27 février 2023
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 19/02811

Chambre Civile

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/02/2023

la SCP VALERIE DESPLANQUES

la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU





ARRÊT du : 27 FEVRIER 2023



N° : - : N° RG 19/02811 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GAGY





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 27 Juin 2019



PARTIES EN CAUSE



APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1265239371345893



L'INSTITUT MEDICAL DE [9] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Valerie DESPLANQUES de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Hubert VEAUVY, avocat au barreau de TOURS



D'UNE PART





INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265 1265251237911800



Monsieur [X] [G]

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 7] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 6]



représenté par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric CHEVALLIER de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS,



La C.P.A.M. DU LOIRET prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 5]



n'ayant pas constitué avocat



D'AUTRE PART




DÉCLARATION D'APPEL en date du :02 Août 2019

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 Décembre 2022




COMPOSITION DE LA COUR



Lors des débats, du délibéré :




Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.






Greffier :




Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.




DÉBATS :



A l'audience publique du 09 JANVIER 2023, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.



ARRÊT :



Prononcé le 27 FEVRIER 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.




FAITS ET PROCÉDURE



Le 14 octobre 2015, M. [X] [G], hospitalisé à l'institut médical de [9] pour suivre une rééducation à la suite de la pose d'un défibrillateur automatique, a chuté d'un tapis roulant lors d'une épreuve d'effort. Admis aux urgences du Centre hospitalier régional d'[Localité 5], les médecins lui ont diagnostiqué une fracture fermée de l'extrémité supérieure de l'humérus.



Par actes d'huissier en date des 3 et 7 février 2017, M. [G] a fait assigner l'institut médical de [9] et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Loiret devant le tribunal de grande instance de Blois, sur le fondement des articles L.1141-1 et suivants du code de la santé publique, aux fins de faire reconnaître la responsabilité de l'institut dans la chute dont il a été victime.



Par jugement du 27 juin 2019, le tribunal de grande instance de Blois a :

- dit qu'il était incompétent connaître de la demande d'infirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 21 novembre 2017 ;

- dit établie la responsabilité de l'institut médical de [9] dans la chute de M. [G] survenue le 14 octobre 2015 en son sein ;

- ordonné une mesure d'expertise judiciaire médicale au contradictoire de M. [G], de l'institut médical de [9] et de la CPAM du Loiret, confiée à M. [K] [N] ;

- réservé l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

- ordonné la réouverture des débats et renvoyé la mise en état ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 2 août 2019, l'institut médical de [9] a interjeté appel de tous les chefs du jugement.



L'appelant a fait signifier la déclaration d'appel à la CPAM du Loiret par acte d'huissier de justice délivré à personne le 30 octobre 2019.



Par un arrêt du 7 septembre 2021, la cour d'appel d'Orléans a infirmé partiellement le jugement en ce qu'il a dit que la responsabilité de l'institut médical de [9] était établie dans la chute de M. [G] le 14 octobre 2015 et, statuant à nouveau, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire en désignant pour y procéder le docteur [K] [T] qui a déposé son rapport le 7 mars 2022.



Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 novembre 2022 et signifiées à la CPAM du Loiret le 25 novembre 2022, l'institut médical de [9] demande de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes et prétentions et condamner celui-ci à lui verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- à titre infiniment subsidiaire, retenir l'engagement de sa responsabilité à hauteur de 50 % du préjudice subi.



Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 24 novembre 2022, M. [G] demande de :

- débouter purement et simplement l'institut médical de [9] de son argumentation en toutes fins qu'elle comporte et en conséquence,

- dire établie la responsabilité de l'institut médical de [9] dans sa chute survenue le 24 octobre 2015 ;

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par l'institut médical de [9] ;

Y ajoutant,

- condamner l'institut médical de [9] à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le même aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Olivier Laval, avocat aux offres de droit.



Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.




MOTIFS



L'appelant soutient que la responsabilité d'un établissement de santé ne peut être recherchée que lorsqu'est établi par le patient un défaut d'organisation de l'établissement étant à l'origine du préjudice dénoncé ; que l'article L.1142-1 du code de la santé publique dispose quant à lui que la responsabilité de tout établissement de santé ne peut être recherchée au titre des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins, qu'en cas de faute de ce dernier ; qu'en l'espèce, il ne peut être considéré que la preuve d'un quelconque manquement soit établie ; que les pièces produites font apparaître qu'aucun défaut d'information, ni aucune difficulté d'organisation ne peut lui être reproché, ayant parfaitement respecté l'obligation de moyens qui lui était imposée ; que M. [G] avait la possibilité de contrôler la direction et le contrôle de l'appareil et qu'il en est donc devenu le gardien, de sorte qu'il doit être débouté de l'ensemble de ses demandes ; qu'à titre subsidiaire, il convient, à tout le moins, de retenir une responsabilité uniquement partielle de l'institut à hauteur de 50 % du préjudice subi, eu égard au fait que la garde de la chose avait été transférée au moins partiellement à M. [G].



M. [G] fait valoir que la responsabilité légale de l'établissement de soins est établie sur le fondement des articles L 1142-1 et suivants du code de la santé publique ; que l'expert judiciaire a constaté que l'utilisation d'un protocole d'effort était inappropriée à l'état de santé du patient en sorte qu'il a subi une brutale accélération à l'origine de son déséquilibre et de la chute traumatique ; que l'appelant se limite à reprendre son argumentation initiale sans critiquer les conclusions de l'expert judiciaire ; qu'il y a bien une faute médicale qui ne peut en aucune façon être supportée par le patient, le protocole d'effort étant bien le fait générateur du dommage. ; qu'il n'avait pas la possibilité de contrôler la direction et le contrôle de la machine.



L'article L.1142-1 du code de la santé publique dispose : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».



En l'espèce, il est établi que M. [G] a subi un accident lors d'un test d'évaluation à visée cardiologique préalable à une prise en charge en réadaptation cardiaque, réalisé au sein de l'institut médical de [9]. Ce test faisait donc partie de son parcours de soins en réadaptation au sein de cet établissement de santé.



L'expert judiciaire, aux termes d'une analyse rigoureuse et non contestée des éléments qui lui étaient soumis, a notamment indiqué :

« L'expert - après obtention et analyse du livret technique Schiller (Manuel utilisateur de 284 pages) - constate à l'analyse du test réalisé (cf infra) l'utilisation d'un protocole d'effort inapproprié à l'état de santé du patient : il s'agit d'un test sur tapis roulant débutant d'emblée à une vitesse de course de 13 km/h (avec une majoration programmée de 1 km/h toutes les trois minutes).

Comme discuté en expertise (le protocole précis programmé pour le test n'était pas connu lors de la réunion d'expertise) le patient était debout sur le tapis en début de test et a subi une brutale accélération à l'origine de son déséquilibre et de la chute traumatique.

(Certains praticiens lors d'un premier test demandent au patient -avant le début effectif de la marche- de se tenir les membres inférieurs écartés en position debout les pieds posés en dehors du tapis roulant sur les berges plates de l'ergomètre en débutant la procédure pour pouvoir le cas échéant ralentir le tapis (méthode manuelle) en cas de vitesse jugée excessive par le patient ou l'opérateur).

Cette vitesse initiale de début de test est ici très clairement excessive (test habituellement débuté en réadaptation de 1 à 3 km/h).

Monsieur [G] soudainement déséquilibré a chuté avec une conséquence traumatique imputable à cette chute et malgré la bonne réactivité de l'équipe médicale (...). Le tapis a été mis très vite à l'arrêt (six secondes après le début comme en témoigne la pièce reproduite page 10 : STMax à 6 secondes), une cause ou conséquence cardiaque à la chute a été écartée, une orientation pour prise en charge orthopédique a été conforme au décours et diligente.

(...)



Au total l'expert souligne -après l'obtention des pièces complémentaires- la responsabilité du centre médical de [9] dans la survenue de cette chute aux conséquences dommageables par une vitesse excessive du tapis à l'initialisation du test et ce malgré la diligence des intervenants lors de l'accident ».



Il résulte donc de l'expertise judiciaire que l'institut médical a commis une faute dans la réalisation du test d'effort en ne vérifiant pas la vitesse programmée sur la console du tapis roulant et en ne l'adaptant pas à l'état de santé du patient, l'élévation de la vitesse devant se faire progressivement à partir d'une vitesse initiale lente.



L'institut médical de [9] est mal fondée à soutenir que la garde de l'appareil avait été confiée à M. [G] qui n'avait ni les compétences techniques pour procéder au réglage du tapis roulant ni les compétences médicales pour déterminer la vitesse adaptée à son état de santé.



Il convient donc de déclarer l'institut médical de [9] entièrement responsable du préjudice subi par M. [G], dont la liquidation sera effectuée par le tribunal judiciaire de Blois qui demeure saisi à cette fin. Le jugement sera donc confirmé en ses autres dispositions critiquées.



Il convient de condamner l'institut médical de [9] aux entiers dépens d'appel comprenant le coût de l'expertise judiciaire réalisée par M. [T] et de le condamner à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,



Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,



DÉCLARE l'institut médical de [9] entièrement responsable du préjudice subi par M. [G] par suite de l'accident survenu le 14 octobre 2015 ;



CONFIRME le jugement en ses autres dispositions ;



Y AJOUTANT :



CONDAMNE l'institut médical de [9] à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE l'institut médical de [9] aux entiers dépens d'appel comprenant le coût de l'expertise judiciaire réalisée par M. [T].





Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.











LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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