28 février 2023
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 21/00685

1ere Chambre

Texte de la décision

N° RG 21/00685 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KXUH

C3

N° Minute :













































































Copie exécutoire

délivrée le :







Me Emmanuelle PHILIPPOT



la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 28 FEVRIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 18/01069)

rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 17 décembre 2020

suivant déclaration d'appel du 05 février 2021





APPELANTE :



S.A. GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 55]

[Localité 54]



représentée par Me Emmanuelle PHILIPPOT, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Clément QUERNIN, avocat au barreau de PARIS substituant Me Laurent COTRET de la SCP AUGUST DEBOUZY







INTIMES :



M. [KF] [J]

né le [Date naissance 5] 1957 à [Localité 47]

de nationalité Française

[Adresse 36]

[Localité 54]



Mme [F] [OZ] épouse [J]

née le [Date naissance 17] 1957 à [Localité 47]

de nationalité Française

[Adresse 36]

[Localité 54]



M. [S] [E]

né le [Date naissance 10] 1966 à [Localité 42]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 54]



Mme [HD] [M]

née le [Date naissance 8] 1972 à [Localité 52]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Localité 54]



Mme [L] [Y]

née le [Date naissance 13] 1950 à [Localité 43]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 54]



M. [CJ] [W]

né le [Date naissance 28] 1974 à [Localité 42]

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Localité 54]

Mme [HN] [W] épouse [W]

née le [Date naissance 34] 1973 à [Localité 45]

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Localité 54]



M. [YF] [K]

né le [Date naissance 23] 1967 à [Localité 43]

de nationalité Française

[Adresse 46]

[Localité 54]



Mme [PE] [R] épouse [K]

née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 41]

de nationalité Française

[Adresse 46]

[Localité 54]



M. [Z] [SW]

né le [Date naissance 32] 1955 à [Localité 53] ( TUNISIE )

de nationalité Française

[Adresse 29]

[Localité 54]



M. [N] [JV]

né le [Date naissance 11] 1954 à [Localité 51]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Localité 54]



Mme [EL] [JV]

née le [Date naissance 25] 1956 à [Localité 48]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Localité 54]



Mme [TB] [KA]

née le [Date naissance 35] 1941 à [Localité 41]

de nationalité Française

[Adresse 46]

[Localité 54]



M. [BB] [MX] [D]

né le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 42]

de nationalité Française

[Adresse 46]

[Localité 54]



Mme [O] [MS] épouse [MX] [D]

née le [Date naissance 30] 1961 à [Localité 38] (Algérie)

de nationalité Française

[Adresse 46]

[Localité 54]



Mme [PO] [H] épouse [SW]

née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 43]

de nationalité Française

[Adresse 31]

[Localité 54]











Mme [A] [SW] épouse [PZ]

née le [Date naissance 30] 1977 à [Localité 43]

de nationalité Française

[Adresse 29]

[Localité 54]



M. [U] [PZ]

né le [Date naissance 6] 1973 à [Localité 49]

de nationalité Française

[Adresse 26]

[Localité 54]



M. [I] [TL]

né le [Date naissance 20] 1952 à [Localité 44]

de nationalité Française

[Adresse 27]

[Localité 54]



Mme [VI] [V] épouse [TL]

née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 37]

de nationalité Française

[Adresse 27]

[Localité 54]



M. [ER] [AY]

né le [Date naissance 33] 1957 à [Localité 48]

de nationalité Française

[Adresse 46]

[Localité 54]



Mme [BZ] [AS] épouse [AY]

née le [Date naissance 24] 1969 à [Localité 40]

de nationalité Française

[Adresse 46]

[Localité 54]



M. [P] [B]

né le [Date naissance 15] 1954 à [Localité 50]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 54]



Mme [BG] [EW] épouse [B]

née le [Date naissance 14] 1957 à [Localité 39]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 54]



L'ASSOCIATION ADLPC ayant son siège Chez Mr [N] [JV] domicilié audit siège

[Adresse 21]

[Localité 54]



Tous représentés par Me Sophie DETROYAT de la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT, avocat au barreau de GRENOBLE, et plaidant par Me Jean- Michel Détroyat du même cabinet





















COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,





DÉBATS :



A l'audience publique du 16 janvier 2022, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de Mme Blatry, conseiller, et de Mme Lucile Granget, éléve avocate, assistées de Mme Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.



Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.






FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



En 1974, la société Recup-Mat a crée au lieu-dit [Localité 1] sur la commune de [Localité 54], un site de collecte de matériaux et d'exploitation de véhicules hors d'usage.

Un arrêté préfectoral du 9 novembre 1992 valant régularisation, a autorisé cette société à exploiter son activité sur ce site.



A compter de 1996, l'activité de la société Recup-Mat a été reprise par la société Les Etablissements Guillet ; cette dernière a été agréée par arrêté préfectoral du 28 avril 2009 pour effectuer la dépollution et le démontage des véhicules hors d'usage.



En 2011, la société Les Etablissements Guillet a cédé son activité à la société Guy Dauphin Environnement (société GDE), leader du recyclage en France et en Europe.



Un arrêté préfectoral du 22 février 2013 a prescrit des mesures complémentaires en remplacement de celles prévues par l'arrêté du 9 novembre 1992, en matière notamment de niveaux acoustiques (valeurs limites d'émergence et niveaux limites de bruit).



A la suite de plaintes de riverains du site en 2014 qui dénonçaient des nuisances sonores, la société GDE a missionné la société Accord Acoustique pour réaliser des campagnes de mesures acoustiques en janvier, avril et juillet 2016 ; cette dernière, malgré le constat du respect des normes réglementaires par la société exploitante, a préconisé dans son dernier rapport divers aménagements du site afin d'en diminuer les bruits engendrés par son activité ; la société GDE a procédé à ces travaux d'insonorisation courant l'été 2016 après une réunion de présentation du rapport de la société Accord Acoustique d'avril 2016 avec les riverains, en présence de la DREAL (direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement).



Malgré ces travaux ayant permis selon nouveau rapport de la société Accord Acoustique, une réduction globale de 2dB(A), les riverains du site ont à nouveau dénoncé des nuisances sonores auprès de la DREAL qui a mandaté la société Decibel France, laquelle a déposé son rapport de mesures acoustiques en mars 2017, sur la base duquel la préfecture a mis en demeure la société GDE par arrêté du 30 juin 2017 d'avoir à se conformer sous trois mois, aux prescriptions réglementaires.



Préalablement à cette mise en demeure, la société GDE avait mandaté la société Salto Ingenierie pour apprécier la méthodologie et les conclusions de la société Decibel France. Son rapport a été déposé le 24 mai 2017.



Selon acte extrajudiciaire du 13 mars 2018, 24 riverains et l'Association Des Laissés Pour Compte (l'ADLPC), association de défense des locataires des Iles de Cordée, ont assigné devant le tribunal de grande instance de Grenoble la société DGE pour la voir, en substance, condamnée sous astreinte à faire cesser le trouble de voisinage occasionné par les nuisances sonores de son activité, et à leur payer des dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices.



Par jugement contradictoire du 17 décembre 2020, ce tribunal, devenu tribunal judiciaire, a :

-rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société GDE,(dans l'attente de la décision du tribunal administratif sur la légalité de l'arrêté du 30 juin 2017)

-condamné la société GDE à procéder aux travaux nécessaires pour réduire les émergences sonores non conformes et constitutives d'un trouble du voisinage, sous astreinte de 300€ par jour de retard passé un délai de 4 mois suivant signification du jugement, et ce dans un délai de 6 mois,

-dit que le juge de l'exécution sera compétent pour la liquidation de l'astreinte,

-condamné la société GDE à payer à chacun des 25 demandeurs la somme de 300€ au titre de leur préjudice de jouissance,

-condamné la société GDE à payer à chacun des demandeurs la somme de 100€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la même aux dépens avec distraction au profit de la SELARL Jean Michel et Sophie Detroyat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

-rejeté les autres demandes,

-ordonné l'exécution provisoire.



La juridiction a retenu notamment que les conditions d'application de l'article L.112-16 du code de la construction et de l'habitation n'étaient pas réunies, les riverains demandeurs étant locataires d'un ensemble immobilier ayant fait l'objet d'un permis de construire le 9 janvier 1979 tandis que le site a été crée en 1992 par la société GDE, que les nuisances sonores sont apparues après son installation et que les conditions d'exploitation ont été modifiées (création d'une dalle en béton armé majorant les bruits lors du triage des métaux).



Par déclaration du 5 février 2021, la société GDE a relevé appel.



Dans ses dernières conclusions n°2 déposées le 2 novembre 2022 au visa des articles 544 et 651 du code civil, L.112-16 du code de la construction et de l'habitation, la société GDE sollicite que la cour, la jugeant recevable et bien fondée en ses demandes,

-infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

-statuant à nouveau,

-rejette les demandes, fins et conclusions des intimés,

-condamne solidairement les intimés à lui verser la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamne solidairement les intimés aux dépens.



Dans leurs dernières conclusions déposées le 24 août 2022 sur le fondement des articles

544, 651 et 1240 du code civil, L.112-16 du code de la construction et de l'habitation, les 24 riverains et l'ADLPC demandent à la cour de :

-juger non fondé l'appel formé par la société GDE et la débouter de ses demandes, fins et conclusions,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société GDE :

*à procéder aux travaux nécessaires pour réduire les émergences sonores non conformes et constitutives d'un trouble de voisinage, sous astreinte de 300€ par jour de retard passé un délai de 4 mois suivant signification du jugement et ce, dans un délai de 6 mois,

*à payer à chacun des demandeurs la somme de 100€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné celle-ci aux entiers dépens dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,



-juger recevable et bien fondé leur appel incident et réformer le jugement entrepris sur le montant des dommages et intérêts alloués en réparation de leur préjudice de jouissance,

statuant à nouveau,

-condamner la société GDE à payer à chacun des intimés la somme de 6.000€ à titre de

dommages et intérêts en réparation dudit préjudice de jouissance,

-condamner en outre la société GDE à payer à chacun des intimés la somme de 500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en raison des frais exposés en cause d'appel,

-condamner la même aux entiers dépens d'appel.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 décembre 2022.




MOTIFS



Quand bien même l'appel de la société GDE est général et qu'elle conclut à l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, l'appelante tout comme d'ailleurs les intimés par voie d'appel incident, ne discutent pas le rejet de la demande de sursis à statuer prononcé par le premier juge ; le jugement déféré est donc d'ores et déjà confirmé sur ce point.



Sur l'existence du trouble anormal du voisinage



La responsabilité pour troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage n'impose pas de constater un comportement fautif d'un propriétaire ou d'un occupant pour qu'un voisin agisse en cas de trouble.



Il n'est pas discuté que l'exploitation de la société GDE est une installation classée soumise à réglementation.

A ce titre, elle relève des dispositions de l'arrêté ministériel du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement dont les dispositions sont rappelées dans l'annexe sur les prescriptions techniques applicables à cette société dans le cadre de l'arrêté préfectoral du 22 février 2013,

-dont l'article 6.2.1 « valeurs limites d'émergence » fixe l'émergence admissible pour la période allant de 7h à 20h , sauf dimanches et jours fériés, à une fourchette de 6dB (A) lorsque le bruit ambiant existant dans les zones d'émergence réglementée-ZER- (incluant le bruit de l'établissement) est supérieur à 35dB(A) et inférieur ou égal à 45dB(A), cette émergence admissible passant à 5dB(A) lorsque le bruit ambiant dans les ZER est supérieur à 45dB(A),

-dont l'article 6.2.2 « niveaux limites de bruit » fixe le niveau sonore limite admissible à 50dB(A) pour la période d'activité allant de 7h à 20h , sauf dimanches et jours fériés.



Il s'évince sans contestation possible des mesures acoustiques réalisées dans le cadre des visites d'inspection approfondies de la DREAL le 21 mai 2015 que l'activité de la société GDE engendrait des bruits brefs, discontinus, répétés dont les émergences en ZER pouvaient aller jusqu'à 20dB(A), à savoir 70dB mesurés pour un bruit résiduel évalué à 50dB.

Une autre visite d'inspection approfondie effectuée de manière inopinée le 6 et 13 mars 2017 par la DREAL a mis en évidence des non-conformités en terme d'émergence en ZER, à savoir que la valeur d'émergence maximale de 5dB(A) n'était pas respectée au regard du niveau sonore résiduel de 47dB (A) mesuré le 13 mars entre 11h et 11h45.



La société Décibel France, missionnée par la DREAL a réalisé 4 campagnes de mesures acoustiques (les 24, 25 et 26 juillet 2018/ les 6 et 7 août 2018 / les 3,4 et 5 septembre 2018/ les 19 et 20 septembre 2018) dont il résulte que le fonctionnement de l'exploitation de la société GDE est très nettement perceptible au point ZER avec des bruits quasi-exclusifs à caractère impulsionnel se répétant de manière continue, ces bruits représentant environ 90 % du temps de mesures sur une journée ; les niveaux sonores résiduels relevés durant ces 4 campagnes de mesures étaient compris entre 40, 2 et 42,7 Db (A) ; la société Décibel France précisant également qu'au point ZER les niveaux sonores LAeq sont globalement compris entre 48 et 53 dB(A) sur un dépouillement de mesures de 30 minutes et encore que les chocs impulsionnels supérieurs à 60 dB (A) sont très fréquents et qu'il est constaté régulièrement des émergences sonores de 8 à 12dB(A) pour 5 Db (A) admissibles.



La même société a réalisé 4 autres campagnes de mesures acoustiques (les 15,16 et 17 janvier 2019 / les 21et 22 mars 2019 / les 27, 28 et 29 mars 2019 / les 15 et 16 mai 2019) dont les résultats ont révélé un dépassement d'émergence principalement :

-de 3,4 dB(A) sur toute la journée du 22 mars 2019,

-de 0,6 dB (A) durant la matinée du 27 mars 2019,

-de 2,6 dB(A) de 16 h à 17 h le 28 mars 2019,

-de 1,6 dB (A) de 14 h à 15h le 16 mai 2019.



Les mesures réalisées en ZER le 19 février 2021par la société DbVIB Consulting à l'initiative de la société GDE dont il résulte que les émergences évaluées respectent le critère réglementaire de 5dB (A) ne constitue pas un élément de contre preuve pertinent dès lors que le policier municipal atteste que ce jour là l'activité industrielle de la société GDE était quasiment à l'arrêt « car aucun camion ne rentrait ou ne sortait, les machines qui servent à vider les camions étaient immobiles, à la différence de l'ensemble du reste de l'année, GDE semblai à l'arrêt », ce constat ayant été posé après qu'il ait effectué 4 passages, le premier à 9h08, le second à 11h53, le troisième à 14H02 et le dernier à 16h44, au cours desquels il a stationné son véhicule à l'arrêt « une dizaine de minutes à chaque fois, moteur éteint et fenêtre ouverte ».



Les mesures acoustiques effectuées du 16 au 17 juin 2021 à la demande de l'un des riverains par la société Phoenix Acoustique ont révélé une émergence sonore de 11dB(A) durant les phases d'activité de la société DGE qui sont variables au cours d'une journée.



Ce constat réitéré sur plusieurs années et en dernier lieu en juin 2021 d'émergences sonores non conformes ne saurait être remis en cause par l'étude acoustique, réalisée le 5 juillet 2021 par la société Decibel France missionnée par la DREAL, sur la fourchette horaire 8h/12h et 13/16h qui conclut que l'impact sonore engendré par la société GDE au point ZER « est conforme à la réglementation en vigueur tout au long de la journée » alors même qu'il n'est pas argué de la mise en 'uvre de nouvelles installations depuis les 16 et 17 juin 2021 pour réduire les bruits litigieux ; en outre, la société GDE qui entend se prévaloir de cette dernière campagne de mesures acoustiques précisemment réalisée par la société Decibel France ne peut utilement, sans se contredire, critiquer les précédentes études de cette même société Decibel France sur la foi d'un rapport de la société Salto Ingenierie.



Il résulte de l'ensemble des études de mesures acoustiques versées au débat par les intimés que, quand bien même le 5 juillet 2021 l'impact acoustique de l'activité de la société GDE était conforme, sans qu'il puisse être vérifié que ce jour précis, l'activité de cette société était de la même indensité que lors des précédentes études, il persistent des dépassements d'émergences sonores non conformes car supérieures à 5dB(A) malgré les travaux réalisés (construction d'un mur mégablocs en 2014 ; réhaussement de ce mur et bardage double peau du bâtiment maintenance en 2016 ; reprise de ce mur et des fondations en 2018) et les modifications d'organisation du travail sur le site, la société GDE concluant notamment avoir déplacé ses activités les plus bruyantes vers la partie sud du site, la plus éloignée des habitations des Iles de Cordée et ne plus utiliser le portail de l'accès nord sur la foi d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 17 février 2021 (ce qui est toutefois démenti par l'attestation du policier municipal qui relate dans un procès-verbal du 22 juin 2021 que l'ancien portail de la société GDE est encore en état de marche et qu'occasionnellement des camions empruntent encore cet accès pour sortir).

La nature répétitive, quotidienne en semaine, de bruits brefs, continus en provenance de l'activité de la société GDE sur son site de démolition et de recyclage caractérise un trouble anormal excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Sans plus ample discussion, le jugement déféré est confirmé sur ce point.



Sur l'antériorité du trouble



L'article L.112-16 du code de la construction et de l'habitation (texte abrogé au 1er juillet 2021 par l'ordonnance n°2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre 1er du code de la construction et de l'habitation, pour être remplacé à droit constant par l'article L.113-8, applicable à compter du 1er juillet 2021) précise  :

« Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. »



Il en résulte que l'antériorité cesse d'être un fait justificatif privant d'indemnisation la victime d'un trouble anormal du voisinage, lorsque l'activité ne respecte pas les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou lorsque l'activité préxistante a fait l'objet de modifications dans ses conditions d'exploitation, « ne s'est pas poursuivie dans les mêmes conditions », après l'installation de l'occupant du bâtiment dénonçant les nuisances ( cf « dès lors que celles-ci s'exercent en conformité avec » ').



La société GDE qui excipe à titre subsidiaire de l'antériorité de son activité ne peut être accueillie dans ce chef de demande.

En effet, il s'avère que le permis de construire de l'ensemble immobilier « Les Iles Cordées » dans lequel résident les intimés a été délivré le 9 janvier 1976, soit à une date bien antérieure au début de l'activité de la société GDE en 2011 ; il importe peu que la création du site de collecte date de 1974 dès lors que son exploitation par les sociétés Recup-Mat puis Les Etablissements Guillet n'a donné lieu à aucune plainte des occupants de l'ensemble immobilier « Les Iles Cordées », ces derniers ayant dénoncé des nuisances sonores seulement à compter de la prise d'exploitation par la société GDE en 2011.

Ainsi la condition substantielle tenant à l'antériorité de l'exploitation par la société GDE n'est pas remplie ; dès lors, en l'absence d'antériorité, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant si les activités de cette société s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et si elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.



Le jugement déféré est en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné sous astreinte la société GDE à procéder aux travaux nécessaires pour réduire les émergences sonores non conformes selon les modalités précisées dans son dispositif, ces dispositions n'étant pas discutées en tant que telles par l'appelante qui a seulement conclu à l'infirmation dudit jugement.



Sur les demandes en réparation du trouble de jouissance



Il est avéré que les intimés, personnes physiques, subissent en leur qualité de voisins proches du site exploité par la société GDE, chaque jour ouvrable des bruits répétitifs, brefs et discontinus, se trouvant ainsi privés notamment de la jouissance de leurs jardins, et leur qualité de vie s'en trouvant affectée.



Ce préjudice de jouissance perdure depuis plus de six années, en raison de l'insuffisance des travaux mis en 'uvre par cette société pour contrer les émergences sonores non conformes engendrées par son activité.

L'indemnisation allouée par le premier juge à hauteur de 300€ doit être portée à 1.000€ pour chacun d'eux, celle allouée à l'ADLPC devant être confirmée à 300€, cette personne morale ne pouvant pas exciper d'un préjudice de jouissance de même degré que les personnes physiques résidant à proximité du site d'exploitation litigieux.



Sur les mesures accessoires



Partie succombante devant la cour, la société GDE est condamnée aux dépens d'appel et doit verser à chacun des intimés une indemnité de procédure pour l'instance d'appel.

Les dispositions du jugement déféré relatives aux mesures provisoires sont par ailleurs confirmées.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice de jouissance des demandeurs personnes physiques,



Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,



Condamne la société Guy Dauphin Environnement à payer à :

M.[Z] [SW], Mme [PO] [SW] née [H], M. [U] [PZ], Mme [A] [PZ] née [SW], M. [I] [X] [TL], Mme [VI] [YK] [TL] née [V], M.[ER] [AY], Mme [BZ] [C] [AY] née [AS], M.[P] [B], Mme [BG] [B] née [EW], M. [KF] [J], Mme [F] [J] née [OZ], M. [S] [E], Mme [HD] [M], Mme [L] [Y], M. [CJ] [ER] [W], Mme [HN] [W] née [T], M. [YF] [K], Mme [PE] [K] née [R], M. [N] [VT] [JV], Mme [BL] [EL] [JV], Mme [PJ] [KA] née [HI], M. [BB] [G] [MX] [D], Mme [O] [MX] [D] née [MS], la somme de 1.000 € à chacun au titre du préjudice de jouissance,



Condamne la société Guy Dauphin Environnement à payer à l'Association Des Laissés Pour Compte, M.[Z] [SW], Mme [PO] [SW] née [H], M. [U] [PZ], Mme [A] [PZ] née [SW], M. [I] [X] [TL],Mme [VI] [YK][TL] née [V], M.[ER] [AY], Mme [BZ] [C] [AY] née [AS], M. [P] [B], Mme [BG] [B] née [EW], M. [KF] [J], Mme [F] [J] née [OZ], M. [S] [E], Mme [HD] [M], Mme [L] [Y], M. [CJ] [ER] [W], Mme [HN] [W] née [T], M. [YF] [K], Mme [PE] [K] née [R], M. [N] [VT] [JV], Mme [BL] [EL] [JV], Mme [PJ] [KA] née [HI], M. [BB] [G] [MX] [D], Mme [O] [MX] [D] née [MS], la somme de 300€ à chacun à titre d'indemnité de procédure d'appel,



C ondamne la société Guy Dauphin Environnement aux dépens d'appel.





Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



Signé par Madame Clerc , président, et par Madame Burel, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.