14 December 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/17224

Pôle 3 - Chambre 1

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022



(n° 2022/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17224 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCW7A



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 19/00210





APPELANT



Monsieur [B] [L]

né le 19 Octobre 1950 à [Localité 16] (91)

[Adresse 3]

[Localité 10]



représenté par Me Gisèle COHEN AMZALLAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B0342







INTIMES



Monsieur [F] [R]

né le 01 Novembre 1959 à [Localité 17] (75)

[Adresse 11]

[Localité 4]



et



Monsieur [V] [K]

né le 09 Septembre 1966 à [Localité 19] (86)

[Adresse 11]

[Localité 4]



représentés par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069





S.C.P. Thierry DEBON, Mélanie BAUDET, Frédéric RYDZYNSKI, Gaëlle VERCHERE, venant aux droits de la SCP DEBON-[G], Notaires

[Adresse 6]

[Localité 7]



représentée par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque: P0090

ayant pour avocat plaidant Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d'ORLEANS







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller



Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON



ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.






***





EXPOSE DU LITIGE



Par testament authentique du 28 mars 1996, [M] [L] a institué son neveu, M. [B] [L], légataire universel.



Par testament olographe du 22 décembre 2014, déposé au rang des minutes de Me [J], notaire à [Localité 14], elle a institué M. [F] [R] et M. [V] [K], conjoints, en qualité de légataires universels.



[M] [L] a été placée sous tutelle par jugement du juge des tutelles de Paris 6e du 24 septembre 2015.



Célibataire et sans enfant, elle est décédée le 29 avril 2016, son dernier domicile étant situé à [Localité 17].



MM. [R] et [K] ont confié le règlement de la succession de [M] [L] à Me [H] [G], notaire à [Localité 15], associé de la SCP Thierry Debon et Georges [G].



Par ordonnance du 31 juillet 2017 du président du tribunal de grande instance de Paris, ils ont été envoyés en possession de leur legs universel.



Par acte d'huissier des 17 et 19 décembre 2018, M. [B] [L] a assigné MM. [R] et [K] et la SCP Debon et [G] principalement en nullité du testament du 22 décembre 2014.



Par jugement du 23 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté les demandes de M. [B] [L] tendant :

* à la production du dossier médical de [M] [L] par :

> l'hôpital [12] situé [Adresse 8],

> le centre hospitalier [20] situé [Adresse 1],





> le centre hospitalier [13] situé [Adresse 5],

> le centre hospitalier du [21] situé [Adresse 9],

> l'hôpital de [Localité 18] situé [Adresse 2] (92),

* à la nullité du testament du 22 décembre 2014,

* à l'application du testament du 28 mars 1996 aux opérations de liquidation de la succession,

* à voir dire que M. [B] [L] est légataire universel,

* au partage de la succession de [M] [L],

* à la condamnation de la SCP Brunet Debon [G] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* à l'exécution provisoire de la décision,

- dit que la demande pour préjudice moral relève de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [B] [L] à payer à MM. [F] [R] et [V] [K] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] [L] à payer à la SCP Brunet Debon [G] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] [L] aux dépens dont distraction au profit de Me Thierry Kuhn et Me Kong Thong.





Par déclaration du 30 novembre 2020, M. [B] [L] a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement à l'exception de celui rejetant la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.





Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 août 2022, l'appelant demande à la cour de:

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 23 septembre 2020 des chefs mentionnés dans la déclaration d'appel,

« y ajoutant », de :

- débouter MM. [R] et [K] et la SCP Brunet Debon [G] de leurs demandes, fins et conclusions,

- dire nul et de nul effet le testament établi le 22 décembre 2014 désignant comme légataires universels MM. [F] [R] et [V] [K],

- dire que le testament de [M] [L] en date du 28 mars 1996 le désignant comme légataire universel doit s'appliquer,

- dire qu'il est le légataire universel de [M] [L], en vertu du testament du 28 mars 1996,

- condamner les époux [R]/[K] à lui restituer le montant du prix de la vente de l'immeuble, en l'espèce 410 000 euros et ce, avec intérêt légal à compter du 18 juillet 2018 et ce jusqu'à la date de la décision à intervenir,

- ordonner la capitalisation des intérêts à la date de l'arrêt à intervenir, en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner MM. [F] [R] et [V] [K] à rapporter à la succession tous biens mobiliers et immobiliers, ainsi que toutes sommes et autres biens meubles au sens juridique du terme qu'ils auraient pu encaisser et/ou appréhender, notamment au titre de la vente du bien immobilier et de tous contrats d'assurance vie, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de leurs dates d'encaissement et jusqu'au jour de leurs rapports à la succession,

- ordonner, le cas échéant, à MM. [F] [R] et [V] [K] de restituer à la succession les valeurs afférentes à la vente de tous les biens immobiliers, mobiliers qu'ils auraient perçus à ce titre,

- ordonner à la SCP Brunet Debon [G] et MM. [R] et [K] de lui remettre la déclaration de succession établie aux profit des époux [R] et [K], sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la signification du présent arrêt,

- en tant que de besoin, désigner tel notaire qu'il plaira à la cour pour procéder aux opérations tendant à dresser l'acte liquidatif,

- condamner la SCP Brunet Debon [G] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,

- condamner in solidum MM. [R] et [K] et la SCP Brunet Debon [G] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner en tous les dépens les parties succombant dont distraction au profit de Me Gisèle Cohen qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Aux termes de leurs uniques conclusions notifiées le 4 mars 2021, MM. [R] et [K], intimés, demandent à la cour de :

- déclarer M. [B] [L] irrecevable, en tous cas mal fondé, en son appel ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusions, et l'en débouter,

- confirmer la décision entreprise, sauf en ce que critiquée par M. [K] et M. [R],

recevant M. [K] et M. [R] en leur appel incident du chef des dommages intérêts,

y faisant droit,

infirmant partiellement sur ce point, et statuant à nouveau,

- condamner M. [L] à payer à M. [K] et M. [R] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel et procédure abusifs, en réparation de leur préjudice moral,

ajoutant à la décision entreprise,

- condamner M. [B] [L] à payer à MM. [R] et [K], ensemble, la somme de 7 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel et accorder à Me Kong Thong le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.



Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 6 avril 2021, la SCP Thierry Debon, Mélanie Baudet, Frédéric Rydzynski, Gaëlle Verchere, venant aux droits de la SCP Debon-[G], intimée, demande à la cour de :

- donner acte à la SCP Thierry Debon, Mélanie Baudet, Frédéric Rydzynski, Gaëlle Verchère venant aux droits de la SCP Debon-[G] de ce qu'elle s'en rapporte à droit sur la demande en annulation du testament établi par [M] [L] le 22 décembre 2014,

- débouter M. [B] [L] de son appel contre les dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 23 septembre 2020 qui ont rejeté sa demande tendant à voire condamner la SCP Debon-[G] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile in solidum avec MM. [K] et [R],

- confirmer les dispositions du jugement qui ont :

* rejeté sa demande tendant à voir condamner la SCP Debon-[G] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile in solidum avec MM. [K] et [R],

* condamné M. [B] [L] à payer à la SCP Debon-[G] une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné M. [B] [L] aux dépens,

y ajoutant

- condamner M. [B] [L] à payer à la SCP Thierry Debon, Mélanie Baudet, Frédéric Rydzynski, Gaëlle Verchere venant aux droits de la SCP Debon-[G] une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de procédure exposés devant la cour,

- condamner M. [B] [L] aux entiers dépens et faire application au bénéfice de Me Thierry Kuhn des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 11 octobre 2022.






MOTIFS DE LA DÉCISION



A titre liminaire, il sera constaté qu'alors que figure toujours, au dispositif des dernières conclusions de l'appelant, une demande d'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à la production du dossier médical de [M] [L], il ne forme plus de prétention contraire en exposant qu'il s'est vu autorisé, au cours de la présente instance, à consulter le dossier concernant sa défunte tante au cabinet du juge des tutelles de Paris et qu'il abandonne ainsi sa demande de communication du dossier médical de [M] [L].

Dans la mesure où le chef de dispositif rejetant les demandes de production de pièces du dossier médical de [M] [L] formées par M. [B] [L] lui a été dévolu, il appartient à la cour de statuer et, constatant l'absence de prétention contraire nonobstant la demande formelle d'infirmation maintenue, de le confirmer.





Sur la nullité du testament du 22 décembre 2014



L'intérêt et la qualité à agir de M. [L] pour demander la nullité du testament de 2014, en sa qualité de légataire universel aux termes du testament de 1996 ne sont pas discutés.

Il fonde sa demande sur les articles 414-1 et 901 du code civil.



Aux termes de l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit ; c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.



L'article 901 du code civil dispose quant à lui que, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit ; la libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.



Le premier juge a rejeté la demande de nullité du testament du 22 décembre 2014 à défaut d'élément sur l'état de santé de [M] [L] au moment de la rédaction de ce testament pour établir son insanité d'esprit.



L'appelant admet qu'il n'avait pas de pièce médicale à produire en première instance mais se prévaut devant la cour de celles dont il a pu prendre connaissance depuis.



Les pièces tendant à établir que [M] [L] souffrait du syndrome de Diogène, lequel a pour effet à des conditions de vie négligées voire insalubres par l'accumulation d'objets, sont inopérantes en ce qu'elles ne permettent pas de conclure que ce syndrome a pu altérer de façon significative le discernement de [M] [L] alors que l'insanité d'esprit se caractérise par une affection mentale déréglant la faculté de discernement du disposant, annihilant son consentement et faisant obstacle à toute manifestation de volonté valable.



Comme le soulignent à juste titre les intimés, le jugement de tutelle a été prononcé neuf mois après la signature du testament litigieux. Il ne saurait donc suffire à établir une incapacité de discernement de [M] [L] à la date de celle-ci.



Dans son certificat médical du 7 mai 2015, cité par le jugement de tutelle, le docteur [U] [D], expert psychiatre, conclut, après une visite à son domicile le 21 avril 2015, que [M] [L] « est atteinte d'une altération importante de ses facultés intellectuelles, due à un affaiblissement lié à l'âge ». Détaillant les circonstances dans lesquelles il a vu [M] [L], il indique qu' « il apparaît de façon manifeste que Mme [L] a un grave affaiblissement du jugement [']. Il s'agit d'une détérioration intellectuelle liée à l'âge, puisque les renseignements médicaux et sociaux montrent que cette personne était de bon niveau intellectuel et autonome sur tous les plans. L'anosognosie, qui fait partie de la plupart des neurodégénérescences surtout si des lésions ont lieu en zones fronto-temporales, empêche Madame [L] de prendre les décisions adaptées à son état, et même d'y concourir : elle devrait être protégée par une représentation judiciaire complète, avec mesures urgentes. »

Ce constat médical est postérieur à la date de signature du testament litigieux et ne précise quand les troubles constatés sont apparus.

Il mentionne au titre des renseignements médicaux des bilans hospitaliers réalisés dans le cadre d'hospitalisations survenues entre novembre 2014 et février 2015 et peu de temps après cette première hospitalisation, de février à mars 2015, évoquant « une maladie d'Alzheimer débutante ».

Est annexée au certificat médical du docteur [D] la copie d'un courriel que lui a adressé Mme [S] [A] le 21 avril 2015 dont il résulte que l'hospitalisation de [M] [L] entre le 14 novembre 2014 et le 2 février 2015 a été motivée par une chute et qu'à cette période, seules les conséquences du syndrome de Diogène sont documentées.

L'« observation médicale » du 4 février 2015 fait apparaître, au titre des antécédents médicaux de [M] [L] un syndrome dépressif, précise qu'elle a été hospitalisée « pour altération de l'état général avec récidive de cancer du sein (...) », avec une désorientation spatio-temporelle lors de l'examen neurologique à l'entrée dans le service.

Le bilan orthophonique réalisé au cours de l'hospitalisation du 27 novembre 2014 au 2 février 2015 « met en évidence une altération modérée des fonctions cognitives », avec « au niveau exécutif », « des capacités de jugement et raisonnement faibles, un défaut de flexibilité mentale et de programmation, et un contrôle inhibiteur fragile voire déficient », des « capacités attentionnelles ['] déficitaires, en raison d'un défaut d'attention soutenue avec distractibilité ». « On constate par ailleurs une anosognosie, une désorientation temporo-spatiale, et des capacités visuoconstructives faibles ». « Sur le plan mnésique, l'encodage est fragile mais possible, en revanche la récupération, le stockage et la consolidation sont altérées, avec peut d'effet de l'indiçage, et la présence d'intrusions et fausses reconnaissances ». Ce bilan conclut : « en l'absence de facteurs de risque cardio-vasculaire, et au vu des résultats obtenus, ces éléments sont évocateurs d'un profil hippocampique probablement en lien avec une maladie d'Alzheimer débutante. »



Si ces éléments médicaux confirment un affaiblissement des capacités de [M] [L], ils ne caractérisent néanmoins pas l'existence d'un trouble mental de nature à priver la testatrice de toute conscience de ses actes et de son pouvoir de discernement au moment de l'établissement du testament litigieux.

Ainsi, M. [B] [L], demandeur en nullité, échoue à rapporter la preuve de l'insanité d'esprit alléguée.



La cour constate que l'appelant sollicite également la nullité sur le fondement d'un vice du consentement sur le fondement de l'article 901 du code civil.

Si les intimés soulignent qu'il se contente d'écrire que [M] [L] « a dû faire l'objet de pressions », ils ne réagissent pas aux nouvelles pièces produites devant la cour.



Or le dossier hospitalier communiqué au docteur [D] comporte la déclaration aux fins de sauvegarde de justice adressée au procureur de la République le 9 mars 2015 par Mme [Y] [O], assistante de service sociale. Celle-ci signale que [M] [L] « a évoqué à plusieurs reprises au cours de cette hospitalisation ses relations amicales. Elle s'est montrée ambivalente quant à ses amis tout au long de l'hospitalisation. Elle a indiqué donner régulièrement de l'argent aux « amis » rencontrés dans les bars/brasseries qu'elle fréquente quotidiennement. Elle s'est plainte du fait qu'un ami, Monsieur [R], lui aurait fait signer des documents dans le but de récupérer le logement dont elle est propriétaire à son décès. Dans le même temps, elle n'a jamais souhaité déposer de plainte auprès des services de police. »





Dans le courriel du 21 avril 2015 adressé à l'expert psychiatre, la gestionnaire de cas, Mme [A], mentionne elle aussi M. [R] qui, lorsqu'il est venu visité [M] [L] au cours de son hospitalisation, a été « surpris en train de filmer un entretien dans la chambre de Madame [L] avec son portable. Il lui aurait fait signer un document pour qu'elle lui donne son appartement. »



Si ces documents démontrent l'existence de man'uvres de M. [R], au surplus survenues au cours d'une hospitalisation, ils ne suffisent pas, eu égard à l'ambivalence soulignée de [M] [L], à établir qu'elles aient vicié son consentement d'autant que Mme [A] précise que cette dernière « est présentée par son entourage comme quelqu'un qui 'achète' la présence autour d'elle », et alors que le compte-rendu du 4 février 2015 mentionne, s'agissant de sa situation familiale, qu'elle était célibataire, sans enfant, et qu'elle ne voyait plus son neveu résidant à [Localité 14] depuis plusieurs années, ce que les deux photographies, manifestement anciennes, et les quelques mots manuscrits produits par l'appelant ne permettent pas de contredire.



Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du testament signé le 22 décembre 2014 en faveur des époux [R].



Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.





Sur la demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SCP notariale



L'action en responsabilité contre le notaire est fondée sur l'article 1240 du code civil et suppose la preuve d'une faute qui lui soit imputable.



L'appelant reproche à Me [G] d'avoir assuré la transmission du patrimoine de [M] [L] conformément au testament du 22 décembre 2014 en dépit des informations que lui a adressées M. [B] [L] quant à l'existence d'un précédent testament l'instituant légataire universel et quant à la situation médicale de sa tante, « en ignorant le premier testament et en procédant à la liquidation de la succession de [M] [L] en dépit des circonstances ».



Le premier juge a écarté la demande de dommages et intérêts formée par M. [B] [L] à l'encontre de l'étude notariale au motif que la demande en nullité du testament litigieux n'ayant pas été accueillie, les opérations de liquidation ne sont pas susceptibles d'être remises en cause et restent parfaitement valables de sorte que la SCP [G] n'a commis aucune faute pour les avoir menées à leur terme.



La cour constate que, même à supposer qu'il ait été fait droit à la demande en nullité du testament du 22 décembre 2014, il ne saurait être fait grief à un notaire de ne pas s'être érigé en juge de cette nullité et d'avoir exercé son office en réglant les conséquences d'une succession sur la base du dernier testament connu, tant que sa nullité n'en a pas été judiciairement prononcée, sauf faute distincte résultant d'une certitude acquise d'une cause de nullité par exemple.

La simple connaissance des allégations de M. [B] [L] n'entraîne aucune faute de sa part.



Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de M. [B] [L] tendant à la condamnation de la SCP de notaires au paiement de dommages et intérêts.





Sur la demande indemnitaire des intimés



MM. [R] et [K] réclament une somme de 10 000 euros pour procédure abusive en réparation de leur préjudice moral.



La cour rappelle que le droit d'agir en justice ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages et intérêts qu'en cas d'attitude fautive génératrice d'un dommage.



Outre que MM. [R] et [K] ne produisent aucune pièce de nature à étayer la réalité et l'étendue du préjudice qu'ils allèguent, la signature d'un nouveau testament pendant une période d'hospitalisation de la testatrice est de nature à avoir légitimement fait naître la suspicion.

Quelle que soit la décision judiciaire, il ne saurait être reproché à celui que le testament en question prive d'un espoir successoral, dans ces conditions, d'avoir cherché à en obtenir l'annulation.

Compte tenu des démarches que M. [B] [L] a engagées pour obtenir une copie du jugement litigieux et accéder antérieurement aux informations médicales relatives à sa tante, dont il est justifié, le délai écoulé avant l'introduction de l'instance ne revêt pas davantage un caractère fautif.

Enfin, la découverte du contenu du dossier médical, du contenu de la déclaration aux fins de sauvegarde de justice adressée au procureur de la République le 9 mars 2015 par Mme [O], et du courriel du 21 avril 2015 de Mme [A], a pu ensuite renforcer l'appelant dans sa position nonobstant la motivation du premier juge.



Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.





Sur les frais et dépens



Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Il convient, en application de cette disposition, de confirmer la condamnation de M. [B] [L] aux dépens de première instance et de condamner l'appelant aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés par Me Kuhn qui l'a sollicité, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Cet article autorise les avocats, dans les matières où leur ministère est obligatoire, à demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ; la partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.



M. [B] [L] étant condamné aux dépens, il ne saurait être fait application à son profit de l'article 700 du code de procédure civile, en appel comme en première instance.



L'équité commande de ne pas faire application de cette disposition au profit de MM. [R] et [K] sans imposer que la condamnation en première instance à ce titre soit infirmée en raison de la marge d'appréciation que la notion d'équité permet.



Pour les mêmes considérations d'équité, M. [B] [L] sera condamné à verser la somme de 1 500 euros à la SCP de notaires au titre du même article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme identique qu'il a été condamné à payer pour les frais irrépétibles de première instance.









PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement prononcé le 23 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en tous ses chefs de dispositif dévolus à la cour ;



Condamne M. [B] [L] aux dépens ;



Autorise Me Thierry Kuhn à recouvrer directement contre M. [B] [L] ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Rejette la demande de M. [B] [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile;



Rejette la demande de M. [F] [R] et M. [V] [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne M. [B] [L] à payer à la SCP Thierry Debon, Mélanie Baudet, Frédéric Rydzynski, Gaëlle Verchere venant aux droits de la SCP Debon-[G] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





Le Greffier, Le Président,

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