20 April 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/06457

Pôle 4 - Chambre 10

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRET DU 20 AVRIL 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06457 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYJT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2020 - Tribunal Judiciaire de CRETEIL - RG n° 18/08758





APPELANTE



HONDA MOTOR EUROPE LIMITED, agissant poursuites et diligences ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]



Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée par Me Jean-Marc LANDAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : R037; substitué à l'audience par Me Adelien MUSSAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L291





INTIMÉES



Madame [C] [B]

née le 11 octobre 1956 à [Localité 5]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]



Représentée et assistée par Me Nathalie CADET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 240





S.A.S. MACH, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER - MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

Assistée de par Me Louise FOURCADE-MASBATIN de l'AARPI FOURCADE - CHEVALLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R061, substituée à l'audience par Me Paul THIOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : R061







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée le 14 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Valérie MORLET, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Valérie MORLET, Conseillère

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller





Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN , greffier, présent lors de la mise à disposition.




***



Faits et procédure



Mme [C] [B] a le 30 septembre 2013 acquis, pour les besoins de sa profession de chauffeur de taxi, un véhicule neuf Honda pour un prix de 33.672 euros TTC auprès de la SAS Mach, concessionnaire de la marque Honda.



Elle indique s'être à plusieurs reprises plainte de pertes de charge inexpliquées, qui ont donné lieu à diverses interventions de la part de la société Mach, laquelle en a référé à la société de droit anglais Honda Motor Europe Ltd.



Mme [B] a saisi son assureur Protection Juridique, lequel a mandaté son expert, le cabinet JR Expertises, pour examiner le véhicule. L'expert a déposé un rapport le 9 mars 2016.



Elle a ensuite par actes du 27 septembre 2016 assigné les sociétés Mach et Honda Motor devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil aux fins d'expertise et mise à disposition d'un véhicule de remplacement. Le magistrat a par ordonnance du 3 novembre 2016 désigné M. [Y] [P] en qualité d'expert, mais rejeté la demande de véhicule de remplacement.



L'expert judiciaire a clos et déposé son rapport le 28 décembre 2017.



Au vu de ce rapport et faute de solution amiable, Mme [B] a par actes du 24 septembre 2018 assigné la société Mach devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins de résolution de la vente du véhicule et indemnisation de ses préjudices subséquents.



La société Mach a à son tour et par acte du 3 décembre 2018 assigné la société Honda Motor en garantie devant le tribunal.



Les deux affaires ont été jointes selon ordonnance du 25 février 2019.



*



Le tribunal, devenu tribunal judiciaire, par jugement du 7 février 2020, a :



- prononcé la résolution de la vente du 30 septembre 2013 conclue entre Mme [B] et la société Mach en raison des vices cachés affectant le véhicule Honda,

- condamné la société Mach à restituer la somme de 33.672 euros à Mme [B] correspondant au prix de la vente et au coût du certificat d'immatriculation du véhicule,

- condamné la société Mach à verser à Mme [B] la somme de 1.831,85 euros en réparation du préjudice subi,

- ordonné la restitution par Mme [B] du véhicule Honda dans les locaux de la société Mach ou dans tout autre lieu,

- condamné la société Mach à payer à Mme [B] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Mach aux entiers dépens, incluant le coût de l'expertise judiciaire, avec distraction au profit des avocats des parties non succombantes,

- condamné la société Honda Motor à relever et garantir la société Mach de toutes condamnations prononcées à son encontre, en ce compris les dépens et frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.



La société Honda Motor a par acte du 19 mai 2020 interjeté appel de ce jugement, intimant Mme [B] et la société Mach devant la Cour.



*



La société Honda Motor, dans ses dernières conclusions signifiées le 12 février 2021, demande à la Cour de :



A titre principal,



- juger que Mme [B] ne rapporte la preuve qui lui incombe ni d'un vice inhérent à son véhicule et antérieur à la vente, ni du caractère rédhibitoire d'un tel vice à supposer qu'il existe,

- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a cru devoir ordonner la résolution de la vente et faire droit à une partie des demandes subséquentes de Mme [B],

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juger en conséquence sans objet l'appel en garantie de la société Mach et l'en débouter,



A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour devait considérer que Mme [B] est fondée à invoquer un vice caché de son véhicule,



- juger que le vice caché allégué par Mme [B] n'est pas suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente et la restitution intégrale du prix,

- juger que les préjudices qui sont invoqués par Mme [B] ne sont ni fondés ni justifiés,

- en conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a cru devoir ordonner la résolution de la vente et faire droit à une partie des demandes subséquentes de Mme [B],

- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ou à tout le moins les réduire aux strictes conséquences dommageables du vice caché dont elle se prévaut,



A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour devait considérer que Mme [B] est fondée à solliciter la résolution de la vente et la restitution intégrale du prix,



- débouter Mme [B] de son appel incident,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le préjudice subi par Mme [B] à la somme de 1.831,85 euros et débouter Mme [B] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,



En tout état de cause,



- condamner Mme [B] à lui régler une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [B] aux entiers dépens incluant les frais d'expertise.



La société Mach, dans ses dernières conclusions n°2 signifiées le 15 février 2021, demande à la Cour de :



A titre principal,



- l'accueillir en son appel incident recevable et bien fondé,

- déclarer Mme [B] mal fondée en son action en garantie des vices cachés, faute de justifier de la réunion de ses conditions constitutives,

- en conséquence, infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli cette action, prononcé la résolution de la vente du véhicule et indemnisé Mme [B] de ses préjudices subséquents,

- statuant à nouveau, la mettre hors de cause en l'absence d'imputabilité à son égard des désordres,

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,



A titre subsidiaire et en toute hypothèse,



- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule conclu entre Mme [B] et elle-même, en l'absence de défauts rédhibitoires,

- rejeter l'appel incident formé par Mme [B] et ramener l'indemnisation des préjudices de celle-ci aux strictes conséquences dommageables et, en toute hypothèse, confirmer le jugement entrepris qui a limité le montant de son indemnisation à la somme de 1.831,85 euros,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de la vente entre elle et la société Honda Motor et, statuant à nouveau, prononcer la résolution de la vente du véhicule Honda conclue entre elle et la société Honda Motor, avec restitution du prix de vente de 33.306,10 euros en contrepartie de la restitution du véhicule, et paiement de la marge de 365,90 euros à titre d'indemnité,

- condamner par ailleurs la société Honda Motor à la relever indemne et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme [B] en ce compris au titre des frais irrépétibles et répétibles, et confirmer le jugement à ce titre,

- condamner également la même à lui verser une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Mme [B], dans ses dernières conclusions signifiées le 16 novembre 2020, demande à la Cour de :



- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. prononcé la résolution de la vente du 30 septembre 2013 conclue entre elle et la société Mach en raison des vices cachés affectant le véhicule Honda,

. condamné la société Mach à lui régler la somme de 33.672 euros correspondant au prix de vente et au coût du certificat d'immatriculation du véhicule,

. condamné la société Mach à lui verser la somme de 1.831,85 euros en réparation du préjudice subi représentant le coût de l'expertise amiable (1.300 euros) et les frais de recherche de panne (531,85 euros),

. condamné la société Honda Motor à garantir la société Mach des condamnations mises à sa charge,

. ordonné la restitution par elle-même du véhicule Honda dans les locaux de la société Mach ou dans tout autre lieu,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Mach à lui régler les sommes suivantes :

. 2.149 euros au titre du remboursement du contrat de garantie,

. 360,67 euros au titre du remboursement de l'ordre de réparation n°1009778,

. 7,52 euros en remboursement de la facture de la société Jura Pneus Services,

. 116,64 euros au titre du remboursement des factures Autobacs du 4 avril 2015,

. 360 euros au titre du remboursement de la facture Technigum St. Ouen,

. 227,09 euros au titre du remboursement de la facture Spa St. Ouen,

. 3.377,86 euros au titre des factures de révision,

. 968,57 euros au titre du remboursement des quatre factures Technigum St. Ouen,

. 349,90 euros au titre de la facture Auto Bacs du 6 janvier 2014,

. 492,75 euros au titre de la facture Housses Taxi du 4 octobre 2013,

. 3.720,36 euros au titre des intérêts du prêt contracté,

. 227,09 euros au titre de la facture FPA du 27 août 2015,

. 11.788,81 euros au titre de l'assurance voiture de 2013 à 2018,

. 20.000 euros à titre d'indemnisation de la perte de chance de réaliser le chiffre d'affaires qu'elle aurait pu réaliser avec un véhicule en parfait état de fonctionnement,

. 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

. 6.864 euros en réparation de son trouble de jouissance,

- en conséquence faisant droit à l'appel incident formé, condamner la société Mach à lui régler à les sommes suivantes :

. 2.149 euros au titre du remboursement du contrat de garantie,

. 360,67 euros au titre du remboursement de l'ordre de réparation n°1009778,

. 7,52 euros en remboursement de la facture de la société Jura Pneus Services,

. 116,64 euros au titre du remboursement des factures Autobacs du 4 avril 2015,

. 360 euros au titre du remboursement de la facture Technigum St. Ouen,

. 227,09 euros au titre du remboursement de la facture Spa St. Ouen,

. 3.377,86 euros au titre des factures de révisions,

. 968,57 euros au titre du remboursement des quatre factures Technigum St. Ouen,

. 349,90 euros au titre de la facture Auto Bacs du 6 janvier 2014,

. 492,75 euros au titre de la facture Housses Taxi du 4 octobre 2013,

. 3.720,36 euros au titre des intérêts du prêt contracté,

. 227,09 euros au titre de la facture FPA du 27 août 2015,

. 11.788,81 euros au titre de l'assurance voiture de 2013 à 2018,

. 20.000 euros à titre d'indemnisation de la perte de chance de réaliser le chiffre d'affaires qu'elle aurait pu réaliser avec un véhicule en parfait état de fonctionnement,

. 10.000 euros en réparation de son préjudice moral,

. 6.864 euros en réparation de son trouble de jouissance,

- condamner solidairement les sociétés Mach et Honda Motor à lui régler la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



*



La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 7 décembre 2022, l'affaire plaidée le 14 février 2023 et mise en délibéré au 20 avril 2023.
















Motifs



Sur les demandes de Mme [B]



Les premiers juges ont, au regard du rapport d'expertise judiciaire, considéré que Mme [B] justifiait de désordres affectant son véhicule taxi incompatibles avec une bonne gestion de celui-ci et que ces désordres étaient antérieurs à son acquisition et cachés. Aussi ont-ils fait droit à sa demande de résolution de la vente de son véhicule. Rappelant que le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, quand bien même la société Mach a fait livrer le véhicule à Mme [B] directement par son fournisseur, la société Honda Motor, les premiers juges ont considéré que les deux sociétés étaient tenues à indemnisation au profit de l'acquéreur. Ils n'ont cependant retenu, au titre des seuls préjudices certains et en lien direct avec le vice affectant le bien, que le coût de l'expertise amiable de 1.300 euros TTC et les frais de recherche de panne de 531,85 euros TTC, déboutant Mme [B] de toute prétention indemnitaire au-delà.



La société Honda Motor reproche aux premiers juges d'avoir ainsi statué, faisant valoir l'absence de fondement de l'action en garantie des vices cachés initiée par Mme [B] contre la société Mach, par l'absence de preuve d'un vice inhérent au véhicule et antérieur à la vente et du caractère rédhibitoire du vice (à supposer qu'il existe). Subsidiairement, elle estime que le vice est insuffisamment grave pour justifier la résolution de la vente et que les préjudices allégués par Mme [B] ne sont ni fondés ni justifiés, rappelant par ailleurs que les frais dont elle sollicite le remboursement ont nécessairement été déduits dans le cadre de son activité d'artisan taxi.



La société Mach critique également le jugement, estimant que les conditions de mise en jeu de la garantie des vices cachés ne sont pas remplies et que la vente de la voiture ne peut être résolue. Elle conclut donc à l'infirmation du jugement et à sa mise hors de cause. A titre subsidiaire, elle estime que l'action indemnitaire de Mme [B] ne peut prospérer au-delà de 1.831,85 euros. Elle demande en toute hypothèse la garantie de la société Honda Motor, sur laquelle pèse une présomption irréfragable de connaissance du défaut, même indécelable.



Mme [B] ne critique pas le jugement dont elle reprend les termes au titre de la résolution de la vente du véhicule litigieux. Elle affirme que si les sociétés Mach et Honda Motor puis l'expert n'ont pas été capables de déterminer l'origine des problèmes de démarrage de son véhicule, tout ce qui a été fait est de poser un coupe batterie qui n'a pas résolu ce problème qui persiste. Elle précise que les codes défaut révélaient l'existence d'un dysfonctionnement des composants électriques et électroniques du circuit de charge. Selon elle, le vice était non apparent et antérieur à la vente et rend la voiture impropre à l'usage auquel elle était destinée, rappelant que la gravité ne s'apprécie pas au regard du montant de la remise en état. Elle conclut à la confirmation du jugement concernant la résolution de la vente, avec restitution de son prix et du véhicule. Mme [B] forme ensuite un appel incident, reprochant aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande de paiement [sic, demandes indemnitaires], rappelant que le vendeur professionnel est irréfragablement réputé connaître le vice de la chose, que toutes les sommes qu'elle a engagées doivent lui être remboursées (prix de vente, contrat de garantie, ordres de réparations, factures de réparation et révision, intérêts du prêt contracté, assurance du véhicule) et qu'elle doit être indemnisée au titre d'une perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires plus haut, de son préjudice moral et d'un trouble de jouissance.



Sur ce,



1. sur la garantie des vices cachés du vendeur, la société Mach



L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.



(1) sur l'existence de vices



Mme [B] affirme qu'elle a rapidement après l'acquisition du véhicule litigieux le 30 septembre 2013, « dès les premiers 20.000 kilomètres », rencontré des difficultés de démarrage, qu'elle « devait mettre en charge la batterie pendant deux jours avec un chargeur personnel » et, ne pouvant en conséquence utiliser son véhicule deux jours par semaine, a dû acheter un démarreur personnel (« booster »).



Le véhicule litigieux a une première fois été examiné par un expert mandaté le 10 décembre 2015 par l'assureur de Mme [B] la compagnie MAAF Assurances, le cabinet JR Expertise. Lors d'une réunion d'expertise contradictoire, tenue le 2 février 2016 en présence de Mme [B] et d'un représentant de la société Mach Honda, près de deux ans et demi après son acquisition, la voiture comptait déjà 119.494 kilomètres à son compteur. Dans son rapport du 9 mars 2016, l'expert d'assurance a constaté l'absence de toute « anomalie de comportement » sur route. « Aucun défaut n'a pu être mis en évidence » par l'expert, qui a exclu « tout défaut du circuit de charge » et a estimé « que le fait de renforcer la batterie [n'apportait] pas une solution pérenne ».



L'expert judiciaire a à son tour procédé à un examen du véhicule litigieux, dans un garage puis en « phase routière ». S'il a pu constater, lors de ses réunions des 6 et 7 avril 2017, plus de trois ans et demi après l'acquisition de la voiture, son « démarrage laborieux », aucune difficulté à ce titre n'a été notée le 11 juillet 2017, lors de l'essai sur route. L'expert a ensuite observé que les tensions relevées du circuit de charge étaient inférieures aux « valeurs de référence » (de 13,20 volts, selon lui) alors même que la société Honda Motor faisait état dans son dire n°4 du 14 septembre 2017 de valeurs de référence plus actuelles, plus basses (de 12,3 volts), ce à quoi l'expert judiciaire n'a pas répondu. L'expert a ensuite noté que « l'Alternateur-Régulateur ne fournit pas une tension suffisante pour avoir une recharge complète », constatant qu'il existait des « variations inexpliquées [de tension] avec des valeurs particulièrement faibles » et a estimé qu'il y avait « lieu de supposer » que « l'Alternateur-Régulateur [était] partiellement défaillant et responsable d'une charge incomplète de la Batterie ». Cette conclusion - supposée - n'éclaire pas les variations de tension, qui demeurent inexpliquées. L'expert n'a sur ce dernier point pas répondu aux réserves émises par le conseil de la société Honda Motor dans son dire n°4 cité plus haut, alléguant que les essais établissaient que la batterie se rechargeait, d'une part, affirmant que le niveau de charge de l'alternateur n'était jamais constant, d'autre part, s'interrogeant sur l'analyseur de batterie utilisé qu'il ne connaissait pas, ensuite, et réclamant la réalisation de « nouveaux essais et mesures » sans qu'il n'y soit fait droit, enfin.



L'expert a également observé un montage défectueux de la cosse batterie sur la borne positive de celle-ci, avec une tige filetée anormalement longue, des rondelles sous l'écrou de serrage et un fil d'alimentation électrique en partie dénudé, sans se prononcer sur la date de ce montage et ses conséquences techniques.



L'expert judiciaire conclut que « le véhicule examiné présente effectivement des désordres incompatibles avec une bonne gestion technique d'un véhicule Taxi ». Une telle conclusion apparaît par trop affirmative au regard des doutes émis lors des réunions d'expertise puis dans le corps du rapport et de l'absence de réponse aux interrogations de la société Honda Motor.



La Cour n'est pas liée par les constatations et conclusions du technicien (article 246 du code de procédure civile).



La Cour peut tout au plus retenir, au titre des désordres affectant le véhicule litigieux, un problème de charge de batterie effectivement constaté par l'expert judiciaire, sans que celui-ci ait pu parfaitement le circonscrire ni déterminer son origine avec certitude. Malgré ce problème de chargement de batterie, rien n'établit, malgré les termes contraires du jugement, que Mme [B] se soit effectivement trouvée privée de son véhicule deux jours par semaine ni dans l'obligation d'effectuer des manipulations quotidiennes pour couper chaque soir la batterie. L'expert judiciaire reprend sur ces points les dires de l'intéressée, mais n'en vérifie pas la véracité.



L'expert est d'ailleurs ensuite moins catégorique, exposant qu'« il semblerait que les désordres proviennent de l'Alternateur-Régulateur et d'un composant électronique du circuit multiplexé » (page 28 de son rapport) ou encore expliquant que les désordres « sont probablement liés à des composants de l'alimentation électrique (circuit de charge) et du circuit de démarrage » (page 34) sans pouvoir être formel sur ce point. Il ne peut indiquer avec certitude la nature des réparations nécessaires, évoquant à ce titre le remplacement de composants comme étant « très probablement (') à effectuer » et ajoutant ensuite que « d'autres causes ne sont pas à exclure ».



L'expert judiciaire, au terme de son document de synthèse du 31 octobre 2017, a sollicité les observations des parties « avant le 23 novembre 2017 ». Il n'a cependant pas répondu au dire n°5 que lui a adressé le conseil de la société Honda Motor le 16 novembre 2017, dans le délai requis, pourtant annexé à son rapport final. Ce dire, et les dires précédents de l'avocat, appelaient une réponse quant à l'identification de la cause du dysfonctionnement du véhicule de Mme [B], laquelle n'a pas été apportée.



Aucun élément de l'expertise ni du dossier ne permet de déterminer avec certitude l'existence de vices affectant le véhicule litigieux acquis par Mme [B] au-delà d'un problème de recharge de batterie, mal circonscrit et dont l'origine reste indéterminée.



(2) sur la préexistence à la vente des vices affectant le véhicule



L'expert a pu affirmer que Mme [B], lors de l'acquisition du véhicule litigieux, ne pouvait avoir connaissance des désordres affectant les composants électriques et électroniques de son circuit de charge.



Il ajoute que les désordres « sont apparus rapidement sur le véhicule, soit 5 mois après sa mise en service », situant sa première panne le 3 mars 2014. Il résulte cependant des pièces versées aux débats par Mme [B] elle-même que celle-ci ne justifie d'aucune panne avant le 18 août 2014 (date d'un premier ordre de réparation donné à la société Japauto Courbevoie, concessionnaire de la marque Honda, pour une panne de batterie - le véhicule comptait alors 46.811 kilomètres au compteur), soit onze mois - et non cinq - après l'acquisition du véhicule. C'est ainsi que l'expert indique que « les désordres affectant les composants électriques et électroniques du circuit de charge étaient probablement latents au jour de la mise en service du véhicule » sans pouvoir être plus catégorique sur ce point.



Il résulte ni du rapport d'expertise ni d'aucun autre élément tangible du dossier que le véhicule acquis par Mme [B] était dès son acquisition le 30 mars 2013 affecté des vices et désordres dont se prévaut l'intéressée.



(3) sur l'existence de vices rédhibitoires



Quatre ans après l'acquisition du véhicule neuf pour un prix de 33.672 euros TTC, l'expert judiciaire lui-même a estimé les travaux de sa remise en état, par le remplacement de l'alternateur-régulateur (sans certitude de son caractère défectueux comme étant à l'origine des désordres allégués par Mme [B]), d'une unité de détecteur de charge et d'un démarreur, à hauteur de la somme totale de 2.141,44 euros HT, soit 2.569,72 euros TTC, main d''uvre comprise. Le faible coût, relatif, de ces travaux réparatoires, témoigne du caractère non rédhibitoire des vices affectant le véhicule litigieux.



Il apparaît en outre et en tout état de cause que le véhicule de Mme [B], acquis neuf le 30 septembre 2013, a pu rouler. Celui-ci comptait 178.496 kilomètres au compteur lors de la première réunion d'expertise judiciaire, le 6 avril 2017, trois ans et demi après son acquisition. Trois mois après cette première réunion, lors de la dernière réunion du 11 juillet 2017, et près de quatre ans après l'acquisition par Mme [B] du véhicule, celui-ci comptait 196.463 kilomètres au compteur, laissant apparaître que l'intéressée avait encore parcouru plus de 17.000 kilomètres en quelques semaines. Lorsque Mme [B] a restitué son véhicule à la société Honda Motor, un huissier de justice mandaté par celle-ci a dans un procès-verbal du 18 juin 2020 relevé que le véhicule marquait alors au compteur 221.735 kilomètres, établissant que l'intéressée avait encore pu rouler plus de 25.000 kilomètres avec sa voiture après le 11 juillet 2017, vraisemblablement jusqu'au 1er février 2018, date d'acquisition d'un nouveau véhicule de marque Duster pour un prix de 21.653,76 euros TTC.



Les premiers juges ne pouvaient affirmer que « le nombre de kilomètres parcourus est sans incidence sur la gravité du vice » alors que celui-ci démontre en l'espèce que Mme [B] n'a jamais été privée de l'usage de son véhicule qu'elle a effectivement utilisé et qui n'était donc pas impropre à l'usage - de taxi - auquel il était destiné ni d'un usage diminué.



***



En l'absence de preuve de défauts affectant le véhicule litigieux au moment de sa vente le 30 septembre 2013 par la société Mach à Mme [B], défauts tels qu'ils rendaient ce véhicule impropre à l'usage de taxi auquel il était destiné ou en a diminué l'usage, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que les conditions de l'application de la garantie des vices cachés étaient réunies.



Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule, emportant remboursement de son prix de vente par la société Mach, vendeur d'une part, et restitution dudit véhicule par Mme [B], acquéreur d'autre part.



Statuant à nouveau de ce chef, la Cour déboutera Mme [B] de sa demande de résolution de la vente de son véhicule et de ses demandes subséquentes de restitution du prix de vente et de la voiture.



Cette infirmation et ce rejet entraînent de plein droit l'obligation pour Mme [B] de restituer le prix de vente de son véhicule recouvré en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire, et l'obligation réciproque pour la société Mach de restituer le véhicule remis en cette même exécution.



Le recours en garantie de la société Mach, vendeur du véhicule litigieux, à l'encontre de la société Honda Motor, concessionnaire, est donc sans objet de ce chef.



2. sur la demande de dommages et intérêts de Mme [B]



L'article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.



L'action indemnitaire prévue par ces dispositions n'est certes pas subordonnée à l'exercice de l'action rédhibitoire ou estimatoire de l'article 1641 du code civil, mais ne peut cependant prospérer que pour autant que l'existence d'un vice caché est avérée.



Ainsi, Mme [B] doit être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur les dispositions de l'article 1645 du code civil, l'existence d'aucun vice caché affectant le véhicule acquis auprès de la société Mach, rendant celui-ci impropre à l'usage auquel il était destiné, n'étant démontrée.



Le recours en garantie de la société Mach à l'encontre de la société Honda Motor est donc sans objet.



Sur les dépens et frais irrépétibles



Le sens de l'arrêt conduit à l'infirmation du jugement en ses dispositions relatives aux dépens et les frais irrépétibles de première instance.



Statuant à nouveau et ajoutant au jugement, la Cour condamnera Mme [B], qui succombe en ses prétentions, aux dépens de première instance (incluant les frais d'expertise judiciaire) et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.



Tenue aux dépens, Mme [B] sera également condamnée à payer la somme équitable de 3.000 euros à chacune des sociétés Mach et Honda Motor (soit 2 X 3.000 euros) en indemnisation des frais exposés en première instance et en cause d'appel et non compris dans les dépens.



Par ces motifs,



La Cour,



Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [C] [B] de ses demandes indemnitaires au titre du remboursement d'un contrat d'extension de garantie, de frais divers, des intérêts de prêt, de l'assurance du véhicule, d'une perte de chance, d'un préjudice moral et de jouissance,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Déboute Mme [C] [B] de sa demande de résolution de la vente conclue le 30 septembre 2013 avec la SAS Mach et de ses demandes subséquentes en indemnisation,



Rappelle que Mme [C] [B] devra restituer le prix de vente de son véhicule à la SAS Mach et que celle-ci devra restituer le véhicule à la première,



Déboute Mme [C] [B] de sa demande de remboursement de frais d'expertise amiable à hauteur de 1.300 euros et de sa nouvelle demande d'indemnisation à hauteur de 360,67 euros,



Condamne Mme [C] [B] aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise judiciaire, et d'appel,



Condamne Mme [C] [B] à payer la somme de 3.000 euros à la SAS Mach et la même somme à la société Honda Motor Europe Ltd. en indemnisation de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel.





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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