12 février 2024
Cour d'appel de Nancy
RG n° 22/02877

Chambre sociale-2ème sect

Texte de la décision

ARRÊT N° /2024

PH



DU 12 FEVRIER 2024



N° RG 22/02877 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FDCY







Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F 21/00343

09 décembre 2022











































COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2













APPELANTE :



S.A.S.U. ORAPI HYGIENE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Pierre LAMY de la SELARL SOCIUM AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉ :



Monsieur [E] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Anne GRANDIDIER, avocat au barreau de NANCY







COMPOSITION DE LA COUR :



Lors des débats, sans opposition des parties



Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseiller : STANEK Stéphane,





Greffier lors des débats : RIVORY Laurène





Lors du délibéré,



En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 16 Novembre 2023 tenue par Raphaël WEISSMANN, Président, et Stéphane STANEK, conseiller, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en ont rendu compte à la Cour composée de Raphaël WEISSMANN, président, [E] BRUNEAU, Stéphane STANEK, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 08 Février 2024 ; puis à cette date le délibéré a été prorogé au 12 Février 2024 ;



Le 12 Février 2024 , la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :




EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES



Monsieur [E] [G] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société PRO HYGIENE SERVICE EST, rachetée par la société SASU ORAPI HYGIENE, à compter du 23 mai 1989, en qualité de technicien SAV.



Le 19 mars 2008, le salarié a été victime d'un accident du travail à la suite duquel un accident du travail de rechute est intervenu le 22 janvier 2019, reconnu par la CPAM de Meurthe-et-Moselle par décision 01 octobre 2020.



Par décision du 26 janvier 2021 de la médecine du travail dans le cadre d'une visite de reprise, Monsieur [E] [G] a été déclaré inapte à son poste de travail, précisant qu'un reclassement sur un poste non itinérant avec aménagement ergonomique et restrictions spécifiques.



Par courrier du 15 février 2021, Monsieur [E] [G] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement.



Par courrier du 01 mars 2021, Monsieur [E] [G] a été licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle avec impossibilité de reclassement.



Par requête du 27 juillet 2021, Monsieur [E] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire et juger que son inaptitude a une origine professionnelle ayant un lien au moins partiel avec son accident du travail du 19 mars 2008,

- de dire et juger que les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail doivent recevoir applications,

- de condamner la société SASU ORAPI HYGIENE à payer à Monsieur [E] [G] les sommes suivantes :

- 27 734,81 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- 5 618,54 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis,

- d'ordonner la rectification du dernier bulletin de salaire et de l'attestation Pôle Emploi conformément à la décision à intervenir, sous astreinte de 80,00 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours suivant le jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- de condamner la société SAS ORAPI HYGIENE à payer à Monsieur [E] [G] une somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société SASU ORAPI HYGIENE aux entiers dépens de l'instance, dont ceux liés à l'exécution du jugement.



Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 09 décembre 2022, lequel a :

- dit que l'inaptitude de Monsieur [E] [G] avait effectivement une origine professionnelle,

- condamné la société SAS ORAPI HYGIENE à payer à Monsieur [E] [G] les sommes suivantes :

- 27 734,81 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- 5 618,54 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis,

- 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- rappelé l'exécution provisoire de droit,

- ordonné à la société SAS ORAPI HYGIENE la rectification du dernier bulletin de salaire et de l'attestation Pôle Emploi et ce sous astreinte de 10,00 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société SAS ORAPI HYGIENE aux entiers dépens.



Vu l'appel formé par la société SASU ORAPI HYGIENE le 21 décembre 2022,



Vu l'article 455 du code de procédure civile,



Vu les conclusions de la société SASU ORAPI HYGIENE déposées sur le RPVA le 05 septembre 2023, et celles de Monsieur [E] [G] déposées sur le RPVA le 09 juin 2023,



Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 octobre 2023,



La société SASU ORAPI HYGIENE demande :

- de déclarer recevable et bien fondé l'appel de la société SASU ORAPI HYGIENE,

- d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

*

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que la société SASU ORAPI HYGIENE n'avait pas connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de Monsieur [E] [G] au moment du licenciement,

- en conséquence, de débouter Monsieur [E] [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

*

En tout état de cause :

- de condamner Monsieur [E] [G] à payer à la société SASU ORAPI HYGIENE la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Monsieur [E] [G] aux entiers dépens.



Monsieur [E] [G] demande :

- de dire et juger l'appel formé par la société SAS ORAPI HYGIENE recevable mais mal fondé,

- en conséquence, de débouter de l'intégralité de ses demandes,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes rendu le 09 décembre 2022, en ce qu'il a :

- dit que l'inaptitude de Monsieur [E] [G] avait effectivement une origine professionnelle,

- condamné la société SAS ORAPI HYGIENE à payer à Monsieur [E] [G] les sommes suivantes :

- 27 734,81 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- 5 618,54 euros au titre de l'indemnité équivalente à l'indemnité de préavis,

- 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*

Y ajoutant :

- de condamner la société SAS ORAPI HYGIENE à payer à Monsieur [E] [G] une somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel,

- de condamner la société SAS ORAPI HYGIENE aux entiers dépens de l'instance.




SUR CE, LA COUR



Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières conclusions de la société SASU ORAPI HYGIENE déposées sur le RPVA le 05 septembre 2023, et de Monsieur [E] [G] déposées sur le RPVA le 09 juin 2023.



Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude :



Monsieur [E] [G] expose qu'il a été victime d'un premier accident du travail le 19 mars 2008 (pièces n° 13 et 14), puis d'un second accident le 22 janvier 2019 (pièce n° 15).



Ce second accident, après un premier refus, a finalement été pris en charge, le 19 février 2020, par la CPAM au titre d'une rechute du premier accident, après expertise médicale (pièces n° 18 et 22).



Après la visite de reprise du 26 janvier 2021, le médecin du travail le déclarait inapte à son poste actuel (pièce n°3) et son employeur le licenciait par lettre du 1er mars 2021 pour inaptitude avec impossibilité de reclassement (pièces n° 6 à 8).



Monsieur [E] [G] fait valoir qu'au moment de lui notifier son licenciement, l'employeur avait connaissance de l'existence d'un lien, au moins partiel, entre l'inaptitude et l'accident du travail du 19 mars 2008, qui était suivi de la rechute du 22 janvier 2019, déclarée comme telle le 19 février 2020.



Il indique notamment que la décision de la CPAM du 1er octobre accordant à Monsieur [E] [G] l'indemnisation de son arrêt de travail au titre de la législation relative aux risques professionnels, à compter de la date de rechute, a nécessairement été adressée à son employeur ; que ce dernier a reçu pour information copie d'un courrier que lui a adressé la CPAM, le 5 novembre 2020, faisant clairement état du caractère professionnel de la rechute du 19 février 2020 (pièce n° 8 de l'intimée) ; que le médecin du travail lui a remis après la visite de reprise un formulaire de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude complété en ces termes : « Je soussignée, Docteur [U] [L], certifie avoir établi le 26/01/2021 un avis d'inaptitude pour Monsieur [E] [G] qui est susceptible d'être en lien avec l'accident du travail ou la maladie professionnelle en date du 19/03/2008 », dont son employeur a eu connaissance (pièces n° 5 et 5 bis de l'intimé).



La société ORAPI HYGIENE fait valoir que le caractère professionnel de l'inaptitude n'est pas démontré ; qu'ainsi le lien fait a posteriori entre l'accident de 2008 et une rechute en 2020 ne permet pas de conclure sur l'origine de l'inaptitude prononcée en 2021, qui peut avoir une autre cause, notamment une maladie que la CPAM, en 2016, a refusé de reconnaître comme professionnelle (pièce n° 17).



Elle fait valoir en outre qu'à la date du licenciement, elle n'avait été informée que du refus de la CPAM de prendre en charge l'incident du 22 janvier 2019 au titre de la législation sur les accidents du travail (pièce n° 6), puis de son refus initial de prendre en charge cet incident au titre de la rechute de l'accident du travail de 2008 (pièce n° 7) et qu'elle n'avait pas reçu d'autre document de cet organisme.



A cet égard, l'employeur affirme n'avoir pas eu connaissance du courrier adressé par la caisse le 5 novembre 2020 que dans le cadre de la procédure contentieuse et expose que l'attestation délivrée par le médecin du travail au salarié le 26 janvier 2021 ne peut être pris en compte, ce dernier ne pouvant substituer son appréciation personnelle à celle de la CPAM.



Motivation :



- Sur le caractère professionnel de l'inaptitude :



Il ressort des pièces produites par le salarié que ce dernier a été victime d'un accident du travail le 25 mars 2008 alors qu'il portait une charge lourde. Il en est résulté une « lombosciatique type de gauche » (pièce n° 13).



Il en ressort également que le 22 janvier 2019, il s'est présenté au service des urgences à la suite d'un incident survenu le même jour, lors du dépannage d'une machine, et qu'il lui a été diagnostiqué des « lombalgies avec irradiations au niveau du bord externe du pied gauche suite à port de charges » (pièce n° 15 et 16).



Ce même diagnostic figure sur les fiches d'arrêt maladie transmise à la CPAM à partir du 22 janvier 2019 et jusqu'au 27 janvier 2021, celles-ci mentionnant des « lombosciatalgies type S1 gauche » (pièce n° 21).



A la suite d'une expertise ordonnée par la CPAM, le médecin expert a conclu le 3 septembre 2020, que « la rechute du 19 février 2020 est imputable à l'accident du travail du 19 mars 2008 » (pièce n° 22 et 23).



Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'affection dont souffre Monsieur [E] [G] a été continue du 19 février au 21 janvier 2021, date à laquelle son inaptitude à son poste a été constatée par le médecin du travail et que cette affection avait le caractère d'une rechute, imputable à l'accident du travail du 19 mars 2008.



En conséquence, l'inaptitude de Monsieur [E] [G] a bien une origine professionnelle.



- Sur la connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude par l'employeur :



Parmi les pièces produites par l'employeur figure un courrier, portant la mention « copie », que la CPAM adressé le 5 novembre 2020 à Monsieur [E] [G], indiquant que la date de consolidation de son accident du travail du 19 mars 2008 est fixée au 30 novembre 2020.



Si l'employeur affirme qu'il n'a eu connaissance de cette pièce qu'au cours de l'instance prud'homale, il n'indique pas la raison pour laquelle il la produit, ni à quelle date il s'est trouvé en sa possession, ni comment il s'est trouvé en sa possession. A cet égard, la cour constate qu'il ne prétend pas que cette pièce lui a été communiquée par Monsieur [E] [G].



En conséquence, l'employeur doit être présumé avoir également été destinataire, en copie, de ce courrier le 5 novembre 2020, préalablement donc à la date de licenciement pour inaptitude.



En outre, il a également été destinataire de l'attestation du médecin du travail indiquant que l'inaptitude de Monsieur [E] [G] est susceptible d'être en lien avec l'accident du travail 19 mars 2008 (pièces n° 5 et 5 bis de l'intimé).



Dès lors, il se déduit de ces documents que l'employeur a eu connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude préalablement au licenciement du salarié.



Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point.



Sur la demande de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail :



Monsieur [E] [G] demande à ce titre la somme de 27 734,81 euros.



Motivation :



L'inaptitude de Monsieur [E] [G] étant d'origine professionnelle, il sera fait droit à sa demande, dont l'employeur ne conteste pas à titre subsidiaire le montant.



Sur la demande d'une indemnité égale au montant de l'indemnité de préavis prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail :



Monsieur [E] [G] demande à ce titre la somme de 5618,54 euros.



Motivation :



L'inaptitude de Monsieur [E] [G] étant d'origine professionnelle, il sera fait droit à sa demande, dont l'employeur ne conteste pas à titre subsidiaire le montant.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :



La société ORAPI HYGIENE devra verser à Monsieur [E] [G] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et sera déboutée de sa propre demande.



La société ORAPI HYGIENE sera condamnée aux dépens.



PAR CES MOTIFS



La Cour, chambre sociale, statuant contradictoirement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,



CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes en ses dispositions soumises à la cour ;



Y AJOUTANT



Condamne la société ORAPI HYGIENE à verser à Monsieur [E] [G] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile



Déboute la société ORAPI HYGIENE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la société ORAPI HYGIENE aux dépens.





Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.



LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE









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