7 December 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-60.177

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01322

Texte de la décision

SOC. / ELECT

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 décembre 2022




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1322 F-D

Pourvoi n° U 21-60.177




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 DÉCEMBRE 2022

M. [L] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 21-60.177 contre le jugement rendu le 5 juillet 2021 par le tribunal de première instance de Papeete (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société GL Constructions, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la confédération syndicale O Oe To Oe Rima, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 19 octobre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué n° 321 (tribunal de première instance de Papeete, 5 juillet 2021), par lettre du 10 février 2021, la confédération syndicale O Oe To Oe Rima (le syndicat) a désigné M. [W] (le salarié) en qualité de délégué syndical au sein de la société GL Constructions (la société).

2. Par requête enregistrée le 11 février 2021, la société a saisi le tribunal de première instance d'une demande en annulation cette désignation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief au jugement d'annuler sa désignation du 10 février 2021 par le syndicat comme délégué syndical et de le condamner in solidum avec le syndicat au paiement de la somme de 100 000 FCP pour procédure abusive, alors :

« 1°/ que chaque syndicat professionnel représentatif, qui constitue une section syndicale dans les entreprises ou organismes d'au moins cinquante salariés, peut désigner un délégué syndical pour le représenter auprès de l'employeur ; qu'en considérant que la désignation de M. [W] comme délégué syndical par M. [T] était irrégulière, dès lors que n'était pas justifié, au jour de la désignation litigieuse, du renouvellement du mandat de secrétaire général de M. [T], cependant que c'était à l'employeur de démontrer, le cas échéant, que ce renouvellement n'était pas régulièrement intervenu, le tribunal civil de première instance a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil ;

2°/ que la fraude affectant la désignation d'un salarié à la fonction de délégué syndical justifie l'annulation de celle-ci lorsqu'elle est inspirée non par l'intérêt de la collectivité des salariés mais par le seul désir de l'un d'eux de bénéficier de la protection accordée par la loi ; qu'en affirmant que la désignation de M. [W] comme délégué syndical était frauduleuse, aux motifs ''que la désignation litigieuse fait suite à une précédente annulation d'une désignation antérieure'', que ''M. [W] ne conteste pas toujours faire l'objet d'une procédure de licenciement'', que ''ses appartenances syndicales sont en outre fort flottantes'' et que son statut de salarié protégé du fait de sa candidature au CHSCT ''est donc incertain'', le tribunal civil de première instance, qui n'a ainsi caractérisé aucune fraude imputable à M. [W] ou à son organisation syndicale a privé sa décision de base légale au regard de l'article Lp. 2233-7 du code du travail de Polynésie française. »

Réponse de la Cour

4. Sauf motifs inopérants, le caractère frauduleux d'une désignation syndicale est apprécié souverainement par les juges du fond.

5. Le tribunal ayant estimé que la désignation était frauduleuse, le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il vise des motifs surabondants, n'est pas fondé en sa seconde branche.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief au jugement de le condamner in solidum avec le syndicat au paiement de la somme de 100 000 FCP pour procédure abusive, alors « que l'exercice du droit de se défendre en justice ne peut engager la responsabilité de son auteur qu'en présence d'une faute de nature à faire dégénérer ce droit en abus ; que pour condamner M. [W] à payer à la société GL Constructions ''la somme de 100 000 FCP pour procédure abusive'', le tribunal civil de première instance s'est borné à retenir son ''insistance'' à bénéficier d'une nouvelle désignation, dix jours après l'annulation d'une première désignation en qualité de délégué syndical ; qu'en ne caractérisant pas l'abus procédural qu'aurait commis M. [W], qui n'a fait que se défendre en justice sur une requête introduite par l'employeur, le tribunal civil de première instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Le jugement retient que le salarié a commis une faute, constitutive d'un abus de droit, en insistant pour bénéficier d'une désignation irrégulière et frauduleuse en qualité de délégué syndical, dix jours après le prononcé d'un jugement annulant sa précédente désignation frauduleuse par la même organisation syndicale.

8. Il en résulte que le tribunal ne s'est pas fondé sur l'existence d'un abus du droit d'agir en justice.

9. Le moyen est dès lors inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. [W],

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [W] reproche au jugement attaqué d'avoir annulé sa désignation du 10 février 2021 par la confédération syndicale O Oe To Oe Rima comme délégué syndical au sein de la société GL Constructions et de l'avoir condamné, in solidum avec la confédération syndicale O Oe To Oe Rima, au paiement de la somme de 100 000 FCP pour procédure abusive ;

ALORS, D'UNE PART, QUE chaque syndicat professionnel représentatif, qui constitue une section syndicale dans les entreprises ou organismes d'au moins cinquante salariés, peut désigner un délégué syndical pour le représenter auprès de l'employeur ; qu'en considérant que la désignation de M. [W] comme délégué syndical par M. [T] était irrégulière, dès lors que n'était pas justifié, au jour de la désignation litigieuse, du renouvellement du mandat de secrétaire générale de M. [T] (jugement attaqué, p. 3, alinéas 7 et 8), cependant que c'était à l'employeur de démontrer, le cas échéant, que ce renouvellement n'était pas régulièrement intervenu, le tribunal civil de première instance a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la fraude affectant la désignation d'un salarié à la fonction de délégué syndical justifie l'annulation de celle-ci lorsqu'elle est inspirée non par l'intérêt de la collectivité des salariés mais par le seul désir de l'un d'eux de bénéficier de la protection accordée par la loi ; qu'en affirmant que la désignation de M. [W] comme délégué syndical était frauduleuse, aux motifs « que la désignation litigieuse fait suite à une précédente annulation d'une désignation antérieure », que « M. [W] ne conteste pas toujours faire l'objet d'une procédure de licenciement », que « ses appartenances syndicales sont en outre fort flottante » et que son statut de salarié protégé du fait de sa candidature au CHSCT « est donc incertain » (jugement attaqué, p. 4, alinéas 1 et 2), le tribunal civil de première instance, qui n'a ainsi caractérisé aucune fraude imputable à M. [W] ou à son organisation syndicale a privé sa décision de base légale au regard de l'article Lp. 2233-7 du code du travail de Polynésie française.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [W] reproche au jugement attaqué de l'avoir condamné, in solidum avec la confédération syndicale O Oe To Oe Rima, au paiement de la somme de 100 000 FCP pour procédure abusive ;

ALORS QUE l'exercice du droit de se défendre en justice ne peut engager la responsabilité de son auteur qu'en présence d'une faute de nature à faire dégénérer ce droit en abus ; que pour condamner M. [W] à payer à la société GL Constructions « la somme de 100.000 FCP pour procédure abusive » (jugement attaqué, p. 4 al. 6), le tribunal civil de première instance s'est borné à retenir son « insistance » à bénéficier d'une nouvelle désignation, dix jours après l'annulation d'une première désignation en qualité de délégué syndical (jugement attaqué, p. 4, alinéa 2) ; qu'en ne caractérisant pas l'abus procédural qu'aurait commis M. [W], qui n'a fait que se défendre en justice sur une requête introduite par l'employeur, le tribunal civil de première instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil.

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