18 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 23/07099

Chambre 1-9

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/ 226







N° RG 23/07099 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLK6V







[B] [V]





C/





[U] [J]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me EL KOLLI

Me ITRAC





























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge de l'exécution de marseille en date du 02 Mai 2023 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 23/193.



APPELANTE



Madame [B] [V]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 4], demeurant [Adresse 7]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-003065 du 19/05/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),



représentée par Me Azzedine EL KOLLI, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE





Madame [U] [V] veuve [J]

née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 5], demeurant [Adresse 6]



représentée par Me Hervé ITRAC, avocat au barreau de MARSEILLE











*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Madame Evelyne THOMASSIN, Président de Chambre

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller





Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVALLEE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.







ARRÊT



Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024





Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président de Chambre et Madame Ingrid LAVALLEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***

































































Faits, procédure et prétentions des parties :



Selon acte sous seing privé du 9 janvier 2004, [X] [V] veuve [J] consentait à sa nièce, [B] [V], un bail à usage d'habitation sur un appartement situé [Adresse 3].



Un jugement du 7 juin 2011, signifié le 23 août suivant, du tribunal d'instance d'Aubagne :

- constatait la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et défaut de production d'une attestation d'assurance,

- condamnait madame [V] au paiement de la somme de 20 981,54 € au titre de la dette locative au 1er février 2011 destinée à l'usufruitier du bien, outre une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer et charges,

- condamnait madame [V] au paiement d'une indemnité de 400 € pour frais irrépétibles.



Le 14 octobre 2022, madame [J] faisait délivrer à la Selarl Vancia Relave & Virginie Halter, notaires associés, une saisie-attribution des sommes détenues pour le compte de madame [V] aux fins de paiement de la somme de 17 002 €. La saisie produisait son effet à hauteur de la somme précitée. Elle était dénoncée, le 17 octobre suivant, à madame [V].



Le 15 novembre 2022, madame [V] faisait assigner madame [J] devant le juge de l'exécution de Marseille aux fins de nullité et de mainlevée de saisie-attribution du14 octobre 2022.



Un jugement du 2 mai 2023 du juge de l'exécution de Marseille :

- déclarait la contestation recevable,

- déboutait madame [V] de ses demandes,

- validait la saisie-attribution du 14 octobre 2022,

- condamnait madame [V] au paiement d'une indemnité de 1 300 € pour frais irrépétibles et aux dépens.



Le jugement précité était notifié à madame [V] par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 6 mai 2023.



Par déclaration du 26 mai 2023 au greffe de la cour, madame [B] [V] qui avait préalablement et dans les délais déposé une demande d'aide juridictionnelle, formait appel du jugement précité.



Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 17 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, madame [B] [V] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- prononcer la nullité de la saisie-attribution du 14 octobre 2022 et ordonner sa mainlevée,

- condamner madame [X] [V] au paiement d'une somme de 5 000 € de dommages et intérêts et d'une indemnité de 3 000 € au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Elle invoque l'absence de créance de l'intimée à son encontre aux motifs de :

- l'effacement de sa dette à hauteur de 17 487,55 € par l'effet d'un jugement de rétablissement personnel du 6 avril 2013,

- l'absence de prise en compte d'une aide financière payée par la CAF à son bailleur,

- le montant du loyer de 760 € selon quittance et non de 920 € comme retenu par le premier juge,

- le décompte du loyer de février 2011 alors qu'il est comptabilisé par la condamnation prononcée au titre des loyers impayés,

- la restitution du logement en juillet 2012 en remettant les clés dans la boîte aux lettres du bailleur selon témoignage versé au débat.









De plus, le procès-verbal d'huissier produit peut valoir restitution du logement par l'occupant ayant pris sa suite dès lors qu'elle a été hébergée par son frère avant de bénéficier d'un logement social à partir du 30 mars 2003.



Elle soutient que sa dette de 42 979, 18 € est éteinte en raison de 11 040 € d'indemnités d'occupation indues de juillet 2012 à juillet 2013, de 17 487 € effacés par le rétablissement personnel et de 14 625 € payés par la saisie-attribution délivrée en 2014.

De plus, elle soutient que l'intimée a renoncé, par courrier du 28 novembre 2017 adressé à un notaire, à une créance de 12 000 € à son encontre.

Enfin, elle fonde sa demande de dommages et intérêts sur un abus de saisie en l'absence de créance subsistante.



Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 11 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, madame [X] [V] veuve [J] demande à la cour de :

- déclarer l'appel irrecevable,

- confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- débouter madame [B] [V] de toutes ses demandes,

- condamner madame [B] [V] au paiement d'une somme de 5000 € de dommages et intérêts et une indemnité de 2 500 € pour frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de maître Itrac.



Elle soutient que l'appel est irrecevable au motif que l'appelante se contente de reprendre ses écritures de première instance sans les adapter et affirme que le jugement déféré est parfait.

Elle soutient être créancière d'une somme totale de 42 979,18 € outre le montant des frais de procédure, sous déduction d'un effacement de 17 487 € et d'une somme payée de 14 625 € par voie de saisie-attribution.

Elle affirme que son décompte est probant aux motifs que :

- les sommes versées par la CAF sont comptabilisées et n'ont pas été contestées lors de la saisie-attribution délivrée en 2014,

- l'indexation du loyer a pour effet une augmentation de son montant à 762,25 € à 803,11 € et 920 €,

- le loyer de février 2011 a été comptabilisé deux fois mais n'a pas été contesté lors de la saisie de sorte que la contestation est irrecevable,

- la reprise des lieux est intervenue en juillet 2013 par procès-verbal de remise des lieux et madame [H] n'avait pas qualité pour réceptionner les clés en juillet 2012,

- les témoignages produits ne sont pas conformes aux articles 202 et suivants du code de procédure civile et n'ont donc aucune valeur probante,

- le courrier du 28 novembre 2017 adressé au notaire ne vaut pas renonciation non équivoque à une créance de 12 000 € dès lors qu'il était adressé au notaire pour favoriser un accord amiable, lequel n'est pas intervenu.



L'instruction de la procédure close par ordonnance du 13 février 2024 a été plaidée à l'audience du 14 mars 2024.



Par note RPVA du 21 mars 2024, la cour mettait aux débats la recevabilité de l'appel formé le 26 mai 2023 suite à une notification du 6 mai 2023 du jugement déféré. Elle autorisait les parties à lui adresser une note en délibéré sous huitaine.



Par note en délibéré du 22 mars 2024, le conseil de l'intimé invoquait le caractère tardif de l'appel.



Par note en délibéré du 24 mars 2024, le conseil de l'appelante invoquait sa demande d'aide juridictionnelle du 16 mai 2024, la décision d'admission du 19 mai suivant, et la recevabilité de son appel formé le 26 mai suivant.








MOTIVATION DE LA DÉCISION :





* Sur la recevabilité de l'appel,



L'article R 121-20 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le délai d'appel est de 15 jours à compter de la notification du jugement.



L' article 43 du décret du 28 décembre 2020 dispose que lorsque l'action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de 1ère instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé être intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter de la notification de la décision d'aide juridictionnelle ou si elle est plus tardive, de la date de désignation d'un auxiliaire de justice.



En l'espèce, si le jugement déféré a été notifié le 6 mai 2023 à l'appelante, cette dernière justifie d'une demande d'aide juridictionnelle du 16 mai 2024, suivie d'une décision d'admission du 19 mai suivant, et d'une déclaration d'appel du 26 mai suivant.



Ainsi, le délai d'appel a été interrompu et l'appel formé par déclaration du 26 mai 2024 respecte le délai d'appel.



Par ailleurs, le dispositif des conclusions de madame [V] porte mention d'une demande d'infirmation du jugement déféré fondée sur des motifs de nature à critiquer ceux du jugement déféré, peu important qu'ils soient similaires à ceux soumis au premier juge. L'irrecevabilité invoquée de ce chef par l'intimée n'est donc pas établie.



Par conséquent, l'appel formé par madame [V] sera déclaré recevable.



* Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution du 14 octobre 2022,



Selon les dispositions de l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.



En l'espèce, la saisie-attribution contestée a été délivrée au titre de l'exécution du jugement du 6 juin 2011 du tribunal d'instance d'Aubagne signifié le 23 août suivant à madame [B] [V].



La renonciation à un droit ne se présume pas et doit être expresse et non équivoque. Ainsi, madame [V] doit établir l'intention non équivoque de madame [J] de renoncer purement et simplement à recevoir paiement de la dette locative. Or, la lettre de cette dernière du 28 novembre 2017 adressée au notaire en charge de la succession de sa mère, évoque une renonciation à sa créance sous condition de la signature d'un acte de partage amiable. Cette dernière n'est pas intervenue en l'état d'une assignation en liquidation-partage délivrée à l'appelante le 2 mai 2019. Ainsi, madame [V] n'établit pas la renonciation de madame [J] au paiement de la dette locative.



Au titre des sommes dues par madame [V], les parties s'opposent sur la date de restitution du logement. Les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 dans leur rédaction applicable au bail du 9 janvier 2004, régissent la situation. Dans le silence des textes, le droit positif décide de façon constante que le bail n'a pas pris fin lorsque le locataire quitte les lieux sans donner congé et se contente de laisser les clés dans la boîte aux lettres du bailleur sans son accord ( CA Paris 6ème chambre 9 octobre 1997 Juris Data n°1997-022737 ).











Madame [V] ne justifie, ni avoir donné congé du bail du 9 janvier 2004, ni l'accord du bailleur pour procéder à la restitution du logement par remise des clés dans sa boîte aux lettres. Ainsi, le bail n'a pas pris fin par la remise des clés en juillet 2012 dans la boîte aux lettres de madame [H], sans l'accord préalable de cette dernière, usufruitière du logement loué.

L'hébergement de madame [V] par son frère de juillet 2012 à mars 2013, selon attestations versées au débat, et la signature d'un nouveau bail du 30 avril 2013, sont sans incidence sur le défaut de restitution au bailleur du logement, objet du bail du 9 janvier 2004, à compter de juillet 2012.



De plus, madame [V] ne justifie pas que le logement loué aurait été occupé par un tiers entre son départ allégué en juillet 2012 et le 4 juillet 2013. La restitution du logement doit donc être fixée à la date du procès-verbal de reprise le 4 juillet 2013 par l'huissier de justice mandaté par le bailleur.



Au titre du montant de la créance conférée par le jugement du 7 juin 2011, madame [V] est débitrice des sommes de :

- 20 981,54 € au titre de l'arriéré locatif liquidé par le jugement du 7 juin 2011,

- 22 594,16 € au titre de la liquidation de l'indemnité d'occupation fixée par le jugement du 7 juin 2011, correspondant à 803,11 € du mois de mars 2011 au mois de juin 2013 outre 107,08 € du 1er au 4 juillet 2013,

- 5 142,20 € au titre des intérêts acquis au taux de 5,77 % outre 53,37 € au titre des intérêts à échoir (1 mois),

- 116,79 € au titre des frais du procès-verbal de saisie-attribution outre 91,22 € au titre des frais de dénonce et 31,87 € au titre de l'émolument proportionnel (art A 444-31 c.com).

- 1 489,04 € au titre du montant non contesté des frais d'exécution forcée, notamment la procédure d'expulsion, mentionné dans le décompte annexé aux procès-verbaux de saisie-attribution des 8 octobre 2014 et 14 octobre 2022.



Par contre, l'intimée ne précise pas la nature des actes d'exécution comptabilisés pour un montant total de 529,87 € au titre de la saisie du 14 octobre 2022 et ne produit aucun acte délivré entre les deux saisies. Le montant de 529,87 € n'est donc pas justifié et doit être écarté.



soit 50 500,19 € sous déduction des sommes suivantes :

- 17 487,55 € selon mention de l'état des créances au 1er juin 2011 et effacé par jugement du 6 février 2013 conférant force exécutoire à la recommandation de rétablissement personnel du 1er juin 2011,

- 4 131,11 € selon attestation de la Caisse des Allocations Familiales jusqu'en avril 2013 en l'état d'un nouveau bail conclu par madame [B] [V] à compter du 30 avril 2013 et du défaut de preuve du paiement de l'allocation entre les mains de l'intimée entre le 1er mai et le 4 juillet 2013, date de reprise du logement,

- 14 625 € au titre de la somme payée suite à la saisie-attribution du 8 octobre 2014,



soit une somme restant due de 14 256,53 €.



Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sauf à cantonner l'effet attributif de la saisie-attribution du 14 octobre 2018 à la somme de 14 256,53 €.



- Sur les demandes accessoires,



Madame [X] [V] n'établit pas que l'appel et les contestations de madame [B] [V] soient guidés par l'intention de nuire ou soient abusifs et qu'ils soient à l'origine d'un préjudice distinct du retard dans le paiement. Il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts.



Madame [B] [V], qui succombe pour l'essentiel, supportera les dépens de l'instance.



L'équité commande d'allouer à madame [J] une indemnité de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant après débats en audience publique et en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,



CONFIRME le jugement déféré sauf à cantonner l'effet attributif de la saisie du 14 octobre 2022 à la somme de 14 256, 53 €,



Y ajoutant,



DIT n'y avoir lieu à dommages et intérêts,



CONDAMNE madame [B] [V] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE madame [B] [V] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct des frais dont il aura fait l'avance sans avoir reçu provision préalable au profit de maître Itrac, en application de l'article 699 du code de procédure civile .





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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