15 December 2022
Cour d'appel de Rouen
RG n° 21/02891

Chambre de la Proximité

Texte de la décision

N° RG 21/02891 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I2SR





COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITE



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022







DÉCISION DÉFÉRÉE :



1119001197

Jugement du JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE [Localité 5] du 22 Juin 2021





APPELANTS :



Madame [K] [P] épouse [D]

née le 15 Février 1972 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Catherine KERSUAL, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Martine POISSON-BRASSEUR, avocat au barreau de ROUEN





Monsieur [R] [D]

né le 21 Septembre 1964 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Catherine KERSUAL, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Martine POISSON-BRASSEUR, avocat au barreau de ROUEN





INTIMEE :



Madame [B] [V]

née le 03 Mars 1937 à

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marie-Odile DE MILLEVILLE, avocat au barreau de ROUEN





COMPOSITION DE LA COUR  :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 Octobre 2022 sans opposition des avocats devant Madame TILLIEZ, rapporteur.











Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :



Madame GOUARIN, Présidente

Madame TILLIEZ, Conseillère

Madame GERMAIN, Conseillère



Madame DUPONT greffière lors des débat.



DEBATS :



A l'audience publique du 03 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 01 décembre 2022, prorogée pour être rendue le 15 décembre 2022.





ARRET :



Contradictoire



Prononcé publiquement le 15 décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



signé par Madame TILLIEZ, conseillère suppléante de la présidente empêchée et par Madame SALORT, adjointe administrative faisant fonction de greffier lors la mise à disposition ayant prêté serment.






EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



Suivant acte sous seing privé signé le 22 février 1999, Mme [B] [V] a consenti un bail d'habitation à M. [R] [D] et à Mme [K] [D] née [P] portant sur un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 1] (76), à effet du 1er mars 1999, moyennant un loyer mensuel révisable de 4800 francs, outre 120 francs de charges, soit 4920 francs (750,11 euros).

Un commandement de payer a été délivré le 1er mars 2019 à M. et Mme [D] pour un arriéré de loyers à hauteur de 16.053,31 euros, arrêté au mois de février 2019 inclus, adressé à la CCAPEX suivant accusé de réception en date du 07 mars 2019.



Sur assignation délivrée par Mme [B] [V] aux époux [D] le 16 avril 2019 et dénoncée à la préfecture suivant accusé de réception du 17 avril 2019, en résiliation du bail, expulsion et paiement d'impayés de loyers, d'indemnité d'occupation mensuelle fixée et de frais de procédure, après réouverture des débats ordonnée à l'audience du 11 mai 2021, à l'effet de voir produire l'accusé de réception de la dénonciation de l'assignation à la préfecture et un décompte de juillet 2016 à janvier 2021 faisant apparaître le montant des loyers dus et l'ensemble des paiements effectués, versements CAF inclus, suivant jugement en date du 22 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rouen a :

- prononcé la résiliation du contrat de bail signé le 22 février 1999 entre Mme [B] [V] et M. et Mme [D] portant sur un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 1] (76),

- ordonné en conséquence la libération des lieux,

- dit qu'à défaut par M. et Mme [D] d'avoir libéré les lieux deux mois après la notification du commandement d'avoir à quitter les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique, si besoin est,

- ordonné à Mme [B] [V] d'exécuter les travaux nécessaires pour remédier aux désordres constatés, soit la pose des ouïes de ventilation sur les menuiseries des fenêtres, d'une VMC dans la cuisine, l'étanchéisation de la porte de l'arrière-cuisine, la mise en conformité du tableau électrique général et des prises de courant dédiées aux éléments d'équipement et à la mise en conformité de l'installation électrique,

- ordonné la diminution des loyers de 20 % à compter du 1er mai 2019 au titre du préjudice de jouissance et fixé à hauteur de 799,64 euros le loyer dû jusqu'à la date du jugement et l'exécution des travaux précités,

- condamné solidairement M. et Mme [D] à payer à Mme [B] [V] la somme de 31.395,23 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 1er février 2021, échéance de février 2021 incluse, diminution de loyers à compter du 1er mai 2019 déduite,



- condamné solidairement M. et Mme [D] à payer à Mme [B] [V] une indemnité mensuelle d'occupation à compter du jugement égale au montant du loyer et des charges réduite à hauteur de 799,64 euros jusqu'à l'exécution des travaux de pose des ouïes de ventilation sur les menuiseries des fenêtres, d'une VMC dans la cuisine, de l'étanchéisation de la porte de l'arrière-cuisine, de la mise en conformité du tableau électrique général et des prises de courant dédiées aux éléments d'équipement, et ce, jusqu'à la date de libération effective des lieux,

- dit qu'à compter de l'exécution des travaux précités, le loyer puis l'indemnité d'occupation sera équivalente au loyer révisable et aux charges prévus au bail,

- débouté Mme [B] [V] de ses plus amples demandes ou contraires,



- débouté M. et Mme [D] de leurs plus amples demandes ou contraires et de leur réclamation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- dit que la présente décision sera notifiée par le greffe du tribunal au préfet de la Seine-Maritime en application de l'article R412-2 du code des procédures civiles d'exécution,



- condamné in solidum M. et Mme [D] à payer à Mme [B] [V] la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamné in solidum M. et Mme [D] aux dépens de l'instance ,

- ordonné l'exécution provisoire.



Par déclaration électronique en date du 13 juillet 2021, les époux [D] ont interjeté appel du jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rouen.



Saisie sur incident formé par Mme [V] et suivant ordonnance en date du 11 avril 2022, la Présidente de la chambre de la proximité de la cour d'appel de Rouen statuant en qualité de conseiller de mise en état, a :

- débouté Mme [V] de sa demande de radiation ,

- débouté Mme [V] de sa demande d'injonction de communication de pièces ,

- dit que les dépens de l'incident seront joints au fond,

- rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Un dossier de surendettement a été déposé par les époux [D] auprès de la commission de surendettement des particuliers de la Seine-Maritime, qui les a déclarés recevables le 19 avril 2022 et a élaboré le 05 juillet 2022 des mesures imposant au couple un échelonnement de leurs dettes ainsi qu'une réduction du taux d'intérêts sur une durée de 84 mois et un effacement partiel en fin de plan.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 03 octobre 2022.



EXPOSÉ DES DEMANDES DES PARTIES



Dans leurs conclusions communiquées par RPVA le 11 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, les époux [D] demandent à la cour d'appel de :



- infirmer partiellement le jugement entrepris,



- débouter la bailleresse de toutes ses demandes en paiement,



- subsidiairement, sur le décompte des loyers, donner injonction à l'intimée de produire tous les relevés de compte de Mme [B] [V] de 2016 à 2018, ainsi que toutes les attestations fournies à la CAF de Seine Maritime pour les mêmes années,



- ordonner la suspension du paiement du loyer à compter du 05 avril 2019 et jusqu'à réalisation des travaux nécessaires pour rendre le logement décent,



- fixer le montant de l'indemnité de privation de jouissance à hauteur de 50% du montant du loyer,



- condamner la bailleresse à leur verser la somme de 16 200 euros, subsidiairement 17 991, 72 euros, à titre de dommages et intérêts, arrêtés à la date du rapport du 5 avril 2019 outre mémoire pour les périodes suivantes,



- condamner la bailleresse à leur verser une indemnité mensuelle de 450 euros, subsidiairement de 499, 77 euros, à compter du 05 avril 2019 jusqu'à la mise en conformité du logement par la bailleresse, pour mémoire,



- subsidiairement, sur l'obligation de fournir un logement décent, ordonner une expertise judiciaire afin de faire constater par un professionnel l'état d'insalubrité des locaux loués par Mme [V], avec mission de :

* se rendre sur place

* entendre les parties et tout sachant, notamment les services municipaux

* se faire remettre tout document utile

* décrire les lieux loués, notamment les désordres

* dire s'ils relevent des obligations du bailleur notamment quant au caractère décent des lieux

* donner tous éléments utiles pour permettre au tribunal d'apprécier le préjudice des locataires,



- condamner Mme [V] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,



- condamner Mme [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Dans ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 31 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, Mme [B] [V] demande à la cour d'appel de :



A titre principal,

- déclarer l'appel non fondé,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ,

- débouter M. et Mme [D] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,



Y ajoutant,

- sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, condamner solidairement les époux [D] aux entiers dépens, y compris les frais d'huissier concernant l'exécution forcée (arrêtés à 998,76 euros),

- sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamner in solidum M. et Mme [D] à lui payer la somme de 3.000 euros,

- à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir, condamner M. et Mme [D] à lui payer le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée au titre de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers), modifié par le décret n° 2001-212 du 08 mars 2001, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.




MOTIVATION



A titre liminaire, la cour constate que les dispositions relatives au prononcé de la résiliation du bail et de l'expulsion ne sont pas contestées, étant observé que les époux [D] ont quitté les lieux et que Mme [V] a fait procéder par huissier à la reprise des lieux le 25 mars 2022.



I- Sur le paiement des arriérés de loyers et d'indemnités d'occupation



Le premier juge a estimé, au visa de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 faisant obligation au locataire de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus, en se fondant sur les dispositions prévues au contrat de bail et sur le décompte complet actualisé produit que les époux [D] étaient redevables d'un arriéré de loyers et charges à hauteur de 35.793,03 euros au 1er février 2021, échéance de février 2021 incluse et ce, sur la base du loyer révisé à hauteur de 999,54 euros.

Le premier juge a déduit de cette somme un montant de 4 397,80 euros correspondant à une diminution de 20% du montant du loyer qu'il a appliquée sur une période de 22 mois, au titre d'un trouble de jouissance partiel sur le logement lié aux désordres non pris en charge par le bailleur.

Eu égard au prononcé de la résiliation du bail à la date du jugement, le premier juge a également condamné solidairement les époux [D] à payer, à compter du prononcé du jugement et jusqu'à la libération effective des lieux, une indemnité d'occupation mensuelle dont le montant serait égal à celui du loyer et des charges prévus au bail.



Les époux [D] critiquent le montant de l'arriéré retenu dans la décision de première instance.

Ils font valoir que le premier juge a pris en considération le décompte de la bailleresse, sans tenir compte des documents manuscrits (quittances et courriers) émanant de celle-ci, de versements en espèces que lui ont remis les locataires, de versements qu'il ont directement effectués sur son compte bancaire et de paiements que la Caisse d'allocations familiales a directement versés à la propriétaire.

Les appelants ajoutent qu'a été omis sur le décompte un versement de 969 euros effectué le 21 décembre 2018 sur le compte bancaire de Mme [V] et qu'il résulte de ses relevés manuscrits que cette dernière a renoncé à l'indexation du loyer et que le calcul doit donc être refait en fonction d'un loyer mensuel de 950 euros depuis 2017.



Mme [V] conteste l'absence de fiabilité du décompte qu'elle a fourni en justice, critique les documents remis par ses anciens locataires en les estimant non probants et ajoute que le montant de la somme totale due a augmenté, en l'absence de versement de l'indemnité d'occupation pourtant due depuis 2021.

Elle conclut à la confirmation de la décision entreprise.



La cour relève en premier lieu que l'affirmation des appelants sur la renonciation de la bailleresse à réviser le loyer n'est qu'alléguée. Le premier juge a donc justement retenu une base de loyer révisé à hauteur de 999,54 euros pour calculer le montant des impayés.

En outre, les bordereaux de versements d'espèces produits par les époux [D] concernent des loyers et charges dus en 2013 et 2014 et ne sont pas compris dans les impayés réclamés par l'intimée.

Ensuite, les documents manuscrits émanant de Mme [V] communiqués par les appelants (pièces n°17, 27 et 28) comptabilisant un paiement par les locataires de 713 euros le 04 novembre 2016 et de 1 600 euros le 1er février 2017 ont bien été déduits dans le compte de gestion de l'agence SIG chargée de recouvrer les loyers (pièce n°4.5).

Il résulte aussi de la lecture croisée du décompte de l'agence SIG (pièce n°19) et du relevé de compte bancaire LCL des locataires (pièce n°31) que le virement de 969 euros effectué le 21 décembre 2018 au titre du loyer de novembre 2018 a été déduit des sommes dues le 08 janvier 2019.

En revanche, les locataires soutiennent à tort que les versements CAF n'auraient pas été pris en considération par l'agence SIG (pièce n°19), Mme [V] justifiant de bordereaux communiqués par la CAF concernant M. [R] [D] en sa qualité d'allocataire.

Enfin, l'attestation rédigée par une des filles du couple (pièce n°16) relatant un paiement mensuel du loyer remis en liquide, dans une enveloppe, à Mme [V] sur une longue période n'est pas probante.



Les appelants ne critiquent donc pas utilement le décompte justifiant les impayés de loyers, étant observé que si quelques versements sont intervenus depuis le jugement entrepris, le montant des sommes dues au titre de l'indemnité mensuelle d'occupation a encore augmenté.



Eu égard à l'étude détaillée des pièces réalisée ci-dessus, il n'appartient pas à la cour de suppléer les parties dans l'administration de la preuve qui leur incombe et les appelants seront en conséquence déboutés de leur demande d'injonction faite à Mme [B] [V] de produire tous ses relevés de compte de 2016 à 2018, ainsi que toutes les attestations fournies à la CAF de Seine Maritime pour les mêmes années.



II- Sur la demande de suspension de paiement des loyers au titre de l'exception d'inexécution



Le premier juge a débouté les locataires de leur demande de suspension de paiement des loyers au titre de l'exception d'inexécution, estimant que le logement n'était ni insalubre ni indécent et que les locataires étaient en mesure d'utiliser les lieux loués, même si des travaux d'isolation et de ventilation étaient préconisés pour pallier les problèmes d'humidité constatés par les services de la mairie de [Localité 4].



Les appelants contestent une telle analyse et font valoir que l'indécence d'un logement n'empêche pas nécessairement l'utilisation des lieux loués par les occupants, qu'en l'espèce, malgré l'intervention de la société Murprotec à la demande de la propriétaire pour assainir les murs et traiter les moisissures et l'humidité affectant le logement, aucune visite de contrôle n'a été ensuite effectuée et que les locataires vivent, en l'absence de relogement, dans un logement indécent, alors qu'ils nettoient régulièrement les grilles de ventilation, ont changé les blocs de ventilation dans les deux salles de bain et qu'ils font réaliser un entretien annuel de leur chaudière.

Ils observent en outre que la bailleresse n'a pas fait procéder aux travaux que les services municipaux lui enjoignaient de faire suivant constat du 05 avril 2019 et que le premier juge n'a pas tenu compte de documents produits par leurs soins faisant état de l'insuffisance de l'isolation des murs et donc d'une insuffisance d'étanchéité à l'air, d'une aération insuffisante du logement en l'absence de blocs de ventilation en état de fonctionnement, d'une absence de ventilation basse obligatoire dans la cuisine en raison de la présence de la chaudière gaz dans cette pièce ainsi que d'une absence de VMC, de l'absence de conformité du tableau électrique général et de la présence de moisissures sur les murs.

Ils estiment en conséquence que la bailleresse a failli à ses obligations de délivrance d'un logement décent et de jouissance paisible des lieux, ce qui est le cas en raison de la grande humidité des lieux loués et ce qui justifie qu'ils puissent lui opposer une exception d'inexécution avec suspension du paiement du loyer à compter du 05 avril 2019 jusqu'à réalisation des travaux nécessaires.

Ils ajoutent que la bailleresse a également manqué à son obligation d'assumer toutes les dépenses liées à la sécurité des locataires et à son obligation d'entretien, notamment à la pose de disjoncteurs différentiels indispensables à la protection des circuits, à la mise en conformité du tableau électrique, sans que pèse une obligation d'information préalable des locataires à ce sujet.



Mme [V] s'oppose à la demande de suspension de loyer formulée par les appelants, faisant valoir que même si l'installation électrique est ancienne, cela ne signifie pas pour autant qu'elle soit dangereuse, que d'ailleurs, les locataires ont pu être responsables d'une surcharge en utilisant plusieurs multiprises, que ceux-ci ne peuvent reprocher au propriétaire une absence de travaux complémentaires nécessaires s'ils ne l'en ont pas informé, que les locataires ont eux-mêmes manqué à leur obligation d'entretien de la VMC et du système de ventilation, qui est suffisant au regard des ouvrants et des évacuations d'air, que le chauffage est conforme et qu'ils n'ont pas plus respecté leurs obligations de rendre un logement en état lors de leur départ.

Elle ajoute que le décret de 2002 n'existait pas lors de la conclusions du bail en 1999 et qu'il ne peut donc lui être reproché de ne pas répondre aux dispositions de ce décret.

Elle conteste enfin tout lien entre une isolation insuffisante des murs intérieurs et une remontée d'eau tellurique.



Aux termes de I'article 6 de la loi du 06 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au Iocataire un Iogement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à I'usage d'habitation.

Il est en outre tenu d'assurer à son locataire une jouissance paisible des lieux tout au long de l'exécution du contrat de bail.

Le locataire peut en outre demander au bailleur de mettre les lieux en conformité.

Il est lui-même tenu d'une obligation d'entretien courant des lieux qu'il loue, des équipements mentionnés au contrat et de procéder aux menues réparations.

Mme [V] ne peut donc valablement se prévaloir de l'ancienneté de la date du contrat pour se décharger de ses obligations de mise en conformité des lieux aux normes applicables au moment de la saisine judiciaire.

Enfin, le locataire ne peut refuser de payer le loyer et les charges que s'il est établi que, du fait de l'inexécution par le bailleur de ses obligations, il s'est trouvé dans l'impossibilité totale d'user des lieux conformément à leur destination contractuelle.



En l'espèce, le premier juge a exactement constaté que l'état des lieux d'entrée établi contradictoirement le 22 février 1999 mentionnait un logement en bon état d'entretien.

Il a également, par des motifs que la cour adopte, recensé les désordres (notamment des moisissures) impactant les pièces de l'habitation, le manque d'isolation des murs intérieurs, l'absence de conformité du tableau électrique général et d'étanchéité suffisante à l'air et à l'eau de la porte de l'arrière-cuisine et imputé les désordres constatés au bailleur pour le principal et pour partie aux locataires.

Le premier juge a également justement conclu, en se fondant tant sur le constat de visite des services municipaux établi le 05 avril 2019 que sur le constat d'huissier dressé le 16 décembre 2020 que le logement n'était ni insalubre ni indécent, que les locataires ont pu utiliser les lieux et qu'ils ne peuvent donc prétendre à une suspension de paiement de leur loyer et de leurs charges.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.



III- Sur la demande d'indemnité due au titre de la privation de jouissance



Les appelants contestent le pourcentage retenu par le premier juge à hauteur de 20% au titre de la privation de jouissance qu'ils ont subie, estimant que l'ensemble des désordres constatés ont impacté tant leur qualité de vie que leur santé, en particulier celle de M. [D] et ont rendu inutilisables des vêtements et du mobilier.

Ils contestent également la durée retenue par le premier juge à compter du 1er mai 2019 jusqu'au prononcé du jugement et sollicitent une indemnisation sur trois années ainsi qu'une diminution de 50% du loyer dû jusqu'à la mise en conformité du logement.



Il ressort cependant des pièces communiquées que les locataires ne justifient pas avoir demandé à leur bailleresse de mettre les lieux aux normes, que celle-ci avait d'ailleurs fait intervenir en 2004 une société pour assainir l'habitation et la traiter contre les remontées capillaires et que les locataires auraient dû l'alerter sur l'inefficacité de cette intervention; qu'en revanche, Mme [V] a bien été avisée des travaux lui incombant en sa qualité de bailleresse par courrier des services municipaux de [Localité 4] le 23 avril 2019 et que le constat d'huissier établi le 16 décembre 2020 démontre qu'elle ne les a pas fait réaliser.

Le premier juge a également exactement constaté que les locataires ne justifiaient pas non plus avoir réalisé les travaux et réparations leur incombant et préconisés par les services municipaux dans le constat susvisé.

En outre, les époux [D] allèguent la dégradation de mobilier et de vêtements liés à l'humidité ambiante dans leur logement sans fournir aucun justificatif et le certificat médical produit par M. [D] (pièce n°26) ne permet pas à la cour de relever l'existence d'un lien direct entre les problèmes de santé de l'intéressé et l'humidité de l'habitation.



Eu égard à ces élements, la cour confirmera la décision entreprise, tant sur le pourcentage de 20% diminuant le montant du loyer puis de l'indemnité mensuelle d'occupation dû que la période concernée au titre de la privation de jouissance partielle subie, soit un point de départ de cette diminution fixée le 1er mai 2019 jusqu'à l'exécution des travaux ou la libération effective des lieux.

Mme [V] a été condamnée par le premier juge à exécuter des travaux de mise en conformité et de réfection du logement loué et ne justifie pas les avoir fait réaliser, en se contentant d'alléguer le refus des locataires sans justifier d'écrits en ce sens.

Cette condamnation ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune critique des parties, ni dans son principe, ni dans son contenu.

La diminution de 20% applicable au loyer perdurera donc effectivement jusqu'au départ des locataires le 25 mars 2022, date de reprise des lieux par huissier.



IV- Sur la demande subsidiaire d'expertise



Le premier juge a justement estimé que la liste des désordres et leur imputabilité étaient suffisamment établies par les pièces produites aux débats.

Son rejet d'une demande d'expertise sera donc confirmé.



V- Sur les demandes accessoires



Les époux [D] succombant en leurs demandes seront condamnés in solidum aux dépens d'appel, y compris les dépens d'incident.

Ils seront en outre condamnés in solidum à verser la somme de 800 euros à Mme [V] au titre des frais irrépétibles d'appel et seront déboutés de leur demande présentée à ce titre.

Mme [V] sera en revanche déboutée de sa demande de paiement de frais d'huissier liés à l'exécution forcée de la décision entreprise et donc postérieurs à celle-ci.

Enfin, les dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance seront confirmées.



PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Déboute M. [R] [D] et Mme [K] [D] née [P] de leur demande d'injonction faite à Mme [B] [V] de produire tous ses relevés de compte de 2016 à 2018, ainsi que toutes les attestations fournies à la CAF de Seine Maritime pour les mêmes années,



Confirme le jugement entrepris dans ses dispositions soumises à la cour,



Y ajoutant,



Déboute Mme [B] [V] de sa demande de paiement de frais d'huissier,



Condamne in solidum M. [R] [D] et Mme [K] [D] née [P] aux dépens d'appel, y compris les dépens d'incident,



Condamne in solidum M. [R] [D] et Mme [K] [D] née [P] à verser à Mme [B] [V] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les déboute de leur demande présentée sur ce fondement.





L'adjointe ff. de greffière La conseillère suppléante de la présidente empêchée

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