9 novembre 2023
Cour d'appel de Nîmes
RG n° 23/01049

Rétention_recoursJLD

Texte de la décision

Ordonnance N°954







N° RG 23/01049 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I7XZ











J.L.D. NIMES

08 novembre 2023













[X]





C/



LE PREFET DU VAR











COUR D'APPEL DE NÎMES



Cabinet du Premier Président



Ordonnance du 09 NOVEMBRE 2023





Nous, Madame Sandrine IZOU, Conseillère à la Cour d'Appel de NÎMES, conseiller désigné par le Premier Président de la Cour d'Appel de NÎMES pour statuer sur les appels des ordonnances des Juges des Libertés et de la Détention du ressort, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Céline DELCOURT, Greffière,




Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 23 avril 2023 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 06 novembre 2023, notifiée le même jour à 09h19 concernant :



M. [J] [X]

né le 22 Juillet 1983 à [Localité 3]

de nationalité Tunisienne



Vu la requête reçue au Greffe du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Nîmes le 07 novembre 2023 à 13h31, enregistrée sous le N°RG 23/5316 présentée par M. le Préfet du Var ;



Vu l'ordonnance rendue le 08 Novembre 2023 à 11h49 par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal de NÎMES, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Ordonné pour une durée maximale de 28 jours commençant 48H après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [J] [X] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 28 jours à compter du 08 novembre 2023 à 09h19,



Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [J] [X] le 08 Novembre 2023 à 16h41 par le biais de Me CHEMMAM, avocat choisi ;



Vu l'appel de cette ordonnance interjeté également par Monsieur [J] [X] le 08 Novembre 2023 à 16h58 par le biais de Forum Réfugiés ;



Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de NIMES régulièrement avisé ;



Vu la présence de Monsieur [U] [R], représentant le Préfet du Var, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;



Vu l'assistance de Monsieur [K] [Z], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes,





Vu la comparution de Monsieur [J] [X], régulièrement convoqué ;



Vu la présence de Me Azize CHEMMAM, avocat de Monsieur [J] [X] qui a été entendu en sa plaidoirie ;




MOTIFS



Monsieur [X] [J] a reçu notification le 23 avril 2023 d'un arrêté du Préfet du Var du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai, avec interdiction de retour pendant deux ans.



Monsieur [X] [J] a été interpellé à sa sortie de détention de la maison d'arrêt de [Localité 2] le 6 novembre 2023, s'étant vu notifier à 9h19, un arrêté du Préfet du Var, en date du 3 novembre 2023, portant placement en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.



Par requête du 7 novembre 2023, le Préfet du Var a saisi le Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.



Par ordonnance prononcée le 8 novembre 2023 à 11h49, le Juge des libertés et de la détention de Nîmes a rejeté les moyens présentés par Monsieur [X] [J] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-huit jours.



Monsieur [X] [J] a interjeté appel de cette ordonnance le 8 novembre 2023 à 16h41.



Sur l'audience, Monsieur [X] [J] déclare que :




il vit en France depuis 13 ans et n'a jamais fait de demande de régularisation de sa situation mais qu'il voulait se marier avec sa compagne avant son incarcération,

il conteste avoir commis des violences sur sa compagne,

il confirme qu'elle n'est pas venue le voir à la maison d'arrêt, indiquant que c'est l'établissement pénitentiaire qui aurait dit à sa compagne de ne pas venir,

il peut se rendre en Italie




Son avocat conclut à


l'irrecevabilité de la requête en prolongation du préfet en l'absence de production de la copie du registre du CRA, faisant valoir que cette pièce n'a pas été produite devant le premier juge, lui-même n'ayant pas eu accès aux pièces du dossier avant la première audience,

son client n'était pas assisté d'un interprète, lors de l'audience devant le juge des libertés et de la détention, ce qui est contraire à ses droits,

l'infirmation de l'ordonnance déférée sollicitant une assignation à résidence, le retenu ayant un passeport en cours de validité et un hébergement chez sa compagne.




Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance dont appel. Il indique que :


la copie du registre du CRA était bien au dossier, l'ayant reçu avec les pièces transmises par la préfecture et rappelant qu'il s'agit de la seule pièce exigée au dossier, le juge des libertés et de la détention pouvant relever d'office l'irrecevabilité de ce chef

la demande tenant à l'absence d'interprète est un nouveau moyen qui n'a pas été soulevé en première instance et est irrecevable,

une assignation à domicile n'a pu initialement être envisagée en l'absence de passeport remis par Monsieur et n'apparaît pas possible au domicile de sa victime, Monsieur [X] manifestant le souhait de ne pas quitter prochainement la France.






SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :



L'appel interjeté le 8 novembre 2021 à 16h41 par Monsieur [X] [J] à l'encontre d'une ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Nîmes prononcée en sa présence le 8 novembre 2023 à 11h49, a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Il est donc recevable.



SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D'APPEL:



L'article 563 du code de procédure civile dispose : «  Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »



L'article 565 du même code précise : «  Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».



Sauf s'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d'appel.



A l'inverse, pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôle d'identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d'une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.



Par ailleurs, le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d'appréciation de administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d'appel que s'il a fait l'objet d'une requête écrite au juge des libertés et de la détention dans les 48 heures du placement en rétention, sauf à vider de leur sens les dispositions légales de l'article R.741.3 du CESEDA imposant un délai strict de 48h et une requête écrite au Juge des libertés et de la détention.



En l'espèce, Monsieur [X] [J] soulève comme moyen nouveau l'absence de production de la copie du registre du CRA, l'absence d'interprète à l'audience devant le juge des libertés et de la détention ainsi que l'absence des conditions de fond pouvant justifier de la prolongation de la mesure, considérant qu'une assignation à résidence est possible.



Ces moyens sont recevables à l'exception de l'exception de nullité relative à l'absence d'interprète en première instance, non soulevée in limine litis devant le premier juge, ce moyen étant irrecevable.



SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :



- en ce que cette requête ne serait pas accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles exigées par l'article R.743-2 du Ceseda à peine d'irrecevabilité :





L'article R743-2 du CESEDA dispose en son alinéa 2 que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L744-2.



Il ressort que contrairement à ce qu'expose le conseil de Monsieur [X], une copie du registre du CRA a bien été jointe à la requête et se trouve dans le dossier permettant de s'assurer du respect des droits du retenu, ce document étant la seule pièce spécialement visée à l'article susvisé et sur lequel le juge des libertés et de la détention exerce un contrôle.



Le fait que le conseil indique ne pas avoir vu ce document, alors qu'il admet ne pas avoir demandé à consulter les pièces de la procédure avant l'audience, résulte de son seul fait et ne permet aucunement de déduire qu'il n'était pas présent au dossier.



Le moyen tiré de ce chef sera dès lors rejeté.



SUR LE FOND :



L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et/ou l'article L.612-6 du même code d'une interdiction de retour sur le territoire français tandis que l'article L611-3 du même code liste de manière limitative les situations dans lesquelles de telles mesures sont exclues.



L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause «un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.»



L'administration expose qu'une demande de routing a été effectuée le 6 novembre 2023, Monsieur [X] [J] ayant remis un passeport tunisien valable à son arrivée au centre de rétention administrative.



Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n' a pas failli à ses obligations.



SUR LA DEMANDE D'ASSIGNATION A RESIDENCE DE MONSIEUR [X] [J]



L'article L552-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : « Le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution ».



Monsieur [X] [J], présent irrégulièrement en France dispose d'un passeport tunisien qu'il a remis aux autorités.



Il indique pouvoir être hébergé chez sa compagne, exposant qu'il n'a jamais été violent sur elle et que celle-ci accepte qu'il soit assigné à résidence chez elle.



Or, il apparaît qu'en l'état, le retenu a été condamné le 24 avril 2023 pour des faits d'usage de stupéfiants, outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, rébellion, violence sur personne dépositaire de l'autorité publique et violence sans ITT sur conjoint à une peine de 8 mois d'emprisonnement, peine assortie d'un mandat de dépôt, cette décision n'ayant pas été contestée et étant dès lors définitive.



Outre qu'il conteste la réalité des faits pour lesquels il a été condamné, il ne peut, dès lors, être envisagé, au vu de la nature des faits, une assignation à résidence au domicile de sa victime, celle-ci n'ayant pas à voir peser sur elle une telle situation et ce d'autant qu'au vu des éléments renseignés par ce dernier, elle n'est pas venue le voir en détention, permettant de se questionner sur une réelle volonté de poursuite de vie commune avec ce dernier, Madame [V] s'étant constituée partie civile lors de l'audience du 24 avril 2023.



Il est produit une attestation de Madame [Y] dont on ignore les liens qu'elle entretiendrait avec le retenu, ne permettant pas de considérer cet hébergement comme fiable et effectif.



Il apparaît en outre qu'il s'est déjà soustrait à une précédente mesure le 27 octobre 2020 et n'a pas respecté une première assignation à résidence. Il n'a initié aucune démarche en vue d'un départ volontaire.



Il ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.



Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.



Une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l'article L743-13 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Il s'en déduit que la prolongation de sa rétention administrative demeure justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement.



Il convient en conséquence de rejeter la demande d'assignation à résidence et de confirmer l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention en ce qu'il a prolongé la rétention administrative de Monsieur [J] [X] [X] [J],

PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,



Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,



Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [J] [X] ;



CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;



RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d'Appel de NÎMES,

le 09 Novembre 2023 à



LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

















' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [J] [X], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.



Le à H

Signature du retenu















Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [J] [X], par le Directeur du centre de rétention de NIMES,

- Me Azize CHEMMAM, avocat

choisi,

- M. Le Préfet du Var

,

- M. Le Directeur du CRA de [Localité 4],

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de NIMES

- Mme/M. Le Juge des libertés et de la détention,

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