11 mai 2022
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 21/03533

5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE

Texte de la décision

ARRET







[D]





C/



S.A.S. CROCODILE RESTAURANTS



























































copie exécutoire

le 11/05/2022

à

Me RACLE

SELAS FIDAL

FB/IL/BG



COUR D'APPEL D'AMIENS



5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE



ARRET DU 11 MAI 2022



*************************************************************

N° RG 21/03533 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFAA



JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAINT-QUENTIN DU 31 MAI 2021 (référence dossier N° RG 20/00027)



PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE



Madame [R] [D]

née le 28 Juillet 1998 à SAINT-QUENTIN (02100)

de nationalité Française

31 rue d'Ostende

2ème étage - Appt 3

02100 SAINT-QUENTIN



représentée et concluant par Me Sylvie RACLE-GANDILLET, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN substitué par Me Amélie ROHAUT, avocat au barreau d'AMIENS



ET :



INTIMEE



S.A.S. CROCODILE RESTAURANTS

Rue d'Englos Lieu dit 'AUX MOULINS'

59320 ENNETIERES-EN-WEPPES



représentée, concluant et plaidant par Me Jean-Yves FLEURANCE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de VALENCE

représentée par Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Marion MANDONNET, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant



DEBATS :



A l'audience publique du 23 mars 2022, devant Mme Fabienne BIDEAULT, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :



- Mme [U] [M] en son rapport,

- l'intimée en ses conclusions et plaidoirie.



Mme [U] [M] indique que l'arrêt sera prononcé le 11 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Mme [U] [M] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :



Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,

Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,



qui en a délibéré conformément à la Loi.



PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :



Le 11 mai 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.




*

* *



DECISION :





Vu le jugement en date du 31 mai 2021 par lequel le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin, statuant dans le litige opposant Mme [R] [D] à son ancien employeur, la société Crocodile Restaurants, a dit le licenciement de la salariée justifié pour faute grave et débouté celle-ci de l'intégralité de ses demandes, a débouté l'employeur de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, a condamné Mme [D] aux entiers dépens ;



Vu l'appel interjeté par voie électronique le 2 juillet 2021 par Mme [D] à l'encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée ;



Vu la constitution d'avocat de la société Crocodile Restaurants, intimée, effectuée par voie électronique le 23 août 2021 ;



Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 février 2022 par lesquelles la salariée appelante, soutenant à titre principal avoir été licenciée en raison de la dénonciation de faits de harcèlement sexuel et de son dépôt de plainte, contestant à titre subsidiaire la légitimité du licenciement prononcé, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, demande à la cour, à titre principal de juger son licenciement nul, à titre subsidiaire de le juger dépourvu de cause réelle et sérieuse et, à titre infiniment subsidiaire, de le dire justifié par une cause réelle et sérieuse et non par une faute grave, demande la condamnation de son ancien employeur à lui payer les sommes reprises au dispositif de ses écritures devant lui être allouées à titre d'indemnité compensatrice de préavis (1544 euros) et congés payés afférents (154,44 euros), d'indemnité légale de licenciement (257,33 euros) de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire (771,99 euros), de dommages et intérêts pour licenciement nul (9 264 euros) ou subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (1544 euros), d'indemnité de procédure (3000 euros) ainsi qu'aux dépens ;



Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2022 aux termes desquelles la société intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment qu'elle n'avait pas connaissance du dépôt de plainte ou de l'existence de faits de harcèlement sexuel avant l'engagement de la procédure de licenciement, soutenant que les faits reprochés à la salariée sont matériellement établis, lui sont imputables et justifiaient le prononcé d'un licenciement pour faute grave, sollicite pour sa part, à titre principal, la confirmation de la décision déférée, le débouté de l'ensemble des demandes formées par la salariée, requiert à titre subsidiaire qu'il soit jugé que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que les condamnations prononcées soient limitées aux sommes de 641,34 euros brut au titre du rappel de salaire, 1544 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 257,33 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et, à titre infiniment subsidiaire, que le montant des dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse soit limité à la somme de 1544 euros, demandant en tout état de cause la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile (2 500 euros) ainsi qu'aux dépens ;



Vu l'ordonnance de clôture en date du 17 mars 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 23 mars 2022 ;



Vu les conclusions transmises le 23 février 2022 par l'appelante et le 9 mars 2022 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;






SUR CE, LA COUR



La société Crocodile Restaurants est une société filiale du groupe belge Colmar qui développe sous l'enseigne éponyme une activité de restauration traditionnelle à travers divers établissements.

L'établissement Crocodile Restaurants de Saint-Quentin emploie plus de 11 salariés et est soumis à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.



Mme [D] a été embauchée par la société Crocodile Restaurants en qualité de cuisinière préposée au grill, statut employé, niveau II, échelon 1 aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter du 14 mars 2019.



Au dernier état de la relation contractuelle le salaire mensuel de Mme [D] était de 1544 euros.



Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 novembre 2019 par lettre du 6 novembre précédent, mise à pied à titre conservatoire puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 novembre 2019 motivée comme suit :



'Nous avons le regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, pour les raisons qui vous ont été exposées lors de notre entretien du 13 novembre 2019 et que nous reprenons brièvement ci-après.



Vous êtes entrée dans notre société par contrat à durée indéterminée à temps complet en date du 14 mars 2019 en qualité de cuisinière préposée au grill, statut employé, niveau II, échelon 1.



Après une période d'intégration sans difficultés majeures, nous avons dû déplorer la dégradation de votre comportement.



En premier lieu, le 21 octobre 2019, vous avez quitté votre poste à 13h32 avant la fin de votre service prévue à 14h30 sans demande, ni autorisation préalable de votre hiérarchie.



Lorsque le directeur vous a demandé pour quelle raison vous partiez plus tôt, vous lui avez répondu 'J'ai un rendez-vous, je dois partir' en prétextant avoir envoyé un courrier à ce sujet. Celui-ci vous a répondu que votre demande d'absence était prévue le 28 octobre 2019 et non le 21 octobre 2019. Vous ne lui avez pas répondu et vous avez quitté les lieux sur le champ.



En second lieu, le 23 octobre 2019, vous étiez affectée au planning jusqu'à 14h30 et vous avez dépointé à 13h17 sans demande préalable auprès de votre hiérarchie.



Quand le directeur adjoint vous a vue en train de quitter le restaurant, il vous a demandé, après avoir constaté que vous n'aviez pas terminé votre travail (tranchage du carpaccio et nettoyage de poste non réalisé), de finir ces tâches, ce que vous avez refusé avant de quitter les lieux.



Suite à ces deux départs prématurés non justifiés, nous vous avons signifié oralement que ces actes d'insubordination n'étaient pas acceptables.



Compte tenu de ces observations, nous aurions pu espérer de votre part un changement de comportement et une attitude plus conforme avec les attributions qui sont les vôtres.



Il n'en a, malheureusement, pas été ainsi puisque nous avons été contraints de relever à votre égard un refus d'exécution de vos fonctions lors de la journée du samedi 2 novembre 2019.



Ce jour là, vous étiez prévue au planning de 9h à 15h puis de 16h à 18h.



Le matin même vous avez appelé votre directeur, Monsieur [F], pour lui indiquer que vous refusiez de préparer les plats en achalandant les échelles puis de dresser le buffet pour le service de midi en raison de l'absence d'une apprentie qui devait être avec vous en poste au froid.



Vous avez alors ajouté que c'était à lui de trouver une solution.



Lorsqu'il vous a enjoint d'effectuer ces tâches qui entrent dans vos attributions, vous avez persisté dans votre refus en expliquant que ces tâches n'étaient pas prévues au contrat de travail, ce qui est inexact ( comme le confirme la lecture de l'article 4 de votre contrat de travail).



Compte tenu de votre insubordination caractérisée, Monsieur [F] a demandé à Monsieur [E] de venir 1h00 plus tôt et à Monsieur [L] 3/4 d'heure avant sa prise de fonctions pour palier votre défection et avoir l'assurance d'un buffet dressé pour 11h30 à l'heure d'ouverture du restaurant.



Lors de l'arrivée du directeur au sein de l'établissement de Saint Quentin vers 10h, celui-ci a dû constater que vous n'aviez pas effectué les tâches demandées, seul les produits dessert étaient prêts.



Il a également pu constater que la cuisine était dans un état de saleté déplorable.



Non seulement vous avez refusé d'effectuer les tâches qui vous incombaient dans le cadre de vos fonctions mais surtout vous avez persisté dans votre comportement intolérable en quittant prématurément votre poste à 16h22 (pointage non autorisé) et en déclarant à votre directeur devant Monsieur [E] et Monsieur [L], qui vous voyait quitter les lieux en civil 'Je m'en vais j'ai des choses de prévue'.



Monsieur [F] vous a rappelé que vous étiez prévue au planning jusqu'à 18h et vous a alors demandé de terminer l'achalandage des échelles et le montage du buffet pour le service du soir, à défaut de quoi vous seriez considérée comme étant en abandon de poste.



Vous n'avez pas daigné l'écouter et vous avez quitté les lieux sur le champ en déclarant à vive voix ' je m'en fous'.



La réitération de vos manquements dans l'exécution de vos tâches de cuisinière préposée au grill et votre refus d'exécuter les fonctions qui sont les vôtres ou d'appliquer les consignes données, notamment quant au respect des horaires et des règles élémentaires d'hygiène constituent une faute contractuelle grave qui ne nous de vous maintenir parmi les effectifs de l'entreprise, y compris pendant la durée limitée du préavis.



Les remarques que vous avez formulées au cours de notre entretien ne sont pas de nature à modifier notre appréciation de votre comportement.



Nous sommes donc contraints de vous licencier pour faute grave sans préavis, ni indemnité de licenciement.



Nos relations contractuelles cesseront donc à la date de la présente lettre. (...)'





Contestant la licéité et subsidiairement la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Mme [D] a saisi le 11 février 2020 le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin, qui, statuant par jugement du 31 mai 2021, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.





Sur la rupture du contrat de travail



A titre principal, Mme [D] demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement au motif qu'il est en réalité fondé sur une dénonciation de harcèlement sexuel porté à la connaissance de l'employeur avant la mise en oeuvre de la procédure de congédiement.

A titre subsidiaire, la salariée conteste le bien fondé de la rupture de son contrat de travail.



Sur la nullité du licenciement



Mme [D] indique avoir déposé plainte à l'encontre de M. [F], directeur de l'établissement le 29 octobre 2019 pour harcèlement sexuel.

Elle soutient avoir informé le directeur de son intention de déposer plainte dès le 10 octobre 2019 lors d'une conversation qui s'est tenue en présence d'une cuisinière de l'établissement. Elle indique que cette conversation a été enregistrée par ce témoin.

Mme [D] précise avoir ensuite informé la direction générale de l'existence de cette plainte par SMS en date du 13 novembre 2019.

Elle reproche à la société de n'avoir procédé à aucune enquête interne. Elle constate avoir été reçue en entretien préalable par le responsable des ressources humaines et non le directeur du restaurant et que sa lettre de licenciement n'est pas signée par M. [F] mais par le directeur des ressources humaines, ce qui établit que la direction générale, informée des accusations de harcèlement sexuel, a préféré écarter ce dernier de la procédure de licenciement.



L'employeur conteste avoir été informé de l'existence de la plainte déposée par la salariée avant l'engagement de la procédure de licenciement et réfute tout lien entre cette plainte et la rupture du contrat de travail de Mme [D].

Il soutient que la salariée ne l'a pas informé de l'existence d'une plainte, qu'elle ne l'a pas davantage évoquée lors de l'entretien préalable.

La société affirme que M. [F] n'a eu connaissance de cette plainte que lors de la réception d'une convocation auprès des services de police le 7 novembre 2019 et que la direction de l'entreprise a été avisée par la salariée par l'envoi d'un SMS le 13 novembre 2019, deux heures après la fin de l'entretien préalable.

L'employeur précise qu'au sein de l'entreprise toutes les lettres de licenciement sont signées par le directeur des ressources humaines et qu'il est d'usage que l'entretien préalable soit tenu par le directeur régional lorsque le directeur de l'établissement a peu d'expérience.

Il verse aux débats des éléments aux fins d'établir qu'il n'avait pas connaissance de l'existence de la plainte avant l'engagement de la procédure de licenciement, qu'il n'existe aucun rapport de cause à effet entre la convocation de la salariée à l'entretien préalable et son dépôt de plainte, observant qu'aucune suite n'a été donnée à celle-ci.

A titre subsidiaire, il conteste l'existence d'un harcèlement sexuel.



Sur ce ;



L'article L 1153-3 du code du travail dispose qu'aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné de faits de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés.



Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.



La protection du salarié qui dénonce des faits de harcèlement ne s'applique qu'à la condition que cette dénonciation ne soit ni abusive ni faite de mauvaise foi.



Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement sexuel ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.



En l'espèce, il sera constaté que la lettre de licenciement ne fait pas mention d'une dénonciation de faits de harcèlement sexuel.



L'employeur conteste avoir été informé de l'existence d'une plainte avant l'engagement de la procédure de licenciement.



Cependant, Mme [D] verse aux débats une attestation établie par Mme [J] qui indique que le 10 octobre 2019, elle a accompagné sa collègue à un rendez vous avec M. [F], qu'elle est restée en dehors de la pièce mais a procédé, avec l'autorisation de Mme [D], à l'enregistrement de la conversation par le biais de son téléphone.

Elle indique que lors de cet échange, Mme [D] a indiqué à M. [F] qu'elle envisageait de déposer plainte à son encontre, ce dernier lui ayant ensuite précisé que si elle agissait en ce sens il déposerait plainte pour diffamation contre tous les employés.



Il résulte de la lecture du dépôt de plainte effectué par Mme [D] le 28 octobre 2019 que la salariée reprochait à son directeur d'avoir 'joué au jeu des glaçons' consistant à lui glisser des glaçons dans son chemisier et son pantalon en touchant ses seins et son sexe et de lui avoir demandé d'essayer un uniforme en sa présence en retirant ses vêtements.



Mme [D] ne verse pas aux débats l'enregistrement de la conversation du 10 octobre 2019 et produit uniquement un échange de SMS avec une dénommée [B] duquel il ressort que l'enregistrement n'a pas été conservé, la dénommée [B] indiquant 'en fait cette vidéo prouvait juste que moi je ne t'ai pas parlé tu vois... et je pensais que tu irais pas le faire car d'après les gens, tu n'ira pas plus loin désolée. Après les témoignage peu t'aider peut être'



Si M. [F] soutient n'avoir été informé du dépôt de plainte que le 9 novembre 2019, à la réception de sa convocation par les services de police, la cour constate que la convocation des services de police versée aux débats est datée du 29 octobre et qu'aucune pièce produite par l'employeur ne permet de dater le jour de réception de cette convocation par M. [F].



Il apparaît qu'alors que la lettre de convocation à l'entretien préalable du 6 novembre 2019 est signée par le directeur, M. [F], l'entretien préalable a été mené par un tiers, qui était selon l'employeur le directeur régional, M. [N] et la lettre de licenciement a été signée par M. [Y], directeur des ressources humaines.

Si l'employeur soutient qu'il était d'usage dans la société, lorsque le directeur d'un établissement est un 'jeune directeur', que l'entretien préalable soit mené par le directeur régional et non le directeur de l'établissement et que la procédure en vigueur dans l'entreprise est que toutes les lettres de licenciement sont signées par le directeur des ressources humaines, il ne produit pas d'élément en ce sens.



En outre, M [F] atteste en ces termes 'quand j'ai appris ces accusations de harcèlement sexuel par l'intermédiaire de collègues de travail j'en ai informé ma direction générale, j'ai déclaré à Mme [R] [D] que nos relations resteraient exclusivement professionnelles.'

Comme justement relevé par la salariée, ces propos contredisent les allégations de M. [F] selon lesquelles il n'a eu connaissance de ces accusations que le 7 novembre 2019 en ce que la salariée ayant été mise à pied à titre conservatoire le 6 novembre 2019, elle n'était plus présente dans l'entreprise à compter de cette date. L'échange relaté entre M. [F] et Mme [D] a nécessairement eu lieu avant le 6 novembre 2019.



L'employeur ne conteste pas avoir été informée par la salariée de l'existence du dépôt de plainte deux heures après la tenue de l'entretien préalable, soit avant la notification du licenciement.



La société Crocodile Restaurants ne démontre pas que la dénonciation par la salariée ait été abusive ou faite de mauvaise foi.

Ainsi, si l'employeur soutient qu'aucune suite n'a été donnée au dépôt de plainte, il n'en justifie pas, étant observé que l'audition de M. [F] par les forces de l'ordre n'est pas produite.



Il appartenait à l'employeur, informé de l'existence d'un dépôt de plainte d'une salariée à l'encontre de son directeur pour des faits de harcèlement sexuel, de procéder à une enquête interne.



Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que l'employeur avait connaissance du dépôt de plainte de la salariée pour des faits de harcèlement sexuel avant l'engagement de la procédure de licenciement.



Il y a lieu de constater que les faits reprochés à la salariée au sein de la lettre de licenciement sont concomitants à la date à laquelle la salariée a déposé plainte et tous postérieurs au 10 octobre 2019, date à laquelle la salariée indique avoir informé M. [F] de son intention de déposer plainte à son encontre.

En outre, la cour constate que quelques jours seulement se sont écoulés entre la date à laquelle elle a déposé plainte pour harcèlement sexuel (28 octobre 2019) et la date d'envoi d'une convocation à un entretien préalable au licenciement (6 novembre 2019), ce qui démontre que la dénonciation de harcèlement sexuel a pesé sur la décision de licenciement.



Il ressort ainsi des éléments produits qu'il apparaît que l'engagement de la procédure de licenciement trouve son origine dans la dénonciation par Mme [D] de faits de harcèlement sexuel laquelle a manifestement pesé sur la décision de l'employeur.



En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il est désormais jugé que le licenciement de Mme [D] est nul .



Mme [D], qui ne réclame pas sa réintégration, peut prétendre aux indemnités de rupture ainsi qu'à une indemnité réparant le caractère illicite du licenciement.



Les sommes sollicitées par la salariée au titre de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis ne sont pas contestées en leur quantum par l'employeur. Elles seront précisées au dispositif de l'arrêt.

Au regard de la durée de la mise à pied conservatoire, il sera accordé à la salariée un rappel de salaire à hauteur de la somme précisée au dispositif étant observé que Mme [D] ne sollicite pas le paiement des congés payés afférents.



Mme [D] peut prétendre à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement. Elle réclame à ce titre 9 264 euros correspondant à 6 mois de salaire.



Par application des dispositions de l'article L 1235-3-1 du code du travail, dès lors que le licenciement est entaché de nullité par application des dispositions de l'article L 1153-4 du code du travail, l'indemnité octroyée ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.



En considération de sa situation personnelle, et eu égard notamment à son âge et son ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail, à sa capacité à trouver un nouvel emploi compte tenu de sa formation et son expérience professionnelle, aux conséquences notamment financières du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [D] doit être évaluée à la somme de 9 264 euros.



Le licenciement étant nul, il convient de faire application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail applicables à l'espèce et de condamner l'employeur à rembourser à l'antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à Mme [D] depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations. Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.





Sur les frais irrépétibles et les dépens



Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [D] les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.

Il convient en l'espèce de condamner l'employeur, succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure.



Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais irrépétibles exposés par lui.



Il y a également lieu de condamner la société Crocodile Restaurants aux dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS





La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;



Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Quentin du 31 mai 2021 en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau et y ajoutant :



Dit le licenciement de Mme [R] [D] nul ;



Condamne la société Crocodile Restaurants à verser à Mme [R] [D] les sommes suivantes :



- 641,34 euros brut à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

- 1 544 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 154,44 euros au titre des congés payés afférents,

- 257,33 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 9 264 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,



Condamne la société Crocodile Restaurants à verser à l'organisme concerné le montant des indemnités chômage versées à Mme [R] [D] depuis son licenciement dans la limite de 3 mois de prestations ;



Condamne la société Crocodile Restaurants à verser à Mme [R] [D] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;



Rejette toute autre demande ;



Condamne la société Crocodile Restaurants aux entiers dépens de première instance et d'appel.







LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.