29 mars 2024
Cour d'appel de Douai
RG n° 22/00120

Sociale B salle 1

Texte de la décision

ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 291/24



N° RG 22/00120 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCM2



MLBR/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

13 Décembre 2021

(RG 21/00064 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [R] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S. START PEOPLE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Florence FARABET ROUVIER, avocat au barreau de PARIS







DÉBATS : à l'audience publique du 16 Janvier 2024



Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.



GREFFIER : Annie LESIEUR



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ







Marie LE BRAS



: PRÉSIDENT DE CHAMBRE





Patrick SENDRAL



: CONSEILLER





Clotilde VANHOVE



: CONSEILLER









ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 02 Janvier 2024






EXPOSÉ DU LITIGE':



A la suite de l'exécution de plusieurs contrats de travail temporaire à partir du 2 décembre 2019, M. [R] [P] a été embauché par la SAS Start People, agence de travail temporaire, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée intérimaire à compter du 3 février 2020, avec une rémunération mensuelle minimale garantie de

2 093,04 euros pour un temps d'emploi fixé à 151,67 heures par mois, couvrant à la fois 'les temps de travail effectif des périodes de mission et les périodes non travaillées d'intermission'.



Le 6 octobre 2020, M. [P] a été convoqué à un entretien fixé au 15 octobre 2020 préalable à un éventuel licenciement. Par ce même courrier, son employeur lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.



Par courrier recommandé du 20 octobre 2020, la société Start People lui a notifié son licenciement pour faute grave lui reprochant de ne pas s'être présenté sur le lieu d'une mission le 21 septembre 2020 sans communiquer un justificatif d'absence et ce malgré le courrier de relance du 23 septembre 2020 et la mise en demeure du 30 septembre 2020.



Par requête du 26 février 2021, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque afin de contester la rupture de son contrat de travail et d'obtenir diverses indemnités liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.



Par jugement contradictoire du 13 décembre 2021 le conseil de prud'hommes de Dunkerque a':

- débouté M. [P] de ses demandes,

- condamné M. [P] à payer à la société Start People la somme de 650 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.



Par déclaration reçue au greffe le 27 janvier 2022, M. [P] a interjeté appel du jugement en visant toutes ses dispositions.



Dans ses dernières conclusions déposées le 30 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [P]'demande à la cour d'infirmer le jugement rendu et statuant à nouveau de':

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Start People à lui payer les sommes suivantes':

*2 093,04 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 209,30 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

*1 062,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés y afférents de 106,26 euros bruts,

*213,15 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période du 21 au 23 septembre 2020, outre les congés payés y afférents de 21,31 euros,

*392,44 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,

*6 279,12 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter la société Start People de sa demande au titre de l'article 700 de première instance,

- condamner la société Start People à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.







Dans ses dernières conclusions déposées le 23 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens et prétentions, la société Start People demande à la cour de confirmer le jugement rendu, de débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, et y ajoutant de le condamner à lui payer la somme de

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 janvier 2024.




MOTIFS DE LA DÉCISION':



- sur le licenciement de M. [P] :



La faute grave privative du préavis prévu à l'article L1234-1 du même code est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend immédiatement impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis.



II appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d'une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse, le doute subsistant alors devant profiter au salarié.



Aux termes de la lettre de licenciement du 20 octobre 2020 qui fixe les limites du litige, la société Start People reproche à M. [P] de ne pas avoir exécuté la mission qui lui a été confiée du 21 au 23 septembre 2020 auprès de l'entreprise Ecloserie Marine de Gravelines, en ne se présentant pas de façon continue sur le lieu de mission, et de ne pas lui avoir communiqué de justificatif au titre de cette absence dans le délai de 48 heures prévu à cet effet, malgré un courrier de relance du 23 septembre 2020 et une mise en demeure du 30 septembre 2020.



M. [P] conteste la matérialité des faits reprochés, affirmant n'avoir jamais reçu l'ordre de mission et avoir contacté son employeur dès réception de la lettre de relance du 23 septembre 2020 pour s'en expliquer.



Il fait valoir que les pièces adverses sont insuffisantes à valoir preuve de sa réception avant le début de la mission et indique n'en avoir eu informatiquement connaissance à travers le dispositif COFFREO que le 29 septembre 2020 après la lettre de relance. Il soutient ne jamais avoir signé même électroniquement l'ordre de mission et que l'identification de l'auteur de la signature électronique figurant sur la pièce adverse est impossible.



Arguant de sa bonne foi, et rappelant que c'est le premier incident depuis le début du contrat, M. [P] estime enfin que les faits ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier la rupture immédiate du contrat.



Pour sa part, la société Start People prétend justifier de la bonne réception de l'ordre de mission qu'elle dit avoir envoyé le 18 septembre 2020 par SMS et mail, grâce au système COFFREO qui est un espace personnel sécurisé permettant au salarié de centraliser ses documents tels que ses contrats et de les signer en ligne.







Cependant, les pièces 2 et 3 de la société Start People ne suffisent pas à prouver avec certitude la réception par M. [P] de l'ordre de mission dès le 18 septembre 2020.



En effet, la copie d'écran de l'historique de messages envoyés produit par la société Start People en sa pièce 2 est en partie illisible et à supposer que le message qui y figure ait bien été envoyé le 18 septembre 2020 et non le 10 septembre, la seule mention informatique 'reçu' sans justificatif de cette réception informatique, ne peut valoir preuve de son effectivité. Il est en outre fait mention d'une heure d'envoi ou de réception, totalement différente de celle figurant dans l'attestation du président de COFFREO.



Cette copie d'écran fait par ailleurs uniquement référence à l'envoi d'un SMS. La société Start People, en s'appuyant sur l'attestation du président de COFFREO, affirme que l'ordre de mission a également été envoyé par mail, mais elle n'en produit aucune copie, ni accusé réception.



Il ne se déduit pas non plus avec certitude du fait que M. [P] l'ait éventuellement signé le 29 septembre 2020, soit bien après le début de la mission, qu'il l'a effectivement reçu dès le 18 septembre 2020.



Les pièces de l'intimée ne suffisent donc pas à écarter le doute persistant quant à la réception effective par M. [P] de la lettre de mission avant le début de celle-ci et ce d'autant que M. [P] avait exécuté jusqu'à présent l'ensemble des missions qui lui avaient été confiées sans critique particulière de la part de la société Start People.



Dès lors que le premier grief visé dans la lettre de licenciement n'est pas établi avec certitude, il ne peut raisonnablement être reproché à M. [P] de ne pas avoir justifié de son absence.



La matérialité des manquements allégués n'étant pas démontrée, il convient par voie d'infirmation de retenir que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.



M. [P] justifiant d'une ancienneté de 10 mois après prise en compte des missions d'interim exécutées à compter du 2 décembre 2019 au profit de la société Start People, il sera fait droit à la demande de M. [P] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement.



Dès lors que la faute grave n'a pas été retenue, M. [P] est également fondé à obtenir le versement du salaire correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire, soit 1062,60 euros, outre 106,26 euros de congés payés y afférents, ainsi que celui retenu indument au titre des 3 jours d'absence du 21 au 23 septembre 2020.



M. [P] sollicite également une indemnité de 6 279,12 euros correspondant à 3 mois de salaire en réparation du préjudice résultant de son licenciement injustifié.



Toutefois, au regard de son âge, 47 ans, de sa faible ancienneté, et surtout du fait qu'il justifie avoir été réembauché par une autre société de travail temporaire dès novembre 2020, il convient, à défaut d'autre élément sur l'étendue de son préjudice, de limiter la réparation du préjudice qui est nécessairement résulté de la perte injustifiée de son emploi, à la somme de 800 euros.











- sur les demandes accessoires :



Au vu de ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.



Partie perdante, la société Start People devra supporter les dépens de première instance et d'appel.



L'équité commande de débouter les parties de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,



La cour par arrêt contradictoire,



INFIRME le jugement entrepris en date du 13 décembre 2021 en toutes ses dispositions;



statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,



DIT que le licenciement de M. [P] est sans cause réelle et sérieuse ;



CONDAMNE la société Start People payer à M. [P] les sommes suivantes :

-2 093,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 209,30 euros au titre des congés payés y afférents,

-1 062,60 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 106,26 euros de congés payés y afférents,

-213,15 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 21 au 23 septembre 2020, outre 21,31 euros de congés payés y afférents,

-392,44 euros net à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 800 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;



DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;



DIT que la société Start People supportera les dépens de première instance et d'appel.









LE GREFFIER







Serge LAWECKI







LE PRESIDENT







Marie LE BRAS

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