6 mars 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/00422

Pôle 1 - Chambre 9

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ORDONNANCE DU 06 MARS 2023

Contestations d'Honoraires d'Avocat

(N° /2023 , 5 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00422 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCORP





NOUS, Nina TOUATI, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Axelle MOYART, Greffière présente à l'audience ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.






Vu le recours formé par :





Madame [D] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Maître Siham EL RHAYAMINE NASRI substituant Maître Sonia BEN REGUIGA, avocat au barreau de PARIS 

Demandeur au recours,





contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :





Maître [V] [S]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Comparante en personne, assistée de Maître Dina COHEN-SABBAN, avocat au barreau de PARIS

Défendeur au recours,







Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 09 Janvier 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,



L'affaire a été mise en délibéré au 06 Mars 2023 :



Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;







****











Vu le recours formé par Mme [D] [C], auprès du premier président de cette cour, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception envoyée le 09 octobre 2020, selon le cachet de la poste, à l'encontre de la décision rendue le 15 septembre 2020 par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris qui :

- s'est déclaré incompétent au profit des juridictions de droit commun pour examiner les griefs de nature à mettre en cause la responsabilité de Maître [V] [S],

- a constaté que Mme [C] a dessaisi Maître [S] en novembre 2019,

- a fixé à la somme de 1 980 euros HT le montant des honoraires dus à Maître [S] par Mme [C] pour le suivi partiel de son dossier,

- a constaté que Mme [C] a réglé une provision de 1 125 euros HT,

- condamné Mme [C] au règlement du solde, soit la somme de 855 euros HT, assortie de la TVA à 20 % avec intérêts légaux à compter de la notification de la présente décision et 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les frais de signification de la présente décision seront exposés par Mme [C] s'il y avait lieu d'y recourir.





Les parties ont été entendues à l'audience du 09 janvier 2023 en leurs observations conformes à leurs écritures, Mme [C] contestant oralement que les pièces n° 2, 4, 5 et 8 de la partie adverse correspondant à des échanges de mails lui aient été communiquées.



Mme [C] demande au délégué du premier président de :

Vu l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971,

Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

Vu le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991,

- «annuler» la décision du bâtonnier de Paris en date du 15 septembre 2020 et constater que Mme [C] a réglé l'ensemble des honoraires dus à Maître [S],

- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle fait valoir en substance :

- qu'elle a saisi Maître [S] fin 2018 et lui a confié la défense de ses intérêts dans un litige survenu à la fin d'une location d'un appartement dont elle est propriétaire à [Localité 5],

- qu'une convention d'honoraires a été signée le 18 janvier 2009 prévoyant le paiement d'un honoraire forfaitaire de 2 500 euros HT pour l'analyse des pièces reçues, la rédaction de l'assignation, l'analyse des conclusions et pièces adverses, la rédaction de conclusions en réponse, l'audience de plaidoirie et l'analyse du jugement,

- que cette convention stipulait qu'en cas de dessaisissement, la cliente réglerait les honoraires, frais et débours de l'avocat au taux horaire de 180 euros HT, soit 216 euros TTC,

- qu'après que Maître [S] lui a transmis un projet d'assignation qui remettait en cause la stratégie initialement retenue, elle l'a dessaisie du dossier le 02 novembre 2019,

- qu'elle n'entend pas faire porter son appel sur la responsabilité professionnelle de l'avocat en raison de manquements éventuels, le délégué du premier président n'ayant pas compétence en la matière,

- qu'il convient de rappeler que le dessaisissement de l'avocat avant que ne soit intervenu un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable rend inapplicable la convention d'honoraires initialement conclue et que les honoraires dus à l'avocat pour la mission effectuée doivent être fixés selon les critères définis à l'article 10, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971,

- qu'ainsi la convention d'honoraires conclue le 18 janvier 2019 n'a pas vocation à s'appliquer,

- que compte tenu des diligences accomplies incluant l'étude du dossier et la rédaction d'un projet d'assignation auquel il n'a été donné aucune suite, la somme réglée de 1 250 euros HT, soit 1 500 euros TTC, correspond à des honoraires raisonnables et équitables et qu'il ne lui reste aucune dette à l'égard de Maître [S],



Maître [S] demande au délégué du premier président de :

A titre principal,

- infirmer la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris en ce qu'il a fixé à la somme de 1 980 euros HT le montant des honoraires dus à Maître [S],

- condamner Mme [C] au règlement de la somme de 855 euros HT, assortie de la TVA à 20 % avec intérêts légaux à compter de la notification de sa décision,

Statuant à nouveau,

- fixer à la somme de 2 796,67 euros HT le montant des honoraires dus à Maître [S],

- condamner Mme [C] à payer à Maître [S] la somme de 1 250 euros HT, correspondant à la note d'honoraires n° F2019-0075 du 17 juillet 2019, assortie de la TVA de 20 % avec intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la décision du bâtonnier,

- confirmer la décision entreprise pour le surplus,

A titre subsidiaire,

- confirmer la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

- condamner Mme [C] à payer à Maître [S] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [C] aux entiers dépens.



Elle fait valoir, pour l'essentiel :

- qu'elle a reçu Mme [C] à son cabinet pour une consultation le 30 novembre 2018 en raison du différend opposant cette dernière, d'une part, à son ancien locataire en raison de l'état de délabrement dans lequel il avait laissé les lieux loués à son départ, d'autre part à la société qui assurait la gestion locative du bien,

- qu'une convention d'honoraires a été signée par Mme [C] le 18 janvier 2019, prévoyant un honoraire forfaitaire fixe de 2 500 euros HT au titre de la procédure de première instance,

- que l'article 7 de la convention stipule qu'en cas de dessaisissement, le client s'engage à régler sans délai les honoraires, frais et débours dus à l'avocat pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement facturées sur la base d'un taux horaire de 180 euros HT,

- qu'à la suite de la signature de la convention, Mme [C] a procédé au règlement de la première facture émise à titre de provision le 11 janvier 2019 pour un montant de 1 250 euros HT,

- qu'elle a été informée de son dessaisissement le 07 novembre 2019 par le nouveau conseil de Mme [S],

- que contrairement à ce que soutient Mme [C], la clause de dessaisissement prévue dans la convention d'honoraires est applicable,

- qu'elle justifie avoir effectué de nombreuses diligences jusqu'à la date de son dessaisissement, incluant la rédaction d'un projet d'assignation de 15 pages et celle d'une mise en demeure préalable, l'étude des pièces communiquées, des recherches juridiques, des échanges de correspondance et entretiens téléphoniques avec sa cliente, ayant nécessité 15 h 30 de travail,

- que le montant des honoraires calculés sur la base du taux horaire de 180 euros HT conformément à l'article 07 de la convention s'élèvent ainsi à la somme de 2 796,67 euros HT,

- qu'après déduction de la provision versée, Mme [C] reste devoir la somme de 1 546,67 HT,

- qu'elle ne réclame que la somme en principal de 1 250 euros HT, majorée de la TVA, correspondant à la facture émise le 17 juillet 2019.












SUR QUOI



En l'absence de justification de la communication à Mme [C] des pièces n° 2, 4, 5 et 8 de Maître [S] correspondant à des échanges de mails avec sa cliente, ces pièces seront écartées.



Sur la fixation des honoraires dus à Maître [S] :



Il ressort des pièces versées aux débats que Mme [C] a confié la défense de ses intérêts à Maître [S] dans un litige l'opposant à son ancien locataire et à la société à laquelle elle avait confié la gestion locative des lieux loués.



Il est établi que Mme [C] a dessaisi Maître [S] en novembre 2019, ce dont cette dernière a été informée par l'avocat lui succédant (pièce n° 16 de Maître [S]).



Mme [C] et Maître [S] ont signé le 18 janvier 2019 une convention d'honoraires aux termes de laquelle il était prévu un honoraire de diligence fixe d'un montant de 2 500 euros HT au titre de la procédure de première instance comprenant l'analyse des pièces reçues, la rédaction de l'assignation, l'analyse des conclusions et pièces adverses, la rédaction de conclusions en réponse, l'audience de plaidoirie et l'analyse du jugement.



Cette convention stipulait ans son article 7 que « Dans l'hypothèse où le client souhaiterait dessaisir l'avocat et transférer soin dossier à un autre avocat, le client s'engage à régler sans délai les honoraires, frais, débours et dépens dus à l'avocat pour les diligences effectuées antérieurement au dessaisissement et facturées sur la base d'un taux horaire de 180 euros HT».



Il résulte de la combinaison des articles 1134, devenu 1103 du code civil et 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que le dessaisissement de l'avocat avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ne fait pas obstacle à l'application de la convention d' honoraires portant sur le montant de son honoraire de diligence, lorsqu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement.



Les dispositions précitées de la convention d'honoraires du 18 janvier 2019 relatives aux modalités de la rémunération de l'avocat en cas de dessaisissement doivent ainsi recevoir application.



S'agissant d'un honoraire de diligence au temps passé, il convient d'apprécier au regard des diligences justifiées le temps consacré à leur accomplissement.



Maître [S] verse aux débats une fiche de diligences comptabilisant 15 h 30 de travail.



Compte tenu des diligences accomplies par Maître [S] avant son dessaisissement et dont elle justifie, incluant l'étude du dossier, la rédaction d'une mise en demeure préalable et d'un projet d'assignation de 15 pages ainsi que des échanges avec sa cliente (pièces n° 6, 9 et 10 de Maître [S]), cette évaluation du temps consacré à leur accomplissement apparaît excessive et il convient de confirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a retenu que ces diligences correspondaient à 11 heures de travail.



Les honoraires de diligences dus par Mme [C] s'élèvent ainsi en application des stipulations contractuelles à la somme de 1 980 euros HT (11 heures x 180 euros HT).



La décision du Bâtonnier qui a fixé les honoraires dus par Mme [C] à ce montant et condamné cette dernière, après déduction de la provision versée de 1 125 euros HT, au paiement du solde de 855 euros HT, majoré de la TVA au taux de 20 % sera, en conséquence, confirmée.



Sur les demandes annexes :



Les dispositions de la décision du bâtonnier relatives aux intérêts moratoires, aux frais de signification et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.



L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés devant le délégué du premier président.



Mme [C] qui succombe dans ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel.





PAR CES MOTIFS



Statuant en dernier ressort, par ordonnance contradictoire et publiquement par mise à disposition au greffe,



Ecartons des débats les pièces n° 2, 4, 5 et 8 de Maître [V] [S] correspondant à des échanges de mails avec sa cliente dont il n'est pas justifié qu'elles aient été communiqués à Mme [D] [C],



Confirmons la décision du bâtonnier en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la juridiction du premier président,



Condamnons Mme [D] [C] aux dépens d'appel.



Disons qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente ordonnance sera notifiée aux parties par le Greffe de la Cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.



LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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