17 avril 2024
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 20/07517

Chambre 1-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 17 AVRIL 2024



N° 2024/ 171









Rôle N° RG 20/07517 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGEOI







SA ELECTRICITE DE FRANCE (EDF)





C/



[D] [Y] épouse [H]



























Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Philippe CAMPOLO

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Draguignan en date du 13 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/07653.





APPELANTE



SA ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) prise en son établissement [Adresse 7], demeurant [Adresse 3] dont le siège social est [Adresse 3]



représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et ayant pour avocat plaidant Me Martine RUBIN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sophie ROLLAND, avocat au barreau de MARSEILLE, ayant plaidé





INTIMEE



Madame [D] [Y] épouse [H]

née le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 6] (83), demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Philippe CAMPOLO de la SELAS LLC ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Monsieur Olivier BRUE, Président

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Madame Louise DE BECHILLON, Conseillère









Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2024.







ARRÊT



Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2024



Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.










***



FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Mme [D] [Y] épouse [H] est propriétaire d'un ensemble de parcelles situées sur les communes de [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 4].

Ces parcelles forment un ensemble foncier séparé par un cours d'eau et relié par un pont dénommé le pont des [Y].



Par acte authentique du 17 février 1903, [M] [B], arrière-grand-père de Mme [Y] épouse [H], ancien propriétaire des parcelles, avait, en sa qualité de riverain, autorisé la société énergie électrique du littoral Méditerranéen (EELM) à créer un pont au-dessus de l'Argens.

Par ce même acte, il avait conféré à la société EELM le droit d'user et de jouir de l'autorisation dont elle bénéficiait en l'échange de quoi elle en supporterait les charges éventuelles. Cette société a été intégrée en 1946 à l'établissement public industriel Electricité de France (EDF).



Par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Draguignan du 29 mars 2017, Mme [Y] épouse [H], se plaignant du refus de la SA EDF d'exécuter les travaux d'entretien du pont, a obtenu la désignation d'un expert judiciaire qui a déposé son rapport le 31 mai 2018.



Par assignation du 5 novembre 2018, Mme [Y] épouse [H] a fait citer la SA EDF devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins de la voir notamment condamner à procéder aux travaux d'entretien du pont, ainsi qu'à payer la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice de jouissance.















Par jugement rendu le 13 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

- condamné la SA EDF à procéder aux travaux d'entretien du pont des [Y], traversant le cours d'eau l'Argens, sur la commune de [Localité 5] et [Localité 4], selon devis contenu en page 87 du rapport d'expertise judiciaire du 31 mai 2018 pour un montant de 379 969, 44 euros incluant la réalisation des études d'exécution ainsi qu'un contrôle extérieur et la rédaction d'un rapport de fin de chantier,

- condamné la SA EDF à payer à Mme [Y] épouse [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA EDF aux dépens comprenant l'instance en référé du 29 mars 2017, le procès-verbal de constat du 7 octobre 2016 et des frais d'expertise judiciaire s'élevant à la somme de 26 150 euros,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté le surplus des demandes.



Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la convention du 17 février 1903 était opposable à la SA EDF par l'effet de la nationalisation de la société EELM et qu'elle n'était pas limitée intuitu personae dans la mesure où elle résulte d'une situation réelle et objective et non de la durée de vie des parties. De plus, elle a jugé que le fait que la SA EDF ait consenti en 2003 à installer à ses frais un panneau de signalisation démontrait sa volonté de poursuivre les effets de la convention. Ainsi, le tribunal a considéré qu'eu égard à son obligation conventionnelle d'entretien, elle devait être déclarée responsable des désordres relevés sur le pont en raison de la défaillance à cette obligation et condamnée au montant des réparations fixé par l'expert.



Par déclaration transmise au greffe le 7 août 2020, la SA EDF a relevé appel de cette décision en visant chacun des chefs de son dispositif.



Vu les conclusions transmises le 10 mars 2021 au visa de l'article 1210 du code civil, par l'appelante, la SA EDF, qui demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté :

' la demande indemnitaire de Mme [Y] épouse [H] au titre du préjudice de jouissance,

' la demande de Mme [Y] épouse [H] de la voir condamner à exécuter les travaux sous astreinte.

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

' condamné la SA EDF à procéder aux travaux d'entretien du pont des [Y], traversant le cours d'eau l'Argens, sur la commune de [Localité 5] et [Localité 4], selon devis contenu en page 87 du rapport d'expertise judiciaire du 31 mai 2018 pour un montant de 379 969, 44 euros incluant la réalisation des études d'exécution ainsi qu'un contrôle extérieur et la rédaction d'un rapport de fin de chantier,

' condamné la SA EDF à payer à Mme [Y] épouse [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SA EDF aux dépens comprenant l'instance en référé du 29 mars 2017, le procès-verbal de constat du 7 octobre 2016 et des frais d'expertise judiciaire s'élevant à la somme de 26 150 euros,

' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

' rejeté le surplus des demandes.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- déclarer que l'acte signé le 17 février 1903, sur lequel Mme [Y] épouse [H] entend fonder ses demandes, lui est devenu inopposable,

En conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions présentées par Mme [Y] épouse [H],

A titre subsidiaire,

- déclarer qu'en application du principe de prohibition des engagements perpétuels, l'acte signé le 17 février 1903 entre la société EELM et [M] [B] n'a pas vocation à s'appliquer perpétuellement et a pris fin, au plus tard, lors de la liquidation de la succession de [M] [B],









- déclarer que l'acte signé le 17 février 1903 entre la société EELM et [M] [B] constitue un engagement perpétuel contraire au principe de prohibition des engagements perpétuels,

En conséquence,

- déclarer que Mme [Y] épouse [H] ne peut se prévaloir de l'acte signé le 17 février 1903 entre la société EELM et [M] [B],

- prononcer la nullité de l'acte signé le 17 février 1903 entre la société EELM et [M] [B] en application du principe de prohibition des engagements perpétuels,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions présentées par Mme [Y] épouse [H].

A titre infiniment subsidiaire,

- déclarer que la SA EDF n'a commis aucune faute en considération de l'acte signé le 17 février 1903 entre la société EELM et [M] [B],

- déclarer que l'expert judiciaire n'a pas répondu à sa mission conformément à l'ordonnance du 29 mars 2017, ce dernier ayant préconisé dans son rapport d'expertise des travaux de reconstruction et non d'entretien du pont litigieux,

En conséquence,

- écarter totalement des débats le rapport d'expertise judiciaire,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions présentées par Mme [Y] épouse [H].

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour condamnait la SA EDF à exécuter les travaux litigieux sous astreinte, il y aura lieu de :

- soit, homologuer le rapport établi par la société Anticorr conseil le 11 février 2021,

- soit, ordonner, sur le fondement du rapport établi par la société Anticorr conseil, une contre-expertise.

En tout état de cause,

- rejeter la demande de Mme [Y] épouse [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] épouse [H] à verser à la société EDF la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] épouse [H] aux entiers dépens y compris la totalité des frais d'expertise.



La SA EDF considère que Mme [Y] épouse [H] dévoie la convention litigieuse puisque son objet était d'autoriser la société EELM à submerger une partie de la propriété de [M] [B] sans qu'il puisse solliciter une quelconque indemnisation à cet égard et à lui donner le droit d'user et de jouir de cette autorisation sans pour autant en supporter les charges éventuelles.



L'appelante considère que l'obligation d'entretien née de la convention de 1903 ne concerne que les parties entre lesquelles elle a été conclue et s'est donc éteinte au décès de son bénéficiaire sans pouvoir lui être opposable en l'absence de transmissibilité successorale ou d'acte signé entre Mme [Y] épouse [H] et la SA EDF.



La SA EDF fait valoir que le principe de prohibition des engagements perpétuels tel que prévu par l'article 1210 du code civil et la jurisprudence constante en la matière rend le terme « pour toujours » valable pour la vie de [M] [B]. Ainsi, l'appelante sollicite à titre subsidiaire la nullité de l'acte du 17 février 1903 en vertu de ce principe.



L'appelante conteste la demande d'exécution de travaux en vue de permettre le passage des véhicules de plus de 5,5 tonnes au regard des stipulations de la convention litigieuse qui ne prévoit cette possibilité qu'à titre temporaire sans constituer une obligation.



La SA EDF soutient qu'elle n'a commis aucune faute et n'est pas responsable des dommages causés au pont entraînés par un usage abusif de celui-ci tel qu'il ressort du rapport d'expertise. Elle fait valoir que Mme [Y] épouse [H] n'a pas exercé la police du droit de passage et qu'il est donc emprunté par de nombreuses personnes sans autorisation. De plus, elle estime qu'elle est d'autant moins concernée par ces détériorations puisque la société Schema qui lui a succédé dans l'exploitation de l'usine hydraulique n'emprunte pas ce pont.







L'appelante conteste les conclusions du rapport d'expertise qui préconise selon elle une réfection complète du pont et considère qu'elles sont en contradiction à la fois avec ses observations et comptes rendus constatant son bon état général, mais également avec les conclusions du cabinet Anticorr conseil qui a réalisé un rapport d'expertise à sa demande et a conclu à un état correct du pont. Ainsi, la SA EDF sollicite soit l'homologation de ce dernier rapport soit que soit ordonnée une contre-expertise.



La SA EDF conteste l'existence de la servitude alléguée par Mme [Y] épouse [H] et considère que l'installation des canalisations n'a aucun rapport avec le droit de passage dans l'acte du 17 février 1903 et ne permet pas de fonder une obligation d'entretien à sa charge.



La SA EDF soutient que Mme [Y] épouse [H] n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation d'un préjudice de jouissance, puisque l'utilité du pont pour elle-même et les usagers est très accessoire, au regard d'un autre chemin existant pour accéder à leurs propriétés.



Enfin, l'appelante conteste l'astreinte sollicitée par Mme [Y] épouse [H] concernant les travaux puisqu'il s'agit de simples travaux d'entretien qui n'ont pas vocation à consolider le pont et sans qu'il soit fait état d'une urgence caractérisée.





Vu les conclusions transmises le 12 novembre 2020 au visa de l'ancien article 1134 et des articles 697, 698 et 1780 du code civil, par l'intimée, Mme [Y] épouse [H], qui demande à la cour de :

- débouter la SA EDF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer partiellement le jugement du 13 juillet 2020 en ce qu'il a :

' condamné la SA EDF à procéder aux travaux d'entretien du pont des [Y], traversant le cours d'eau l'Argens, sur la commune de [Localité 5] et [Localité 4], selon devis contenu en page 87 du rapport d'expertise judiciaire du 31 mai 2018 pour un montant de 379 969, 44 euros incluant la réalisation des études d'exécution ainsi qu'un contrôle extérieur et la rédaction d'un rapport de fin de chantier,

' condamné la SA EDF à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SA EDF aux dépens comprenant l'instance en référé du 29 mars 2017, le procès-verbal de constat du 7 octobre 2016 et des frais d'expertise judiciaire s'élevant à la somme de 26 150 euros,

- infirmer partiellement le jugement du 13 juillet 2020 en ce qu'il a :

' rejeté la condamnation de la SA EDF à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,

' rejeté la demande d'assortir d'une astreinte la condamnation de la SA EDF aux travaux d'entretien du pont des [Y].

Statuant à nouveau,

- condamner la SA EDF à procéder aux travaux d'entretien du pont des [Y], traversant le cours d'eau l'Argens, sur la commune de [Localité 5] et [Localité 4], lui appartenant, selon devis contenu en page 87 du rapport d'expertise judiciaire du 31 mai 2018 pour un montant de 379 969, 44 euros incluant la réalisation des études d'exécution ainsi qu'un contrôle extérieur et la rédaction d'un rapport de fin de chantier et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir,

- condamner la SA EDF à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance,

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-3 du code civil,

- condamner la SA EDF à lui verser la somme de 10 000 au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens d'appel comprenant ceux du 29 mars 2017, du procès-verbal de constat du 7 octobre 2016 et des frais d'expertise judiciaire s'élevant à la somme de 26 150 euros.





Mme [Y] épouse [H] fait valoir que la convention du 17 février 1903 contient l'engagement de procéder à l'entretien du pont des [Y] et que celui-ci devant être effectué régulièrement, il s'agit d'un contrat à exécution successive. Elle invoque alors la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, dans le cadre d'un tel contrat et si aucun terme n'est prévu, il s'agit d'un convention à durée indéterminée que chaque partie peut résilier unilatéralement. Or, elle considère que la SA EDF n'a jamais manifesté une telle volonté et qu'au contraire elle a reconnu son obligation en répondant favorablement en 2003 à une demande de sa part d'apposer un panneau de signalisation.

De plus, l'intimée conteste les arguments de la SA EDF et considère que la convention lui est opposable, puisque les engagements n'ont pas été pris intuitu personae et qu'elle tire toujours des avantages de cet acte au regard de la ligne enterrée accrochée au tablier du pont et de l'usage du barrage.



L'intimée soutient que la SA EDF est tenue de procéder aux travaux de réfection du pont tels que précisés par le rapport d'expertise judiciaire qui conclut que le non-entretien du pont est la cause des désordres constatés et ce à deux titres ; d'une part puisqu'il s'agit d'un manquement à son obligation d'entretien qui engage sa responsabilité ; d'autre part, puisqu'au regard de l'existence d'un transformateur et de câbles électriques qui profitent à la SA EDF, le fonds de Mme [Y] épouse [H] est grevé d'une servitude de passage obligeant l'appelante à les entretenir en application de la jurisprudence.



Mme [Y] épouse [H] conteste la demande de nullité du rapport d'expertise et fait valoir qu'il préconise uniquement des travaux d'entretien et nullement la reconstruction du pont.



L'intimée considère qu'elle subit un préjudice de jouissance au regard de la durée prévue de quatre mois des travaux nécessaires à la remise en état du pont. Ainsi, elle fait valoir que la fermeture du pont entraîne un allongement de son temps de trajet et de kilomètres à effectuer, mais également que cela entraînera des difficultés pour la culture du vignoble que son fils exploite.



Enfin, Mme [Y] épouse [H] sollicite que la condamnation à la réalisation des travaux d'entretien soient assortie d'une astreinte en faisant valoir qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire la nécessité d'un entretien urgent. Elle considère que cette demande est justifiée eu égard à la résistance de la SA EDF qui pourrait ne pas s'exécuter spontanément.



Vu l'avis de fixation pour l'audience du 6 mars 2024 et l'ordonnance de clôture rendue le 7 février 2024 ;






MOTIFS



Sur l'opposabilité de l'acte signé le 17 février 1903 à la Sa EDF



Cet acte, signé entre la société EELM et M. [M] [B] prévoit que celui-ci autorise formellement la société EELM à créer dans la rivière de l'Argens à l'emplacement de l'ancien barrage, un barrage surélevé de 3 mètres au-dessus du niveau actuel se trouvant sur les parcelles lui appartenant.

L'acte ajoute que 'la société EELM aura dès aujourd'hui, et pour toujours, le droit d'user et de jouir de la dite autorisation présentement donnée, et en supportera les charges s'il y a lieu aussi à compter de ce jour.'



Ledit acte ne précise pas la durée durant laquelle la société d'électricité devra en supporter les charges, de sorte qu'il appartient à la cour de rechercher quelle était la commune intention des parties à la date de la signature.

La rédaction de la seconde partie de cette phrase, indiquant que la société en 'supportera les charges s'il y a lieu aussi à compter de ce jour' consacre une symétrie des obligations auxquelles ont entendu se soumettre les parties à la date de la signature de l'acte, son entretien étant le corollaire du droit d'usage consenti à la société EELM par M. [M] [B].



Il convient donc d'écarter le moyen tiré de l'inopposabilité de cet acte à la société EDF.



Sur la prohibition des engagements perpétuels



S'il est acquis en droit que les engagements perpétuels sont prohibés, la sanction n'apparaît pas pour autant être la nullité du contrat en sa globalité.















Il s'en suit que devant être considéré comme un contrat à durée indéterminée, cet engagement doit pouvoir faire l'objet d'une résiliation unilatérale soumise aux exigences du droit commun.

Or, la Sa EDF n'allègue ni ne démontre avoir souhaité mettre un terme à cette convention par un quelconque moyen.



Au surplus, contrairement à ce qu'indique l'appelante, la circonstance que l'acte mentionne son propriétaire d'alors, M. [M] [B], et non la propriétaire actuelle du fonds concerné, ne confère pas à cette convention un caractère personnel non transmissible, la totalité des stipulations visant un fonds et la société EDF et avant elle la société Energie Électrique du Littoral Méditerranéen ont poursuivi l'usage du barrage situé sur les parcelles litigieuses sans jamais remettre en question le caractère réel de l'accord passé avec le propriétaire initial du fonds.



Il convient donc d'écarter ce moyen tiré de la prohibition des engagements perpétuels.



Sur l'obligation d'entretien de la Sa EDF



Il doit d'emblée être souscrit aux observations de la Sa EDF quant à l'absence d'obligation de mise aux normes du pont en vue de permettre le passage régulier de véhicules pensant plus de 5,5 tonnes, l'acte authentique du 17 février 1903 précisant que la traversée de ces véhicules doit être prise en charge par la société Energie Électrique sous réserve d'un préavis de 48 heures, hors périodes de crue, induisant ainsi un caractère exceptionnel à ces passages, auquel il serait apporté une réponse temporaire et non définitive.



Il doit à cet égard être relevé que l'expert judiciaire dès son pré-rapport, a pris en compte le caractère occasionnel et ponctuel d'un passage de véhicules d'une charge supérieure à cinq tonnes.



L'appelante relève tout aussi justement que conformément à l'acte du 17 février 1903 le propriétaire du fond a l'obligation d'assurer la police de l'accès aux tiers à ce pont, de sorte qu'il ne peut être imputé à la Sa EDF la charge des réparations dues aux dommages causés par des passages excessifs de tiers sur le pont.



En revanche, ces éléments, pour établis qu'ils soient, ne sont pas, contrairement à ce qu'allègue la Sa EDF, de nature à la dispenser de son obligation d'entretien du pont telle que prévue par les stipulations discutées.

Celle-ci ne justifie pas avoir respecté cette obligation d'entretien à laquelle elle est soumise, de sorte qu'elle doit être condamnée à l'exécuter.



L'expert judiciaire désigné par le président du tribunal conclut à un coût pour les frais relatifs à l'entretien de la passerelle, à la charge de la Sa EDF, de 379 969,44 euros, laissant en sus de cette somme, à la charge de Mme [H] la somme de 58 278 euros au titre des chocs causés sur la structure en raison des multiples passages autorisés sur le pont.



Sur la nullité du rapport d'expertise



Considérant qu'il existe une contradiction entre les comptes rendus et le rapport d'expertise, la Sa Edf en déduit que ledit rapport est entâché de nullité.

Ce moyen ne consacre pas une nullité, laquelle s'entend du non respect formel et déontologique de ses obligations par l'expert judiciaire, mais constitue en réalité un moyen de défense au fond tendant à écarter les conclusions de l'expert.



Il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. [E].

Sur l'évaluation du montant des travaux



L'expert, reprenant les conclusions et le devis du sapiteur, a considéré que bien que le pont soit encore en état de marche, comme l'indique également l'expert amiable sollicité en cause d'appel par la Sa EDF, celui-ci n'ayant jamais été entretenu depuis sa construction, nécessite une révision et un reconditionnement.







A l'inverse de ce qu'indique le cabinet Anticorr Conseil, l'expert judiciaire, non contesté sur ce point, relève que l'ancienne peinture contient du plomb et doit être retirée car elle n'est plus aux normes.

Le devis produit par l'expert judiciaire et son sapiteur comprend certes quelques réparations, laissées à la charge de la propriétaire, mais également et principalement, la peinture de l'ouvrage, étant observé que la préparation du site et la désinstallation du chantier sont d'un montant élevé justifié par la présente de plomb et d'amiante.

Il n'est ainsi pas valablement contesté par la production d'un rapport amiable le montant des réparations retenu par l'expert judiciaire, de sorte qu'il convient, sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner une contre expertise, de confirmer le jugement en ce qu'il a mis à la charge de la Sa EDF les travaux d'entretien du pont tels qu'évalués par l'expert judiciaire à la somme de 379 969, 44 euros incluant la réalisation des études d'exécution ainsi qu'un contrôle extérieur et la rédaction d'un rapport de fin de chantier.



Sur la demande au titre du préjudice de jouissance



C'est à juste titre que le tribunal a considéré, comme relevé par l'expert judiciaire, que la fermeture temporaire du pont n'annulerait pas la possibilité des riverains et exploitants agricoles d'accéder à leurs parcelles.

En outre, la convention objet du litige n'a pas prévu d'indemnisation du propriétaire du fond durant la période des travaux d'entretien.



Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande.



Sur la demande d'astreinte



Quoi qu'il soit établi par le rapport d'expertise judiciaire, et au demeurant non contesté, qu'aucun entretien n'a été effectué sur le pont depuis la signature de la convention objet du présent litige, il n'apparaît pour autant pas que cet entretien revête un caractère d'urgence tel qu'il faille assortir d'une astreinte la condamnation de la Sa EDF, la cour ne pouvant déduire du positionnement procédural de cette dernière un refus d'exécuter la décision.



Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté cette demande.



Sur les frais du procès



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.



Succombant la Sa EDF sera condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel.



Elle sera par ailleurs condamnée à régler la somme de 3 000 euros à Mme [D] [Y] épouse [H] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.







PAR CES MOTIFS





La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Rejette la demande tendant au prononcé de la nullité du rapport d'expertise judiciaire ;



Dit n'y avoir lieu à homologuer le rapport établi par la société Anticorr Conseil le 11 février 2021;



Rejette la demande tendant au prononcé d'une contre-expertise ;



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour ;



Y ajoutant,



Déboute la Sa EDF de sa demande au titre des frais irrépétibles et des dépens ;



Condamne la Sa EDF aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.



Condamne la Sa EDF à régler à Mme [D] [Y] épouse [H] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

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