9 novembre 2023
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 23/00648

Rétentions

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

N° RG 23/00648 - N° Portalis DBVK-V-B7H-QAKF



O R D O N N A N C E N° 2023 - 656

du 09 Novembre 2023

SUR LE CONTROLE DE LA REGULARITE D'UNE DECISION DE PLACEMENT EN RETENTION ET SUR LA PROLONGATION D'UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE

ET

SUR REQUÊTE DE L'ETRANGER EN CONTESTATION DU PLACEMENT EN RETENTION ADMINISTRATIVE



dans l'affaire entre,



D'UNE PART :



Monsieur X se disant [E] [U]

né le 14 Mars 1992 à [Localité 3] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne



retenu au centre de rétention de [Localité 2] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire,



Comparant et assisté par Maître Emilie PASCAL LABROT, avocat commis d'office



Appelant,



et en présence de [O] [J], interprète assermenté en langue arabe,



D'AUTRE PART :



1°) MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES

[Adresse 1]

[Localité 2]



Non représenté



2°) MINISTERE PUBLIC :



Non représenté









Nous, Sylvie BOGE conseiller à la cour d'appel de Montpellier, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président, plus spécialement pour les attributions dévolues par les articles L 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Alexandra LLINARES, greffier,






EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE



Vu les dispositions des articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;



Vu l'arrêté du 4 novembre 2023 de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES portant obligation de quitter le territoire national sans délai et ordonnant la rétention de Monsieur X se disant [E] [U] pendant 48 heures dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;



Vu la requête de Monsieur X se disant [E] [U] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 6 novembre 2023 ;



Vu la requête de MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES en date du 6 novembre 2023 tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur X se disant [E] [U] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée vingt-huit jours ;



Vu l'ordonnance du 06 Novembre 2023 à 16h45 notifiée le même jour à la même heure, du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Perpignan qui a :

- rejeté la requête en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative formée par Monsieur X se disant [E] [U],

- ordonné la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [E] [U] , pour une durée de vingt-huit jours,



Vu la déclaration d'appel faite le 07 Novembre 2023 par Monsieur X se disant [E] [U] , du centre de rétention administrative de [Localité 4], transmise au greffe de la cour d'appel de Montpellier le même jour à 15h12,



Vu les télécopies adressées le 07 Novembre 2023 à MONSIEUR LE PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, à l'intéressé et au Ministère Public les informant que l'audience sera tenue le 09 Novembre 2023 à 10 H 00,



Vu l'appel téléphonique du 07 Novembre 2023 à la coordination pénale afin de désignation d'un avocat commis d'office pour l'audience de 09 Novembre 2023 à 10 H 00



L'avocat et l'appelant, qui ont pu préalablement prendre connaissance de la procédure, se sont entretenus, librement, dans le box dédié de l'accueil de la cour d'appel de Montpellier, les portes de la salle étant fermées pour assurer la confidentialité de l'entretien, en la seule présence de l'interprète , et ce, sur le temps de l'audience fixée, avec l'accord du délégué du premier président de la cour d'appel de Montpellier



L'audience publique initialement fixée à 10 H 00 a commencé à 10h15.





PRÉTENTIONS DES PARTIES



Assisté de [O] [J], interprète, Monsieur X se disant [E] [U] confirme son identité telle que mentionnée dans l'ordonnance entreprise et déclare sur transcription du greffier à l'audience : 'Je m'appelle [E] [U], je suis né le 14 Mars 1992 à [Localité 3] (ALGERIE). Je vis en Hollande, j'étais juste de passage en France. Mon adresse est sur ma carte. Je n'ai pas de passeport valide. Je vis et travaille en Hollande.'



L'avocat, Me Emilie PASCAL LABROT développe les moyens de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a prolongé le maintien en rétention de l'étranger.

- défaut de base légale : M. [E] est demandeur d'asile, il a obtenu l'asile aux Pays Bas où il vit et travaille jusqu'au 20/12/2023. Il avait parfaitement le droit de circuler sur le territoire Schengen. Le préfet aurait dû prendre un arrêté de réadmission en Hollande et non d'avoir à quitter le territoire. L'OQTF qui justifie le placement en rétention est donc illégal, le placement en rétention administrative est donc irrégulier.



Assisté de [O] [J], interprète, Monsieur X se disant [E] [U] a eu la parole en dernier et et a déclaré sur transcription du greffier à l'audience : 'Je souhaiterais sortir et reprendre ma liberté.'



Le conseiller indique que l'affaire est mise en délibéré et que la décision sera notifiée par les soins du Directeur du centre de rétention de de [Localité 2] avec l'assistance d'un interprète en langue arabe à la demande de l'étranger retenu.








SUR QUOI



Sur la recevabilité de l'appel :



Le 07 Novembre 2023, à 15h12, Monsieur X se disant [E] [U] a formalisé appel motivé de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Perpignan du 06 Novembre 2023 notifiée à 16h45, soit dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance querellée, qu'ainsi l'appel est recevable en application des articles R 743-10 et R743-11 du CESEDA.



Sur l'appel :



Sur le défaut de base légale de l'arrêté de placement en rétention :



Aux termes de l'article L741-1 du CESEDA : « L'autorité administrative peut placer en

rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'artíc!e L. 731-1 lorsqu 'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu 'aucune autre mesure n 'apparaît suffisante à garantir efficacement I'exécution effective de cette décision''.



L'arrêté de placement en rétention administrative doit reposer sur une décision d`éloignement mentionnée à l'article L.731-1 du CESEDA concernant l'un des cas suivants :

« 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français,

prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé,

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et 612-8 ;

3 ° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4°L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire

français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en

rétention administrative en application des articles L. 741-1 au L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire (..)'.





En l'espèce, Monsieur X se disant [E] [U] expose qu'il est demandeur d'asile aux Pays-Bas et justifie pour ce motif d'un titre de séjour délivré par les autorités néerlandaises valable jusqu'au 20 décembre 2023.Son conseil fait valoir que l'obligation de quitter le territoire est dès lors illégale et que la décision de placement en rétention administrative aurait dû être fondée sur les dispositions de l'article 572-1 du Ceseda.



Le juge judiciaire n'est pas compétent pour statuer sur la régularité de la décision d'éloignement qui relève de la seule compétence du juge administratif, saisi en l'espèce d'un recours par l'intéressé.



Le 4 novembre 2023,le préfet des PYRENEES ORIENTALES a pris un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pendant deux ans et placement en rétention administrative.



La décision de placement en rétention est fondée juridiquement sur l'obligation de quitter le territoire français aux fins de reconduire Monsieur X se disant [E] [U] soit dans son pays d'origine, sauf si l'OFPRA ou la CNDA lui a reconnu le statut de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile, ou en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, ou avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible.



Elle n'est donc pas dépouvue de base légale.



Il convient de rejeter le moyen de ce chef.



Sur le défaut de diligences de l'autorité préfectorale



L'article L741-3 du CESEDA dispose : 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'



Monsieur X se disant [E] [U] fait valoir qu'après son passage à la borne EURODAC le 6 novembre 2023, où sa demande d'asile aux Pays-Bas est apparue, il a non seulement fait l'objet d'une demande de reprise en charge auprès des autorités néerlandaises mais aussi d'une demande d'identification auprès des autorités consulaires algériennes en violation des l'article 28 du règlement n°604/2013 du Parlement européen imposant de saisir le pays responsable de l'examen de la demande d'asile.



En l'espèce, compte tenu de son titre de demandeur d'asile aux Pays Bas, de ses déclarations, ainsi que du résultat du passage de M. X se disant [U] [E] à la borne EURODAC faisant apparaitre que l'intéressé est connu en catégorie 1 en Suisse le 20 novembre 2017, en Allemagne le 14 février 2017 et aux Pays-Bas le 17 novembre 2022, dès le quatre novembre 2023, une demande de reprise en charge a été transmise aux autorités allemandes, néerlandaises, et suisses. Dans le même temps, dans l'hypothèse où cette demande de reprise en charge par les autorités sollicitées serait refusée, les autorités consulaires algériennes ont été sollicitées dès le 5 novembre 2023 en vue d'une présentation aux fins de reconnaissance. L`audition étant programmée le 8 novembre 2023 à 14 heures.



Dès lors, l`administration a mis en 'uvre l'ensemble des diligences utiles à l'éloignement de M. X se disant [U] [E] ,que ce soit dans le cadre d'une reprise en charge fondée sur les accords de Dublin ou dans le cadre d'un éloignement à destination de son pays d'origine.



Aucun texte n'interdit de cumuler les diligences qui ont pour effet de multiplier les

perspectives d'éloignement de l'intéressé sans qu'aucun grief ne soit démontré.



Le moyen sera donc rejeté.





SUR LE FOND



En application des dispositions de l'article L612-2 du ceseda: 'Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :

1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;

2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;

3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet.'



Et selon l'article L 612-3 du ceseda: 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'



En l'espèce, l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure qui est considéré comme établi au visa des articles L 612-2, X et L 612-3, X du ceseda en ce qu'il se déclare sans domicile fixe, sans document d'identité ou passeport valide et s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement datée de 2022.



Il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée.





PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement,



Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,



Vu les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



Déclarons l'appel recevable,



Rejetons les moyens soulevés,



Confirmons la décision déférée,









Disons que la présente ordonnance sera notifiée conformément à l'article R 743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,



Fait à Montpellier, au palais de justice, le 09 Novembre 2023 à 11h37.





Le greffier, Le magistrat délégué,

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