18 avril 2024
Cour d'appel de Colmar
RG n° 23/03349

Chambre 11

Texte de la décision

Chambre 11

















N° RG 23/03349 - N° Portalis DBVW-V-B7H-IEWQ



Minute N° : 11M 3/2024

































LRAR aux parties

et copie PG





Copie exécutoire à

Me Lynda BELARBI



Copie

Me Dominique HARNIST





Copie à la commission

nationale d'indemnisation

des détentions provisoires



Le



Le Greffier,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR



ORDONNANCE DU 18 AVRIL 2024









Audience publique tenue par Madame PAULY, présidente de chambre, désignée par ordonnance en date du 18 mars 2024 de Madame Karine HERBO, présidente de chambre, désignée par ordonnance de 02 janvier 2024 pour suppléer Madame la première présidente de la cour d'appel de Colmar en cas d'empêchement dans les fonctions administratives et juridictionnelles qui lui sont spécialement attribuées,



assistée de Monsieur BIERMANN, greffier



en présence de :

Monsieur VANNIER, avocat général auquel le dossier a été communiqué







ORDONNANCE CONTRADICTOIRE du 18 Avril 2024

prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été au préalable avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signée par Madame PAULY, présidente de chambre et Monsieur BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire








NATURE DE L'AFFAIRE : Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire





---------------------------------------------------------------



DEMANDEUR :





Monsieur [X] [B]

[Adresse 1]

[Localité 2]



non comparant, représenté par Me Lynda BELARBI, avocat au barreau de MULHOUSE





DEFENDEUR :





AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



non comparant, représenté par Maître Dominique HARNIST, avocat à la Cour





*****





Par requête reçue au greffe de la cour d'appel de Colmar le 19 septembre 2023, Monsieur [X] [B] sollicite, sur le fondement des dispositions de l'article 149 du code de procédure pénale, la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice moral et la somme de 13 009 euros en réparation du préjudice matériel, subis en raison d'une détention provisoire injustifiée.



Monsieur [B] avait été déféré le 2 mars 2022 devant le tribunal correctionnel de Mulhouse dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité commis les 27 novembre 2019 et 28 février 2022.



Il avait sollicité un délai pour préparer sa défense et l'affaire avait été renvoyée à l'audience du 16 mars 2022, le tribunal correctionnel ayant ordonné son placement en détention provisoire. Il a été incarcéré en détention provisoire du 2 au 16 mars 2022, date à laquelle le tribunal l'a relaxé pour les faits du 27 novembre 2019, reconnu coupable de ceux du 28 février 2022 et l'a condamné de ce chef à deux ans d'emprisonnement dont quinze mois assortis d'un sursis probatoire pendant deux ans.



Monsieur [B] a interjeté appel principal de ce jugement, le ministère public en a relevé appel incident.



Par arrêt du 15 mars 2023, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Colmar a relaxé Monsieur [X] [B] pour la totalité des faits poursuivis. La décision n'a pas été frappée de pourvoi.



La durée totale de la détention provisoire s'élève à quatorze jours.



À l'appui de sa requête Monsieur [B] fait valoir qu'il était fonctionnaire de police, titularisé depuis le 1er avril 2004. Dès le 1er mars 2022, les services de la DIDAPAF étaient informés du placement en garde à vue du requérant et une enquête administrative était diligentée. Le 25 mars 2022, à l'issue de son audition administrative, lui a été notifié un arrêté de suspension de fonctions à plein traitement avec effet au jour de sa notification, soit le même jour.

Il demande réparation d'un préjudice matériel. Le requérant fait valoir que la décision de suspension l'a privé de revenus substantiels. En 2023, les revenus qu'il a déclarés au titre de l'année 2022, année de la suspension, se sont élevés à 19 062 euros soit une baisse de 9 184 euros correspondant à une moyenne mensuelle de 765 euros. Monsieur [B] sollicite le paiement de la somme de 13.009 euros correspondant à la perte de salaire des années 2022 et 2023 (jusqu'au 31 mai).



Au titre du préjudice moral, Monsieur [B] énonce n'avoir jamais été incarcéré, il souligne que l'objet de son incarcération avait été relayé par la presse locale provoquant un préjudice certain.



Par conclusions du 28 novembre 2023, reçues le même jour au greffe, auxquelles il est expressément renvoyé, l'État pris en la personne de l'Agent judiciaire de l'État:



- offre de lui accorder la somme de 3 800 euros en réparation de son préjudice moral du fait des 14 jours de détention provisoire pouvant donner lieu à indemnisation,



- conclut au débouté s'agissant de la demande de réparation du préjudice matériel, celui-ci n'étant pas la conséquence de la détention provisoire. Il est souligné que l'arrêté de suspension, est postérieur à la détention provisoire et n'est pas fondé sur celle-ci mais



sur sa condamnation en première instance, sur l'écho médiatique ayant nui au crédit et au renom de la police et sur l'existence d'une précédente procédure pour des faits de même nature.



Par conclusions du 23 janvier 2024, le procureur général conclut:



- sur le préjudice matériel, au rejet de la demande, au motif que la perte de salaire invoquée au soutien de la demande n'est pas liée à la détention provisoire. Il est relevé que la suspension administrative qui avait été infligée à Monsieur [B] par arrêté ministériel du 25 mars 2022, notifié le jour-même , a été prise alors que Monsieur [B] n'était plus incarcéré et a été prononcée dans le cadre d'une procédure disciplinaire diligentée pour manquement au devoir d'exemplarité, atteinte portée au crédit et renom de la police nationale et faisant suite à la procédure pénale et à sa médiatisation.

- quant au préjudice moral, que l'instance prévue aux articles 149 et suivants du code de procédure pénale a pour seul objet l'indemnisation des préjudices résultant d'une détention injustifiée et n'a pas pour but de réparer l'atteinte à la réputation liée à l'imputation d'une infraction à l'occasion d'une procédure judiciaire. Ainsi, le préjudice moral subi par Monsieur [B] doit donc être évalué au regard des seules conséquences de sa détention, en fonction de sa situation personnelle, de l'absence d'incarcération antérieure, des conditions et de la durée de la détention. Relevant qu'il s'agissait d'une première incarcération et que celle-ci était rendue particulièrement difficile en raison de la qualité de policier de Monsieur [X] [B] et de son placement à l'isolement lié à celle-ci , le ministère public estime adaptée l'offre de 3800€ de l'Agent judiciaire de l'État



L'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2024, à laquelle le requérant a, par l'intermédiaire de son conseil, maintenu sa demande.



Le procureur général a repris les termes de ses conclusions écrites.

L'Agent judiciaire de l'État a confirmé son offre de versement de la somme de 3800 euros.



La décision a été mise en délibéré au 18 avril 2024.





Sur ce,



La requête présentée le 19 septembre 2023 par Monsieur [X] [B], lequel avait été relaxé par arrêt du 20 mars 2023 de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Colmar, devenu définitif en l'absence de pourvoi, ( certificat de non pourvoi du 15 juin 2023) est recevable pour avoir été présentée dans le délai de six mois prévu par l'article 149-2 du code de procédure pénale.





Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale:

' la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive adroit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.'



En l'espèce, Monsieur [X] [B], relaxé par décision définitive, a été placé en détention provisoire du 2 au 16 mars 2022.





Sur le préjudice moral



Si Monsieur [X] [B] avait déjà été condamné, il s'agissait néanmoins d'une première incarcération. Ainsi que le souligne le requérant, ses fonctions de policier ont conduit à ce qu'il soit placé à l'isolement, élément rendant sa détention plus difficile.



Au regard de ces éléments et de la durée de la détention provisoire subie , il convient de lui accorder en réparation la somme de 4 000€, qu'il met en compte.



Sur le préjudice matériel



La somme sollicitée en réparation du préjudice matériel correspond à la perte financière subie en raison de la suspension de ses fonctions par arrêté du 25 mars 2022 et jusqu'à sa réintégration le 31 mai 2023.



Ainsi que le font justement valoir l'Agent judiciaire de l'Etat et le Procureur général, la diminution de revenus évoquée est la conséquence non de la détention provisoire mais de l'arrêté de suspension de fonctions du 25 mars 2022 fondé sur la condamnation pénale, l'atteinte portée à l'image de la police et un précédent de même nature, cet arrêté étant intervenu alors que la détention provisoire avait pris fin.



Dès lors, le préjudice matériel évoqué ne résultant pas de la détention provisoire ne peut donner lieu à indemnisation sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.



La demande présentée à ce titre sera dès lors rejetée.





PAR CES MOTIFS





Statuant publiquement, par décision contradictoire susceptible de recours dans les dix jours de sa notification devant la commission nationale de réparation des détentions,



Vu les articles 149, 149-1 et 149-2 du code de procédure pénale,



Déclarons recevable la requête de Monsieur [X] [B],



Au fond,



Accordons à Monsieur [X] [B] une indemnité de 4 000€ à la charge de l'Etat en réparation du préjudice moral que lui a causé sa détention,



Rejetons la demande en réparation du préjudice matériel.



Laissons les dépens à la charge de l'Etat .





Le greffier La présidente

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