23 février 2023
Cour d'appel de Rouen
RG n° 22/02170

Chambre de la Proximité

Texte de la décision

N° RG 22/02170 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JDVX





COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 23 FEVRIER 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



22/00217

Jugement du Tribunal Judiciaire du juge de l'exécution de Dieppe du 08 juin 2022





APPELANTS :



Monsieur [B] [M]

né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 7] (76)

[Adresse 3]

[Localité 7]



représenté par Me Jean-Christophe LEMAIRE de la SCP LEMAIRE QUATRAVAUX, avocat au barreau de DIEPPE assisté par Me DESHAYS plaidant, avocat au barreau de DIEPPE





Madame [J] [L]

née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 8] (76)

[Adresse 3]

[Localité 7]



représentée par Me Jean-Christophe LEMAIRE de la SCP LEMAIRE QUATRAVAUX, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me DESHAYS, avocat au barreau de DIEPPE





INTIME :



M. [S] [H] ès qualités d'héritier de Mme [E] [H]

[Adresse 6]

[Localité 5]



représenté et assisté par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me HUREL, avocat au barreau de DIEPPE





INTERVENANT FORCE :



Mme [C] [V] veuve [F] ès qualités d'héritière de Mme [E] [H]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 8] (76)

[Adresse 9]

[Localité 7]



représentée et assistée par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me HUREL, avocat au barreau de DIEPPE





COMPOSITION DE LA COUR  :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 décembre 2022 sans opposition des avocats devant Madame GERMAIN, rapporteur.



Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :



Madame TILLIEZ, Conseillère suppléante de la présidente

Monsieur JULIEN, Conseiller

Madame GERMAIN, Conseillère



DEBATS :



Mme CHEVALIER greffière lors des débats

Mme DUPONT, greffière lors de la mise à disposition



A l'audience publique du 15 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 février 2023





ARRET :



Contradictoire



Prononcé publiquement le 23 février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



signé par Madame TILLIEZ, conseillère suppléante de la présidente et par Madame DUPONT, Greffière présente lors de la mise à disposition.






Exposé des faits et de la procédure



Suivant jugement du 18 mars 2015, le tribunal de grande instance de Dieppe a :



- condamné M. [B] [M] à payer à Mme [E] [H] la somme principale de 36 892,75 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 10% l'an à compter du 10 octobre 2007 jusqu'à parfait règlement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. [M] à payer à Mme [H] une indemnité de procédure de 1200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. [M] aux dépens.



Par acte du 19 janvier 2022, un procès-verbal aux fins de saisie-vente a été établi par ministère d'huissier.



Par acte du 16 février 2022, Mme [J] [L] et M. [B] [M] ont fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Dieppe, Mme [E] [H] aux fins de :



- voir prononcer la nullité de la saisie pratiquée le 19 janvier 2022,



- voir prononcer la distraction des biens saisis au profit de Mme [L],



- les voir condamner à leur payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,



- les condamner à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Suivant acte du 23 février 2022 était opérée la mainlevée de la saisie-vente.



Par jugement du 8 juin 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Dieppe a :



- constaté que la saisie-vente diligentée à l'encontre de M. [M] par acte d'huissier signifié le 23 février 2022, a fait l'objet d'une mainlevée,



En conséquence :



- constaté que les contestations élevées à l'endroit de la procédure de saisie-vente sont sans objet,



- débouté Mme [J] [L] et M. [B] [M] de leur demande de dommages et intérêts,



- débouté Mme [J] [L] et M. [B] [M] de leur demande tendant à juger de la prescription des intérêts contractuels et de la réduction des intérêts à un taux réduit ainsi que celle tendant à imputer en priorité les règlements sur le principal,



- rejeté toute autre demande,



- condamné Mme [J] [L] et M. [B] [M] à payer à Mme [E] [H] et M. [S] [H] unis d'intérêt la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



- laissé à la charge de Mme [J] [L] et M. [B] [M] les entiers dépens de la présente procédure.



M. [B] [M] et Mme [J] [L] ont relevé appel de cette décision suivant déclaration reçue le 29 juin 2022.



Par acte du 21 octobre 2022, M. [B] [M] et Mme [J] [L] ont fait assigner Mme [C] [V] veuve [F], en intervention forcée en sa qualité d'héritière de Mme [E] [H] décédée.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.



Exposé des prétentions des parties



Par conclusions du 12 décembre 2022, M. [M] et Mme [L] demandent à la cour de :



- juger M. [M] et Mme [L] recevables en leur demande d'intervention forcée de Mme [C] [V] veuve [F] en sa qualité d'héritière de Mme [E] [H] décédée,



Y faisant droit,



- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [B] [M] et Mme [J] [L], au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts ainsi que de leur demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamnation des défendeurs aux dépens,



Statuant à nouveau,



- condamner Mme [V] et M. [H] à payer à M. [M] la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,



- condamner Mme [V] et M. [H] à payer à Mme [L] la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts en application de l'article 1240 du code civil,



- rejeter l'ensemble des prétentions de Mme [V] et M. [H],



- condamner Mme [V] et M. [H] à payer à M. [M] et à Mme [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant de première instance que d'appel, ainsi qu'au paiement des entiers dépens tant de première instance qu'en cause d'appel.



Par conclusions reçues le 12 décembre 2022, Mme [V] et M. [H] demandent à la cour de :



- déclarer irrecevable l'appel interjeté au nom de Mme [J] [L] ainsi que l'assignation en intervention forcée délivrée à l'encontre de Mme [V] à sa requête.



En tout état de cause,



- confirmer le jugement du 8 juin 2022 du juge de l'exécution,



- condamner M. [B] [M] à payer à M. [S] [H] et à Mme [C] [V] en leur qualité d'ayants droit de feue [E] [H], la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive en application des articles 1240 et suivants du code civil,



- condamner solidairement M. [B] [M] et Mme [J] [L] à verser à M. [S] [H] et Mme [C] [V] la somme de

3 000 euros à titre d'indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner solidairement M. [B] [M] et Mme [J] [L] à prendre en charge les entiers dépens.



En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés par celles-ci.






MOTIVATION



Les dispositions relatives à la prescription des intérêts et à leur réduction ne sont pas critiquées, de sorte que la cour statuera dans les limites de l'appel.











Sur la recevabilité de l'appel et l'assignation en intervention forcée délivrée à l'encontre de Mme [V] à la requête de Mme [J] [L]



Mme [V] et M. [H] soutiennent que Mme [J] [L] n'a pu avoir la volonté ni de donner l'instruction d'interjeter appel ni de prendre la décision d'assigner Mme [V] en intervention forcée, compte tenu des troubles cognitifs importants qu'elle présente.



Dans la mesure où Mme [L] n'était pas sous mesure de protection lors de la déclaration d'appel et lors de l'assignation en intervention forcée, elle a donné valablement pouvoir à son conseil de la représenter et d'assigner en intervention forcée.



La déclaration d'appel de Mme [L] et l'assignation en intervention forcée de Mme [V] en sa qualité d'héritière de Mme [E] [H] seront en conséquence déclarées recevables, l'évolution du litige et le décès de cette dernière impliquant l'intervention de son héritière.





Sur la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie



M. [M] soutient que les créanciers ont multiplié les procédures, que l'huissier a été parfaitement informé de ce que les biens saisis appartenaient à Mme [L], M. [M] son compagnon résidant simplement au domicile de cette dernière et qu'entre le 9 avril 2021 et le 19 janvier 2022, M. [M] a versé la somme de 2 491,95 euros, de sorte que le choix de cette mesure de saisie-vente excédait ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation et justifie l'allocation de dommages et intérêts.



Selon l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toutes mesures inutiles ou abusives et de condamner le créancier à des dommages -intérêts en cas d'abus de saisie.



Ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, le créancier dispose de par la loi d'une totale liberté pour entreprendre les mesures d'exécution pour recouvrer sa créance dès lors qu'il dispose d'un titre exécutoire, sous réserve de ne pas diligenter de mesures inutiles ou abusives.



En l'espèce, l'existence d'une mesure de saisie des rémunérations ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre d'autres voies d'exécution, compte tenu du montant de la créance fixée à 38 892,75 euros en principal et à

14 926,38 euros en intérêts selon jugement du 19 mai 2022 et alors que le principal restant dû s'élève encore à la somme de 36 892,75 euros.



En outre lors des opérations de saisie-vente, l'huissier instrumentaire ne pouvait avoir connaissance que les biens présents à la résidence de

M. [M] ne lui appartenaient pas.



Ce n'est que postérieurement à la saisie que les justificatifs de propriété ont été communiqués à l'huissier établissant que les biens saisis appartenaient à Mme [L].



C'est donc par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts, en l'absence d'abus avéré dans la mise en oeuvre de la procédure de saisie-vente.









Sur la demande de dommages et intérêts fondés sur l'article 1240 du code civil



Mme [L] sollicite des dommages et intérêts au motif de sa pathologie neurodégénérative qui implique qu'elle ne doit pas être contrariée et dès lors que toute démarche effectuée alors qu'elle ne s'y attend pas, peut lui être gravement préjudiciable. Elle soutient que malgré les contestations élevées lors de la saisie et les demandes de mainlevée amiable, aucun accord n'a pu intervenir.



Mme [L] ne justifie cependant pas que la procédure de saisie-vente lui aurait causé un quelconque préjudice au regard de son état de santé.



En outre, comme indiqué précédemment, ce n'est que postérieurement aux opérations d'exécution que les documents établissant qu'elle était propriétaire des meubles garnissant le logement, ont été communiqués à l'huissier, celui-ci ne pouvant se contenter des allégations des saisis, sans justificatif.



De plus, dès communication des documents établissant la propriété des meubles, soit le 16 février 2022, l'huissier instrumentaire a, contrairement à ce qui est prétendu, fait savoir le même jour, qu'une mainlevée allait être opérée. Il s'ensuit que les démarches amiables ne se sont pas avérées vaines.



Mme [L] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement confirmé de ce chef.



Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive



M. [H] et Mme [V] prétendent que le fait pour les appelants d'avoir maintenu leurs demandes a dégénéré en abus de droit justifiant l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil.



Il n'est cependant démontré aucune intention malicieuse de la part des appelants, ni de résistance au paiement dès lors que des versements sont intervenus, même s'ils sont moindres au regard de l'importance de la dette.



M. [M] et Mme [L] étaient en outre fondés à contester la saisie-vente, laquelle sans être abusive dans son principe, portait sur des biens n'appartenant pas à M. [M], justifiant d'ailleurs la mainlevée de la procédure.



Il s'ensuit que M. [H] et Mme [V] seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.



Sur les dépens et l'indemnité procédurale



Mme [L] et M. [M] font valoir que la procédure qu'ils ont engagée en vue de voir ordonner la mainlevée de la saisie-vente, était nécessaire et inéluctable dans la mesure où ce n'est que postérieurement à l'acte de saisine du 16 février 2022 et après l'expiration du délai pour saisir la juridiction, qu'une mainlevée amiable est intervenue, de sorte qu'ils considèrent que c'est à tort que le premier juge les a condamnés aux dépens de première instance et à une indemnité procédurale.









Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.



En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats, que M. [M] et Mme [L] ont saisi le juge de l'exécution notamment d'une demande de mainlevée de la saisie-vente et de dommages et intérêts fondés sur la nature abusive de la saisie, suivant acte du 16 février 2022. Le même jour ils étaient informés par l'huissier qu'une mainlevée serait donnée compte tenu des documents communiqués le 26 janvier 2022.



De fait la mainlevée était ordonnée le 23 février 2022. Pour autant et alors que la demande n'avait plus d'objet, M [M] et Mme [L] ont maintenu leurs demandes et notamment leur demande de dommages et intérêts, alors que celle-ci s'avérait sans objet, compte tenu de la mainlevée de la saisie et bien que le dossier était évoqué le 23 mars 2022 et renvoyé à l'audience du 13 avril 2022.



Etant déboutés de leur demande de dommages et intérêts, dès lors que la saisie était considérée comme n'étant pas abusive, c'est à bon droit que le premier juge a laissé les dépens de la procédure à la charge des demandeurs.



C'est également fort justement que le premier juge a condamné à une indemnité procédurale les demandeurs qui étaient condamnés aux dépens et les a déboutés de leur demande de ce chef.



M. [M] et Mme [L] seront condamnés aux dépens d'appel.



Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de M. [H] et Mme [V] les frais irrépétibles qu'ils ont dû supporter en cause d'appel.



Aussi Mme [L] et M. [M] seront-ils condamnés à leur payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboutés de leur demande de ce chef.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant dans les limites de l'appel,



Déclare recevable l'appel interjeté par Mme [J] [L] et M. [B] [M],



Déclare recevable l'intervention forcée de Mme [C] [V],



Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Déboute Mme [C] [V] et M. [S] [H] de leur demande de dommages et intérêts,



Condamne in solidum M. [B] [M] et Mme [J] [L] aux dépens,











Condamne in solidum M. [B] [M] et Mme [J] [L] à payer à Mme [C] [V] et M. [S] [H], la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute M. [B] [M] et Mme [J] [L] de leur demande d'indemnité procédurale.





La greffière La conseillère suppléante de la présidente

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