21 April 2023
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 21/04629

4eme Chambre Section 2

Texte de la décision

21/04/2023



ARRÊT N°196/2023



N° RG 21/04629 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OPID

CB/AR



Décision déférée du 07 Octobre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 20/00359)

[O]

















[L] [E]





C/



S.A.R.L. ENTREPRISE COFFE





























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le 21/04/2023



à Me DE LA MORENA

Me TUXAGUES



CCC POLE EMPLOI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT ET UN AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS

***



APPELANT



Monsieur [L] [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me Emmanuelle DE LA MORENA, avocat au barreau de TOULOUSE







INTIMÉE



S.A.R.L. ENTREPRISE COFFE

prise en la personne de son représentant légal domicilé es qualité audit siège sis [Adresse 1]



Représentée par Me Anne TUXAGUES de la SELARL ALPHA CONSEILS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me Benjamin ECHALIER de la SELARL ALPHA CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX (plaidant).



















COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère



Greffier, lors des débats : L. SAINT LOUIS AUGUSTIN







ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre








EXPOSÉ DU LITIGE



M. [L] [E] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée du 21 avril 1997 par la SARL Coffe en qualité de maçon.



La convention collective applicable était celle des travaux publics.



Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. [E] exerçait les fonctions de chef de chantier, la convention collective applicable étant désormais celle du bâtiment (ETAM-IAC).



La société Coffe emploie plus de 11 salariés.



Selon lettre du 11 décembre 2019, M. [E] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 19 décembre 2019, reporté à sa demande au 10 janvier 2020, puis licencié selon lettre du 23 janvier 2020.



Le 6 mars 2020, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse en contestation de son licenciement.



Par jugement du 7 octobre 2021, le conseil a :

- débouté M. [L] [E] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la SAS Coffe de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens éventuels de l'instance à la charge de M. [E].



Le 19 novembre 2021, M. [E] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.



Dans ses dernières écritures en date du 18 février 2022, auxquelles il est fait expressément référence, M. [E] demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et régulier en la forme,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions.

En conséquence :

- dire et juger que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

- condamner en conséquence la SAS Coffe au paiement des sommes suivantes :

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros en applications des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il conteste les griefs énoncés à la lettre de licenciement.



Dans ses dernières écritures en date du 25 avril 2022, auxquelles il est fait expressément référence, la société Coffe demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

En conséquence :

- débouter M. [L] [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

A titre reconventionnel :

- condamner M. [E] à payer à la société Coffe la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que le licenciement est justifié par la multiplicité des griefs énoncés à la lettre de licenciement.







La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 7 mars 2023.








MOTIFS DE LA DÉCISION



L'employeur a notifié le licenciement en visant de manière générique des manquements et insuffisances professionnelles. Toutefois, les différents griefs énoncés tiennent à une insubordination et au refus d'appliquer les consignes. En outre, l'employeur conclut expressément que le salarié disposait de qualités techniques certaines de sorte que le fondement du licenciement était disciplinaire.



Il résulte des dispositions de l'article L. 1332-5 du code du travail qu'aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut plus être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction. Ainsi, compte tenu de la date de convocation à l'entretien préalable, l'employeur ne peut se prévaloir d'aucune sanction antérieure au 11 décembre 2016.



Par ailleurs, par application des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il s'en déduit que pour invoquer des faits antérieurs de plus de deux mois au 11 décembre 2019 et dont il avait connaissance, l'employeur doit se placer sur le terrain de la réitération, non prescrite, de faits de même nature.



C'est dans ces conditions qu'il convient d'apprécier les griefs articulés par l'employeur, étant rappelé qu'il résulte des dispositions des articles L. 1235-1 et suivants du code du travail que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin toute mesure d'instruction qu'il estime utile. Si un doute subsiste, il profite au salarié, étant rappelé que la lettre de licenciement, éventuellement précisée par l'employeur, fixe les limites du litige.



Ainsi, la charge de la preuve, en matière de cause réelle et sérieuse, ne repose pas sur le seul employeur mais la juridiction doit cependant pouvoir se convaincre de faits matériellement vérifiables et en apprécier la portée.



C'est dans ces conditions que la cour doit apprécier les griefs tels qu'énoncés par l'employeur à la lettre de licenciement dans les termes suivants :

A titre préliminaire, nous nous permettons de vous rappeler que vous avez été engagé au sein de notre entreprise en date du 21 avril 1997 pour y exercer, en dernier lieu, des fonctions de chef de chantier.

Aussi, compte tenu de votre niveau de responsabilité, de votre expérience, et de votre ancienneté, nous sommes légitimement en droit d'attendre une parfaite implication dans le cadre de vos fonctions outre un état d'esprit et une attitude totalement irréprochables.







Or, nous avons malheureusement été amenés à déplorer des manquements et des insuffisances professionnels de votre part.

En premier lieu, vous avez fait preuve d'insubordination en date du 28 novembre 2019.

En effet, ce 28 novembre, sur le chantier des consorts [C] à [Localité 9], vous êtes intervenu pour réaliser la couche de réglage en concassé 0/20 sur l'accès à l'habitation.

Pour autant et au démarrage de la journée, nous vous avons donné la consigne et même l'ordre de ne pas réaliser la rampe d'accès au sous-sol.

Or, sur votre propre initiative, vous avez tout de même réalisé cette prestation, en faisant donc fi de nos directives.

Votre manquement est préjudiciable aux intérêts financiers de l'entreprise.

Par votre faute, nous avons été contraints de déployer les moyens en pure perte suivants :

Un chef de chantier (vous-même) ;

Un opérateur ;

Une mini pelle et un camion ;

Fourniture granulats ;

L'incidence financière s'élève à 1 110 euros HT.

En pure perte dès lors que ces travaux qui n'ont fait l'objet d'aucune commande préalable des clients, n'ont pu faire l'objet d'une quelconque facturation.

Il résulte de ce manquement un préjudice financier pénalisant pour la société.

Votre propension à aller à l'encontre des directives de l'entreprise est ainsi constitutive d'insubordination.

Ceci n'est pas acceptable.

D'ailleurs, lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu qu'il s'agissait d'une décision prise par vos soins à l'encontre de nos consignes, admettant ainsi le bien-fondé de ce premier grief.

En second lieu, nous sommes contraints de relever que vous ne respectez nullement les horaires des chantiers.

En effet, comme vous le savez pertinemment pour vous l'avoir maintes fois répété, les horaires de chantier sont 08h-12h / 13h-17h.

D'ailleurs, en qualité de chef de chantier, il est de votre devoir de faire respecter ces horaires, ainsi que de montrer l'exemple.

Or, le jeudi 9 janvier 2020; nous vous avons vu à 12h00 au rond-point de [Localité 7] au sortir d'un chantier, pour prendre la direction de [Localité 6], où vous êtes domicilié.

Ce type de manquements est systématique.

En effet, tel a notamment été le cas les 31 janvier, 10 avril 2019, où vous avez quitté le chantier avant 12h, alors que la règle vous avait notamment été rappelé lors de votre entretien personnel du 31 janvier 2019.

De la même manière, nous vous rappelons que vous avez déjà fait l'objet d'un avertissement en date du 10 juin 2016 pour des faits strictement identiques s'agissant au contraire, de transgressions répétées à vos obligations contractuelles.

Vous n'avez donc pas tenu compte de nos avertissements oraux et écrits, ce que nous ne pouvons plus accepter, s'agissant ainsi de faits nullement isolés.

Ceci est d'autant moins tolérable qu'en ne respectant pas lesdits horaires, c'est toute la production liée à vos chantiers qui se trouve arrêtée (au surplus, vos collaborateurs sous votre responsabilité, se retrouvent seuls sur chantier).

Or, le simple respect des horaires de production est la base de la garantie de rendement et d'efficacité de l'entreprise.

Lors de l'entretien préalable, les explications qui ont été les vôtres ont eu de quoi surprendre.







En effet, tout en reconnaissant lesdits manquements, vous avez maladroitement tenté de vous en défausser en indiquant que vous travaillez sans discontinuité sur les chantiers, raison pour laquelle vous estimez pouvoir partir (et faire partir vos collaborateurs 10 ou 15 minutes avant la fin de l'horaire du chantier).

Telle explication n'est pourtant pas recevable et traduit même des carences en terme de management !

Et pour cause, en votre qualité de chef de chantier, il vous appartient justement de faire respecter ces dits horaires et de faire respecter les pauses pour vos collaborateurs en poste sur les chantiers.

Vos explications ont donc tourné à votre propre confusion.

En troisième lieu, nous sommes contraints de constater que vous utilisez systématiquement un brouilleur de GPS.

Nous nous permettons de vous rappeler que vous avez été informé tant en réunion de personnel que par courrier de la mise en place d'un système de géolocalisation de votre véhicule, système généralement installé sur l'ensemble des responsables de chantier et camions (soit les véhicules dits itinérants).

Or, depuis le premier jour, nous avons été au regret de constater que votre système ne fonctionne pas.

Nous avons donc à deux reprises fait contrôler votre système par le fabricant.

Il en ressort que le système est en parfait état de marche et fonctionne d'ailleurs correctement en votre absence, ce qui permet de conclure à l'utilisation de votre part d'un brouilleur d'ondes GPS.

A cet égard, nous avons en mémoire votre vive contestation lorsque nous vous avons informé de la mise en place de ce système qui doit être, selon toute vraisemblance, à l'origine de votre attitude.

Un tel comportement confine, une fois encore, à l'insubordination.

Outre qu'elle traduit, une fois encore, une obstination à ne pas suivre les directives de votre employeur, elle relève également une volonté de votre part de rendre le contrôle du temps de travail des salariés de l'entreprise dont vous faites partie, impossible.

Certainement comme déjà évoqué parce que vous ne respectez pas les horaires demandés et que vous ne souhaitez pas être contrôlé sur vos heures réelles de présence au chantier, objet du grief précédent.

De plus, malgré un recadrage pour ce type de manquements, vous n'avez rien fait pour remédier à la situation.

Force est ainsi de relever que vos comportements s'inscrivent malheureusement dans un cadre de défiance et d'insubordination manifeste.

Lors de l'entretien préalable, vous vous êtes perdus dans des explications fantaisistes.

En effet, vous avez tenté d'avancer le fait que le système de géolocalisation doit être équipé d'un bouton marche/arrêt, vous permettant de l'activer lors de la prise du véhicule pour votre de travail.

Tel n'est pourtant pas le cas, ce système de GPS équipé d'un bouton marche/arrêt étant uniquement utilisé pour les véhicules de fonctions qui peuvent être utilisés par les collaborateurs à des fins personnelles (ce qui n'est pas votre cas, d'agissant d'un véhicule de chantier vous concernant).

Compte tenu de la faiblesse d'une telle explication, vous vous êtes alors ravisé en affirmant être étranger à ce dysfonctionnement, ce qui n'est bien entendu pas recevable, votre système ayant été régulièrement vérifié.

Vous n'avez donc nullement été en mesure d'apporter quelque explication satisfaisante que ce soit lors de l'entretien préalable.

En quatrième lieu, nous sommes contraints de relever que vous ne valorisez pas les matériaux au sein de l'entreprise.









Comme vous le savez, il a été exposé maintes fois (et notamment lors d'une réunion du personnel en date du 2 juin 2017) que tout matériau issu du chantier devait être acheminé vers les centres de traitements sur le compte de l'entreprise et plus particulièrement les matériaux valorisables, c'est-à-dire présentant une valeur marchande.

Ceci fait également l'objet du règlement intérieur de juillet 2016.

Ainsi, sur l'ensemble des chantiers qui vous ont été confiés, nous notons que vous n'avez aucunement valorisé de matériaux sur les comptes de l'entreprise (cuivre, zinc, etc ...), l'absence de bons de la part du centre de traitement avec lequel nous travaillons en étant la preuve, exception faite des matériaux métalliques type éléments de charpente...

Ceci d'autant plus que nous avons pu constater lors de visites de chantier que certains de vos opérateurs étaient occupés à récupérer ces matériaux, probablement pour votre compte personnel.

Tel est par exemple le cas du chantier sis [Adresse 4] à [Localité 10] actuellement à votre charge.

Or, en votre qualité de chef d'équipe, il vous appartient de respecter cette consigne ou, à tout le moins, d'encourager vos équipes à le faire.

Force est ainsi de noter que vous ne respectez nullement les directives.

Une telle insubordination est nécessairement préjudiciable aux intérêts de l'entreprise.

En effet, notre société retire d'importants bénéfices liée à cette collecte.

Il en résulte donc un important manque à gagner pour l'entreprise laissant supposer un enrichissement personnel.

Ceci est donc foncièrement inacceptable.

Lors de l'entretien préalable, vous avez cru devoir indiquer que sur tous les chantiers qui vous étaient confiés, les matériaux étaient déjà enlevés par d'autres équipes.

Pour autant, interrogé pour le cas du chantier [Adresse 4] à [Localité 10], vous n'avez pas été en mesure d'apporter quelque explication que ce soit.

En cinquième lieu, nous sommes contraints de relever votre attitude négative sur les chantiers et votre incapacité à travailler en bonne intelligence avec vos collègues de travail, ce qui est constitutif d'insuffisances managériales.

En effet, nous sommes destinataires, de nombreuses plaintes de personnels - internes ou externes - ou autres intervenants quant à votre comportement et votre relationnel, ainsi qu'à votre absence totale d'implication physique pour aider et participer aux travaux.

Ainsi, en mars 2019, nous avons reçu un appel téléphonique d'une personne voisine à un de vos chantiers, pour nous signaler votre inactivité et votre comportement pour le chantier sis à [Localité 3].

Il s'agit d'un appel intervenu suite à une altercation que vous avez eu avec cette personne, envers laquelle vous avez fait preuve d'un comportement agressif, et justifié votre attitude par votre statut de « chef de chantier » et de personne « impossible à licencier ».

Un tel fait n'est d'ailleurs nullement isolé car en mars 2017, vous aviez également eu une altercation envers un sous-traitant qui vous demandait de participer aux travaux, afin notamment d'assurer la fin du chantier pour le soir même concernant un chantier sis à [Localité 5].

Là encore, agressivité de votre part, et justification de votre refus de coopérer par votre statut de « chef de chantier », et chantier non-terminé.

En 2019 et compte tenu de vos carences managériales, certains personnels nous ont demandé de ne plus faire partie de vos équipes.

Votre position de chef de chantier vous demande certes de prendre du recul pour la bonne organisation de vos missions, mais ne vous soustrait en aucun cas de « donner la main » à vos collaborateurs, et vous oblige surtout à avoir un comportement exemplaire envers toute personne.







En définitive, votre comportement induit aujourd'hui :

- des retards comme sur le chantier avec ledit sous-traitant ayant des conséquences financières,

- une nécessité de renforcer les effectifs pour palier à votre inactivité,

- une obligation pour votre direction de former vos équipes avec des personnes acceptant d'en faire partie, ce qui se traduit par une désorganisation des effectifs,

- une incidence sur le climat social de l'entreprise,

- une image négative de notre société préjudiciable à ses intérêts commerciaux.

De plus, la cohésion au sein d'une PME comme la nôtre, ainsi qu'au sein des équipes constituées sur chantier sont des valeurs primordiales à l'efficacité et la réussite de nos travaux, et font partie intégrale de votre mission de responsable.

Nous devons malheureusement constater que vous n'en faîtes cas, quitte au contraire à détériorer cette cohésion, mettant donc en péril le bon fonctionnement de l'entreprise.

A titre d'illustration, force est de relever qu'en 2019, lorsque nous avons organisé des moments de « convivialité » destinés à renforcer la cohésion et l'état d'esprit entre les collaborateurs, vous n'y avez pas participé, sans même d'ailleurs nous avertir.

Il est donc patent que votre management est totalement défaillant.

Lors de l'entretien préalable, vous avez adopté une attitude particulièrement narquoise en nous affirmant avoir une bonne entente avec « les milliers » (sic...) de collaborateurs ayant fait partie de l'entreprise et nous mettant même « au défi » (re-sic...) de trouver une seule personne affirmant le contraire.

Concernant les personnes extérieures à l'entreprise, vous affirmez qu'il s'agirait d'une pure « invention » (re-re-sic...), soutenant ne parler à aucune personne extérieure.

Enfin, et de manière plus surprenante encore, et niant l'essence même de vos fonctions de chef d'équipe, vous avez eu l'outrecuidance d'affirmer qu'en tant que «chef d'équipe», il ne serait pas de votre mission d'aider physiquement vos collaborateurs, estimant, au-delà, pouvoir vous retrancher derrière la bonne réalisation des chantiers.

Vous comprendrez que de telles explications ne nous semblent pas recevables et confirment vos carences et votre incapacité à vous remettre en cause.

Surtout, tenant à votre statut, votre niveau de rémunération et de responsabilité ainsi qu'à votre ancienneté, vous devez faire preuve d'exemplarité vis-à-vis des salariés placés sous votre autorité, ce qui ne semble manifestement pas le cas.

En cinquième et dernier lieu, nous sommes contraints de constater que vous ne respectez pas les consignes liées aux installations des chantiers.

Pour autant et comme vous le savez, il existe des règles de fonctionnement de l'entreprise relativement à la mise en place des installations de chantier - soit les baraquements mobiles servant de vestiaire et réfectoire - sont à la charge des responsables de chantier.

Ceci vous a été notifié en réunion générale du personnel, ainsi qu'en entretien individuel.

A ce jour, les autres responsables de l'entreprise tractent eux-mêmes les baraques de chantier suivant leurs besoins et leurs déplacements.

Vous concernant, vous avez, en contradiction avec la mise en place de cette règle, refusé d'avoir un attelage sur votre véhicule, de sorte à vous dédouaner cette responsabilité.













A titre d'exemple, vous avez terminé ce mardi 7 janvier votre chantier sis à [Localité 8], pour débuter un chantier sis [Adresse 4] à [Localité 10].

A ce jour :

- la baraque de chantier est toujours et de façon inutile à [Localité 8];

- vos collaborateurs de possèdent pas d'installations sur le chantier [Adresse 4] à [Localité 10].

Ces baraques de chantier étant du matériel de location, il en résulte des dépenses inutiles puisque immobilisés.

Nous sommes de plus contraints de détacher des chauffeurs extérieurs à vos équipes pour en assurer les déplacements, induisant donc et encore des frais supplémentaires.

Vos équipes ne bénéficient pas d'installations, en connaissance de cause et par votre seule volonté.

Une fois de plus, vous faîtes preuve d'insubordination en refusant d'appliquer une règle de fonctionnement.

Lors de l'entretien préalable, vous avez tenté de vous en dédouaner en affirmant qu'il serait de notre responsabilité d'assurer les transferts des baraques mobiles lors de la gestion générale des matériels de chantier.

Or, cette explication n'est guère pertinente dans la mesure où, comme indiqué ci-avant, il a été plusieurs fois défini que cette tâche incomberait au chef de chantier.

Se faisant, vous ne faites que confirmer votre propension à ne pas respecter les directives de votre employeur, ce qui est constitutif d'insubordination.

Au vu de ce qui a été exposé ci-avant, votre maintien au sein de l'entreprise s'avère impossible.

En effet, la multiplicité des griefs à votre encontre traduit un comportement manifestement irréversible.

De plus, les explications qui ont été les vôtres lors de l'entretien préalable pour lequel vous étiez assisté, n'ont pas été de nature à nous convaincre.

Bien au contraire, et alors qu'un amendement eut été préférable, vous avez préféré campez sur vos positions, refusant ainsi de manière catégorique la moindre remise en question.

Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de vos manquements et insuffisances professionnelles susvisées.

Votre préavis, d'une durée de trois (3) mois, débutera à la date de présentation de cette lettre et se terminera trois (3) mois plus tard, date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs.



Il est ainsi fait état de six griefs qu'il convient d'apprécier successivement dans un premier temps pour déterminer s'ils sont matériellement établis.



1) Insubordination du 28 novembre 2019



Il est reproché au salarié d'avoir, de sa propre initiative et contrairement aux consignes de l'employeur, réalisé sur un chantier la rampe d'accès au sous-sol qui n'était pas incluse dans le marché. Il est matériellement établi que le salarié avec son équipe a réalisé cette rampe d'accès. Il apparaît également que ceci ne figurait pas sur les plans du marché. Toutefois, les ajouts ou modifications peuvent survenir en cours de chantier. Or, c'est la question de l'insubordination et du respect des consignes expresses qui fait débat. En effet, aucun élément ne vient conforter la thèse de l'employeur quant à des consignes explicites de ne pas







réaliser cette tâche. Au contraire, l'employeur invoque dans ses conclusions une reconnaissance du salarié lors de l'entretien préalable mais ne produit aucun document en ce sens. Seul le salarié produit une pièce sur le contenu de l'entretien préalable. Celle-ci, non signée, est d'une portée probatoire très relative mais n'est pas contredite par un élément que verserait l'employeur. Or, il en ressort que le salarié se plaçait non pas sur le terrain d'une initiative personnelle mais sur celui d'une demande du maître d'ouvrage indiquant qu'elle avait été validée par l'employeur. Il subsiste donc à tout le moins un doute sur le non-respect de consignes et ce sans qu'il y ait lieu donc d'envisager les conséquences financières, au demeurant non établies dans leur quantum puisqu'il est fourni uniquement un document de 2018 relatif d'ailleurs à des travaux complémentaires. Ce grief ne peut être retenu.



2) Non-respect des horaires de chantier



L'employeur reproche à ce titre au salarié de ne pas respecter les horaires prévus et spécialement de quitter le chantier quelques minutes avant 12 h, heure prévue pour la pause méridienne.



Pour les motifs rappelés ci-dessus, l'avertissement du 10 juin 2016, antérieur de plus de trois ans, ne peut être envisagé.



L'attestation de M. [V], également chef de chantier, ne peut être pertinente. En effet, s'il est fait état de ce que le salarié quittait le chantier avant l'heure normale et plus particulièrement avant 12h, aucune date n'est précisée. La cour n'est ainsi pas en mesure de s'assurer que les faits ne seraient pas prescrits. Cela pose d'autant plus de difficulté que cette question des horaires avait fait l'objet d'un entretien le 31 janvier 2019 matérialisé par un courrier de l'employeur du 21 mars 2019 et une contestation du salarié le 1er avril 2019. Il en résulte en premier lieu qu'il existait un conflit entre les parties sur le temps de travail effectif puisque l'employeur ne décomptait pas comme tel le temps de trajet entre le dépôt et le chantier. Surtout, on ignore absolument si l'attestation produite fait référence à des faits postérieurs à l'entretien du 31 janvier 2019 et s'inscrivant dans le cadre de la prescription de deux mois.



Seule subsiste donc l'affirmation de l'employeur selon laquelle le salarié aurait été vu le 9 janvier 2020 se rendant à son domicile avant 12 h. Le fait que cette date soit postérieure à la convocation à l'entretien préalable ne prive pas l'employeur de la possibilité de l'invoquer étant observé que le salarié a pu s'expliquer de ce chef lors de l'entretien. De même aucun élément ne permet de caractériser une filature illégale ou un procédé déloyal de la part de l'employeur. Mais c'est la matérialité du fait fautif qui n'est pas établie. L'affirmation de l'employeur dans la lettre de licenciement ne vaut que comme une affirmation d'une partie et n'est étayée par aucun élément alors que le salarié a toujours indiqué qu'il se rendait au dépôt, ce qui constituait donc un temps de travail. Le fait n'est donc pas établi sur un terrain disciplinaire.



3) Utilisation d'un brouilleur GPS



Il apparaît tout d'abord que le système GPS dont les véhicules étaient équipés avait été déclaré à la CNIL pour la gestion des déplacements professionnels et l'optimisation de la qualité de service mais non pas pour une question de contrôle du temps de travail auquel l'employeur faisait toutefois référence dans son courrier faisant suite à l'entretien du 31 mars 2019.









Mais surtout, l'utilisation d'un brouilleur GPS procède de déductions et n'est pas établie dans les limites de la prescription disciplinaire. Ainsi l'employeur qui affirme que le système GPS ne fonctionnait pas avec le seul véhicule utilisé par M. [E], sans éléments objectifs à l'appui, produit uniquement à ce titre une attestation du garagiste entretenant la flotte. Celui-ci indique que le dispositif fonctionnait et que seul un brouilleur d'onde pouvait expliquer les dysfonctionnements. Toutefois, le témoin ne fait que relater les affirmations de l'employeur lorsqu'il indique qu'il existait un dysfonctionnement quelques minutes après son départ. Mais surtout, le courrier du 21 mars 2019 faisait état de deux contrôles du système, renvoyant ainsi à l'attestation du garagiste, qui ne comporte aucune date. Aucun autre élément ne permet de caractériser, à supposer que l'analyse du témoin sur l'utilisation d'un brouilleur soit exacte, qu'elle ait perduré après ce courrier. Il n'est donné aucun élément de dysfonctionnement volontaire du système dans le délai de la prescription, même à titre d'exemple. Ce grief ne peut être retenu.



4) L'absence permanente de valorisation des matériaux



Le grief est ici double puisque l'employeur reproche à la fois au salarié de ne pas avoir fait valoriser les matériaux issus des chantiers et de se les être appropriés. Ce second aspect du grief ne peut être retenu. Il procède uniquement de supputations de l'employeur et la seule attestation produite sans qu'aucune date ne soit visée ne permet pas de caractériser une appropriation personnelle par le salarié.



S'agissant du premier aspect du grief, M. [E] ne peut soutenir comme il indique l'avoir fait lors de l'entretien préalable qu'aucune consigne ne lui aurait été donnée sauf pour les charpentes. En effet, il résulte des comptes rendus de réunion du personnel produits par l'employeur que la consigne était réitérée. Or, il apparaît que M. [E] ne procédait ou ne faisait procéder qu'à fort peu de dépôt de matériaux valorisables tels que cuivre ou zinc. Ceci est d'ailleurs cohérent avec ses affirmations. Il est ainsi matériellement établi qu'il ne respectait pas à ce titre la consigne de valorisation. La portée en sera appréciée ci-après.



5) Absence d'implication au sein de l'entreprise



La cour ne peut que constater le caractère particulièrement général de ce grief. Les exemples donnés dans la lettre de licenciement sont anciens. Aucun élément ne vient étayer le fait de mars 2019 qui serait en toute hypothèse prescrit et on ne saurait en conséquence s'attacher à un antécédent de mars 2017. Si de ce chef, il est produit une attestation émanant de M. [D] pouvant s'y rapporter la cour ne peut que constater le caractère particulièrement ancien du grief. Les attestations de MM [S] et [V] ne font référence à aucune date. Quant à l'attestation de l'ancien gérant de la société elle concerne précisément sa période de gérance laquelle s'est achevée en juin 2015. Le courrier du 21 mars 2019 pouvait de ce chef constituer une alerte, étant observé que l'employeur ne se plaçait pas sur le terrain d'une sanction puisqu'il n'évoquait cette possibilité qu'en cas de réitération. Mais, aucun exemple concret n'est invoqué et encore moins justifié pour la période postérieure et en particulier celle non prescrite. Ce grief ne peut être considéré comme matériellement établi.















6) Non-respect des consignes liées aux installations des chantiers



Ce grief fait l'objet d'un exemple précis et non prescrit puisqu'il vise un chantier achevé le 7 janvier 2020 pour lequel, malgré les consignes, le salarié n'aurait pas déplacé la baraque de chantier. Toutefois, il résulte de la lettre de licenciement que le véhicule utilisé par le salarié sur le chantier n'avait pas de crochet d'attelage. La lettre impute certes cette situation à un refus du salarié. Cependant, aucun élément n'est donné quant à ce refus, étant observé par la cour que s'agissant d'un véhicule de l'entreprise, l'employeur pouvait installer un tel équipement sans l'accord du salarié. Le grief ne peut donc être considéré comme matériellement établi dans la mesure où en l'absence de crochet d'attelage, la consigne était impossible à mettre en 'uvre.



Au total, il est manifeste qu'il existait des difficultés entre l'employeur et le salarié. Cependant, le seul grief matériellement établi pouvant être pris en compte est celui de n'avoir pas valorisé les matériaux de chantier résiduels. Ce grief à lui seul ne peut constituer un motif suffisamment sérieux de rupture étant observé que le compte rendu de la réunion du 7 janvier 2019 ne prévoyait de sanction plus lourde qu'après un avertissement. Aucun avertissement n'a été adressé au salarié sur ce point avant le licenciement. De manière plus générale, la cour ne peut, sous couvert d'une très longue lettre de licenciement, retenir un motif réel et sérieux de rupture par la succession de griefs sans exemples précis et pour l'essentiel très anciens comprenant même des rappels d'antécédents de plus de trois ans.



Le licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé.



Quant aux conséquences, il convient de tenir compte d'une ancienneté de 22 ans, les contrats de mission précédant le contrat à durée indéterminée étant discontinus. Il convient de tenir compte d'un salaire de 3 300,95 euros (salaire de base majoré des heures supplémentaires structurelles et de la prime d'ancienneté), de l'âge de M. [E] lors de la rupture (55 ans), de l'absence d'éléments sur sa situation après la rupture et des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail. Le montant des dommages et intérêts sera en conséquence fixé à 35 000 euros. La société Coffe sera condamnée au paiement de cette somme.



Il sera fait application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de trois mois.



Partie perdante, la société Coffe sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.







PAR CES MOTIFS





Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 7 octobre 2021,



Statuant à nouveau,









Dit que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,



Condamne la SAS Coffe à payer à M. [E] la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts outre celle de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités chômage versées au salarié dans la limite de trois mois,



Condamne la SAS Coffe aux dépens de première instance et d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.





LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,













Arielle RAVEANE Catherine BRISSET.

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