10 November 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/06118

Pôle 1 - Chambre 10

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 10



ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/06118 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFQ3Q



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 17 février 2022-Juge de l'exécution de PARIS-RG n° 21/82126



APPELANT

Monsieur [M] [K]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Plaidant par Me Aldric SAULNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0554

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/012915 du 03/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)



INTIMES

Monsieur [W] [C]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Madame [H] [Z] épouse [C]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Monsieur [S] [C]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentés par Me Olivier BAULAC de la SCP CABINET BAULAC & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0207



COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Catherine LEFORT, conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller



GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER



ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, présidente et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.


Par acte sous seing privé du 18 décembre 2002, M. [W] [C], Mme [H] [Z] épouse [C], usufruitiers, et M. [S] [C], nu-propriétaire, ont donné à bail commercial à M. [M] [K] un local à usage de bar-restaurant dépendant d'un immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 5] à [Localité 6].



Par jugement du 6 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a notamment annulé le commandement de payer visant la clause résolutoire, rejeté les demandes des bailleurs en constat d'acquisition de la clause résolutoire et expulsion, a condamné M. [K] à leur payer la somme de 10.427,21 euros au titre des loyers impayés et a accordé des délais de paiement au débiteur.



Par arrêt rendu par défaut le 26 mai 2021, la cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement et a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion de M. [K] et fixé au montant du loyer contractuel et des charges l'indemnité d'occupation due à compter du 20 août 2015 jusqu'à restitution des lieux.



Sur le fondement de cet arrêt, signifié le 21 juin 2021, les consorts [C] ont, par deux actes d'huissier du 30 août 2021, fait délivrer à M. [K] un commandement de quitter les lieux ainsi qu'un commandement de payer aux fins de saisie-vente.



Par acte d'huissier du 12 novembre 2021, M. [K] a fait assigner les consorts [C] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'annulation des commandements qui lui ont été délivrés.



Par jugement du 17 février 2022, le juge de l'exécution a :


dit n'y avoir lieu d'annuler les commandements du 30 août 2021,

rejeté la demande de dommages-intérêts,

condamné M. [K] au paiement de la somme globale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.




Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que les consorts [C] étaient fondés à obtenir l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris passé en force de chose jugée et exécutoire, nonobstant l'opposition formée à son encontre.



Selon déclaration du 23 mars 2022, M. [K] a formé appel de ce jugement.



Par dernières conclusions du 16 juin 2022, il demande à la cour d'appel de :


mettre à néant le jugement entrepris ;


Statuant à nouveau,


annuler les commandements du 30 août 2021 en toutes leurs dispositions ;

condamner les consorts [C] au paiement de 600.000 euros à titre de dommages-intérêts sauf à parfaire, et 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner les intimés en tous les dépens de première instance, comme d'appel.




L'appelant fait valoir que :


les commandements délivrés sont irréguliers comme se fondant sur un titre judiciairement contesté par voie d'opposition formée par assignation des 16 et 20 juillet 2021, de sorte qu'il ne peut être soutenu que l'arrêt était définitif et susceptible d'une exécution pure et simple ;

les commandements ont été délivrés de totale mauvaise foi, l'arrêt dont l'exécution est poursuivi ayant été obtenu par fraude, de sorte que le juge de l'exécution aurait dû par prudence surseoir à l'exécution ;

il a été expulsé le 13 avril 2022, ce qui démontre les conséquences dommageables des agissements des consorts [C] et le préjudice causé, et il se trouve face à des man'uvres abusives et irrégulières qui doivent être sanctionnées et à une spoliation totale.




Par dernières conclusions du 1er juillet 2022, les consorts [C] demandent à la cour de :


débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes et moyens ;

confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

condamner en cause d'appel M. [K] à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.




Les intimés soutiennent que :


sauf à méconnaître les dispositions de l'article R.121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution n'est pas compétent pour mettre à néant ou suspendre les effets de l'arrêt du 26 mai 2021, dès lors que les commandements, dont la régularité en la forme n'est pas contestée, n'avaient pas vocation à être annulés ;

M. [K] ne saurait soutenir que l'exécution de l'arrêt a été poursuivie de mauvaise foi au seul motif qu'il a fait opposition, alors qu'il n'a jamais sollicité de délais, désormais inutiles puisque l'expulsion est intervenue le 13 avril 2022.





MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la demande d'annulation des commandements



Aux termes de l'article L.221-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient détenus ou non par des tiers.



L'article L.411-1 du même code dispose que sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux.



Il résulte des articles 500 et 501 du code de procédure civile que le jugement est exécutoire à partir du moment où il passe en force de chose jugée, c'est-à-dire lorsqu'il n'est plus susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, à moins qu'il soit assorti de l'exécution provisoire.



L'opposition est une voie de recours ordinaire qui a un effet suspensif d'exécution en application de l'article 539 du code de procédure civile.



Il est constant que les commandements de quitter les lieux et de payer ont été délivrés le 30 août 2021 sur le fondement de l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu par défaut le 26 mai 2021, signifié le 21 juin 2021, et contre lequel M. [K] avait formé opposition par assignation du 20 juillet 2021.



C'est à tort que le premier juge a estimé que cet arrêt était exécutoire, puisque l'exécution provisoire de droit ne concerne que les décisions de première instance. Un arrêt par défaut n'est donc pas exécutoire avant l'expiration du délai d'opposition, en application des articles 500 et 501 du code de procédure civile.



Dès lors, ces commandements, délivrés malgré l'exercice d'une voie de recours suspensive, sont nuls, de même que l'expulsion intervenue ensuite le 13 avril 2022.



Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation des commandement, et statuant à nouveau, de prononcer cette annulation.







Sur la demande de dommages-intérêts



Aux termes de l'article L.213-6 alinéa 4 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.



En l'espèce, la délivrance, sans titre exécutoire, du commandement de payer aux fins de saisie-vente n'est pas de nature à causer un préjudice, autre que symbolique, à M. [K] en ce qu'il n'a pas été suivi d'effet et qu'il ne comporte en lui-même, aucune contrainte sur les biens du débiteur. En revanche, le commandement de quitter les lieux a été suivi d'une expulsion en avril 2022, ce qui cause assurément un préjudice à M. [K], qui est privé de son exploitation.



Toutefois, M. [K] ne produit aucun élément permettant de chiffrer son préjudice matériel, notamment économique. Il n'y a donc lieu de n'indemniser que son préjudice moral, lequel sera évalué à la juste somme de 20.000 euros.



Les consorts [C] seront dès lors condamnés au paiement de cette somme à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts.



Sur les demandes accessoires



Au vu de la présente décision, il convient d'infirmer les condamnations accessoires de M. [K] et de condamner les consorts [C] aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,



INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 février 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,



Statuant à nouveau,



ANNULE les commandements de payer aux fins de saisie-vente et de quitter les lieux en date du 30 août 2021,



CONDAMNE M. [W] [C], Mme [H] [Z] épouse [C] et M. [S] [C] à payer à M. [M] [K] la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts,



CONDAMNE M. [W] [C], Mme [H] [Z] épouse [C] et M. [S] [C]à payer à M. [M] [K] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



CONDAMNE M. [W] [C], Mme [H] [Z] épouse [C] et M. [S] [C] aux dépens de première instance et d'appel.



Le greffier, Le président,

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