18 January 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.114

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C100039

Titres et sommaires

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Applications diverses - Assistance - Convention d'assistance bénévole - Assistance spontanément apportée par l'assistant ou sollicitée par l'assisté - Portée

Dans une convention d'assistance bénévole, l'assistance peut être spontanément apportée par l'assistant ou sollicitée par l'assisté

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2023




Déchéance et cassation partielle


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 39 F-B

Pourvoi n° C 20-18.114




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2023

1°/ M. [F] [L],

2°/ Mme [G] [Y], épouse [L],

3°/ M. [N] [L],

4°/ [U] [L], mineure représentée par ses représentants légaux, M. [F] [L] et Mme [G] [Y], épouse [L],

domiciliés tous quatre [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° C 20-18.114 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [K] [P], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],

4°/ à la société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, dont le siège est [Adresse 4],

6°/ à la société Pro BTP contentieux, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [F] [L], de Mme [G] [Y], épouse [L], de M. [N] [L] et de [U] [L], de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [P], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MAAF assurances, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, M. Chevalier, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance partielle du pourvoi examinée d'office

1. Conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties qu'il est fait application de l'article 978 du même code.

2. Il résulte de ce dernier texte qu'à peine de déchéance du pourvoi, le demandeur doit au plus tard dans le délai de quatre mois à compter du pourvoi remettre au greffe de la Cour de cassation un mémoire contenant les moyens de droit invoqués contre la décision attaquée.

3. M. [F] [L] (M. [L]), M. [N] [L], Mme [G] [L] et [U] [L] se sont pourvus en cassation le 27 juillet 2020 contre un arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d'appel de Nancy. Seul un mémoire ampliatif au profit de M. [N] [L] a été déposé le 14 février 2022.

4. Il y a lieu dès lors de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé par M. [L], Mme [G] [L] et [U] [L].

Faits et procédure

5. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 26 mai 2020), le 18 septembre 2010, afin de cueillir des pommes dans son verger, M. [P] a, avec M. [L], utilisé une nacelle située à l'extrémité du bras d'une grue appartenant à la société [P], dont M. [P] était le gérant et M. [L] le salarié, et conduite par un autre salarié de la société. A la suite d'un décrochage de la nacelle, M. [L] et M. [P] ont chuté et subi des blessures.

6. Le 6 août 2014, M. [L], Mme [G] [L], M. [N] [L] et [U] [L], mineure représentée par ses parents, M. [L] et Mme [G] [L], ont assigné M. [P] en responsabilité et indemnisation et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges et la société Pro BTP contentieux. M. [P] a appelé en garantie son assureur de responsabilité civile, la société Allianz, et son assureur de responsabilité professionnelle, la société MAAF assurances. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne est intervenue volontairement à l'instance en qualité de gestionnaire des recours de la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges et a demandé le remboursement de ses débours.

7. L'action en garantie de M. [P] à l'encontre de la société MAAF assurances a été déclarée irrecevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. [N] [L] fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes d'indemnisation des préjudices subis, alors « que l'existence d'une convention d'assistance bénévole peut tout aussi bien résulter de l'offre de l'assistant que de la demande de l'assisté ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'une telle convention, que M. [L] n'avait pas offert spontanément d'aider M. [P] mais que ce dernier l'avait au contraire convaincu de lui prêter son concours et que "l'autorité dont M. [P] a usé éta[i]t exclusive de la rencontre entre une offre et une acceptation", cependant qu'il résultait de ses propres constatations que M. [L] avait apporté son aide à M. [P] en concertation avec ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 1113 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1101 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ce texte que, dans une convention d'assistance bénévole, l'assistance peut être spontanément apportée par l'assistant ou sollicitée par l'assisté.

9. Pour écarter l'existence d'une convention d'assistance bénévole, l'arrêt retient que M. [L] n'a pas offert spontanément son aide à M. [P], mais a été convaincu par celui-ci de lui prêter son concours.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

11. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur sa demande, la société MAAF assurances, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé par M. [F] [L], Mme [G] [Y] épouse [L] et [U] [L] ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes formées par MM. [F] et [N] [L], Mme [G] [L] et [U] [L] et irrecevable l'action en garantie de M. [P] à l'encontre de la société MAAF assurances, l'arrêt rendu le 26 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Met hors de cause la société MAAF assurances ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [P], la société MAAF assurance et la société Allianz IARD et condamne M. [P] et la société Allianz IARD à payer à M. [N] [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [F] [L], Mme [G] [Y], épouse [L], M. [N] [L] et [U] [L]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [F] [L], Mme [G] [Y], M. [N] [L] et Mme [U] [L] font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes d'indemnisation des préjudices subis ;

1°) ALORS QUE l'existence d'une convention d'assistance bénévole peut tout aussi bien résulter de l'offre de l'assistant que de la demande de l'assisté ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'une telle convention, que M. [L] n'avait pas offert spontanément d'aider M. [P] mais que ce dernier l'avait au contraire convaincu de lui prêter son concours et que « l'autorité dont M. [P] a usé éta[i]t exclusive de la rencontre entre une offre et une acceptation », cependant qu'il résultait de ses propres constatations que M. [L] avait apporté son aide à M. [P] en concertation avec ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 1113 du code civil ;

2°) ALORS QUE pour exclure l'existence d'une convention d'assistance bénévole en raison du défaut de caractère bénévole, les juges du fond doivent rechercher si l'aide apportée par l'assistant l'était dans l'intérêt exclusif de l'assisté ; qu'en affirmant, pour exclure la responsabilité de M. [P], qu'aucun élément du dossier ne permettait de conclure que l'intervention de M. [L] était faite dans l'intérêt exclusif de M. [P] et qu'il n'avait pas reçu en échange un panier de pommes, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que l'intervention de M. [L] avait pour unique objet de cueillir les pommes du verger de M. [P], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil ;

3°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que dans leurs conclusions d'appel, les consorts [L] soutenaient que la remise d'un panier de pommes, qu'ils contestaient par ailleurs, ne pouvait constituer une rémunération faisant obstacle à la qualification de convention d'assistance bénévole (p. 13, § 6) ; qu'en se bornant à relever qu'il n'était pas démontré que M. [L] n'aurait pas reçu un panier de pommes en échange de son aide, sans répondre au moyen soulevé par les consorts [L], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;



4°) ALORS QUE seule la faute de la victime présentant les caractères de la force majeure ou constituant la cause exclusive du dommage peut exonérer l'assisté de son obligation de sécurité au bénéfice de l'assistant ; qu'en retenant, pour exclure la responsabilité de M. [P], qu'en prenant place sur une nacelle improvisée, à l'aide d'un moyen de levage inadapté, M. [L] avait commis une imprudence ayant concouru à la réalisation du dommage, sans établir l'existence d'une faute présentant les caractères de la force majeure ou cause exclusive du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [F] [L], Mme [G] [Y], M. [N] [L] et Mme [U] [L] font grief à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leurs demandes d'indemnisation des préjudices subis ;

1°) ALORS QUE le rôle actif d'une chose en mouvement est présumé lorsqu'elle est entrée en contact avec le siège du dommage ; que le comportement de la victime n'est susceptible de jouer un rôle qu'au stade de l'exonération du gardien ; qu'en jugeant que la nacelle ne pouvait pas avoir été l'instrument du dommage du fait qu'elle se trouvait immobilisée dans la ramure d'un arbre et que seuls les mouvements effectués par ses occupants pour la débloquer avaient provoqué leur chute, cependant qu'il ressortait de ses constatations qu' « après plusieurs manoeuvres, la nacelle s'est trouvée prise dans la ramure d'arbre, et a décroché, entraînant la chute de M. [L] et de M. [P] d'une hauteur de quatre mètres » (p. 3, § 1), ce dont il ressortait que la nacelle était en mouvement lors du dommage, la cour d'appel a violé l'article 1242 du code civil ;

2°) ALORS QU‘en tout état de cause l'anormalité de la chose inerte constitue la preuve de son rôle actif dans la survenance du dommage ; qu'en jugeant que la nacelle ne pouvait pas avoir été l'instrument du dommage cependant qu'il ressortait de ses constatations que M. [L] et M. [P] avaient pris place dans une grue pour cueillir des pommes et étaient tous deux installés dans une nacelle située à l'extrémité du bras de la grue, ce qui caractérisait un usage anormal de la chose, la cour d'appel a violé l'article 1242 du code civil.

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