 857 du code civil et des articles L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances, de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner aux dépens, dont distraction au profit de Me Teyssedre, et à leur verser la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





Enfin, par conclusions du 14 avril 2022, la [30] et l'Association [35] demandent à la cour, au visa des articles L. 132-13 et suivants du code des assurances et de l'article 857 du code civil, de :



- confirmer le jugement entrepris,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner aux dépens, dont distraction au profit de Me Cockenpot, et à leur verser, chacune, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Il est renvoyé aux conclusions de ces parties pour le détail de leur argumentation.



M. [C] [O], à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne le 24 janvier 2022, n'a pas constitué avocat.



Mme [E] [D], à qui la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées à domicile le 24 janvier 2022, n'a pas constitué avocat.




MOTIFS DE LA DÉCISION



L'article L 132-12 du code des assurances dispose que le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré ; que le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de sa désignation, est réputé y avoir eu seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré.



Aux termes de l'article L 132-13, le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.



En vertu de l'article 857 du code civil, ainsi que l'a rappelé le premier juge, le rapport n'est dû que par le cohéritier à son cohéritier.

La demande de Mme [B] telle qu'elle est formulée et à laquelle, seule, la cour est tenue de répondre, tendant à ce qu'il soit dit que l'intégralité des primes « générées'» par les contrats d'assurance-vie, dont on comprend qu'il s'agit en réalité des primes versées par [M] [Y], seront purement et simplement rapportées à la succession de cette dernière, ne peut donc prospérer et ce motif suffit pour confirmer le jugement.



Néanmoins, quelques observations complémentaires seront formulées dès lors que Mme [B] évoque, dans le corps de ses conclusions, une atteinte à sa réserve résultant des contrats d'assurance-vie et conteste la « validité'» de ceux-ci en faisant valoir de manière assez confuse que les primes litigieuses auraient été manifestement exagérées eu égard aux facultés de la défunte, que celle-ci aurait versé lesdites primes, au moins en partie, avec les fonds provenant des ventes successives de biens immobiliers dépendant de la communauté [O]-[Y], en outrepassant ses droits puisque ses enfants avaient la nue-propriété de la moitié de ceux-ci, et que les organismes concernés n'ont pas vérifié l'origine des fonds.

La cour approuve la motivation par laquelle le premier juge a retenu que le caractère exagéré des primes n'était pas démontré en l'absence de justification de la situation financière et patrimoniale précise de celle-ci, sur laquelle aucune pièce complémentaire n'est versée en cause d'appel, et compte tenu de l'utilité que présentait pour [M] [Y], qui avait alors entre 62 et 70 ans, était en bonne santé et a d'ailleurs vécu jusqu'à 93 ans, la constitution d'une épargne afin de faire face à toute éventualité dans sa vieillesse.

Il est établi en cause d'appel que cette dernière a complété ses versements après chacune des ventes successives de neuf studios dont elle était propriétaire avec son mari et qui appartenaient donc ensuite pour moitié en nue-propriété à ses enfants, ventes intervenues avec l'accord et la participation de ceux-ci. Or, elle était pleinement propriétaire de la moitié de ces biens et bénéficiait de l'usufruit sur l'autre moitié en vertu de la donation susvisée de 1952. Elle était, par conséquent, après leur cession, titulaire d'un droit de propriété pour moitié et d'un quasi-usufruit pour moitié sur le produit des ventes, produit qu'elle pouvait donc utiliser librement, étant précisé, comme le relèvent trois des associations intimées, que ladite donation la dispensait de constituer caution au profit des nus-propriétaires et de faire emploi des liquidités.

Enfin, aucune disposition légale n'obligeait [27] et [28], en l'absence de suspicion de blanchiment d'argent, à s'enquérir de l'origine des fonds placés.



Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement.



Il incombe à Mme [B], partie perdante, de supporter la charge des dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, et il est en outre équitable qu'en application de l'article 700 du même code, elle indemnise les intimés autres que les sociétés financières des autres frais qu'ils ont été contraints d'exposer pour assurer la défense de leurs intérêts.



PAR CES MOTIFS



La cour



confirme le jugement entrepris,



déboute Mme [B] ainsi que la société [28] et le GIE [27] de leurs demandes d'indemnités pour frais irrépétibles,



condamne Mme [B] aux dépens et, par application de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement des sommes suivantes :

- 2 000 euros à la [26] et à la [31],

- 1 000 euros à la [30],

- 1 000 euros à [35],

- 3 000 euros à [34], [33] et [32].









Le greffier





Delphine Verhaeghe







Le président





Bruno Poupet

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