6 June 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-86.685

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR00690

Titres et sommaires

DROITS DE LA DEFENSE - Audition libre - Droits de la personne entendue - Notification - Obligation - Domaine d'application - Fonctionnaires et agents des administrations - Condition - Raisons plausibles de soupçonner une infraction

Il résulte de l'article 28, alinéa 5, du code de procédure pénale que l'article 61-1 du même code n'est applicable que lorsque les fonctionnaires et agents des administrations visés à cet article procèdent à une audition de la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Encourt la cassation l'arrêt qui, pour annuler le procès-verbal constatant l'infraction à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, énonce que le prévenu a fait l'objet d'une audition libre, sans qu'il n'ait reçu notification des droits prévus à l'article 61-1 précité, alors qu'il résulte de ce procès-verbal, dont la Cour de cassation a le contrôle, que les agents habilités en application de l'article L. 3315-1 du code des transports se sont bornés à recueillir les déclarations sommaires de l'intéressé contrôlé sur la voie publique aux fins de vérification de ses conditions de travail

Texte de la décision

N° C 22-86.685 F-B

N° 00690


SL2
6 JUIN 2023


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 JUIN 2023



Le procureur général près la cour d'appel de Reims a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 2 juin 2022, qui, dans la procédure suivie contre M. [X] [H] du chef d'infraction à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 3 mai 2019, des agents de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ont procédé au contrôle d'un ensemble routier conduit par M. [X] [H] et constaté la commission de l'infraction d'emploi irrégulier du dispositif destiné au contrôle des conditions de travail dans le transport routier.

3. Par jugement du 13 décembre 2021, le tribunal correctionnel a fait droit à l'exception de nullité du procès-verbal d'infraction et a relaxé le prévenu.

4. Le procureur de la République a interjeté appel.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation de l'article 61-1 du code de procédure pénale.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce que la cour d'appel a annulé le procès-verbal d'infraction et relaxé le prévenu alors que les dispositions de l'article 61-1 précité ne s'appliquent pas aux opérations menées par des agents habilités à effectuer des contrôles sur le réseau routier.

Réponse de la Cour

Vu l'article 28, alinéa 5, du code de procédure pénale :

7. Il résulte de ce texte que l'article 61-1 du code de procédure pénale n'est applicable que lorsque les fonctionnaires et agents des administrations visés à cet article procèdent à une audition de la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

8. Pour confirmer le jugement du tribunal correctionnel et prononcer l'annulation du procès-verbal d'infraction, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort de la lecture du procès-verbal que M. [H] a fait des déclarations à trois reprises ; qu'il résulte en effet des mentions du procès-verbal que M. [H] a déclaré « avoir dormi sur le parking de l'usine Mac Cain », que « M. [H] persiste à dire qu'il n'utilise pas d'aimant » et que « le conducteur persiste à nier la pose d'un aimant sur le capteur ».

9. Les juges relèvent que les constatations ont mis en évidence la présence de traces de la pose d'un aimant permettant de neutraliser le capteur de la boîte de vitesse et que ce dernier indique que le véhicule ne circule plus depuis le 2 mai 2019 à 19 heures 06 alors qu'il est avéré que le 3 mai suivant, dès 7 heures 02, M. [H] s'est présenté à l'usine Mac Cain pour prendre livraison de son chargement, de sorte que le prévenu devait être considéré comme une personne suspectée de l'infraction relevée et, par conséquent, bénéficier des dispositions de l'article 61-1 du code de procédure pénale.

10. Ils en déduisent que l'intéressé a fait l'objet d'une audition libre, sans qu'il n'ait reçu notification des droits prévus par la disposition précitée.

11. Ils concluent que la remise d'un recueil d'informations complémentaires en langue italienne ne saurait pallier le non-respect des dispositions de l'article 61-1 précité et qu'il existe un doute sérieux sur la compréhension par l'intéressé de la procédure dont il a fait l'objet, de sorte que la nullité du procès-verbal de constatations et des actes subséquents dont il est le support nécessaire doit être confirmée.

12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

13. En effet, il résulte du procès-verbal de constatation de l'infraction, dont la Cour de cassation a le contrôle, que les agents habilités en application de l'article L. 3315-1 du code du travail se sont bornés à recueillir les déclarations sommaires de l'intéressé contrôlé sur la voie publique aux fins de vérification de ses conditions de travail.

14. La cassation est, par conséquent, encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 2 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-trois.

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