18 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 23/13752

Chambre 1-9

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND ET SUR UNE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/ 222









Rôle N° RG 23/13752 N° Portalis DBVB-V-B7H-BMDYO







[J] [M]





C/



SCP BTSG²











Copie exécutoire délivrée

le :

à :



Me Barbara GIAUFFRET



Me Agnès ERMENEUX















Copie certifiée conforme délivrée aux parties par LRAR

le 18/04/24





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge de l'exécution de GRASSE en date du 20 Octobre 2023 statuant sur fond et sur une question prioritaire de constitutionnalité, enregistré au répertoire général sous le n° 23/00073.





APPELANT



Monsieur [J] [M]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]



représenté par Me Barbara GIAUFFRET de la SELARL GIAUFFRET-BIANCHI-MAGNAND, avocat au barreau de GRASSE

assisté de Me Philippe FORTABAT LABATUT, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE



SCP BTSG² Mandataires Judiciaires, représentée par Maître [X] [D], agissant en sa qualité de Liquidateur Judiciaire de la S.N.C. [Localité 5] ESTÉREL, immatriculée au R.C.S. d'ANTIBES sous le numéro 350 973 590, désigné à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 22 septembre 2022, domicilié es qualité au siège social sis [Adresse 2]



représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX - CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Renaud ESSNER de la SELARL CABINET ESSNER, avocat au barreau de GRASSE,



***



MINISTÈRE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.





*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 13 Mars 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :



Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller





qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024,



Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***

























































Faits, procédure et prétentions des parties :



La SNC [Localité 5] Esterel a été déclarée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce d'Antibes, le 19 novembre 2021, avec extension de la procédure à son gérant, monsieur [J] [M], selon décision du 22 septembre 2022. La SCP BTSG, désignée mandataire liquidateur, en la personne de Me [X] [D] a entrepris la vente en la forme des saisies immobilières, des biens de la société, conformément à une ordonnance du juge commissaire du 1er mars 2023 en application de l'article L642-18 du code de commerce.



Lors de l'audience de vente, le 12 octobre 2023, monsieur [M] a déposé une QPC relative à la nécessité procédurale de postulation, qui lui parait contraire aux dispositions de l'article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 et aux articles 1 et 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui sont libres et égaux alors qu'on le contraint par ces textes, à prendre deux avocats, dont l'un qu'il a choisi à Paris, et l'autre qui doit être inscrit sur le ressort de la cour d'appel.



Par décision du 20 octobre 2023, le juge de l'exécution de Grasse a :

- jugé n'y avoir lieu à transmission de la QPC,

- déclaré monsieur [M] irrecevable en sa qualité de gérant de la société [Localité 5] Esterel, en ses conclusions d'incident et ses demandes, étant dessaisi en application de l'article L641-9 du code de commerce,

- fixé la date de vente au 1er février 2024,

- condamné monsieur [J] [M] aux dépens.



Le premier juge déclarait la QPC recevable en la forme, et monsieur [M] recevable également à présenter une QPC car porteur de parts sociales de la société, et à ce titre, tenu au règlement du passif. Il jugeait cependant que la question n'était ni nouvelle, ni sérieuse, la Cour de cassation y ayant répondu le 12 octobre 2021 (N° 11-40064) ainsi que le Conseil Constitutionnel, le 5 août 2015 (décision 2015-715) qui ont considéré que la nécessité de postulation, n'affecte pas les conditions d'accès à la justice, l'égalité devant la justice, ni l'objectif d'une bonne administration de celle-ci, en particulier pour la Cour de cassation car elle ne limite pas le choix du défenseur, le choix de l'avocat plaidant restant libre.



Concernant la vente aux enchères publiques, il retenait qu'elle avait été autorisée par ordonnance du juge commissaire, régulièrement notifiée aux parties et en particulier à monsieur [M] et n'avait fait l'objet d'aucun recours, de sorte qu'en application d'une jurisprudence de la Cour de cassation (21 novembre 2018 n°17-21624) le dessaisissement lié à la liquidation judiciaire, le rendait irrecevable à former contestation que seul le mandataire liquidateur pouvait alors developper.



Monsieur [M] a fait appel de la décision par déclaration au greffe de la cour, le 7 novembre 2023.



Ses moyens et prétentions sont exposés dans des conclusions du 6 décembre 2023, auxquelles il est ici renvoyé pour un exposé plus complet.

* Sur la transmission de la QPC, il conteste le refus de transmission de la QPC et sollicite de la cour :

- que soient transmises à la Cour de Cassation puis au Conseil Constitutionnel les questions suivantes sur la compatibilité :

* De l'article 5, al. 3 de la loi du 31 décembre 1971 avec

- l'art. 2 de la constitution du 4/10/1958 - l'égalité devant la loi de tous les citoyens. - les art. 1 et 6 de la Déclaration des Droits de l'homme du 26/08/1789 : libres et égaux en droit » et loi égale pour tous,

- les art. 1 et 6 de la Déclaration des Droits de l'homme du 26/08/1789 : libres et égaux en droit » et loi égale pour tous.



* Sur le fond, il conteste également que la vente ait été ordonnée alors qu'il était fondé à opposer diverses difficultés et sollicite de la cour :

Vu l'article 17 de la déclaration universelle des droits de l'Homme,

Vu les articles 1 du Protocole 1 de la Conv EDH,

Vu la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993,

Vu l'article L 649-1 du Code de Commerce,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation et notamment l'arrêt de la chambre commerciale du 8 février 2023, pourvoi n°21-17.763,

- réformer et annuler en toutes les dispositions le jugement du tribunal de Grasse du 20 octobre 2023 ;

- retirer de la vente forcée, le bâtiment de la SNC [Localité 5] Esterel situé à [Adresse 6], cadastré AC numéro [Cadastre 4] pour 1 ha, 88 a et 10 ca ;

- condamner le liquidateur judiciaire à rembourser sur ses deniers personnels, la totalité des sommes engagées pour la procédure de vente forcée, le compte de la liquidation judiciaire,

- condamner le liquidateur judiciaire à la somme de 20 000 euros au profit de [J] [M] qu'il devra recevoir en propre et non sur les comptes de la liquidation judiciaire.



Il se prévaut d'un droit propre à agir, et au regard de la jurisprudence européenne, la nécessité de procéder à l'examen d'une clause abusive, figurant au prêt immobilier qu'il avait souscrit pour l'acquisition de sa résidence principale. Dès lors la décision du juge commissaire autorisant la vente immobilière et admettant des créances au passif de la procédure collective ne doit pas empêcher le juge national de procéder d'office à l'examen du caractère éventuellement abusif des clauses contractuelles, créant un déséquilibre significatif entre les parties contractantes. La société Hoche Créances ne dispose d'aucune créance à son encontre et la BNP n'en a pas déclaré car elle n'a plus de droits. Il dénonce un contexte frauduleux, des arrangements entre copains et a déposé plainte avec constitution de partie civile. Le bien qui vaut 15 millions d'euros a une mise à prix sous estimée qui permettra l'acquisition par un marchand de biens déjà connu. Il dénonce des manoeuvres qui vont décourager les acquéreurs en particulier en indiquant que l'immeuble est occupé par des personnes inconnues ce qui n'est nullement le cas.



La société BTSG mandataire liquidateur représentée par Me [D], a pris également des conclusions distinctes le 31 janvier 2024.

* Sur la QPC, elle demande à la cour au visa de l'article L641-9 du code de commerce de :

- reformer le jugement et statuant à nouveau,

- juger M. [M] es qualité de gérant de la SNC [Localité 5] Esterel irrecevable en sa demande de transmission de question prioritaire de constitutionnalité,

En toute hypothèse,

Vu l'article 23-2 de l'ordonnance du 07.11.1958,

- juger que la Cour n'est pas saisie des demandes de monsieur [M] en l'absence de demande de réformation du jugement,

- confirmer le jugement du 20.10.2023 en ce qu'il a jugé n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La QPC est réservée aux parties, ce que n'est pas monsieur [M], dessaisi du fait de la liquidation judiciaire, il ne peut agir pour la société [Localité 5] Esterel et se voit donc irrecevable à soumettre une QPC. Monsieur [M] ayant de toute façon constitué avocat, les dispositions qu'il critique sont étrangères au litige et leur censure insusceptible d'influencer la décision. ( 10 juillet 2012 n°12-11596 et 21 février 2012 n°11-23821). De plus la question a été validée par le Conseil constitutionnel le 5 août 2015, ce qui a déjà été jugé par la cour dans un arrêt du 23 novembre 2017 (RG17-11680). La question n'est pas sérieuse selon la Cour de cassation le 12 octobre 2011 (n°11-40064).



* Concernant la vente immobilière, la SCP BTSG demande à la cour :

Vu les articles 546 et 901 du Code de procédure civile,

Vu l'irrégularité de la déclaration d'appel,

- juger que l'effet devolutif de l'appel n'a pu opérer,

- Juger que la cour n'est pas régulièrement saisie,

- ordonner le dessaisissement de la cour,

En toute hypothèse,

- Déclarer irrecevable l'appel de monsieur [M] faute d'intérêt pour n'être pas partie à la procédure personnellement,

- Déclarer irrecevable l'appel de monsieur [M] faute d'avoir intimé l'ensemb1e des parties au litige,

- Déclarer irrecevables l'appel et les demandes formés par monsieur [M] es qualités de gérant et d'associé de la Sté [Localité 5] Esterel faute d'intérêt et de qualité à agir en raison de son dessaisissement,

En tout état de cause,

- Débouter monsieur [M] de toutes ses demandes au soutien de l'appel,

- Confirmer en tous ses points la decision dont appel,

En conséquence,

- Déclarer monsieur [M] en sa qualité de gérant de la SNC [Localité 5] Esterel irrecevable en l'ensemble de ses contestations du fait des règles du dessaisissement et comme contrevenant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du Juge commissaire autorisant la vente,

- Fixer la vente en la forme des saisies immobilières,

Par conséquent :

- Autoriser la société BTSG2 prise en la personne de maitre [D] es qualité à requérir la vente aux enchères publiques du bien ci-après désigné en un seul lot, à savoir :

Un immeuble en cours de construction à usage de bureaux d'industrie et de commerce avec parking, sis à [Adresse 6] (voie privée non numérotée) d'aprés la ville de [Localité 5] et [Adresse 6] d'après le ficher hypothécaire,

Le tout cadastré section AC N° [Cadastre 4] pour lha 88a 10 ca.

Origine de propriété :

Ce bien appartient à la société [Localité 5] Esterel par suite de 1'acquisition qu'el1e en a faite suivant acte reçu par maitre [L] [V], notaire associé au [Localité 7] (06) le 25 août 1989, publié aupres du Service de Publicité Fcnciére de [Localité 8] 1, le 20 octobre 1989 Vol 89P N° 8975.

Et ce à l'audience d'adjudication qui sera fixée dans la décision à intervenir.



Elle expose que monsieur [M] après s'être présenté comme gérant de la société, invoque désormais sa qualité d'associé, mais il reste déssaisi et donc irrecevable. Il se méprend sur la nature de la procédure qui n'est pas une procédure de saisie immobilière classique mais une vente sur saisie immobilière, à la suite d'une ordonnance du juge commissaire qui n'a pas été discutée et qui a autorité de chose jugée.



Le Ministère public auquel la demande de QPC a été transmise, a conclu le 28 novembre 2023 pour soutenir à titre principal que l'appel est recevable, mais que monsieur [M] ne l'est pas à déposer une QPC et pas davantage à développer des conclusions d'incident. Il estime que si des tiers peuvent présenter des observations à l'occasion d'une QPC, ils ne peuvent toutefois en être à l'origine. Or, le dessaisissement du fait de la liquidation judiciaire, l'en empêche. De plus, la question est dépourvue de sérieux et n'est pas nouvelle. Le débiteur dessaisi s'il peut faire appel de la décision du juge commissaire ordonnant la vente, est irrecevable à former un incident.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2024.



Par courrier du 11 mars 2024, Me Giauffret , avocat postulant, écrivant en son nom et celui de Me Fortabat Labatut, avocat plaidant, a indiqué se déporter de la procédure et ne plus intervenir aux intérêts de monsieur [J] [M], mais aucune nouvelle constitution n'était intervenue lors de l'appel du dossier à l'audience de la cour d'appel, le 13 mars 2024, de sorte que l'affaire a été mise en délibéré.




MOTIVATION DE LA DÉCISION :



* Sur l'effet dévolutif au fond de la déclaration d'appel de monsieur [M] :



L'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022, relatif à la communication électronique, énonce « Lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. »



La déclaration d'appel doit donc mentionner l'existence d'une annexe à défaut de quoi, il n'y a pas d'effet dévolutif.



Or, la déclaration d'appel faite par monsieur [M], le 7 novembre 2023, indique quant à la portée de son recours : 'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués'. Elle ne fait aucune référence ou renvoi à une annexe exposant précisément ces chefs de jugement.



A défaut d'effet dévolutif, la cour d'appel ne fera que confirmer sur le fond, le jugement déféré en toutes ses dispositions.



Les dépens seront mis à la charge de monsieur [M] qui succombe en ses prétentions.





PAR CES MOTIFS :



La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,



CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,



MET à la charge de monsieur [M] les dépens.







LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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