12 février 2024
Cour d'appel de Metz
RG n° 22/00594

Chambre Sociale-Section 3

Texte de la décision

Arrêt n° 24/00080



12 Février 2024

---------------

N° RG 22/00594 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FWCW

------------------

Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social



14 Janvier 2022

17/01718

------------------

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ



CHAMBRE SOCIALE

Section 3 - Sécurité Sociale





ARRÊT DU



douze Février deux mille vingt quatre





APPELANTE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MEUSE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Mme [J], munie d'un pouvoir spécial



INTIMÉE :



Société [11]- NOUVELLE DENOMINATION DE LA SOCIETE [8] - VENANT AUX DROITS DE [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle RAFEL, avocat au barreau de TOULOUSE



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre

Mme Carole PAUTREL, Conseillère

Mme Anne FABERT, Conseillère



Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MATHIS, Greffier



ARRÊT : Contradictoire





Prononcé publiquement après prorogation du 22.01.2024

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



Signé par Monsieur Philippe ERTLE, Président de Chambre, et par Madame Sylvie MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


EXPOSE DU LITIGE



M. [R] [C] a travaillé pour le compte de la société [6] (anciennement [12], devenue depuis société [5], comme mécanicien d'usinage- service outils de fabrication de 1994 à 2009, date à laquelle il a été admis à la retraite.



Le 17 octobre 2016, M. [R] [C] a adressé à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM ou Caisse) de Meuse une déclaration de maladie professionnelle, et a joint un certificat médical initial établi le 14 avril 2016 par le docteur [L], faisant notamment état d'un « adénocarcinome d'architecture papillaire ».



La Caisse a transmis cette déclaration à la société [6], reprise par la suite par la société [5], puis l'a informée d'un délai complémentaire d'instruction le 16 janvier 2017, de la consultation possible du dossier avant décision par courrier du 16 mars 2017, avant de lui notifier le 7 avril 2017 sa décision de prise en charge de la maladie déclarée au titre de la législation relative aux risques professionnels (cancer broncho-pulmonaire ' tableau 30 bis).



Le 8 juin 2017, la société [5] a saisi la Commission de Recours Amiable (CRA) de la Caisse afin de se voir déclarer inopposable cette prise en charge.



En l'absence de réponse de la CRA de la Caisse dans le délai d'un mois suivant sa saisine, la société [5] a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de la Moselle, devenue depuis Pôle social du tribunal de grande instance de Metz, par requête expédiée le 25 juillet 2017.



La CRA de la Caisse a rejeté le recours de l'employeur par décision du 13 septembre 2017. La société [5] a formé un nouveau recours devant le TASS de la Moselle contre cette décision explicite de rejet, par courrier expédié le 6 novembre 2017.



Les deux recours ont fait l'objet d'une jonction par décision du TASS de la Moselle du 15 mars 2019.



Par jugement prononcé le 14 janvier 2022, le Pôle social du Tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a statué de la façon suivante :

- Déclare recevable en son recours la société [5], aux droits de laquelle est venue la société [8] qui a pris la dénomination de [11] ;

- Déclare inopposable à la société [5], aux droits de laquelle est venue la société [8], qui a pris la dénomination de [11], la décision de prise en charge de la maladie professionnelle 30 bis de M. [C], émise par la CPAM de la Meuse le 7 avril 2017 ;

- Condamne la CPAM de la Meuse aux entiers frais et dépens ;

- Dit que la décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.



Par lettre recommandée expédiée le 18 février 2022, la CPAM de la Meuse a interjeté appel de cette décision qui lui avait notifiée par LRAR reçue le 10 février 2022.



Par conclusions récapitulatives et responsives n°3 datées du 6 octobre 2023 et soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son conseil, la CPAM de la Meuse demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Metz en date du 14 janvier 2022 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dire et juger que le principe du contradictoire a été pleinement respecté au cours de l'instruction de la demande de M. [C] ;

Dire et juger que les conditions du tableau n°30 bis des maladies professionnelles étaient remplies ;

En conséquence,

Dire et juger que c'est à bon droit que la CPAM de la Meuse a pris en charge la maladie de M. [R] [C] au titre de la législation professionnelle ;

Déclarer opposable à la SAS [11] la prise en charge du 7 avril 2017 ;

Débouter la SAS [11] de sa demande de retrait de toute imputation à son compte employeur des conséquences financières de la maladie professionnelle de M. [C] ;

Débouter la SAS [11] de l'ensemble de ses demandes.



Par conclusions d'intimée n°2 datées du 4 octobre 2023 soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie par son représentant, la SAS [11] venant aux droits de la société [5] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement querellé par substitution de moyens ;

- Juger la décision de prise en charge en date du 7 avril 2017 inopposable à la SAS [11] ;

- Juger que la pathologie prise en charge selon décision en date du 7 avril 2017 n'est pas imputable à la SAS [11] ;

- Ordonner le retrait de toute imputation financière, en lien avec la pathologie et l'incapacité de travail de M. [R] [C] du compte employeur de la SAS [11] ;

- Condamner la CPAM de la Meuse aux dépens.



Les parties, régulièrement représentées par leur conseil à l'audience du 16 octobre 2023 où l'affaire a été retenue, ont été entendues en leurs observations.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est expressément renvoyé aux écritures des parties et à la décision entreprise.




SUR CE,



SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE D'INSTRUCTION PAR LA CPAM



La SAS [11] soulève l'irrégularité de la procédure suivie par la Caisse aux motifs que celle-ci a modifié la date de première constatation médicale de la maladie déclarée par M. [R] [C] sans l'en informer en cours d'instruction, de sorte que s'agissant d'un point susceptible de lui faire grief, elle n'a pas respecté le principe du contradictoire. Elle ajoute qu'elle ne l'a pas davantage informé de l'élément médical ayant fondé le médecin conseil à prendre cette décision, la date de prise en charge du ticket modérateur n'étant pas un élément médical mais une donnée purement administrative.



La Caisse répond qu'elle a respecté la procédure, soulignant que la date de première constatation médicale relève des seules prérogatives du médecin conseil, qu'elle figurait dans le dossier mis à disposition de l'employeur au moment de la clôture de l'instruction, et que la SAS [11] n'a fait aucune observation au moment de la consultation du dossier. Elle précise enfin qu'aucun texte n'impose une information spécifique de l'employeur en cas de changement de date de première constatation médicale de la maladie.



**********************



L'article R 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 10 juin 2016 au 1er décembre 2019, énonce que la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.



L'article R441-14 de ce même code dispose que, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et qu'à l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accident du travail ou trois mois en matière de maladie professionnelle à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.



L'alinéa 3 de cet article R441-14 du code de la sécurité sociale précise que, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R 441-13.



En l'espèce, il n'est pas contesté que la Caisse a transmis par courrier du 12 décembre 2016 à la société employeur la déclaration de maladie professionnelle formée par M. [R] [C] relativement à un « adénocarcinome d'architecture papillaire », accompagnée du certificat médical daté du 14 avril 2016 auquel il est fait référence dans le courrier.



Par la suite, la société [6] s'est vu notifier par la Caisse un courrier du 16 janvier 2017 relatif au délai complémentaire d'instruction mentionnant toujours la date du 14 avril 2016 au titre de la date de la maladie professionnelle (Date MP), puis un courrier du 16 mars 2017 portant la même mention relative à la date de la maladie professionnelle adressées à la société [5].



Aucune mention spécifique ne figure sur ces courriers concernant la modification de la date de première constatation portée au 1er avril 2016 suite à une décision du médecin conseil apparaissant sur le colloque médico-administratif daté du 13 mars 2017.



Toutefois, la SAS [11] ne conteste pas qu'elle a pu avoir connaissance de cette nouvelle date, ainsi que de l'élément sur lequel se fondait le médecin conseil pour prendre sa décision, dans le cadre de la consultation du dossier préalable à la décision annoncée par la Caisse pour le 5 avril 2017, ni qu'elle n'a formé aucune observation.



La modification de cette date, du 14 avril 2016 au 1er avril 2016, ne constitue toutefois pas un élément susceptible de faire grief à l'employeur, au vu du délai de prise en charge de 40 ans prévu au tableau 30 bis des maladies professionnelles pour la maladie déclarée, et compte tenu du fait que ce délai était respecté pour les deux dates au regard de la période d'activité de M. [R] [C] pour le compte de la société employeur.



Dès lors, il convient de constater que la Caisse a respecté son obligation d'information ainsi que le principe du contradictoire.



SUR LE CARACTERE PROFESSIONNEL DE LA MALADIE



La SAS [11] fait valoir que la Caisse ne démontre pas que les conditions, à la fois médicales et administratives, d'ordre public, du tableau 30 bis des maladies professionnelles, sont réunies.



Sur les conditions médicales



S'agissant des conditions médicales, la SAS [11] souligne la différence existant entre le nom de la maladie se trouvant sur le certificat médical initial et celui mentionné sur le tableau n°30 bis des maladies professionnelles, et précise que le caractère primitif du cancer n'est pas allégué par le certificat médical initial, le médecin conseil ne mentionnant par la suite aucune pièce médicale extrinsèque sur laquelle il aurait pu fonder la reconnaissance de ce caractère.



La Caisse estime que toutes les conditions médicales et administratives de la maladie inscrite au tableau 30 bis des maladies professionnelles sont réunies, précisant s'agissant des conditions médicales, que le médecin conseil a formellement reconnu comme réunies les conditions du tableau 30 bis pour qualifier la maladie professionnelle, et s'est basé sur un dossier médical complet, dont un protocole de soins précis, justifiant la qualification de « cancer broncho-pulmonaire primitif » retenue aux termes du colloque médico-administratif.



*******************************



Aux termes de l'article L 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées à ce tableau.



Le tableau n°30 bis désigne le cancer broncho-pulmonaire primitif comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 40 ans sous réserve d'une exposition de 10 ans, ainsi qu'une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette affection dont notamment les travaux d'entretien ou de maintenance effectués sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante.



Dans les rapports caisse-employeur, il appartient à la caisse de démontrer que les conditions du tableau des maladies professionnelles dont elle invoque l'application, en l'espèce, le tableau n° 30bis, sont remplies.



Néanmoins, il résulte de la combinaison de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale et du tableau 30 bis des maladies professionnelles qu'il appartient au juge du contentieux de la sécurité sociale, saisi d'un litige sur la désignation de la maladie, de rechercher si l'affection déclarée correspond à l'une des pathologies décrites par un tableau des maladies professionnelles, compte tenu des éléments de fait et de preuve produits par les parties.



En l'espèce, le certificat médical initial établi le 14 avril 2016 mentionne l'existence d'un «adénocarcinome d'architecture papillaire classé pT2aN0 traité par chimiothérapie (lobectomie supérieure droite avec curage ganglionnaire) exposition à l'amiante ».



Le médecin conseil reconnaît explicitement dans le colloque médico-administratif du 13 mars 2017 (pièce n°10 de la Caisse) que la maladie déclarée correspond à un cancer bronchopulmonaire primitif, rappelant le code syndrome de cette maladie, et faisant référence au certificat médical initial du 14 avril 2016, sans toutefois mentionner d'autres pièces médicales ou protocoles de soins dont il aurait pu avoir communication.



Si le certificat médical initial du 14 avril 2016 ne mentionne pas littéralement le caractère « primitif » du cancer diagnostiqué chez M. [R] [C], la référence à la classification TMD (pT2N0) est suffisante pour caractériser l'absence de métastase caractérisant les cancers primitifs, induite par la classification N0 retenue dans le certificat médical initial, cette classification étant un système international de classement des cancer, dont la connaissance est accessible notamment à la société employeur, du fait de sa publication.



Dès lors, l'interprétation du médecin conseil de la Caisse est fondée sur les éléments connus du dossier et est suffisamment documentée, de sorte que les conditions médicales de la maladie professionnelle inscrite au tableau 30 bis sont établies s'agissant de la maladie déclarée par M. [R] [C].



Sur les conditions administratives



La SAS [11] estime que la Caisse ne démontre pas l'exposition habituelle de M. [R] [C] au risque d'inhalation de poussières d'amiante pour la période de sa carrière où il a travaillé pour elle et relativement aux travaux qu'il a exécuté en son sein.



Elle précise que M. [R] [C] est entrée à son service en 1994, que l'enquête ne permet pas de démontrer une exposition au risque du fait de travaux tels que limitativement énumérés par le tableau, qu'en l'absence de témoignage les déclarations de M. [R] [C] sont insuffisantes à caractériser les tâches et travaux accomplis, et qu'une exposition d'ambiance ne correspond pas aux exigences du tableau 30bis.



La SAS [11] conclut à l'absence d'imputabilité à son encontre de la décision de prise en charge et souligne que la décision de la cour d'appel d'Amiens puis de la Cour de cassation du 9 décembre 2021 n'ont aucune autorité de la chose jugée du fait de l'absence d'identité des parties.





La Caisse explique que l'absence d'exposition invoquée par la SAS [11] relève du défaut d'imputabilité qui ne peut être contesté que dans le cadre d'une instance en recherche de la faute inexcusable, ou en contestation de la tarification, et ne peut aboutir à une inopposabilité de la prise en charge, celle-ci ne pouvant résulter que d'un non-respect des règles de procédure dans le cadre de l'instruction menée par la caisse.





****************************



Il est de jurisprudence constante que la prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle ne prive pas l'employeur auquel elle est opposable de la possibilité, en démontant qu'elle n'a pas été contractée à son service, d'en contester l'imputabilité si une faute inexcusable lui est reprochée ou si les cotisations d'accident du travail afférentes à cette maladie sont inscrites sur son compte.



S'agissant de l'opposabilité à l'employeur de la prise en charge par la caisse de la maladie ou de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels, si la conception procédurale de l'opposabilité a conduit pendant longtemps la jurisprudence à ne retenir comme moyen d'inopposabilité que les questions d'irrégularités de la procédure d'instruction menée par la caisse, il est désormais admis, depuis deux arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation des 11 octobre 2018 et 24 janvier 2019 (2ème Civ. 11/10/2018- pourvoi n°17-24.346 et 2ème Civ. 24/01/2019- pourvoi n°17-31.531) que l'inopposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge prononcée par la caisse pouvait également résulter de l'absence d'imputabilité de la maladie déclarée par le salarié à l'employeur.



L'imputabilité de la maladie résultant de l'exposition au risque du salarié victime, dans les conditions prévues par l'un des tableaux des maladies professionnelles, l'employeur est légitime à la contester au stade d'un recours en inopposabilité de la décision de prise en charge par la caisse de la maladie déclarée par le salarié victime.



Dès lors, la société [5], devenue SAS [11], est légitime à contester l'exposition au risque d'inhalation de poussières d'amiante de M. [R] [C] lorsqu'il a travaillé en son sein.



Il convient dans un premier temps de relever qu'il n'est pas contesté que la société [6], devenue société [5], puis SAS [11], n'a repris qu'en 1994 l'établissement de la société [12] où travaillait M. [R] [C], de sorte qu'elle n'a la qualité d'employeur du M. [R] [C] qu'à compter de cette date.



L'examen des pièces versées aux débats, constituant l'enquête effectuée par la Caisse suite à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle formée par M. [R] [C], montre que celui-ci a expliqué avoir été mécanicien d'entretien sur les machines de 1971 à 1985.



Le salarié précise dans son procès-verbal d'audition qu'il utilisait beaucoup d'amiante pour ce poste (cordelettes pour faire les joints ; colle à base d'amiante), et que lorsqu'il devait retirer les anciennes cordelettes, il devait gratter et meuler pour retirer complètement l'ancien joint abîmé ou pour changer ou réparer les pièces abîmées. Il ajoute qu'à partir de 1989, il a travaillé en montage de pièces pendant un an et demi, et était équipé de guêtres et de gants en amiante. Il conclut enfin la description de ses activités en précisant qu'à partir de fin 1990, il a occupé la fonction de tourneur sur cylindre de laminoirs sans être exposé à l'amiante.



En outre, l'attestation d'exposition versée aux débats, signée le 23 juillet 2009 par le médecin du travail et le représentant de la SA [6], mentionne que M. [R] [C] a été affecté à des travaux exposant à l'amiante de 1971 à 1987.



Par courriel du 10 février 2017, l'assistant ressources humaines de la société [5] répondait à l'agent enquêteur de la CPAM de la Meuse que « les documents en notre possession montrent que dans le cadre de son activité de mécanicien d'usinage au service outils de fabrication, (M. [R] [C]) n'était pas exposé à des travaux en contact avec l'amiante pendant sa période de travail au sein de notre société entre 1994 et 2009. En revanche, il était suivi médicalement en interne pour des expositions à l'amiante, survenu lors de son expérience professionnelle chez [13] ([Localité 7]-[Localité 9]-[Localité 10]) entre 1971 et 1994 »



Enfin, dans un courrier daté du 24 janvier 2017 adressé à la CPAM, la CARSAT Nord-Est estime que « M. [R] [C] a subi des expositions directes et d'intensité élevée aux poussières d'amiante de 1971 à 1989. Il a également subi une exposition d'ambiance aux poussières d'amiante de 1989 à 1994 qui a probablement perdurée de 1994 au début des année 2000 ».



Ces éléments, et la simple mention de la fonction de mécanicien d'usinage au service outils de fabrication de M. [R] [C] pendant sa période d'activité au sein de la société [5], sont insuffisants pour démontrer que M. [R] [C] a effectué, à compter de 1994, des travaux d'entretien ou de maintenance sur des équipements contenant des matériaux à base d'amiante.



En outre, l'exposition d'ambiance aux poussières d'amiante après 1994 de M. [R] [C], évoquée comme une probabilité par la CARSAT, ne constitue pas un des travaux limitativement énumérés au tableau 30 bis des maladies professionnelles permettant de mettre en 'uvre la présomption d'imputabilité de la maladie à l'employeur.



En conséquence, il convient de constater que l'exposition au risque d'inhalation des poussières d'amiante de M. [R] [C], dans les conditions visées au tableau n°30 bis des maladies professionnelles, a pris fin en 1990, soit antérieurement à la période, débutée en 1994 pendant laquelle M. [R] [C] a travaillé pour le compte de la société [5].



La maladie déclarée par M. [R] [C] n'était donc pas imputable à la société [5], devenue la SAS [11], et la décision de prise en charge prononcée le 7 avril 2017 par la CPAM de la Meuse ne lui est pas opposable.



Le jugement entrepris est confirmé en ce sens pour les motifs ci-dessus détaillés.



A défaut d'imputabilité et d'opposabilité à la SAS [11] de la maladie professionnelle déclarée par M. [R] [C] au tableau n°30 bis, il convient de dire qu'aucune conséquence financière en lien avec la maladie professionnelle de M. [R] [C] ne pourra être imputée sur le compte employeur de la SAS [11].



La CPAM de la Meuse étant la partie perdante à l'instance, elle doit être condamnée aux dépens d'appel, les dispositions du jugement de première instance relatives aux dépens étant confirmées par ailleurs, étant précisé que la CPAM de la Meuse n'est condamnée qu'aux seuls dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019.







PAR CES MOTIFS





La cour,



CONFIRME le jugement entrepris du pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 14 janvier 2022.



Statuant à nouveau et y ajoutant,



DIT que la maladie professionnelle de M. [R] [C], déclarée au titre de la maladie inscrite au tableau n°30 bis des maladies professionnelles, n'est pas imputable à la société [5], devenue SAS [11], et que la décision de prise en charge par la CPAM de la Meuse de cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels ne lui est donc pas opposable ;





DIT qu'aucune conséquence financière en lien avec la maladie professionnelle de M. [R] [C] déclarée au titre de la maladie inscrite au tableau n°30 bis des maladies professionnelles ne pourra être imputée sur le compte employeur de la SAS [11];



CONDAMNE la CPAM de la Meuse aux dépens de première instance engagés à compter du 1er janvier 2019 ainsi qu'aux dépens d'appel.





Le Greffier Le Président

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.