19 avril 2024
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 22/02462

TARIFICATION

Texte de la décision

ARRET

N°149





Société [16]





C/



CARSAT PAYS DE LA LOIRE













COUR D'APPEL D'AMIENS



TARIFICATION





ARRET DU 19 AVRIL 2024



*************************************************************



N° RG 22/02462 - N° Portalis DBV4-V-B7G-IOLZ







PARTIES EN CAUSE :





DEMANDEUR





Société [16]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 15]

[Adresse 17]

[Localité 8]





Représentée par Me Hélène Camier de la SELARL LX Amiens-Douai, avocat au barreau d'Amiens



Représentée par Me Olympe Turpin de la SELARL LX Amiens-Douai, avocat au barreau d'Amiens, substituant Me Aurélien Guyon de la SCP Guyon & David, avocat au barreau de Saint-Nazaire











ET :





DÉFENDEUR





CARSAT Pays de la Loire

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]



Représentée par Mme [M] [I], munie d'un pouvoir







DÉBATS :



A l'audience publique du 19 janvier 2024, devant M. Renaud Deloffre, président assisté de M. Jean-Pierre Lannoye et M. Younous Hassani, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la première présidente de la cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.



M. Renaud Deloffre a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 19 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Audrey Vanhuse



PRONONCÉ :



Le 19 avril 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Renaud Deloffre, président et Mme Audrey Vanhuse, greffier.




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* *



DECISION



Monsieur [Z] [W] a été employé du 11 août 1969 au 31 août 1992 sur le site du chantier naval de [Localité 20], avec un congé sabbatique du 30 septembre 1991 au 31 août 1992



Il a établi en date du 19 juin 2019 une demande de reconnaissance de l'origine professionnelle d'une asbestose, maladie relevant du tableau n° 30 des maladies professionnelles.



Par courrier du 22 août 2019, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Loire Atlantique a notifié à la société [13] sa décision de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie ainsi déclarée.



Un coût d'incapacité temporaire n° 1 et un coût d'incapacité permanente n° 1 ont été inscrits sur le compte employeur 2019 de l'établissement n°439 067 612 00036 de la société [16].



Par acte délivré le 28 février 2022 à la CARSAT Pays-de-la-Loire pour l'audience du 4 novembre 2022, la société [16] demande à la cour de :



Enjoindre à la CARSAT de communiquer la décision de prise en charge correspondant au sinistre suivant :



NNS : [Numéro identifiant 1]

Nom : [W] Prénom : [Z]



Dans l'hypothèse où la CARSAT ne serait pas en mesure de procéder à cette communication, dire et juger qu'elle devra recalculer le taux de cotisation AT/MP à effet du 01/01/2022 après avoir retiré du compte employeur de la société [16] (anciennement dénommée [21] - RCS n° [N° SIREN/SIRET 4]) ce sinistre pour lequel elle ne justifie pas d'une décision de prise en charge.

Sur le fond :

- Dire et juger que, s'agissant spécifiquement des maladies professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, l'application concrète de l'article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale a pour effet d'augmenter considérablement (+ 113,73 %) le taux de cotisation AT/MP de la société [16] applicable au 1er janvier 2022 pour la section 01 de son établissement (SIRET [N° SIREN/SIRET 5] ' classé sous le risque 351BF) et les cotisations qu'elle doit acquitter, et donc de porter une atteinte excessive et manifestement disproportionnée à son droit de propriété et son patrimoine en ce que cette application aboutit à lui faire supporter une charge spéciale et exorbitante.

- Dire et juger que pour le calcul du taux de cotisation AT/MP applicable à effet du 1er janvier 2022, tous les sinistres qui correspondent à des maladies professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, parmi lesquels la maladie litigieuse de Monsieur [Z] [W] (sinistre n° 190311449), devront être retirés du compte employeur de la société [16] (anciennement dénommée [21] - RCS n° [N° SIREN/SIRET 4]) pour être inscrits au compte spécial.

- En conséquence, annuler (et à défaut dire mal fondée et ne pouvant produire aucun effet) la décision de la CARSAT Pays de la Loire ayant fixé à 4,36 % à effet du 1er janvier 2022 le taux des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles applicable pour la section 01 de l'établissement (SIRET [N° SIREN/SIRET 5] ' classé sous le risque 351BF) de la société [16].

Dire et juger que la CARSAT Pays de la Loire devra recalculer le taux de cotisation AT/MP applicable à effet du 1er janvier 2022 après avoir retiré du compte employeur de la société [16] tous les sinistres qui correspondent à des maladies professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, parmi lesquelles la maladie litigieuse de Monsieur [Z] [W] (sinistre n° 190311449).



Cette procédure a été enrôlée sous le numéro de répertoire général 22/02462 et a fait l'objet de renvois successifs.

Par acte délivré le 1er mars 2023 à la CARSAT Pays-de-la-Loire pour l'audience du 20 octobre 2023, la société [16] demande à la cour de :

- Dire et juger la société [16] (anciennement dénommée [21] RCS n° [N° SIREN/SIRET 4]) recevable et bien fondée en ses demandes et, y faisant droit

- Annuler (et à défaut dire mal fondée et ne pouvant produire aucun effet) la décision de la CARSAT Pays de la Loire ayant fixé à 4,80 % à effet du 1er janvier 2023 le taux des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles applicable pour la section 01 de l'établissement (SIRET [N° SIREN/SIRET 5] ' classé sous le risque 351BF) de la société [16].

- Dire et juger que la CARSAT Pays de la Loire devra recalculer le taux de cotisation AT/MP applicable à effet du 1er janvier 2023 après avoir retiré du compte employeur de la société [16] les dépenses afférentes à la maladie professionnelle de Monsieur [Z] [W] (sinistre n° 190311449).

Cette procédure a été inscrite au répertoire général de la cour sous le n° 23/02214.

A l'audience du 20 octobre 2023 le magistrat chargé de l'instruction a ordonné la jonction de cette dernière procédure à la procédure 22/02462 et la procédure ainsi jointe a été fixée à plaidée à l'audience du 19 janvier 2024.

Par conclusions récapitulatives n°2 enregistrées par le greffe à la date du 11 janvier 2024 et soutenues oralement par avocat, la société [16] demande à la cour de :

Vu notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales, les articles 1353 du code civil, L. 142-1, 7°, L. 242-1 et s., L. 461-1 et s., R. 241-1 et s., D. 242-6-1, D. 242-6-4, D. 242-6-5, D. 242-6-7, D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale, l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 pris pour l'application de l'article D. 242-6-7 précité, les tableaux n° 30 et 30 bis des maladies professionnelles et les pièces versées aux débats.

- Dire et juger la société [16] (anciennement dénommée [21] - RCS n° [N° SIREN/SIRET 4]) recevable et bien fondée en ses demandes et, y faisant droit :

- Annuler (et à défaut dire mal fondée et ne pouvant produire aucun effet) les décisions de la CARSAT Pays de la Loire ayant fixé à :

- 4,80 % à effet du 1er janvier 2023,

- 4,36 % à effet du 1er janvier 2022,

les taux des cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles applicable pour la section 01 de l'établissement (SIRET [N° SIREN/SIRET 5] ' classé sous le risque 351BF) de la société [16].

- Dire que la CARSAT Pays de la Loire devra recalculer les taux de cotisation AT/MP applicables à effet du 1er janvier 2022 et du 1er janvier 2023 après avoir retiré du compte employeur de la société [16] les coûts afférents à la maladie professionnelle de Monsieur [Z] [W] (n° de sinistre :19311349) pour les inscrire au compte spécial en application de l'article 2,2° de l'arrêté du 16 octobre 1995.

Elle fait en substance valoir que le salarié n'a pas été exposé au risque par elle-même ou par la société [13], que compte tenu de la date de première constatation médicale du 11 mars 2019 et du délai de prise en charge de 35 ans l'intéressé a nécessairement été exposé après le 11 mars 1984, que s'il a quitté les effectifs de la société [13] le 31 août 1992 il ressort des conclusions de l'enquête administrative qu'il a cessé d'être exposé le 31 décembre 1975, que par conséquent il a nécessairement été exposé à l'amiante postérieurement au 31 août 1992 par un autre employeur dont elle ignore l'identité, qu'aucun des collègues de l'intéressé ne prétend qu'il aurait été exposé postérieurement au 11 mars 1984.





Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 18 décembre 2023 et soutenues oralement par sa représentante, la CARSAT PAYS DE LA LOIRE demande à la cour de :

- Confirmer la décision de la CARSAT des Pays de Loire de maintenir sur le compte employeur de la société [16] les conséquences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [Z] [W] du 11 mars 2019 ;

En conséquence,

-Débouter la société [16] de l'ensemble de ses demandes.



Elle fait en substance valoir que le salarié a été exposé au risque au sein de la société [16] reprise par la société [11] devenue [13] qui l'ont employé en qualité de charpentier fer du 11 août 1969 au 31 août 1992, que par arrêté ministériel le gouvernement a officiellement fixé la période d'utilisation de l'amiante au sein des [16] de 1945 à 1996 et Monsieur [W] a été salarié de la société de 1969 à 1992, que lui-même déclare dans sa déclaration de maladie professionnelle avoir été exposé au risque du 11 août 1969 au 30 septembre 1991 en qualité de charpentier métaux, que la faute inexcusable de la société [13] a été reconnue à l'égard de plusieurs salariés dans le cadre de son exposition à l'amiante. A l'audience le magistrat délégué a relevé d'office que la société [16] et le métier de charpentier de bord du salarié figurent sur la liste ACAATA et il a également relevé d'office les indications fournies par un courrier d'[12] ( pièce n° 3 de la CARSAT ) selon lequel « jusqu'au 31 décembre 1992, le salarié travaillait comme charpentier à bord ». Par courrier électronique du 12 février 2024, le conseil de la société a indiqué à la cour ce qui suit : 'Monsieur le Président,

Je vous écris en ma qualité de conseil de la société [16] (anciennement dénommée [21] ' RCS n° [N° SIREN/SIRET 4]).

Le cabinet LEXAVOUÉ qui me substituait lors de l'audience du 19 janvier m'a informé que deux points avaient été soulevés d'office lors de cette audience :

- la société [16] [13] figure sur l'arrêté ACAATA du 7 juillet 2020 de 1945 à 1996 pour le métier de « charpentier » ;

- il ressort de la pièce n° 3 communiquée par la CARSAT (courrier du DRH de la société [13] ' anciennement dénommée [16], RCS n° [N° SIREN/SIRET 3] ' du 21 janvier 2002) que Monsieur [W] travaillait comme charpentier monteur à bord de navires.

Factuellement, ces constats sont exacts.

Pour autant, cela n'invalide pas le raisonnement développé dans mes conclusions récapitulatives n° 2 datées du 08 janvier 2024 (cf. n° 28 et s.).En effet, l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, qui a institué l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA), n'a jamais conditionné le bénéfice de cette allocation à la démonstration que le salarié a été personnellement exposé à l'amiante,ce que réaffirme régulièrement la cour de cassation.

Par conséquent, constater que Monsieur [W] a travaillé sur le site de la société [13] (anciennement dénommée [16] ' RCS n° [N° SIREN/SIRET 3]) entre 1969 et 1992 comme charpentier monteur n'implique pas nécessairement qu'il aurait été exposé à l'amiante durant toute cette période.

La présente instance n'ayant pas pour objet de statuer sur l'octroi de l'ACAATA ou sur la réparation d'un préjudice d'anxiété, aucune présomption d'exposition à l'amiante ne peut être retenue au préjudice de ma cliente et il appartient à la CARSAT de rapporter la preuve de cette exposition et sa durée.

Or, en l'espèce, comme je l'expose dans mes écritures précitées, il ressort des pièces versées aux débats par la CARSAT, et notamment des conclusions de l'enquête administrative de la CPAM, que Monsieur [W] avait cessé d'être exposé à l'amiante par la société [13] le 31 décembre 1975.

La CPAM ayant appliqué la présomption d'imputabilité, il s'en déduit que Monsieur [W] a été exposé professionnellement à l'amiante postérieurement à son départ du chantier naval en 1992.

Au plan de la tarification, la CARSAT ne fait que traduire les décisions de la CPAM.

Dès lors, les constats de la CPAM qui fondent ces décisions sont opposables à la CARSAT qui ne peut pas valablement les contester (contrairement à l'entreprise dont le compte employeur est impacté par ces décisions).'



MOTIFS DE L'ARRET.



Attendu qu'il résulte de l'article 2, 4°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995 pris pour l'application de l'article D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale sauf à cet employeur à rapporter la preuve dans les conditions prévues à l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995, que la victime a également été exposée au risque chez d'autres employeurs (2e Civ., 22 novembre 2005, pourvoi n° 04-11.447, Bull. Civ., II, no 302 ; 2e Civ., 23 octobre 2008, pourvoi n° 07-18.986; Civ.2ème, 8 octobre 2009, pourvoi n°08-19.273 Civ. 2ème, 21 juin 2012, pourvoi no 11-17.824; 2e Civ. 3 juin 2021, pourvoi n° 19-24.864; 2e Civ, 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724 ; 2e Civ., 6 janvier 2022, pourvoi no 20-13.690, publié/ et très récemment les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779 ).

Qu'il résulte de ces textes et de l'article D.242-6-17 du code de la sécurité sociale qu'un employeur autre que le dernier employeur exposant peut également se voir imputer la présomption précitée et mettre à sa charge les coûts correspondant s'il est le successeur de ce dernier au sens tarifaire lorsqu'il exerce une activité similaire avec les mêmes moyens de production et a repris au moins la moitié du personnel du précédent établissement (dans le sens que l'établissement exposant et son successeur au sens tarifaire du terme ne sont pas des établissements différents  Civ., 18 juin 2015, pourvoi n° 14-17.154 et, dans le même sens, 2e Civ., 10 mars 2016, pourvoi n° 15-14.156 et dans le sens que lorsqu'une ou à fortiori plusieurs des trois conditions cumulatives liée à la reprise de l'activité, des moyens de production et de la moitié au moins du personnel ne sont pas remplies l'établissement ne peut être considéré comme successeur de celui à l'origine du risque 2e Civ., 24 janvier 2013, pourvoi n° 11-27.389, Bull. 2013, II, n° 13 ).

Que c'est sur le fondement de cette présomption d'imputabilité au dernier employeur exposant ou à son successeur au sens tarifaire prévue par les textes précités et sous le contrôle du juge de la tarification que les CARSAT et la CRAMIF inscrivent les coûts des maladies professionnelles aux comptes des employeurs.

Attendu qu'il convient de bien distinguer les deux problématiques tout à fait distinctes des conditions d'application de la présomption, qui suppose que l'employeur soit le dernier employeur ayant exposé le salarié au risque avant la constatation médicale de la maladie ou qu'il soit le successeur de ce dernier employeur , de la preuve contraire à cette dernière, qui suppose lorsqu'est invoqué le 4° de l'article 2 de l'arrêté du 16 octobre 1995 que la multi-exposition du salarié soit établie et qu'il soit impossible de déterminer dans quelle entreprise l'affection a été contractée (posant très clairement cette distinction les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779 indiquant que « sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service »). 

Que l'employeur, comme tel est le cas en l'espèce, peut contester devant le juge l'application même qui lui est faite de la présomption légale en contestant que ses conditions d'application soient remplies.

Qu'il peut également, sans contester que la présomption lui soit applicable, tenter d'en renverser les effets en établissant qu'il est fondé à obtenir l'inscription des coûts litigieux au compte spécial.

Qu'il peut également à la fois contester l'application qui lui est faite de la présomption et s'attacher à y apporter la preuve contraire.

Attendu que les règles de droit substantiel concernant les conditions d'application de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 doivent s'articuler avec les charges processuelles résultant des articles 6 et 9 du Code de procédure civile dont il résulte qu'il appartient à l'auteur d'une prétention d'alléguer les faits concluants propres à la fonder puis de les prouver (sur la charge de l'allégation et de la preuve qui constituent les charges processuelles et qui, selon ces auteurs « déterminent le plaideur qui perdra le procès si l'édifice de fait apparaît comme insuffisant » Messieurs [R] et [E] [D] au Dalloz Action droit et pratique de la procédure civile n° 321-101 et 321-82 et suivants édition 2021-2022), sauf à réserver l'hypothèse où la loi fait supporter tout ou partie de la preuve au défendeur à l'action.



Qu'ainsi, s'il résulte des article 6 et 9 du code de procédure civile et 1315 devenu 1356 du code civil qu'en matière de tarification la charge de l'allégation et de la preuve incombe en principe au demandeur, il résulte par exception de ces textes qu'il appartient à l'organisme tarificateur, lorsque l'employeur conteste que la présomption d'imputabilité au dernier employeur ayant exposé le salarié au risque lui soit applicable, de prouver l'existence de cette exposition fondant l'imputation des coûts litigieux au compte de l'employeur (en ce sens les arrêts du 1er décembre 2022 sur pourvois n° 21-11.252 n° 21-12.523, n° 21-14.779 décidant que « sans préjudice d'une demande d'inscription au compte spécial, l'employeur peut solliciter le retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle lorsque la victime n'a pas été exposée au risque à son service. En cas de contestation devant la juridiction de la tarification, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail qui a inscrit les dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque chez celui-ci ») tandis que l'employeur doit pour sa part alléguer et prouver les autres faits de nature à faire obstacle à l'application qui lui est faite de la présomption d'imputabilité et que lorsque l'employeur prétend apporter la preuve contraire à la présomption d'imputabilité en sollicitant l'inscription des coûts litigieux au compte spécial, il appartient également à la caisse d'établir l'exposition du salarié chez l'employeur demandeur lorsque l'absence d'une telle exposition constitue une des conditions d'application de la règle (en ce sens l'arrêt du 1er décembre 2022 sur pourvoi 20-22.760 publié indiquant que lorsque l'employeur demande l'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, en application de l'article 2, 3°, de l'arrêté interministériel du 16 octobre 1995, il appartient à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, qui a inscrit ces dépenses au compte de cet employeur, de rapporter la preuve que la victime a été exposée au risque de la maladie dans l'un de ses établissements. Dans le cas où cette preuve n'a pas été rapportée, il incombe à l'employeur de prouver que la maladie a été contractée soit dans une autre entreprise qui a disparu, soit dans un établissement relevant d'une autre entreprise qui a disparu ou qui ne relevait pas du régime général de sécurité sociale).



Qu'ainsi, pour ne s'attacher qu'à la problématique de la contestation de l'application de la présomption d'imputabilité faisant l'objet du présent litige, si l'employeur entend contester que les conditions d'application par l'organisme tarificateur à son encontre de la présomption d'imputabilité soient remplies, il lui appartient en application des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, en fonction des termes du litige, de faire valoir de manière argumentée des faits permettant d'exclure que la présomption précitée lui soit appliquée et de les prouver, la charge de l'allégation et de la preuve dépendant de la question de savoir si l'organisme tarificateur a appliqué la présomption à l'employeur en sa qualité de dernier employeur exposant ou bien s'il l'a lui a appliquée en sa qualité de successeur du dernier employeur exposant et la charge de la preuve étant partagée entre la caisse et l'employeur, la première devant établir l'exposition du salarié au risque chez l'employeur considéré par elle comme le dernier exposant au risque avant la constatation médicale de la maladie, si ce point est contesté, tandis que l'employeur, si la caisse rapporte la preuve qui lui incombe, doit alléguer et prouver les autres faits de nature à faire obstacle à l'application qui lui est faite de la présomption d'imputabilité et en particulier l'absence de reprise par lui de l'établissement dernier exposant au sens tarifaire du terme ce qui suppose qu'il établisse que son établissement n'a pas repris une activité similaire ou qu'il n'a pas repris les moyens de production de l'établissement exposant ou qu'il n'a pas repris au moins la moitié du personnel de ce dernier et, en cas de reprises successives de l'établissement, qu'il établisse l'existence d'un établissement nouveau dans la chaîne des établissements successifs.

Que s'agissant de faits juridiques dans les rapports entre l'employeur en cause et la CARSAT, la preuve impartie à chacune des parties peut être apportée par tous moyens.



Que les déclarations du salarié peuvent être retenues à titre d'éléments de preuve mais à condition d'être corroborées par d'autres éléments du débat et notamment des présomptions graves précises et concordantes en application de l'article 1383 du code civil (en ce sens s'agissant d'accidents du travail 2e Civ., 16 septembre 2010, pourvoi n° 09-15.672 2e Civ., 18 novembre 2010, pourvoi n° 09-17.276; 2e Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n° 12-26.372 ;2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 13-16.968 et en ce sens s'agissant d'une maladie professionnelle 2e Civ., 23 septembre 2021, pourvoi n° 20-15.724) et que le juge peut notamment retenir à ce titre les énonciations d'un jugement dépourvu de toute autorité de la chose jugée pour ne pas être intervenu





entre les parties au litige (sur ce point le fascicule du JurisClasseur Civil Art. 1382 Date du fascicule : 8 Mars 2018 Date de la dernière mise à jour : 8 Mars 2018  PREUVE DES OBLIGATIONS . ' Modes de preuve. ' Preuve par présomption judiciaire rédigé par Monsieur [V] [X] - Professeur à l'université de [19], Doyen honoraire, citant les arrêts suivants : Cass. soc., 14 janv. 1950 : D. 1950, p. 330 ; RTD civ. 1950, p.  538, n° 8, obs. P. Hébraud. ' Cass. 2e civ., 4 déc. 1975 : Bull. civ. II, n° 325 ; JCP 1976, IV, 32).

Que parmi les présomptions graves précises et concordantes venant corroborer éventuellement les déclarations du salarié est susceptible de figurer l'inscription de l'établissement dernier exposant du salarié ainsi que le métier de ce dernier sur la liste des établissements de la construction et de réparation navale susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante annexée à l'arrêté pris en application du texte précité de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, à savoir l'arrêté du 7 juillet 2000 fixant la liste des établissements et des métiers de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité et qui a été également modifié à de multiples reprises.



Attendu que la demanderesse produit des pièces B D et E faisant apparaître que la société [13] inscrite au RCS de Bobigny sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3] a commencé son activité le 14 juin 1989 , qu'elle exerçait sous la dénomination sociale [16] et qu'elle exploitait le chantier naval [16] à [Localité 20], qu'elle a cédé son fonds de commerce à une société [18] en mai 2006, qui est, selon les indications de ses écritures, devenue [10] puis [22] puis [21] puis [16], puis qu'elle a cédé le nom [16] ainsi que les noms de domaine correspondants à la société [21] en 2018.



Qu'il résulte des écritures de la CARSAT qu'elle considère que le dernier employeur ayant exposé le salarié au risque est la société [13], créée en 1989, puisqu'elle fait état, au regard de l'arrêté ACAATA, de la période d'activité du salarié de 1969 à 1992 ainsi que de ses déclarations indiquant avoir été exposé du 11 août 1969 au 30 septembre 1991.



Attendu que le certificat de travail délivré à l'intéressé (pièce n° 1 de la CARSAT) fait état de ses fonctions de charpentier monteur en 1989 et jusqu'au 1er décembre 1990 puis de charpentier métaux du 1er janvier 1991 au 31 août 1992 ce qui corrobore les déclarations du salarié dans sa déclaration de maladie professionnelle faisant état de ses fonctions de charpentier métaux (bord) et permet de retenir que ces déclarations sont exactes.



Que le fait que le salarié a été charpentier monteur à bord pendant une grande partie de son activité pour la société [13] est par ailleurs confirmé par le courrier de [13] (sous la dénomination [12]) du 21 janvier 2002 produit par la CARSAT en pièce n° 3.



Attendu que l'entreprise [16], [12] [Adresse 14], [Localité 7] figure pour la période de 1945 à 1996 sur la liste annexée à l'arrêté du 7 juillet 2020 des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante et qu'il n'est pas contesté que la société visée par cet arrêté est notamment, pour la période d'activité de cette dernière sur le site, la société [13] exerçant sous l'enseigne [16].



Que les métiers visés à la liste précitée comportent pour les travaux de bord le métier de charpentier.



Attendu le fait que l'établissement dans lequel a travaillé Monsieur [W] ait été inscrit sur la liste ACAATA des établissements de la construction et de la réparation navale pour la période de 1945 à 1996 pendant partie de laquelle ce salarié a travaillé dans l'établissement et qu'il ait exercé à bord le métier de charpentier constitue une présomption graves précise et concordante d'une exposition du salarié au risque au service de cette entreprise venant corroborer ses déclarations au titre de son exposition jusqu'au 30 septembre 1991, ce qui permet de retenir que cette exposition du salarié au service de cette entreprise est établie.



Que l'exposition de Monsieur [W] au risque de l'amiante chez la société [13] jusqu'au 31 août 1992 et plus précisément jusqu'à son congé sabbatique du 30 septembre 1991 étant établie et la société demanderesse ne contestant pas qu'elle soit le successeur au sens tarifaire de cette société et peu important qu'elle ou les sociétés dont elle tient ses droits n'aient pas repris le passif de cette société dans le cadre du contrat de cession de fonds de commerce du 31 mai 2006, il convient de la débouter de sa contestation de l'application qui lui est faite par l'organisme de la présomption d'imputabilité au dernier employeur exposant et de rejeter en conséquence sa demande de retrait des coûts litigieux du compte de son établissement



Que la demande de la société [16] de retrait du ou des coûts litigieux de son compte employeur étant rejetée, il convient également de rejeter sa demande principale et subsidiaire accessoire en recalcul et en rectification de ses taux 2022 et 2023 impactés, qui manque par le fait qui lui sert de base.



Que la demanderesse succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.





PAR CES MOTIFS.



La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,



Déboute la société [16] de sa contestation de l'application qui lui est faite par l'organisme de la présomption d'imputabilité au dernier employeur exposant et rejette en conséquence sa demande de retrait des coûts litigieux du compte employeur de la section 1 de son établissement de [Localité 20] portant le numéro de siret [N° SIREN/SIRET 6].

Dit également non fondée la demande de la société [16] en recalcul et en rectification de ses taux 2022 et 2023 impactés par les coûts litigieux et la déboute de ces demandes.



Condamne la société [16] aux dépens de la présente procédure.



Attendu que succombant en ses prétentions, la demanderesse doit être condamnée aux dépens.





Le greffier, Le président,

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