28 février 2023
Cour d'appel de Rouen
RG n° 22/00323

1ère ch. civile

Texte de la décision

N° RG 22/00323 - N° Portalis DBV2-V-B7G-I7VJ





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ORDONNANCE DU 28 FEVRIER 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



19/04384

Tribunal judiciaire de Rouen du 7 janvier 2022





DEMANDEUR A L'INCIDENT :



Monsieur [N] [B]

né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 12] (Algérie)

[Adresse 2]

[Localité 8]



représenté et assisté par Me Jérôme DEREUX de la SELARL CARNO AVOCATS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me GODARD







DEFENDEURS A L'INCIDENT :



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 9]

[Localité 6]



représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen





CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 7] [Localité 11] [Localité 10] SEINE-MARITIME

[Adresse 3]

[Localité 7]



représentée et assistée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de Rouen





Association PRO BTP

Siren 394 164 966

[Adresse 4]

[Localité 5]



non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice remis le 23 mars 2022 à personne habilitée.





* * * * *



Mme Edwige WITTRANT, présidente de la mise en état à la 1ère chambre civile, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,



Après avoir entendu les parties en leurs observations lors de l'audience publique du 17 janvier 2023, l'affaire a été mise en délibéré, pour décision rendue ce jour, signée par Mme Wittrant, présidente et Mme Develet, greffier présent lors de la mise à disposition.





* * * * *



* * *



Par jugement du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire a, dans le cadre de la liquidation des préjudices nés des conséquences de l'accident de circulation subi par M. [N] [B], fixé la créance de la Cpam de Seine-Maritime et de l'association Pro Btp, condamné l'agent judiciaire de l'Etat à payer différentes indemnités à la victime avec intérêts au taux légal, capitalisés, condamné l'agent judiciaire de l'Etat au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles et aux dépens.



Par déclaration reçue le 26 janvier 2022, M. [N] [B] a formé appel de la décision et a notifié ses premières conclusions au fond le 15 avril 2022.



La Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] [Localité 11] [Localité 10] Seine-Maritime a conclu dès le 17 juin 2022, l'agent judiciaire de l'Etat dès le 13 juillet 2022.



Malgré signification de la déclaration d'appel le 23 mars 2022, des conclusions de l'appelant le 25 avril 2022, à personne habilitée, l'association Pro Btp ne s'est pas constituée intimée.



Par conclusions sur incident notifiées le 6 septembre 2022, M. [N] [B] demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 546 et 909, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer irrecevable faute d'intérêt à agir l'appel incident de l'agent judiciaire de l'Etat sur l'incidence professionnelle,

- déclarer irrecevables comme tardives les conclusions d'appelant incident de l'agent judiciaire de l'Etat sur l'incidence professionnelle,

- condamner l'agent judiciaire de l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens,

- condamner l'agent judiciaire de l'Etat aux dépens de l'incident.



Il fait valoir que le jugement entrepris a fait droit aux demandes de l'agent judiciaire de l'Etat de sorte qu'il ne lui fait pas grief et a notamment précisé que l'incidence professionnelle était un poste soumis au recours des tiers payeurs, que le montant de la créance de la Cpam étant supérieur au montant de l'indemnisation due à

M. [B], celle-ci était absorbée par la première et qu'aucune somme ne pouvait être allouée à la victime.



Il ajoute qu'en outre, après avoir conclu une première fois le 15 avril 2022, l'agent judiciaire de l'Etat n'a demandé la réformation du jugement entrepris que par conclusions notifiées le 29 août 2022, soit plus de trois mois après les premières conclusions de l'appelant et hors délai.



Par conclusions sur incident du 8 septembre 2022, la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] [Localité 11] [Localité 10] Seine-Maritime demande, au visa des articles 914 du code de procédure civile, 1193 et 2052 du code civil, de :

- dire ce que de droit sur l'irrecevabilité soulevée par M. [B],



- dire irrecevable l'appel incident de l'agent judiciaire de l'Etat visant à faire 'dire que le recours dont dispose la CPAM à l'encontre de l'Etat est lilité au préjudice réel du demandeur dont ext débiteur le tiers responsable, soit la somme de

103 813,44 euros',

- condamner l'agent judiciaire de l'Etat au paiement d'une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'agent judiciaire de l'Etat aux dépens.



Elle invoque l'accord définitif intervenu entre elle et l'agent judiciaire de l'Etat le 22 août 2017 visant sa créance de 129 008,50 euros et le remboursement de cette somme avec la mention manuscrite 'Bon pour désistement définitif et sans réserve de cette créance'. L'agent judiciaire de l'Etat n'est plus recevable à former une prétention judiciaire à l'encontre de ce qu'il a concédé puis payé.

Par conclusions d'incident du 9 décembre 2022, l'agent judiciaire de l'Etat demande au conseiller de la mise en état de :

in limine litis,

- constater l'incompétence du conseiller de la mise en état pour connaître des exceptions de l'appel incident soulevées par la Cpam de [Localité 7] [Localité 11] [Localité 10] Seine-Maritime,

à titre principal,

- débouter M. [B] de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- débouter la Cpam de [Localité 7] [Localité 11] [Localité 10] Seine-Maritime de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner solidairement M. [B] et la Cpam de [Localité 7] [Localité 11] [Localité 10] Seine-Maritime à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux dépens.



Il soutient que le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour connaître de la portée de la transaction passée avec la Cpam de [Localité 7] [Localité 11] [Localité 10] Seine-Maritime ce d'autant plus que la décision aboutirait à remettre en cause le jugement prononcé de sorte que l'appréciation relève de la cour. Si la compétence du conseiller était retenue, elle soutient que la demande est recevable puisqu'il s'agit de faire échec aux prétentions des parties adverses. En outre, si la demande est irrecevable, elle n'emporte pas l'irrecevabilité de l'appel, seule prétenion formée dans le dispositif des conclusions de la caisse. Par ailleurs, la caisse ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée puisqu'il s'agit pour la caisse de se prévaloir de son propré désistement contre l'agent judiciaire de l'Etat.




Compte tenu de la condamnation prononcée en première instance à son encontre, à hauteur de 33 291,99 euros, il a intérêt à former appel, le défaut d'intérêt à agir ne pouvant lui être reproché.



Il affirme avoir conclu et demander l'infirmation du jugement entrepris dès les conclusions notifiées en juillet 2022, les conclusions du 29 août 2022 ne permettant que de corriger une erreur matérielle au titre des arrérages échus en invalidité et du capital invalidité (59 708,40 euros dans les conclusions du 15 juillet 2022 contre

57 503,75 euros dans les conclusions du 29 août 2022).






MOTIFS



L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.



Sur les fins de non-recevoir soulevées par l'appelant



Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel incident



En application de l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.



L'appelant ayant notifié ses premières conclusions au fond le 14 avril 2022, l'agent judiciaire de l'Etat disposait d'un délai pour répondre jusqu'au 14 juillet 2022, soit en raison du jour férié jusqu'au 15 juillet 2022.



Par conclusions notifiées le 13 juillet 2022, l'agent judiciaire de l'Etat a expressément demandé, en reprenant les dispositions de la décision, l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de la Cpam de Seine-Maritime à la somme de 167 588,89 euros et dit que les indemnités allouées à M. [B] seraient assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017 pour ensuite demander une fixation à la somme de 103 813,44 euros suivant les différents postes chiffrés :

- 15 137,22 euros de frais hospitaliers, frais médicaux, frais pharmaceutiques, frais d'appareillage,

- 21 891,16 euros d'indemnités journalières,

- 59 708,40 euros d'arrérages échus en invalidité et de capital invalidité,

- 4 155,87 euros de frais futurs occasionnels du 01/11/2013 au 12/09/2016,

- 2 920,79 euros de frais futurs occasionnels du 13/09/2016 au 12/09/2017.



L'appel incident ne requiert pas de forme particulière ; en l'espèce la demande d'infirmation est explicite et formée dans le délai. Le moyen soulevé est écarté.





Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir



Le jugement condamne l'agent judiciaire de l'Etat à payer à M. [B] la somme de 34 096,50 euros alors qu'en cause d'appel, ce dernier demande une condamnation d'un montant de 76 020,96 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2017.



Surtout, M. [B] discute le montant de la créance subrogatoire de la Caisse pour la voir fixer à une somme moindre et dès lors obtenir un paiement plus important de la part de l'agent judiciaire de l'Etat. Le premier juge a ainsi retenu une créance comprenant les arrérages échus et un capital invalidité de 105 679,41 euros alors que le demandeur entendait que le recours ne s'exerce que sur les arrérages échus.



La saisine de la cour sur la créance due à M. [B] en ces termes justifie l'intérêt à agir de l'agent judiciaire de l'Etat, l'appréciation du premier juge selon laquelle le calcul aboutissait à une absorption des prétentions de la victime de l'accident supposant au préalable la fixation des montants retenus et donc un débat non tronqué en appel sur les valeurs exactes.



Les moyens soulevés par M. [B] sont ainsi écartés.















Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée



Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



La Caisse soutient au visa de ce texte que l'agent judiciaire de l'Etat soulève pour la première fois une prétention tendant à voir limiter la créance du tiers à la somme de 103 813,44 euros.



La cour d'appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l'appel, celles touchant à la procédure d'appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état. En conséquence, l'examen de la fin de non-recevoir édictée à l'article 564 du code de procédure civile, relative à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel relève de l'appel et non de la procédure d'appel.



En conséquence, en raison de l'incompétence du conseiller de la mise en état, la demande ne sera pas examinée à charge pour la cour d'apprécier le moyen soulevé.





Sur les frais de procédure



L'appelant, auteur de l'incident, succombe dans ses demandes et supportera les dépens.



L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS,



statuant par ordonnance réputée contradictoire, mise à disposition au greffe,



Rejette les fins de non-recevoir soulevées par M. [N] [B],



Se déclare incompétent au profit de la cour d'appel pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'application des articles 564 et suivants du code de procédure civile,



Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne M. [N] [B] aux dépens de l'incident.







Le greffier, La présidente de chambre,

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