19 avril 2024
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 22/03417

TARIFICATION

Texte de la décision

ARRET

N°151





S.A.S. [25]





C/







CARSAT AQUITAINE













COUR D'APPEL D'AMIENS



TARIFICATION





ARRET DU 19 AVRIL 2024



*************************************************************



N° RG 22/03417 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IQEE









PARTIES EN CAUSE :





DEMANDEUR





Société [25]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]





Représentée par Me Emilie Ricard, substituant Me Franck Derbise de la SCP Lebegue Derbise, avocat au barreau d'Amiens











ET :





DÉFENDEUR





CARSAT Aquitaine

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentée et plaidant par Mme [R] [H], munie d'un pouvoir













DÉBATS :



A l'audience publique du 19 Janvier 2024, devant Monsieur Renaud DELOFFRE, président assisté de Monsieur Jean-Pierre LANNOYE et Monsieur Younous HASSANI, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la première présidente de la cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.



Monsieur Renaud DELOFFRE a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 19 Avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey VANHUSE



PRONONCÉ :



Le 19 Avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Monsieur Renaud DELOFFRE, président et Mme Audrey VANHUSE, greffier.




*

* *



DECISION





La société [25] s'est vu notifier les taux de cotisation AT/MP annuels 2022 pour l'ensemble de ses établissements situés dans le ressort de la CARSAT Aquitaine à savoir :



- 03394 situé à [Localité 16]

- 05423 situé à [Localité 27]

- 08344 situé à [Localité 14]

-10126 situé à [Localité 11]

- 10282 situé à [Localité 2]

- 10480 situé à [Localité 19]

- 10720 situé à [Localité 13]

- 11025 situé à [Localité 24]

- 11280 situé à [Localité 8]

- 11306 situé à [Localité 8]

- 11660 situé à [Localité 18]

-12254 situé à [Localité 23]

- 12635 situé à [Localité 9] '

- 13401 situé à [Localité 15] '

- 13443 situé à [Localité 12] -15125 situé à [Localité 2]

- 15539 situé à [Localité 2]

-16008 situé à [Localité 10]

-16040 situé à [Localité 24]

- 16628 situé à [Localité 20]

- 17063 situé à [Localité 26]

- 17154 situé à [Localité 8]

- 17170 situé à [Localité 22]

- 17428 situé à [Localité 17]

- 17980 situé à [Localité 7]



Estimant que des erreurs de tarification avaient été commises, la société [25] a formé un recours gracieux le 07 mars 2022 devant la CARSAT Aquitaine, service tarification.



Elle faisait valoir à l'appui de ce recours de mauvaises imputations de sinistres (accidents de trajet/accidents rejetés), sinistres causés par des tiers responsables, sinistres classés sous les mauvaises catégories d'incapacité temporaire ou des erreurs de masse salariale.



La CARSAT Aquitaine a réceptionné ces contestations le 10 mars 2022 et par une décision du 05 mai 2022 notifiée le 09 mai 2022 a rejeté les contestations, pour les établissements référencés ci-dessus, jugées irrecevables car non réalisées dans le délai de 2 mois, la motivation retenue étant la suivante :



«En application de l'article R.143-21 du code de la sécurité sociale, vous disposiez d'un délai de deux mois pour contester ce taux que vous avez reçu le 03/01/2022. A la date de votre recours, le 10/03/2022, ce délai de contestation est dépassé. »



Par assignation délivrée à la CARSAT Aquitaine en date du 29 juin 2002 pour l'audience du 17 mars 2023, la société [25] demande à la cour de :



- Recevoir la société [25] en sa demande ;

L'y dire fondée et y faisant droit ;

- Dire et juger que la contestation gracieuse des taux AT/MP 2022 portant sur les éléments de tarification est recevable pour l'ensemble des établissements relevant de la CARSAT Aquitaine,

- Enjoindre la CARSAT Aquitaine à répondre sur le fond aux contestations de la société [25].



Par conclusions n°2 enregistrées par le greffe à la date du 15 mars 2023 et soutenues oralement par avocat, la société [25] demande à la Cour de constater que les taux ont été mis à sa disposition le 10 janvier 2022, qu'elle a contesté les taux le 7 mars 2022, que sa contestation est parfaitement recevable et elle sollicite qu'il soit fait injonction à la CARSAT Aquitaine de procéder aux rectifications sollicitées par elle dans son courrier du 7 mars 2022 et la condamnation de cette dernière aux dépens.



Sur la régularité de l'acte introductif d'instance, elle fait valoir que l'assignation a été adressée à la cour par Monsieur [X] [E], juriste AT/MP qui justifie d'un pouvoir spécial.



Sur la fin de non-recevoir opposée à ses recours, elle fait pour l'essentiel valoir qu'elle a reçu le 11 janvier 2022 trois mails de [21] lui indiquant que les décisions annuelles du taux de cotisation AT/MP au titre de l'année 2022 lui ont été adressées le 10 janvier 2022 par la CARSAT Aquitaine et qu'elle avait la possibilité d'en prendre connaissance en cliquant sur le lien indiqué ou en se connectant sur son compte AT/MP et qu'à défaut de téléchargement de la décision dans les 15 jours suivant ce mail la décision serait réputée avoir été notifiée à la date de la mise à disposition, que le point de départ du délai de contestation est donc au plus tôt le 10 janvier 2022 comme indiqué dans le mail reçu ce qui porte la fin du délai au 10 mars 2022 et que la contestation a été adressée à la CARSAT le 7 mars 2022 et réceptionnée le 9 mars 2022 soit dans le délai de deux mois notifié par mail, que les taux mentionnent une date de notification au 17 décembre 2021 ce qui est impossible puisque l'arrêté de valorisation des coûts n'a été publié que le 24 décembre 2022.



A l'audience du 17 mars 2023, la CARSAT Aquitaine soutient oralement par sa représentante ses conclusions enregistrées par le greffe à la date du 16 février 2023 et par lesquelles elle demande à la Cour de :



A titre principal,

-Prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance ;

A titre subsidiaire,

-Prononcer l'irrecevabilité pour forclusion de la contestation de la société [25] de ses taux de cotisations accidents du travail et maladies professionnelles 2022 et de leurs bases de calcul.

-Débouter la Société [25] de l'ensemble de ses demandes.



Elle fait pour l'essentiel valoir que :



A titre principal, sur la nullité du recours introductif d'instance.



Elle s'est vue délivrer une assignation au nom de la société [25] sur laquelle ne figure ni le nom de la personne qui serait l'auteur du recours en justice ni sa signature. La seule mention de l'acte est de pure forme et consiste à dire que l'assignation aurait été délivrée par la société [25] « prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ».

Il n'est donc pas justifié que la personne qui prétend ester en justice au nom de la société [25] disposerait d'une habilitation légale ou d'une délégation de pouvoir qui lui permettait de le faire.

La CARSAT sollicite en conséquence le prononcé de la nullité du recours introductif d'instance et l'extinction de l'instance.



A titre subsidiaire, sur la forclusion de la contestation des taux.



La CARSAT Aquitaine a émis les taux de cotisations AT/MP 2022 des 25 établissements de la Société [25].

Le 3 janvier 2022, Madame [P] [F] a accédé aux taux de cotisations qu'elle a téléchargés directement sur net-entreprises, générant la preuve de réception. (Pièces 1 à 23)

Par courrier daté du 7 mars 2022, la Société [25] a exercé un recours gracieux à l'encontre des taux de cotisations AT/MP 2022 de 25 établissements (Pièces adverses 1 et 2).

Le 5 mai 2022, la CARSAT a rejeté le recours de la Société pour irrecevabilité en raison de la forclusion (Pièce adverse 3).

(Etant précisé que pour les établissements suivants, il n'y a pas de taux AT/MP 2022 puisque pour le premier, l'établissement a été radié avant ; et pour le deuxième, l'établissement a été fusionné : Siret [N° SIREN/SIRET 3] situé à [Localité 8], Siret [N° SIREN/SIRET 4] situé à [Localité 2].)

Dans ce cas, la date de réception des taux de cotisation AT/MP 2022 qui doit être retenue est celle de la première consultation des décisions, soit le 3 janvier 2022, peu important qu'elle soit intervenue avant l'envoi des mails.

La société [25] avait donc jusqu'au 3 mars 2022 pour contester ses taux 2022 devant la CARSAT.

Or, ce n'est que par un courrier du 7 mars 2022, que la société [25] a formé un recours auprès de la CARSAT (Pièce adverse 1), soit après l'expiration des délais qui lui étaient ouverts.

Dès lors, le recours de la Société [25] est irrecevable.



Par arrêt du 7 juillet 2023, la cour a décidé ce qui suit :



La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,



Déboute la CARSAT Aquitaine de son exception de nullité de l'acte introductif d'instance.



Et sur la fin de non-recevoir opposée à la CARSAT à la contestation des taux de cotisations AT/MP de ses établissements par la société [25],



Surseoit à statuer dans l'attente de l'avis de la Cour de cassation sollicité par la présente cour dans le litige opposant la société [25] à la CARSAT Normandie portant le numéro de rôle 22/03153.



Dit que l'affaire reviendra à l'audience du 19 janvier 2024 à 9 heures pour les suites à donner à la décision qui aura été rendue par la Cour de cassation sur la demande d'avis précitée.

Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties à l'audience du du 19 janvier 2024 à 9 heures



Réserve les dépens.



La cour a rendu un avis du 5 octobre 2023 n°15012 B s'établissant comme suit :



Est d'avis qu'il résulte de l'article L. 242-5, alinéas 4 et 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n 2019-1446 du 24 décembre 2019 et de l'article 5, I, de l'arrêté du 17 octobre 1995 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 octobre 2020 fixant

les modalités de la notification électronique des décisions mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, que la notification de la décision relative au taux de la cotisation due au titre des risques professionnels est réputée être la date de sa première consultation par une personne habilitée, peu important la date à laquelle a été adressé

à l'employeur l'avis de dépôt l'informant qu'une décision est mise à sa disposition et qu'il a la possibilité d'en prendre connaissance dès lors que la décision n'a pas été consultée plus de quinze jours à compter de sa mise àdisposition ;

Dit que, par application de l'article 1031-6 du code de procédure civile, le

présent avis sera publié au Journal officiel de la République française ;



A l'audience du 19 janvier 2024, la société [25] indique par avocat soutenir ses précédentes écritures.



Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 12 janvier 2024 et soutenues oralement par sa représentante, la CARSAT demande à la cour de :



- Prononcer l'irrecevabilité pour forclusion de la contestation de la Société [25] de ses taux de cotisations accidents du travail et maladies professionnelles 2022 et de leurs bases de calcul.

- Débouter la société [25] de l'ensemble de ses demandes.



Elle fait en substance valoir qu'il résulte de l'avis de la Cour de cassation que la date de notification des taux est celle de leur première consultation, peu important qu'elle soit intervenue avant l'envoi des mails de mise à disposition, que la première consultation étant intervenue le 3 janvier 2022 la société avait jusqu'au 3 mars pour contester ses taux 2022, que n'ayant formé son recours gracieux que par courrier du 7 mars 2022, ses recours sont forclos.





MOTIFS DE L'ARRET.

Attendu aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 24 décembre 2019 qu'après la réalisation des démarches nécessaires à la mise à disposition des décisions, celles-ci sont réputées notifiées à leur date de consultation et au plus tard dans un délai de quinze jours suivant leur mise à disposition.

Qu'il résulte de l'arrêté du 8 octobre 2020 fixant les modalités de la notification électronique des décisions mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale que la notification des décisions relatives au taux de cotisations et au classement des établissements s'effectue par voie électronique par l'intermédiaire du téléservice : 'Compte AT/MP' accessible sur le portail : www.net-entreprises.fr, sous réserve que l'employeur ait procédé à son adhésion au téléservice : 'Compte AT/MP', que la caisse adresse à l'adresse électronique de l'employeur, que ce dernier maintient à jour, un avis de dépôt l'informant qu'une décision est mise à sa disposition et qu'il a la possibilité d'en prendre connaissance et que cet avis mentionne la date de mise à disposition de la décision, les coordonnées de l'organisme auteur de la décision et informe l'employeur qu'à défaut de consultation de la décision dans un délai de quinze jours à compter de sa mise à disposition, cette dernière est réputée notifiée à la date de sa mise à disposition.

Attendu qu'en application de ces textes, lorsque la décision a été consultée pour la première fois plus de quinze jours à compter de sa mise à disposition, c'est à la date de réception du courriel de mise à disposition, à laquelle la décision est réputée notifiée, que court le délai de recours tandis que lorsque la décision a été consultée pour la première fois avant l'expiration du délai de quinze jours, qu'elle soit intervenue ou non dans le cadre du dispositif de l'avis de mise à disposition, c'est à la date de cette consultation effective que court le délai de recours contentieux ( en ce sens l'avis du 5 octobre 2023 n° 15012 B).

Attendu qu'en l'espèce la société [25] ne conteste pas que Madame [F], personne habilitée ait consulté les taux le 3 janvier 2022 mais soutient qu'en application des textes précités la notification de ces derniers ne pouvait juridiquement intervenir qu'au plus tôt à la date de mise à disposition des décisions portant sur les taux des établissements soit le 10 janvier 2022 (sa pièce n° 4)

Que ce moyen manque en droit.

Que la première consultation des taux par personne habilitée étant intervenue le 3 janvier 2022 avant toute réception des avis de mise à disposition, il s'ensuit que le délai de recours gracieux ou contentieux contre les décisions de taux a commencé à courir à cette date.

Que le recours gracieux étant intervenu par courrier du 7 mars 2022, il en découle que la contestation des taux de ses établissements par la société [25] est atteinte de forclusion.

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 6 et 9 du code de procédure civile et de chacun des textes prévoyant une prescription ou forclusion qu'il appartient à l'auteur d'une fin de non-recevoir d'alléguer puis de prouver les faits de nature à la fonder (en ce sens l'arrêt de la 1re Civ du 14 janvier 2016, pourvois no14-28.860 et 15-10.591 retenant que le juge ne peut retenir la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action du prêteur si elle ne résulte pas des faits qu'il incombe à la partie intéressée d'invoquer et de prouver / Mettant à la charge de son auteur la preuve du bien fondé de la fin de non recevoir, s'agissant de la fin de non-recevoir tirée de l'exercice de l'action postérieurement à l'expiration du délai de garantie décennale, 3e Civ. 26 janvier 2005, pourvoi no03-17.173, Bull., 2005, III, no 13, s'agissant de la fin de non recevoir tirée du dépassement du délai d'exercice de l'action en garantie des vices cachés : 3e Civ., 9 février 2011, pourvoi n° 10-11.573, Bull. 2011, III, n° 23, s'agissant de la prescription de la demande en annulation d'un acte : 3e Civ., 7 juillet 2015, pourvoi n°14-14.388 et s'agissant de la prescription des cotisations et majorations de retard : 2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 18-16.356 et s'agissant de la prescription de l'article L.431-2 du Code de la sécurité sociale : 2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 18-13.99).

Attendu qu'à l'appui de sa demande de prononcé de l'irrecevabilité pour forclusion des bases de calcul des taux la CARSAT Aquitaine n'invoque strictement aucun fait et ne fournit strictement aucune explication.

Qu'il convient de l'en débouter sur le fondement de l'article 6 du code de procédure civile.

Que les parties succombant toutes partiellement en leurs prétentions respectives, il convient de dire qu'elles garderont à leur charge les dépens qu'elles ont exposés.



PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable pour cause de forclusion la contestation par la société [25] des taux de cotisations AT/MP 2022 de ses établissements.

Déboute la CARSAT de sa fin de non-recevoir portant sur les bases de calcul des taux 2022 des établissements de la demanderesse.

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.







Le greffier, Le président,

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