24 février 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/10676

Pôle 1 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8



ARRET DU 24 FEVRIER 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10676 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF5QI



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Avril 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/57582





APPELANTE



S.A.R.L. OIO MAR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 6]

[Localité 10]



Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée par Me Xavier CAZOTTES, avocat au barreau de PARIS, toque : D473







INTIMES



S.A. AXA FRANCE IARD recherchée en qualité d'assureur de la société SIBER PROMOTION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111



SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 5] pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représenté et assisté par Me Muriel POUILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0162



S.A.S. SIBER PROMOTION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 9]

[Localité 10]

Représentée et assistée par Me Benoît ATTAL de la SELASU CABINET ATTAL, avocat au barreau de PARIS, toque : G608









COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président chargé du rapport et Rachel LE COTTY, Conseiller.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:



Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,



Greffier, lors des débats : Marie GOIN









ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier présent lors de la mise à disposition.






La société Oio Mar est propriétaire d'un appartement situé au 3ème étage de l'immeuble du [Adresse 5]. La société Siber Promotion, propriétaire de l'appartement situé au 4ème étage, au-dessus de celui de la société Oio Mar, a entrepris d'importants travaux de rénovation à compter du mois de juillet 2021.



Le 29 août 2021, le lustre de la cuisine de l'appartement de la société Oio Mar a chuté.



Exposant que les travaux entrepris dans l'appartement du 4ème étage sont à l'origine de cette chute et de désordres, la société Oio Mar a, par acte du 17 septembre 2021, fait assigner la société Siber et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir la désignation d'un huissier de justice et d'un expert judiciaire ainsi que l'arrêt des travaux dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.



Par acte du 10 novembre 2021, la société Oio Mar a appelé dans la cause la société Siber Promotion, laquelle a fait assigner en intervention forcée son assureur, la société Axa France IARD.

Au regard du temps écoulé depuis la délivrance de l'acte introductif d'instance, la société Oio Mar a renoncé, à l'audience du 8 mars 2022, à ses demandes de désignation d'un huissier de justice et d'arrêt des travaux.



Par ordonnance du 5 avril 2022, le premier juge a :




ordonné la jonction des affaires enregistrée sous les numéros RG 22/50214 et 21/57582 ;

déclaré recevable l'intervention forcée de la société Siber Promotion ;

mis hors de cause la société Siber ;

rejeté la demande tendant à ce que les attestations de M. et Mme [B] soient écartées des débats ;

rejeté la demande d'expertise judiciaire sollicitée par la société Oio Mar ;

débouté la société Siber de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;

condamné la société Oio Mar aux dépens de l'instance ;

condamné la société Oio Mar à payer la somme de 500 euros à chacun des défendeurs que sont la société Siber, la société Siber Promotion, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] et la société Axa France IARD sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.




Par déclaration du 2 juin 2022, la société Oio Mar a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise et l'a condamnée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 janvier 2023, la société Oio Mar demande à la cour de :




infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :


rejeté la demande d'expertise judiciaire,

prononcé une condamnation à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens et rejeté sa demande fondée sur ce texte ;



statuant à nouveau,

sur la demande de désignation d'un expert judiciaire,


désigner tel expert qu'il plaira à la cour, lequel recevra mission, notamment, d'examiner et détailler les travaux réalisés par la société Siber Promotion, dire si ces travaux affectent les parties communes et ses parties privatives ; s'ils sont conformes aux règles de l'art et, notamment, en ce qui concerne l'étanchéité des revêtements posés ; décrire l'étendue des désordres affectant tant les parties communes que ses parties privatives ;

déterminer les causes et l'origine de ces désordres ; déterminer les méthodologies de remise en état et en chiffrer le coût financier ; déterminer et évaluer les préjudices éventuels ; de manière générale, fournir tous éléments permettant à la juridiction ultérieurement saisie de se prononcer sur les responsabilités et d'apprécier les différents préjudices qu'elle a subis ;

condamner la société Siber Promotion au paiement des frais d'expertise ;


sur l'irrecevabilité alléguée de ses conclusions d'appel


débouter la société Siber Promotion de sa demande visant à voir déclarées irrecevables les conclusions régularisées le 14 octobre 2022 ;


sur la demande tendant à écarter des débats les attestations de M. et Mme [B] du 11 septembre 2021,


déclarer irrecevables les prétentions de la société Siber Promotion à ce sujet faute pour celle-ci d'avoir formé un appel incident sur le rejet de cette demande par le juge des référés ;


en tout état de cause,


rejeter l'ensemble des moyens et prétentions de la société Siber Promotion ;

déclarer opposable au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], l'arrêt à intervenir ;

condamner la société Siber Promotion à lui verser la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

condamner la société Siber Promotion aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.




Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 janvier 2023, la société Siber Promotion demande à la cour de :




dire la société Oio Mar irrecevable et mal fondée en son appel et en toutes ses demandes ;

la dire bien fondée en ses prétentions ;


en conséquence,

à titre principal


confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;


y ajoutant,


condamner la société Oio Mar à lui verser la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;


à titre subsidiaire en cas d'infirmation de l'ordonnance dont appel,


débouter la société Oio Mar de toutes ses demandes formée à son encontre ;

écarter des débats les attestations de M. et Mme [B] du 11 septembre 2021 (Pièces adverses n°5 et 6) ;

condamner la société Axa France IARD à la garantir de toutes mesures et/ou condamnations éventuellement prononcées à son encontre à la requête de la société Oio Mar ;

rendre communes à la société Axa France IARD toutes éventuelles mesures prononcées par 'le tribunal de céans' à la requête de la société Oio Mar ;

condamner la société Oio Mar à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.




Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 octobre 2022, la société Axa France IARD demande à la cour de :




l'accueillir en ses écritures et la déclarer bien fondée ;

confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

débouter les parties de leurs plus amples demandes.




Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 octobre 2022, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] demande à la cour de :




confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;


à titre subsidiaire,


lui donner acte de ses protestations et réserves d'usage sur la demande d'expertise et confirmer la mission proposée par l'appelante du chef de l'examen des parties communes de l'immeuble et des préjudices éventuellement subis ;


en tout état de cause,


condamner la société Oio Mar au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.




La clôture de la procédure a été prononcée le 11 janvier 2023.



Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




SUR CE, LA COUR



Sur la recevabilité de l'appel de la société Oio Mar et de ses demandes



La société Siber Promotion soulève, dans le dispositif de ses conclusions, l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Oio Mar sans cependant développer de moyen au soutien de celle-ci, qui ne peut dès lors être que rejetée.



La société Siber Promotion invoque encore l'irrecevabilité des demandes de l'appelante en faisant état de l'irrecevabilité de ses conclusions, sur le fondement des articles 542, 909 (relatif au délai pour conclure imparti à l'intimé en circuit dit long et, donc n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce) et 954 du code de procédure civile et en soutenant que l'appelante sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise sans demander à la cour qu'elle statue à nouveau.



Selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.



L'article 954 du même code énonce, notamment, que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation ; qu'elles comprennent un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions.



Au cas présent, dès ses premières conclusions, l'appelant a sollicité, d'une part, l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté sa demande d'expertise judiciaire ainsi que sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et prononcé des condamnations à son encontre au titre des dépens et des frais irrépétibles et, d'autre part, la désignation d'un expert judiciaire en développant les moyens au soutien de cette prétention.



Les conclusions n'encourent dès lors aucune critique, étant en tout état de cause relevé que la méconnaissance, à la supposer établie, de l'article 954 du code de procédure civile ne peut être sanctionnée par l'irrecevabilité des conclusions ou des demandes qu'elles contiennent.



Les fins de non recevoir, dépourvues de tout caractère sérieux, seront donc rejetées.



Sur la demande tendant à voir écarter des débats les pièces 5 et 6 de l'appelante



La société Siber Promotion demande que soient écartées des débats les attestations de M. [B] et Mme [Y], associés de la société Oio Mar. Cette dernière soulève l'irrecevabilité de cette demande en considérant que la société Siber Promotion aurait dû sur ce point relever appel incident de l'ordonnance entreprise l'ayant déboutée de ce chef de demande.



Ces attestations étant produites en cause d'appel au soutien de la demande d'expertise de la société Oio Mar, l'intimée est recevable à solliciter qu'elles soient écartées des débats. Cependant, le fait que leurs auteurs soient les associés de la société appelante ne peut justifier le rejet de ces pièces régulières en la forme.

L'intimée sera donc déboutée de sa demande de ce chef.



Sur la demande d'expertise



Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.



Pour ordonner une expertise en application de ce texte, le juge des référés doit constater l'existence d'un procès 'en germe', possible et non manifestement voué à l'échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, qui doit être utile et pertinente.



A l'appui de sa demande d'expertise, la société Oio Mar fait valoir que les travaux entrepris par la société Siber Promotion portent atteinte tant aux parties communes de l'immeuble qu'à ses parties privatives, estimant que les désordres constatés sont imputables à la pose de chapes en béton coulées dans l'appartement du 4ème étage sans mise en place d'une étanchéité.



Elle produit notamment, pour justifier sa demande, deux procès-verbaux de constat établis par huissier de justice les 30 août et 2 septembre 2021 desquels il ressort que :


des petits décollements de peinture et des débuts de fissures sont visibles au plafond de la salle de bains, qui présente un taux d'humidité de plus de 80 % ainsi que sur la retombée du mur en façade,

des traces de dégât des eaux avec décollement de peinture sont également visibles au plafond de la chambre contiguë ainsi que des décollements de peinture sur le mur droit ;

dans la cuisine, le lustre s'est effondré, le câble électrique pend à travers un trou dans le plafond ;

un trou, laissant voir le jour, a été constaté dans l'espace de la porte à galandage permettant l'accès à la salle de bains principale, lequel est également visible dans l'appartement du 4ème étage et se situe entre les solives d'une pièce dont la quasi-totalité du parquet a été déposée ;

selon les déclarations et photographies prises par M. [I], 'assistant maître d'ouvrage' de la société Oio Mar, qui a seul pu avoir accès, lors du constat du 2 septembre 2021, aux pièces de l'appartement de la société Siber Promotion dans lesquelles une chape de béton a été coulée (l'huissier de justice s'étant vu refuser cet accès par la société intimée), aucune remontée d'étanchéité ni bâche de polyane n'est visible sous la chape posée ;

cette absence d'étanchéité n'a pas été contestée par M. [O] représentant l'entreprise chargée des travaux, présent lors du constat.




Selon le mail adressé le 10 octobre 2022 au conseil de l'appelante par M. [I], ce dernier explique s'être rendu sur les lieux, à la demande de la société Oio Mar, pour constater et comprendre la cause de la chute du lustre de la cuisine, accroché au plafond depuis plus de 15 ans.



Il indique avoir rencontré un des ouvriers travaillant au 4ème étage, dans l'appartement de la société intimée, avoir constaté la présence d'une bétonnière et l'absence de film polyane sous la dalle remontant en périphérie de celle-ci alors que les règles de l'art imposent la mise en oeuvre d'un tel film sur la totalité du plancher avec remontée périphérique débordant sur les murs de 10 cm, au-dessus du niveau du béton coulé et ce afin de pallier tout risque d'infiltration d'eau dans le plancher.



Il impute la chute du lustre à l'absence de polyane, qui, selon lui, a permis à l'eau du béton de s'infiltrer dans le plafond, et au fonctionnement de la bétonnière générant d'importantes vibrations, avis qu'il a confirmé dans un mail du 6 janvier 2023.



Pour contredire cet avis, la société Siber Promotion produit un rapport réalisé le 29 septembre 2021 par M. [C], architecte, qui, après visite de l'appartement en cause, estime que les travaux entrepris ne concernent pas d'éléments structurels de l'immeuble et ne comportent pas la mise en oeuvre de dalles ou chapes en béton armé. Il indique qu'une chape en mortier maigre traditionnel a été réalisée dans une pièce (future cuisine) sans avoir pu voir son support.



Il conteste la mise en oeuvre de dalles de béton et donc, une possible surcharge apportée à la structure de l'immeuble. Il considère que la chute du lustre est davantage en lien avec la fragilité apparente de son mode d'ancrage au plafond et que le taux élevé d'humidité relevé en plancher haut de l'appartement de l'appelante 'a peut-être une autre origine que celle d'un désordre consécutif aux seuls travaux en cours', envisageant ainsi un défaut de ventilation de la salle de bains et préconisant à ce sujet des investigations plus poussées. S'agissant du trou constaté dans le plafond, il précise que ce désordre, sans gravité, décelé lors de la dépose du parquet, ne concerne pas un élément structurel.



L'intimée communique encore une lettre de M. [C] du 25 octobre 2022, contestant les observations de M. [I] faites dans la lettre susvisée du 10 octobre 2022 et affirmant l'absence de mise en oeuvre d'une dalle de béton au-dessus de la cuisine de l'appartement du 3ème étage ainsi qu'un rapport d'expertise amiable de deux pages, établi le 14 janvier 2022 par l'expert de son assureur, qui exclut toute responsabilité dans la chute du lustre, imputée à sa fixation inadaptée au support.



Aux termes du règlement de copropriété est défini comme parties communes générales 'le gros oeuvre des planchers (poutres, solives et hourdis)'.



Ce règlement prévoit en outre que 'chacun des copropriétaires aura le droit de jouir comme bon lui semble des parties privatives comprises dans son lot, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires, et de ne rien faire qui puisse, soit compromettre la solidité de l'immeuble soit porter atteinte à sa destination', disposition reprenant les prescriptions de l'article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.



L'article 25 de ladite loi dispose que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant, notamment, l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble et conformes à la destination de celui-ci.



En outre, en application de l'article 15 de cette loi, tout copropriétaire peut exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot.

Il en résulte qu'un copropriétaire est fondé non seulement à demander réparation des désordres subis par ses parties privatives, mais aussi à agir en raison d'une violation du règlement de copropriété ou d'une atteinte portée aux parties communes. Au surplus, l'action fondée sur ce texte, n'exclut pas celle qui pourrait être exercée en réparation des troubles de voisinage occasionnés.



Ainsi, au regard des pièces précédemment examinées, du caractère contradictoire des avis de MM. [I] et [C], du constat effectué quant à la présence d'un trou dans le gros oeuvre du plancher dont l'origine n'est pas en l'état établie, et l'absence de mise en oeuvre d'une étanchéité sous la chape en béton coulée sur le sol, de l'existence de cette chape parfaitement visible sur les photographies produites (pièce 10 de l'appelante) et du caractère succinct du rapport d'expertise amiable produit par l'intimée, la société Oio Mar justifie d'un motif légitime pour solliciter une mesure d'expertise, qui lui permettra de réunir des éléments de faits pouvant servir de base à un futur procès qui n'apparaît pas manifestement voué à l'échec.



Il convient donc, infirmant l'ordonnance entreprise en ses dispositions dont il a été fait appel, d'ordonner une mesure d'expertise aux frais avancés de l'appelante et selon les modalités qui seront précisées au dispositif.



Cette mesure d'instruction s'effectuera au contradictoire de l'ensemble des parties au litige y compris de la société Axa France IARD, cette dernière ne démontrant pas que sa garantie responsabilité civile ne pourrait être recherchée.



En effet, s'il n'est pas contestable qu'elle assure la société Siber Promotion en qualité de propriétaire non occupant ainsi qu'il résulte des conditions particulières de sa police, il apparaît de celles-ci que des garanties 'responsabilité du fait des bâtiments assurés' et 'responsabilité non occupant' ont été souscrites. Au surplus, les conditions générales de la police comportent un tableau intitulé 'Responsabilités garanties' dans lequel il apparaît que la garantie 'responsabilité vis-à-vis des voisins et des tiers' est accordée au locataire, au propriétaire occupant et au propriétaire non occupant.



Il est donc justifié, au regard des éléments précités, que la société Axa France IARD participe à la mesure d'expertise.



Sur la demande en garantie de la société Siber Promotion



La société Siber Promotion sollicite dès à présent que la société Axa France IARD la garantisse de toutes condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre.



Or, à ce stade de la procédure, cette demande est prématurée dès lors que l'éventuelle responsabilité de la Siber Promotion et garantie de son assureur ne pourront être recherchées qu'à l'issue des opérations d'expertise, l'étendue exacte de la garantie souscrite auprès de la société Axa France IARD ne pouvant, en tout état de cause, être appréciée que par le juge du fond.



Il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande.



Sur les autres demandes



La demande de donner acte de ses protestations et réserves formée par le syndicat des copropriétaires ne donnera lieu à aucune mention au dispositif dès lors que cette demande, dépourvue de toute conséquence juridique, ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile.



La demande de l'appelante tendant à ce que le présent arrêt soit déclaré opposable au syndicat des copropriétaires est sans objet dès lors que partie à la présente procédure, l'arrêt lui est nécessairement opposable.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile. En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.



En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Au regard des circonstances de la cause, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.



Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



Rejette les fins de non recevoir soulevées ;



Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces 5 et 6 produites par la société Oio Mar ;



Infirme l'ordonnance entreprise des chefs dont il a été fait appel ;



Statuant à nouveau,



Ordonne une mesure d'expertise, et désigne pour y procéder :



M. [N] [T]

[Adresse 4]

Tél : [XXXXXXXX01]

Fax : [XXXXXXXX02]

Port. : [XXXXXXXX03]

Email : [Courriel 12]



lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,



avec mission de :




se rendre sur place, dans les appartements des sociétés Oio Mar et Siber Promotion, situés respectivement aux 3ème et 4ème étages de l'immeuble du [Adresse 5] ; les décrire et, au besoin, constituer un album photographique et dresser des croquis ;





examiner et décrire les travaux réalisés par la société Siber Promotion dans l'appartement du 4ème étage ainsi que les désordres allégués par la société Oio Mar ;





dire si ces travaux affectent les parties communes et/ou les parties privatives de la société Oio Mar ;





dire s'ils ont été réalisés conformément aux règles de l'art, notamment, en ce qui concerne l'étanchéité des revêtements de sol posés ;





décrire les désordres affectant les parties communes et les parties privatives de la société Oio Mar ; en déterminer les causes et les conséquences ; dire s'ils sont de nature à porter atteinte à la solidité de l'immeuble ou à sa destination ;





déterminer la nature des travaux de réfection à entreprendre pour remédier aux désordres et permettre la remise des lieux en état, les décrire, en évaluer la durée et le coût à l'aide de devis préalablement remis par les parties ;





fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie au fond de déterminer les responsabilités encourues ;





donner son avis sur les préjudices de toute nature subis ;




Dit que pour procéder à sa mission l'expert devra :




convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise ;





se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplis­sement de sa mission ;





au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations ;


' fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;

' rappelant aux parties, au visa de l'article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;



Dit à ce titre que le terme du délai fixé par l'expert pour le dépôt des dernières observations marquera la fin de l'instruction technique et interdira, à compter de la date à laquelle il est fixé, le dépôt de nouvelles observations, sauf les exceptions visées à l'article 276 du code de procédure civile ;



Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Paris (Contrôle des Expertises) avant le 20 octobre 2023 sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;



Dit que la société Oio Mar devra consigner à la régie du tribunal judiciaire de Paris la somme de 3.500 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert au plus tard le 25 mars 2023 ;



Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;



Désigne pour suivre la mission d'expertise le juge du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Paris ;



Dit que la mesure d'expertise s'effectuera au contradictoire de la société Axa France IARD ;



Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande en garantie formée par la société Siber Promotion à l'encontre de la société Axa France IARD ;



Dit que chacune des parties supportera les dépens exposés tant en première instance qu'en appel ;



Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Le Greffier, Le Président,

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