24 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-18.182

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:C110341

Texte de la décision

CIV. 1

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2018




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10341 F

Pourvoi n° Q 17-18.182







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par Mme Carole X..., domiciliée [...] ,

contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2016 par la cour d'appel de Douai (chambre 7, section 1), dans le litige l'opposant à M. Frédéric Y..., domicilié [...] ,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 avril 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme A..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme X..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de M. Y... ;

Sur le rapport de Mme A..., conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande tendant à obtenir une prestation compensatoire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« Le mariage (qui était pour Carole X... une seconde union) a duré 18 ans, dont 14 ans de vie commune effective ; que Carole X... est âgée de 52 ans et Frédéric Y... de 48 ans ; qu'il est à souligner qu'ils ont adopté un régime séparatiste en ce qui concerne leurs biens ; que la prestation compensatoire n'a pas pour objet de niveler les situations respectives des époux après le prononcé de leur divorce ; que depuis l'intervention du jugement, Carole X... ne bénéficie plus du contrat de travail temporaire qui était le sien dans la grande distribution (fin de mission le 10 octobre 2015) ; que cependant, elle continue à exercer, avec le statut d'auto-entrepreneur, son activité de vendeur indépendant pour le compte d'une société TEXAM, qui lui a renouvelé, le 6 janvier 2014, son agrément décerné dix ans plus tôt ; qu'en cette qualité, elle achète à cette entreprise les produits de la marque et les revend lors de démonstrations, réalisant ainsi sa marge personnelle, à laquelle s'ajoute un pourcentage sur les ventes qu'elle a effectuées ; qu'elle n'a que partiellement déféré à l'injonction qui lui avait été délivrée par le juge de la mise en état de faire toute la transparence sur la teneur de son activité au cours des années 2010 à 2013, de sorte que le premier juge a pu justement énoncer que le montant du revenu mensuel de Carole X... dans ses fonctions de vendeuse démonstratrice indépendante ne pouvait être déterminé de manière significative ; que le document le plus récent qu'elle produit est son avis d'imposition2015 qui porte mention d'une somme de 15.540 euros au titre des bénéfices commerciaux, tandis que les relevés de la société TEXAM de septembre 2014 indique, en ce qui concerne Carole X..., un chiffre d'affaires de 9.619,53 euros pour le mois considéré, plaçant celle-ci ainsi en 9ème position de la liste des 100 vendeurs accrédités, et, pour toute l'année 2015, un chiffre d'affaires de 63.652 euros ; qu'elle n'établit ni n'allègue, que la présence au foyer de deux enfants, l'a contrariée dans la mise en oeuvre de ses projets professionnels ; qu'elle ne méconnaît pas posséder en propre un immeuble, sis à [...], et avoir mis en vente (89.000 euros) un autre bien près de Valenciennes ; que Frédéric Y... a déclaré en tant que kinésithérapeute, un revenu de 29.257 euros pour l'année 2014, soit 2.440 euros par mois ; que la circonstance selon laquelle celui-ci dispose de liquidités figurant notamment sur des comptes d'assurance-vie, ouverts en l'espèce en 2007 et 2011, même significatives (98.600 euros sur l'un d'eux en 2011, 55.617 euros de fonds de placements obligatoires sur un autre), et est propriétaire de trois immeubles dont le logement ayant constitué le domicile familial, qui lui procurent un revenu locatif, ne justifie pas que soit appliquées au profit de cette femme active et expérimentée dans son domaine professionnel, les dispositions légales relatives à la prestation compensatoire telles que celles-ci ont été énoncées ; qu'ainsi qu'exposé ci-dessus, les époux ont adopté un régime séparatiste, et la dissolution de leur union ne peut avoir pour conséquence aujourd'hui, de créer une situation communautaire en ce qui concerne les biens ; qu'en outre, il doit être rappelé que les époux ont réorganisé leur existence sur le plan matériel depuis plus de trois ans, en considération de leur budget propre ; qu'en particulier Frédéric Y... justifie de la charge d'emprunts, dont celui de 1.112 euros par mois pour sa résidence principale de [...] (ce jusqu'au mois de novembre 2029) ; que, comme l'a retenu le premier juge, Carole X... ne démontre pas la perte ni même la diminution de son train de vie à cause du divorce ; que les espérances qui sont les siennes, de poursuivre une activité lucrative dans le commerce ou la distribution, sont avérées, et celles de partager les charges incontournables de l'existence (dont un crédit immobilier de 700 euros par mois), le sont tout autant, à telle enseigne que l'une des employées de la mairie de [...] - où Carole X... est conseillère municipale -, Lucette Z..., atteste que le 25 septembre 2014 lors de l'audit de la ville, Carole lui a révélé son projet de mariage « l'année prochaine » ; que c'est ainsi au terme d'une pertinente appréciation des pièces et une correcte application des textes que le premier juge a débouté Mme X... de sa demande de prestation compensatoire ; que sa décision doit être confirmée » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'

« En l'occurrence, les époux sont restés mariés pendant seize ans ; qu'ils se sont mariés sous le régime de la séparation de bien et sont tous deux âgés de 47 ans pour l'époux, et de 51 ans pour l'épouse ; qu'aucun des époux ne fait état d'un quelconque problème de santé ; qu'ils ont eu deux enfants ensemble ; que Frédéric Y... exerce sous la forme libérale la profession de masseur kinésithérapeute ; qu'il a perçu au titre de cette activité la somme de 2.338 euros par mois en moyenne en 2011 sur la base de l'avis d'imposition 2012 ; qu'en 2014, selon la confirmation de déclaration de AGAKAM, il a perçu au titre de son activité professionnelle la somme imposable de 35.048 euros par mois, soit la somme de 2.920,66 euros en moyenne ; que de plus, il perçoit des revenus immobiliers propres à hauteur de 1.340 euros par mois ; qu'outre les charges courantes, il rembourse divers crédits immobiliers à hauteur de 766,03 euros par mois et 464.16 euros par mois et de 1.112 euros par mois auprès de BNP Paribas dont le dernier servant à financer l'achat de son habitation principale ; qu'il expose également la somme de 566 euros par an pour la scolarité de Margot au sein du Lycée Dampierre à Valenciennes ; qu'il paye 160,07 euros par an au titre des 3 taxes foncières, la quatrième taxe foncière dont il fait état étant à la charge de la SCI et non à sa charge personnelle ; que le crédit remboursé à hauteur de 308,39 euros par mois étant contracté au nom de la SCI Charles-Margot, il n'en sera pas tenu compte au titre des charges de l'époux ; que Carole X... est vendeuse à domicile indépendante pour le réseau de distribution de la société TEXAM ; qu'il ressort de son avis d'imposition 2012 qu'elle a perçu en 2011 la somme de 1.303 euros en moyenne ; que malgré le jugement l'enjoignant de produire la déclaration 2042 CC des années 2013, 2012, 2011 et 2010, et les contrats de distribution et de chef de groupe régularisés entre elle et la société TEXAM et leurs éventuels avenants, l'absence de production de plusieurs avis d'imposition sur une durée de plusieurs années ne permet pas d'évaluer son revenu mensuel moyen de manière significative, le caractère fluctuant de son activité commerciale nécessitant un lissage sur plusieurs années pour obtenir un revenu mensuel traduisant l'activité réelle du professionnel ; qu'elle perçoit également les prestations familiales à hauteur de 127,05 euros pour deux enfants à charge ; qu'outre les charges courantes, elle rembourse un crédit voiture à hauteur de 894,62 euros par mois, et deux crédits immobiliers à hauteur de 290 euros par mois et 699,90 euros par mois, dont l'un pour financer son habitation personnelle, étant précisé que si l'un des immeubles a bien été vendu conformément ce qu'elle indique dans ses écritures, l'un des deux crédits immobiliers a été soldé, diminuant d'autant ses charges ; que sa charge fiscale se compose de l'impôt sur le revenu, mais également des éventuelles taxes foncières et taxe d'habitation ;
que par ailleurs, elle ne conteste pas vivre en concubinage, et partager en conséquences les charges courantes avec son concubin actuel ; que le Code civil impose au juge, pour apprécier la disparité, de tenir également compte du patrimoine appartenant à chacun des époux ; qu'en l'espèce, Carole X... est propriétaire de deux maisons à usage d'habitation selon sa déclaration sur l'honneur datée du 19 avril 2013, mais selon ses écritures, d'un seul, le second ayant été vendu récemment ; que Frédéric Y... est propriétaire de trois immeubles à usage d'habitation, dont un qu'il occupe et deux autres qui lui rapportent des revenus immobiliers ; qu'il possède également avec sa mère dos parts d'une SCI, via laquelle un immeuble à usage d'habitation est loué pour la somme de 1.050 euros ; qu'il ne conteste pas avoir réalisé des placements en vue de sa retraite, notamment auprès de Ancre-retraite (1.110 euros en 2011 et 2.222,32 euros en 2012), auprès de BNP-Paribas à hauteur de 114.709,82 euros en 2011 ; qu'il dispose d'un compte épargne (initialement 4700 €) et d'un livret A (initialement 15.300 euros) auprès de ladite banque ; qu'enfin, il est propriétaire de valeurs mobilières via une opération réalisée avec BNP-Paribas à hauteur de 55.614,44 euros ; que chacun des époux est propriétaire en propre de son véhicule ; qu'il y a lieu de rappeler que même si le patrimoine actuel de l'époux est plus important que celui de l'épouse, et qu'il doit en être tenu compte pour apprécier le montant de la prestation compensatoire, il revient au préalable à l'épouse qui sollicite une prestation compensatoire de démontrer que la rupture du lien matrimonial a entraîné une diminution de son niveau de vie ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments versés au dossier, il apparaît que, malgré la séparation, l'épouse a maintenu son train de vie grâce à ses propres ressources, et a un partage des charges courantes avec son concubin ; qu'en conséquence, il n'est pas démontré que la rupture du lien matrimonial créé entre les époux une disparité dans leurs conditions de vie ; qu'en conséquence, il conviendra de débouter l'épouse de sa demande de prestation compensatoire » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE

La prestation compensatoire intervient à titre indemnitaire, pour compenser les investissements matériels, professionnels ou familiaux laissés dans le couple par l'un des époux ; que la prestation compensatoire doit s'appuyer sur une évaluation concrète, chiffrée et déterminée de la situation présente et future des époux, tant au niveau patrimonial que professionnel ;

que, pour rejeter la demande de prestation compensatoire formée par Mme X..., la cour d'appel a considéré que la rupture des liens conjugaux n'avait pas diminué son niveau de vie ; qu'en se déterminant par ce motif impropre à caractériser l'absence de disparité entre les époux née de la rupture des liens conjugaux, sans s'intéresser aux conséquences financières et matériels des sacrifices professionnels opérés par Mme X... pendant la vie du couple, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 270 et 271 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE

Les juges du fond doivent indiquer et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en considérant, pour rejeter la demande de prestation compensatoire de Mme X..., que son niveau de vie n'avait pas diminué après la séparation des époux, sans préciser les éléments lui permettant d'aboutir à une telle conclusion, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

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