19 avril 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG n° 24/00786

JUGE CX PROTECTION

Texte de la décision

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
Cité Judiciaire
Service des contentieux de la protection
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
JUGEMENT DU 19 Avril 2024

N° RG 24/00786 - N° Portalis DBYC-W-B7I-KZOC

JUGEMENT DU :
19 Avril 2024
N° 24/273


OPH ARCHIPEL HABITAT

C/

[C] [N]







EXÉCUTOIRE DÉLIVRÉ
LE 19/04/24
à ARCHIPEL HABITAT
Au nom du Peuple Français ;

Rendu par mise à disposition le 19 Avril 2024 ;

Par Caroline ABIVEN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de RENNES statuant en qualité de juge des contentieux de la protection, assisté de Annie SIMON, Greffier ;

Audience des débats : 23 Février 2024.

Le juge à l'issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 19 Avril 2024, conformément aux dispositions de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Et ce jour, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe ;

ENTRE :

DEMANDEUR

OPH ARCHIPEL HABITAT
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Mme [G] [V], munie d’un pouvoir


ET :

DEFENDEUR :

Mme [C] [N]
[Adresse 4]
[Adresse 6]
[Localité 2]
non comparante, ni représentée

















EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 18 juin 2015, l'établissement ARCHIPEL HABITAT a consenti un bail d'habitation à Madame [C] [N] sur des locaux situés [Adresse 4]), moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 491,79 €. Par contrat de location en date du 13 décembre 2017, l'établissement ARCHIPEL HABITAT a également mis à disposition de Madame [C] [N] un garage situé [Adresse 3]).
La locataire ayant demandé une mutation, ARCHIPEL HABITAT a ensuite, par contrat du 4 novembre 2020, consenti un bail d'habitation à Madame [C] [N] sur des locaux situés [Adresse 4]), moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 470,05 € et d'une provision pour charges de 83,34 €.

Par acte de commissaire de justice du 21 octobre 2022, le bailleur a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme principale de 821,73 € au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.

La Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) a été informée de la situation de Madame [C] [N] le 3 avril 2023.

Par assignation du 5 octobre 2023, l'établissement ARCHIPEL HABITAT a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de voir :
"Constater l'acquisition de la clause résolutoire
"Ordonner l'expulsion de Madame [C] [N] ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, au besoin, le concours de la force publique,
"Condamner Madame [C] [N] au paiement des sommes suivantes :
131,88 € au titre du solde locatif relatif à l'ancien logement, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
949,65 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 22 décembre 2022, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération des lieux,
50 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'assignation a été notifiée au représentant de l'État dans le département le 6 octobre 2023, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.

À l'audience du 23 février 2024, l'établissement ARCHIPEL HABITAT maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 21 février 2024, s'élève désormais à 6 432,54 €. Le bailleur indique que la locataire reste également redevable d'une somme de 131,88 € au titre de son ancien logement.
Il déclare, par ailleurs, donner son accord à l'octroi de délais de paiement d'un montant de 50 € par mois, assortis d'une suspension des effets de la clause résolutoire.

L'établissement ARCHIPEL HABITAT considère enfin qu'il y a bien eu une reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

Bien que régulièrement assignée par acte de commissaire de justice délivré à domicile, Madame
[C] [N] n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter. Par mail adressé au tribunal le 14 février 2024, Madame [C] [N] a indiqué ne pas pouvoir se présenter à l'audience en raison de son emploi. Elle ne conteste pas le montant de sa dette et sollicite la mise en place d'un échéancier à hauteur de 50 € par mois afin d'apurer sa dette.

En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

L'établissement ARCHIPEL HABITAT a précisé ne pas avoir connaissance de l'existence d'une telle procédure concernant Madame [C] [N].

À l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu'à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.



MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de constat de la résiliation des baux

"Sur la recevabilité de la demande

L'établissement ARCHIPEL HABITAT justifie avoir notifié l'assignation au représentant de l'État dans le département plus de six semaines avant l'audience.

Il justifie également avoir saisi la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) deux mois au moins avant la délivrance de l'assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l'article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

"Sur la résiliation des baux

Aux termes de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l'espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié à la locataire le 21 octobre 2022. Or, d'après l'historique des versements, la somme de 821,73 € n'a pas été réglée par cette dernière dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d'apurement n'a été conclu dans ce délai entre les parties.

Le bailleur est donc bien fondé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 22 décembre 2022.

"Sur les délais de paiement

Selon l'article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l'espèce, eu égard à la volonté de la locataire de s'acquitter de sa dette et à l'accord du bailleur, il convient de suspendre les effets de la clause résolutoire et de conditionner la résiliation du bail au respect du plan d'apurement précisé ci-après et qui résulte d'un accord des parties.

En cas de respect de ces modalités de paiement, la clause résolutoire sera donc réputée n'avoir pas joué, et l'exécution du contrat de bail pourra se poursuivre.

L'attention de la locataire est toutefois attirée sur le fait qu'à défaut de paiement d'une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d'apurement, la clause résolutoire sera acquise, et le bail résilié de plein droit, sans qu'une nouvelle décision de justice ne soit nécessaire : dans ce cas, et pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, le bailleur pourra faire procéder à son expulsion, et à celle de tous occupants de son chef.

Sur la dette locative de l'ancien logement

Selon l'article 7,a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L'article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l'espèce, l'établissement ARCHIPEL HABITAT verse aux débats un décompte démontrant qu'à la date du 22 septembre 2023, la locataire lui devait la somme de 131,88 € au titre de l'arriéré locatif inhérent à son ancien logement situé [Adresse 4], à [Localité 2].

Madame [C] [N] n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, elle sera condamnée à payer cette somme au bailleur, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Sur la dette locative du logement actuel

Selon l'article 7,a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L'article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l'espèce, l'établissement ARCHIPEL HABITAT verse aux débats un décompte démontrant qu'à la date du 21 février 2024, Madame [C] [N] lui devait la somme de 6 432,54 €, soustraction faite des frais de procédure.

Madame [C] [N] n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, elle sera condamnée à payer cette somme au bailleur, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation sur la somme de 949,65 € et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus.

Toutefois, eu égard aux délais de paiement évoqués ci-avant, il convient de différer l'exigibilité de ces sommes en autorisant Madame [C] [N] à se libérer de ces dettes selon les modalités détaillées ci-après.

Sur l'indemnité d'occupation

En cas de maintien dans les lieux de la locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d'occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera fixé à la somme mensuelle de 653,40 €.

L'indemnité d'occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l'étaient le loyer et les charges et sera comptabilisée à compter du 21 février 2024, date du dernier décompte, étant en partie déjà comprise dans l'arriéré locatif précité. Elle ne cessera d'être due qu'à la libération effective des locaux avec remise des clés à l'établissement ARCHIPEL HABITAT ou à son mandataire.




Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée.

Madame [C] [N], qui succombe à la cause, sera condamnée aux dépens de la présente instance, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

En revanche, compte tenu de sa situation économique, il n'y a pas lieu de la condamner à une quelconque indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exécution provisoire

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Toutefois, selon l'article 514-1 du même code, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, compte tenu du montant de la dette et de la mise en place d'un plan d'apurement, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision.


PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 21 octobre 2022 n'a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE, en conséquence, que les contrats conclus le 4 novembre 2020 entre l'établissement ARCHIPEL HABITAT, d'une part, et Madame [C] [N], d'autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 4]) et le garage sont résiliés depuis le 22 décembre 2022,

CONDAMNE Madame [C] [N] à payer à l'établissement ARCHIPEL HABITAT la somme de 131,88 € (cent trente-et-un euros et quatre-vingt huit centimes) au titre de l'arriéré locatif dû au titre du logement situé [Adresse 4]),

CONDAMNE Madame [C] [N] à payer à l'établissement ARCHIPEL HABITAT la somme de 6432,54 € (six mille quatre cent trente-deux euros et cinquante-quatre centimes) au titre de l'arriéré locatif arrêté au 21 février 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation sur la somme de 949,65 € et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus,

AUTORISE Madame [C] [N] à se libérer de sa dette relative à son logement actuel en réglant chaque mois pendant 36 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 50 € (cinquante euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

DIT que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties,

SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant l'exécution des délais de paiement accordés à Madame [C] [N],

DIT que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais été acquise,

DIT qu'en revanche, pour le cas où une mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l'arriéré relatif à son logement actuel, resterait impayée quinze jours après l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception,

"les baux seront considérés comme résiliés de plein droit depuis le 22 décembre 2022,

"le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,

"le bailleur pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, faire procéder à l'expulsion de Madame [C] [N] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique,

"le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

"Madame [C] [N] sera condamnée à verser à l'établissement ARCHIPEL HABITAT une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu'à la date de libération effective et définitive des lieux,

DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision,

DÉBOUTE l'établissement ARCHIPEL HABITAT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [C] [N] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 21 octobre 2022 et celui de l'assignation du 5 octobre 2023.


Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 19 avril 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge

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