24 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-20.668

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C100539

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - lutte contre les maladies et les dépendances - lutte contre les maladies mentales - modalités de soins psychiatriques - droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers - procédure d'urgence d'admission en soins psychiatriques sans consentement, à la demande d'un tiers - conditions - risque grave d'atteinte à l'intégrité du patient

L'admission en soins psychiatriques sans consentement, à la demande d'un tiers, suivant la procédure d'urgence prévue à l'article L. 3212-3 du code de la santé publique est subordonnée à l'existence d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade. L'ordonnance du premier président retenant qu'il résulte des éléments médicaux du dossier qu'une personne, dont la symptomatologie délirante s'exprime sous la forme d'une thématique persécutive, refuse les soins et peut se montrer dangereuse, et que le climat familial actuel pourrait favoriser l'apparition de situations de danger, de sorte que son hospitalisation complète n'entraîne pas une atteinte disproportionnée à ses droits, fait ressortir, d'une part, le risque grave d'atteinte à l'intégrité du patient ayant justifié son admission en urgence, d'autre part, la nécessité de lui faire suivre un traitement sous la forme d'une hospitalisation complète

Texte de la décision

CIV. 1

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2018




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 539 FS-P+B

Pourvoi n° S 17-20.668







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Viviane X..., épouse Y..., domiciliée [...],

contre l'ordonnance rendue le 4 mai 2017 par le premier président de la cour d'appel de Caen, dans le litige l'opposant :

1°/ au centre hospitalier spécialisé Fondation bon sauveur, dont le siège est [...],

2°/ à M. Philippe Y..., domicilié [...],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 avril 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, M. Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, conseillers référendaires, Mme A..., avocat général référendaire, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme Y..., de Me B..., avocat du centre hospitalier spécialisé Fondation bon sauveur, l'avis de Mme A..., avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Caen, 4 mai 2017), et les pièces de la procédure, que, le 8 avril 2017, Mme Y... a été admise en soins psychiatriques sans consentement, à la demande d'un tiers, suivant la procédure d'urgence prévue à l'article L. 3212-3 du code de la santé publique ; qu'en application de l'article L. 3211-12-1 du même code, le directeur de l'établissement hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention pour qu'il ordonne la poursuite de la mesure ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance de ne pas exposer ses prétentions et moyens ;

Attendu qu'il n'est pas soutenu que le premier président n'aurait pas répondu aux conclusions présentées par celle-ci et son avocat ; que le moyen est inopérant ;

Sur les deuxième et troisième branches du moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance de prolonger la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, alors, selon le moyen :

1°/ que l'admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical est subordonnée à l'existence d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade ; qu'en l'espèce, Mme Y... a été admise en soins psychiatriques, suivant la procédure d'urgence prévue par l'article L. 3212-3 du code de la santé publique, sur la foi d'un seul certificat médical se bornant à exposer qu'« elle se met en danger » ; qu'en maintenant néanmoins l'hospitalisation complète de Mme Y..., sans constater que celle-ci avait été admise en soins psychiatriques en raison de l'existence d'un risque grave à son intégrité, alors que ni le certificat médical au vu duquel elle avait été admise, ni la décision d'hospitalisation du directeur de l'établissement hospitalier ne faisait état d'un tel risque, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 3212-3 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de trouble mental doit être rendue nécessaire par l'intensité du trouble dont elle souffre, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu'en se bornant à relever que Mme Y... souffrait de troubles mentaux et pouvait se montrer dangereuse, sans préciser toutefois la nature du danger qu'elle présenterait et ainsi la nécessité de son hospitalisation complète plutôt qu'une surveillance médicale régulière, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que l'ordonnance retient, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte des éléments médicaux que Mme Y..., dont la symptomatologie délirante s'exprime sous la forme d'une thématique persécutive, refuse les soins et peut se montrer dangereuse, et que le climat familial actuel pourrait favoriser l'apparition de situations de danger, de sorte que son hospitalisation complète n'entraîne pas une atteinte disproportionnée à ses droits ; que de ces énonciations, faisant ressortir, d'une part, le risque grave d'atteinte à l'intégrité de la patiente ayant justifié son admission en urgence, d'autre part, la nécessité de lui faire suivre un traitement sous la forme d'une hospitalisation complète, le premier président a exactement déduit que les conditions de la prolongation de la mesure étaient réunies ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

Il est fait grief à l'ordonnance confirmative attaquée d'AVOIR maintenu la mesure d'hospitalisation complète de Mme X... Viviane, épouse Y..., actuellement hospitalisée à l'unité [...]-[...] au-delà du douzième jour ;

AUX MOTIFS QU'il résulte de l'ensemble des certificats médicaux au dossier rédigés de manière circonstanciée par différents médecins que Viviane X..., épouse Y..., présente des troubles mentaux dont les symptômes sont précisément décrits : excitation psychique avec logorrhée, coq à l'âne, agitation, délire s'exprimant sous la forme d'une thématique persécutive, qu'elle est dans le déni de ses troubles, alors même qu'elle est suivie en psychiatrie depuis 30 ans et refuse de recevoir des soins ; que les conditions prévues par l'article L. 3212-1 du code de la santé publique sont donc réunies pour qu'elle continue à recevoir des soins dans le cadre d'une hospitalisation complète de telle sorte qu'il convient de confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 18 avril 2017 ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'en application des dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement spécialisé que si ses troubles mentaux rendent impossibles son consentement et si son état mental impose des soins immédiats assortis notamment d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ; qu'il résulte des différents éléments du dossier qu'une réactivation d'une symptomatologie délirante s'exprime sous la forme d'une thématique persécutive, les médecins relevant que Mme Y... est dans un refus total des soins et peut se montrer dangereuse ; que le climat familial actuel pourrait favoriser l'apparition de situation de danger ; que l'hospitalisation complète de Mme Viviane Y... n'entraine pas ainsi une atteinte disproportionnée à ses droits et elle sera donc maintenue dans ses conditions actuelles, étant précisé qu'une évolution vers un programme de soins devra accompagner les progrès réalisés par Mme Y... dans la conscience et la prise en charge de ses difficultés ;

1°) ALORS QUE le jugement doit, à peine de nullité, exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; qu'en n'exposant pas, même succinctement, les moyens de Mme Y..., tout en constatant qu'elle était représentée à l'instance, le Premier président de la cour d'appel a violé les articles 455 alinéa 1, et 458 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical est subordonnée à l'existence d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade ; qu'en l'espèce, Mme Y... a été admise en soins psychiatriques, suivant la procédure d'urgence prévue par l'article L. 3212-3 du code de la santé publique, sur la foi d'un seul certificat médical se bornant à exposer qu'« elle se met en danger » ; qu'en maintenant néanmoins l'hospitalisation complète de Mme Y..., sans constater que celle-ci avait été admise en soins psychiatriques en raison de l'existence d'un risque grave à son intégrité, alors que ni le certificat médical au vu duquel elle avait été admise, ni la décision d'hospitalisation du directeur de l'établissement hospitalier ne faisait état d'un tel risque, le Premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 3212-3 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'hospitalisation sans son consentement d'une personne atteinte de trouble mental doit être rendue nécessaire par l'intensité du trouble dont elle souffre, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu'en se bornant à relever que Mme Y... souffrait de troubles mentaux et pouvait se montrer dangereuse, sans préciser toutefois la nature du danger qu'elle présenterait et ainsi la nécessité de son hospitalisation complète plutôt qu'une surveillance médicale régulière, le Premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique et l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.

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