12 December 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/07629

Pôle 4 - Chambre 4

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 4



ARRET DU 12 DECEMBRE 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07629 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQ2G



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2021 -Juge des contentieux de la protection de PARIS RG n° 11-20-4928





APPELANT



Monsieur [W] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le 18 Mai 1993 à [Localité 3]



Représenté et assisté par Me Emilie DUMEZ-HAMELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2173







INTIMES



Monsieur [O] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté et assisté par Me Fabio LHOTE, avocat au barreau de PARIS, toque : A587



Madame [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Fabio LHOTE, avocat au barreau de PARIS, toque : A587







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nicolette GUILLAUME, Présidente de chambre

Mme Marie MONGIN, Conseiler

M. Claude CRETON, Président magistrat honoraire

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Claude CRETON dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO









ARRET :



- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Nicolette GUILLAUME, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière chambre 4-4, présente lors de la mise à disposition.








Par acte du 1er avril 1972, [R] [H] a conclu avec M. [N] un contrat de bail soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948, portant sur un appartement situé à [Adresse 1], pour un loyer mensuel initialement de 350 francs



Le 7 avril 1975, le bail a été transmis à M. [Y].



M. [P], qui vient aux droits de [R] [H], a fait délivrer le 16 avril 2019 à M. et Mme [Y] un congé fondé sur les dispositions de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948.



M. [P], contestant le droit au maintien dans les lieux de M. et Mme [Y], leur a ensuite fait délivrer le 28 juin 2019 un congé fondé sur les dispositions des articles 10, 10-2, 10-3 et 10-9 de la loi du 1er septembre 1948.



M. [P] a ensuite assigné M. et Mme [Y] en validation du congé, en expulsion et en condamnation à lui payer une indemnité d'occupation, arrêtée à un montant de 4 086,03 euros au mois de novembre 2020, jusqu'à la libération des lieux, ainsi qu'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



M. et Mme [Y] ont conclu au rejet de ces demandes et à la condamnation de M. [P] à leur payer la somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Par jugement du 11 février 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a rejeté les demandes de M. [P] et l'a condamné à payer à M. et Mme [Y] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Pour statuer ainsi, le tribunal a d'abord rappelé qu'il résulte de l'article 10-2 de la loi du 1er septembre 1948 que n'ont pas droit au maintien dans les lieux les personnes qui n'ont pas occupé effectivement par elles mêmes les locaux loués ou ne les ont pas fait occuper par des personnes qui vivaient habituellement avec elles et qui sont, soit membres de leur famille, soit à leur charge ; qu'en outre, l'occupation doit avoir duré huit mois au cours d'une année de location, à moins que la profession, la fonction, ou tout autre motif légitime ne justifie une occupation d'une durée moindre.

Il a constaté que pour contester le droit au maintien dans les lieux de M. et Mme [Y] en raison d'une occupation insuffisante des locaux, M. [P] produit des factures d'électricité relatives à la consommation de février 2018 à avril 2020. Il a cependant retenu que cette consommation, quoique faible, ne démontre pas une inoccupation des lieux durant huit mois de l'année.

Il a ajouté que l'avis de réception d'une lettre recommandée, mentionnant que le pli n'a pas été réclamé, l'échange de mail avec une entreprise ayant effectué des travaux dans les parties communes, l'attestation du gérant de l'appartement expliquant que les occupants sont difficiles à joindre, ne suffisent pas non plus à établir l'inoccupation du logement.

Il a ensuite retenu que n'est pas davantage probante l'unique attestation d'un voisin indiquant avoir rarement croisé M. [Y] et que les volets de l'appartement sont constamment fermés, affirmant qu'il a l'impression qu'il n'occupe le logement qu'un ou deux mois par an.



Le tribunal a également rappelé que selon l'article 10-3 de la loi du 1er septembre 1948, ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux les personnes qui ont plusieurs habitations, sauf si les locaux litigieux constituent leur principal établissement. Il a retenu que si M. [Y] est propriétaire d'une résidence secondaire à [Localité 5], il n'est pas justifié que celui-ci y a établi sa résidence principale et qu'en outre, cette résidence ne correspond pas aux besoins de M. [Y], âgé de 82 ans, dont la santé nécessite des soins réguliers.



M. [P] a interjeté appel de ce jugement et demande à la cour, infirmant le jugement, de valider les congés des 16 avril et 28 juin 2019, constater la résiliation du bail à compter du 16 avril 2019, prononcer la déchéance du droit au maintien dans les lieux de M. et Mme [P] à compter du 31 décembre 2019, ordonner leur expulsion, autoriser le transport des meubles et objets mobiliers dans un garde-meuble au choix de l'huissier de justice et aux frais du locataire, condamner M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 2 394,55 euros au titre des loyers restant dus, la somme de 1 691,48 euros au titre des charges locatives, la somme de 900 euros par mois augmentée des charges au titre de l'indemnité d'occupation due à compter de la décision, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Pour contester le droit au maintien dans les lieux de M. et Mme [Y], il invoque d'abord l'insuffisance de l'occupation des locaux qu'il justifie par la faiblesse de la consommation d'électricité, le témoignage de plusieurs occupants de l'immeuble et le fait que M. [Y], pour la délivrance de son passeport marocain à [Localité 5] a déposé son dossier à [Localité 5] et le récupérer également à [Localité 5] alors que s'il résidait à [Localité 6], il aurait plus facilement effectué ces démarches au consulat.

Il fait valoir que M. et Mme [Y] sont propriétaires de plusieurs habitations, notamment une maison à [Localité 5] d'une superficie de 102 m² qui répond à leurs besoins,.

M. [P] soutient que M. et Mme [Y] sont de mauvaise foi puisqu'en contravention avec les dispositions du bail, ils ont prêté le local à M. [E] qui y a exercé une activité commerciale du 1er janvier 2015 au 15 juin 2017.

Il conteste en outre l'existence d'un maintien dans les lieux au bénéfice des personnes âgées de plus de 70 ans.



M. [P] ajoute qu'en application des dispositions des articles 30 et 31 de la loi du 1er septembre 1948, il est fondé à réclamer une majoration du loyer conformément au décret qui fixe annuellement le prix de base au mètre carré applicable chaque année au 1er juillet et évalue le supplément de loyer restant dû au titre des années 2015 à 2019 à la somme de 2 391,08 euros à laquelle il convient d'ajouter un arriéré d'un montant de 3,47 euros.

Il réclame en outre, au titre de la régularisation des charges, la somme de 1 296,48 euros.



M. et Mme [Y] concluent à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. [P] à leur payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.




SUR CE :



Considérant que M. [P] produit trois attestations de personnes occupant l'immeuble qui établissent que, durant l'année 2019 et les années précédentes, M. [Y] n'a occupé que très rarement l'appartement litigieux, celui-ci n'y faisant que quelques apparitions ponctuelles, que les volets de l'appartement sont constamment fermés et que durant ces longues périodes d'absence, l'appartement n'est jamais éclairé durant la nuit ; que ces témoins précisent tous que, depuis plusieurs années, M. [Y] n'occupe l'appartement que un à deux mois par an ; qu'en outre, aucun des témoins n'a évoqué la présence de Mme [Y] dans l'appartement ; que selon les factures d'électricité de l'appartement, la consommation mensuelle moyenne a été d'environ 53 kW/h par mois entre octobre 2018 et février 2020 alors que pour un appartement d'une superficie identique, équipé d'un chauffe-eau électrique et de radiateurs électriques, l'estimation de la consommation a été évaluée par EDF à 300 kW/h par mois, ce qui confirme que l'appartement n'était que très rarement occupé, la consommation d'électricité enregistrée correspondant, selon cette estimation, à deux mois d'occupation ;



Considérant qu'il résulte de ces éléments que M. et Mme [Y] ne justifient pas occuper l'appartement plus de huit mois par an et qu'en conséquence, ils ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux ; qu'il y a donc lieu de valider les congés, de constater la résiliation du bail au 16 avril 2019 et de condamner M. [Y] au paiement, à compter du 1er janvier 2020, d'une indemnité d'occupation d'un montant correspondant à celui du loyer et des charges ;



Considérant que M. [P] produit le relevé général des charges de la copropriété et un compte de régularisation des charges locatives de l'appartement dont il ressort que M. et Mme [Y] restent débiteurs d'un solde de 1 691,48 euros après règlement de la provision sur charges d'un montant mensuel de 91,47 euros ;



Considérant ensuite que M. [P] est fondé à réclamer le paiement du loyer majoré conformément aux dispositions du bail et des articles 30 et 31 de la loi du 1er septembre 1948 qui prévoient qu'un décret fixera chaque année le prix du loyer au mètre carré en fonction de la catégorie du logement ; que selon le compte de régularisation des loyers pour la période de 2015 à 2019, produit par M. [P], dont le détail n'est pas contesté, M. et Mme [Y], qui ont régulièrement payé les loyers hors cette majoration, restent débiteurs d'une somme de 2 391,08 euros , outre un solde débiteur de 3,47 euros, soit au total 2 394,55 euros ;



PAR CES MOTIFS : statuant publiquement par arrêt rendu contradictoire



Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau :



Valide les congés des 16 avril et 28 juin 2019 et constate la résiliation du bail à compter du 16 avril 2019 ;



Prononce la déchéance de M. et Mme [Y] de leur droit au maintien dans les lieux à compter du 31 décembre 2019 ;



Ordonne l'expulsion de M. et Mme [Y], ainsi que de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique, à l'issue du délai prévu par l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;



Autorise M. [P] à transporter les meubles laissés dans les locaux dans un garde-meuble au choix du commissaire de justice, aux frais et risques de M. et Mme [Y] ;



Condamne M. et Mme [Y] à payer à M. [P] :

- la somme de 1 691,48 euros au titre des charges locatives ;

- la somme de 2 394,55 euros au titre de l'arriéré de loyers ;

- une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 900 euros, outre les charges locatives, à compter du jour du présent arrêt ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme [Y] à payer à M. [P] la somme de 1 800 euros ;



Les condamne aux dépens.







La Greffière La Présidente

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