16 June 2022
Cour d'appel de Rouen
RG n° 21/00899

Ch. civile et commerciale

Texte de la décision

N° RG 21/00899 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWMX





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 16 JUIN 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



2018J02959

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 19 Février 2021





APPELANTES :



S.A.S. SOCIETE FRANCAISE DE COMMERCE EUROPEEN (S.F.C.E.)

[Adresse 3]

[Localité 13]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Christophe NICOLAS de la SELARL NICOLAS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant





Compagnie d'assurance XL INSURANCE COMPANY LIMITED venant aux droits d'AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE

[Adresse 8]

[Localité 11]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Christophe NICOLAS de la SELARL NICOLAS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant





S.A. TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED

[Adresse 7]

[Localité 10]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Christophe NICOLAS de la SELARL NICOLAS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant





Société SWISS RE INTERNATIONAL

[Adresse 4]

[Localité 10]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Christophe NICOLAS de la SELARL NICOLAS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant







S.A. HELVETIA ASSURANCES

[Adresse 5]

[Localité 12]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Christophe NICOLAS de la SELARL NICOLAS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant





Société CHUBB EUROPEAN GROUP SE

[Adresse 15]

[Localité 14]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Christophe NICOLAS de la SELARL NICOLAS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant





S.A.S. WESPECIALTY

[Adresse 6]

[Localité 9]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Christophe NICOLAS de la SELARL NICOLAS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant









INTIMEE :



Société MITSUI OSK LINES

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée et assistée par Me Pascal HUCHET de la SCP HUCHET DOIN, avocat au barreau du HAVRE







COMPOSITION DE LA COUR  :



Lors des débats et du délibéré :



Madame FOUCHER-GROS, Présidente

M. MANHES, Conseiller

M. URBANO, Conseiller





GREFFIER LORS DES DEBATS :



Mme DEVELET, Greffier





DEBATS :



A l'audience publique du 28 Avril 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Juin 2022



ARRET :



CONTRADICTOIRE



Rendu publiquement le 16 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



signé par Madame FOUCHER-GROS, Présidente et par Mme DEVELET, Greffier.






*

* *



EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :



Le 21 juillet 2017, la SAS Société Française de Commerce Européen (SFCE) a acheté 166 motos Yamaha au prix de 180 940 dollars.



Elle a confié à la société de droit japonais Mitsui OSK Lines Ltd (MOL) le transport de ces marchandises entre Chongqing en Chine et le Havre.



Les deux conteneurs dans lesquels se trouvait la marchandise ont été chargés sur une barge, le « Chong Lun J3010 ».



Le 31 juillet 2017, alors que la barge naviguait sur le fleuve Yangtze, une collision avec un navire « New Sailing 2 » a entraîné son naufrage, quinze membres d'équipage sont tombés à l'eau, treize ont été sauvés, un est décédé et un a disparu.



Par ailleurs, l'intégralité de la marchandise a été considérée comme perdue.



Le 24 juillet 2018, la SAS Société Française de Commerce Européen et ses assureurs ont fait assigner en paiement d'une somme représentant la marchandise perdue la société Mitsui OSK Lines Ltd devant le tribunal de commerce du Havre qui, par jugement du 19 décembre 2021, a :



-reçu la compagnie Mitsui OSK Lines Ltd (MOL) en ses exceptions d'irrecevabilité, les a déclarées mal fondées,



-reçu la SAS Société Française de Commerce Européen et ses assureurs la société XL Insurance Company SE aux droits de la compagnie Axa, la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International SE, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group Limited et la société Wespecialty en leur demande, l'a déclarée mal fondée,



-débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,



-condamné in solidum la SAS Société Française de Commerce Européen et ses assureurs la société XL Insurance Company SE aux droits de la compagnie Axa, la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International SE, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group Limited et la société Wespecialty aux entiers dépens, ceux visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 73,22 euros et à payer sous la même solidarité à la compagnie Mitsui OSK Lines Limited la somme de 7 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.



La SAS Société Française de Commerce Européen (SFCE), la compagnie d'assurance XL Insurance Company Limited, la SA Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group SE et la SAS Wespecialty ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 février 2021.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2022.





EXPOSE DES PRETENTIONS :



Vu les conclusions du 12 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SAS Société Française de Commerce Européen (SFCE), la compagnie d'assurance XL Insurance Company Limited, la SA Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group SE et la SAS Wespecialty qui demandent à la cour de :



Sur l'appel incident de la société Mitsui OSK Ltd (MOL) :



-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :



-déclaré recevable et bien fondée la demande de SFCE et de ses assureurs,



-dit et jugé que la collision entre les deux navires ne constituait pas en elle-même une cause d'exonération de responsabilité du transporteur maritime,



Sur l'appel principal :



-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute nautique exonératoire du transporteur de la société MOL,



Et statuant à nouveau :



-dire et juger que la société Mitsui OSK Lines Ltd est responsable de la perte des 166 motos Yamaha empotées dans deux conteneurs n° CXDU1676937 et n° TCNU 4267747,



-dire et juger que le transporteur la société MOL ne rapporte pas la preuve que les documents qu'il a communiqués devant le tribunal en pièce 3, 4 et 5 constituent le rapport d'enquête officiel chinois, ces documents n'étant ni légalisés, ni apostillés, ni accompagnés d'une traduction jurée et n'étant accompagnés d'aucune pièce jointe,



-dire et juger que la société MOL ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les dommages sont dus à un cas excepté,



-dire et juger, en tout état de cause, qu'une collision ne constitue pas un cas excepté de la responsabilité du transporteur maritime, pas plus qu'un défaut de veille tel que celui qui est reproché à l'équipage du Chong Lun,



-condamner en conséquence la société Mitsui Osk Lines Ltd à payer à la compagnie XL Insurance Company Limited, la SA Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group SE et la SAS Wespecialty la somme de 148 000 euros outre les frais d'expertise de 1 548 USD avec intérêts à taux légal à compter de la date de l'assignation,



-ordonner la capitalisation des intérêts,



-condamner la société Mitsui OSK Lines Ltd à payer à la SAS Société Française de Commerce Européen et ses assureurs la société XL Insurance Company SE aux droits de la compagnie Axa, la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International SE, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group Limited et la société Wespecialty la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel que la SELARL Gray Scolan, Avocats associés, sera autorisée à recouvrer selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Les appelantes soutiennent que :



- la SAS Société Française de Commerce Européen a subi un dommage en perdant la marchandise dont elle était propriétaire ;



- les assureurs, par l'intermédiaire de leur courtier, la société Degonde et Cie qui était munie de pouvoirs écrits, ont effectué deux versements pour un total de 148 000 euros les 16 avril et 11 juin 2018 à la SAS Société Française de Commerce Européen, laquelle leur a délivré un acte de subrogation le 11 juin 2018 lors du paiement du solde ;



- la subrogation intervenue le jour du paiement du solde a été concomitante au paiement ;



- les contestations élevées par la société Mitsui OSK Lines Ltd portant sur la régularité des pouvoirs dont disposait le cabinet Degonde et sur sa qualité de courtier en assurances sont dilatoires ;



- leur action est recevable ;



- la collision ou l'abordage ne constituent pas une faute nautique au sens de la convention de Bruxelles de 1924 amendée et ne peuvent aboutir à l'exonération de la société Mitsui OSK Lines Ltd ;



- le rapport communiqué par la société Mitsui OSK Lines Ltd est en chinois, n'est pas signé, émane d'une autorité inconnue, n'a pas été établi à la suite d'une procédure contradictoire, est à ce point succinct qu'il ne peut servir de fondement à quoi que ce soit, n'a pas été traduit par un traducteur assermenté et n'a fait l'objet d'aucune légalisation ;



- la faute de veille imputée au capitaine de la barge par ce rapport ne constitue pas une faute nautique au sens de la convention, cette faute devant être caractérisée et devant être d'une gravité suffisante.





Vu les conclusions du 11 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la société Mitsui OSK Lines Ltd qui demande à la cour de :



Sur l'appel incident de la société Mitsui OSK Lines Ltd :



-juger recevable et bien fondé l'appel incident partiel de la société Mitsui OSK Lines Ltd du jugement du tribunal de commerce du Havre en date du 19 février 2021,



-en conséquence, infirmer ledit jugement en ce qu'il a déclaré mal-fondées les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la société Mitsui OSK Lines Ltd et statuant à nouveau, juger irrecevable pour défaut de qualité pour agir les demandes formées par la SAS Société Française de Commerce Européen et ses assureurs la société XL Insurance Company SE aux droits de la compagnie Axa, la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International SE, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group Limited et la société Wespecialty à l'encontre de la société Mitsui Osk Lines Ltd,



A titre subsidiaire et en tout état de cause :



-juger mal-fondé l'appel principal interjeté le 26 février 2021 par la SAS Société Française de Commerce Européen ' SFCE ainsi que les Compagnies XL Insurance Company SE et 5 autres du jugement du tribunal de commerce du Havre en date du 19 février 2021 et les en débouter,



En conséquence,



-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



Toujours en tout état de cause :



-condamner in solidum la SAS Société Française de Commerce Européen et ses assureurs la société XL Insurance Company SE aux droits de la compagnie Axa, la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International SE, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group Limited et la société Wespecialty au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile du chef des frais irrépétibles devant la cour,



-condamner in solidum la SAS Société Française de Commerce Européen et ses assureurs la société XL Insurance Company SE aux droits de la compagnie Axa, la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International SE, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group Limited et la société Wespecialty au paiement des entiers dépens, tant de première instance que d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Huchet Doin, Avocats aux offres de droit en application de l'article 699 du code de procédure civile.





La société Mitsui OSK Lines Ltd soutient que :



-les règlements prétendument opérés par les assurances appelantes au profit de la SAS Société Française de Commerce Européen n'ont pas été concomitants avec l'acte de subrogation du 11 juin 2018, seul un paiement de 58 000 euros étant intervenu à cette date ;



- faute de concomitance entre les paiements et la subrogation, celle-ci n'est pas valide au sens de l'article 1346-1 du code civil ;



- le Cabinet Degonde et Cie ne disposait d'aucun pouvoir émanant des assureurs au moment où il a effectué les règlements et les pouvoirs produits sont manifestement antidatés de sorte qu'aucune subrogation n'a pu jouer en leur faveur;



- la société Mitsui OSK Lines Ltd déclare verser aux débats un rapport d'enquête établi par l'administration de la sécurité maritime de la République Populaire de Chine ;



- il importe peu que ce rapport officiel n'ait pas été contradictoire ;



- il a été traduit à la demande de la société Mitsui OSK Lines Ltd par le cabinet Tradutours ;



- il comporte le cachet des autorités administratives chinoises étant précisé que ce cachet vaut signature en Chine ;



- les autorités chinoises ont mis en évidence une faute de veille du capitaine de la barge qui a en outre omis de garder une distance de sécurité suffisante avec le navire qui le précédait et n'a pas ordonné les man'uvres d'évitement nécessaires pour éviter la collision;



- ces éléments, de nature à avoir mis en danger la navigabilité du navire, sont constitutifs d'une faute nautique entraînant l'exonération de la société Mitsui OSK Lines Ltd.




MOTIVATION DE LA DECISION :





Sur la qualité à agir de la SAS Société Française de Commerce Européen (SFCE) et ses compagnies d'assurances :



La SAS Société Française de Commerce Européen étant propriétaire de la marchandise perdue, elle a de ce seul fait, qualité pour agir.



Sur la concomitance entre le paiement et l'établissement de la quittance subrogatoire :



Aux termes de l'article 1346-1 du code civil, la subrogation à l'initiative du créancier doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens.



Le 11 juin 2018, la SAS Société Française de Commerce Européen a établi une quittance subrogatoire en faveur des compagnies d'assurances Axa Corporate Solutions, Tokio Marine Kiln Insurance Limited, Swiss Re International SE, Helvetia Assurances, Chubb European Group Limited et Wespecialty en reconnaissant avoir reçu d'elles un acompte de 90 000 euros le 16 avril 2018 et le solde de 58 000 euros le 11 juin 2018 au titre de la perte des motos subie le 31 juillet 2017 à la suite du naufrage du « Chong Lun J3010 ».



Par cet acte, la SAS Société Française de Commerce Européen a subrogé les assureurs dans tous ses droits contre le transporteur et toute autre personne responsable.



Dès lors que les deux règlements faits par les assureurs au propriétaire de la marchandise perdue l'ont été non au titre de créances distinctes, mais d'une créance globale, la subrogation a eu lieu valablement bien qu'elle soit intervenue non à l'occasion de chacun des règlements partiels, mais lors du règlement du solde.



En prenant le soin de préciser que le premier paiement intervenu le 16 avril 2018 constituait un acompte et que celui intervenu le 11 juin 2018 constituait le solde, les parties ont reconnu que les sommes avaient été versées au titre d'une seule et même créance.



Le paiement du solde effectué le 11 juin 2018 ayant correspondu à la délivrance de la quittance subrogatoire, la subrogation est bien intervenue le jour du paiement.







Sur les paiements effectués par un tiers et reçus par la SAS Société Française de Commerce Européen :



Les paiements ont été matériellement opérés par la société Degonde, courtier d'assurances. Il a déjà été indiqué que la quittance subrogatoire versée aux débats mentionne expressément que la SAS Société Française de Commerce Européen reconnaît avoir reçu des compagnies d'assurances Axa Corporate Solutions, Tokio Marine Kiln Insurance Limited, Swiss Re International SE, Helvetia Assurances, Chubb European Group Limited et Wespecialty un acompte de 90 000 euros le 16 avril 2018 et le solde de 58 000 euros le 11 juin 2018.



La SAS Société Française de Commerce Européen, antérieurement à la présente procédure, a déclaré que les paiements avaient été effectués par les assureurs qu'elle subrogeait dans ses droits.



Au moment des paiements le courtier en assurances a été considéré par toutes les parties comme le mandataire des assureurs, ce qui est suffisant pour conférer aux compagnies d'assurances la qualité pour agir.



Par voie de conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la SAS Société Française de Commerce Européen et de ses assureurs.







Sur le fond du litige :



Sur l'existence d'un cas excepté :



L'article 4.2 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement modifiée par le protocole du 23 février 1968 et par le protocole du 21 décembre 1979 stipule que :



« 2. Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant :

a) Des actes, négligence ou défaut du capitaine, marin, pilote, ou des préposés du transporteur dans la navigation ou dans l'administration du navire ;

b) D'un incendie, à moins qu'il ne soit causé par le fait ou la faute du transporteur ;

c) Des périls, dangers ou accidents de la mer ou d 'autres eaux navigables ;

d) D'un « acte de Dieu »;

e) De faits de guerre ;

f) Du fait d'ennemis publics ;

g) D'un arrêt ou contrainte de prince, autorités ou peuple, ou d'une autorité judiciaire ;

h) D'une restriction de quarantaine ;

i) D'un acte ou d'une omission du chargeur ou propriétaire des marchandises, de son agent ou représentant ;

j) De grèves ou lock-out ou d'arrêts ou entraves apportées au travail, pour quelque cause que ce soit, partiellement ou complètement ;

k) D'émeutes ou de troubles civils ;

l) D'un sauvetage ou tentative de sauvetage de vies ou de biens en mer ;

m) De la freinte en volume ou en poids ou de toute autre perte ou dommage résultant de

vice caché, nature spéciale ou vice propre de la marchandise ;

n) D'une insuffisance d'emballage ;

o) D'une insuffisance ou imperfection de marques ;

p) De vices cachés échappant à une diligence raisonnable ;

q) De toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur ou du fait ou de la faute des agents ou préposés du transporteur, mais le fardeau de la preuve incombera à la personne réclamant le bénéfice de cette exception et il lui appartiendra de montrer que ni la faute personnelle, ni le fait du transporteur, ni la faute ou le fait des agents ou préposés du transporteur n'ont contribué à la perte ou au dommage' »



La société Mitsui OSK Lines Ltd verse aux débats un écrit qu'elle déclare être un rapport officiel émanant des autorités chinoises sur les circonstances du naufrage de la barge « Chung Lun » établi le 2 janvier 2018.



Elle verse aux débats deux traductions distinctes de ce même rapport ainsi qu'une facture d'une SAS Tradutours du 26 mars 2020, société exerçant une activité de « traductions toutes langues'interprétations », portant sur l'une de ces traductions.



Selon les deux traductions produites ce rapport émane de l'administration de la sécurité maritime de la République Populaire de Chine (de la ville de [Localité 16]) et détermine les circonstances ayant abouti, le 31 juillet 2017 vers 22h28, au naufrage du navire CS J3010 dont le commandant était M. [M] [K].



Le rédacteur indique que l'équipage du navire CS J3010, lequel se trouvait dans la voie de navigation du segment Baimaosha du Yangtze dans la direction générale du trafic de cette voie, a négligé la veille en concentrant son attention sur les bateaux se trouvant sur son tribord alors que le navire New Sailing 2 avait entrepris de traverser la route empruntée par CS J3010 sur son bâbord, que le CS J3010 a continuellement tourné sur sa gauche sans exercer de veille dans cette direction et qu'il n'a aperçu le navire New Sainling 2 que vers 22h27, soit une minute avant la collision.



Le rédacteur précise enfin qu'à ce moment, l'équipage du CS J3010 a effectué une man'uvre d'évitement en virant à droite mais n'a simultanément pas réduit sa vitesse, n'a pas stoppé et n'a pas inversé les moyens de propulsion ce qui a entraîné une défaillance dans l'évitement ou l'atténuation des conséquences de la collision.



Le rapport fait peser une responsabilité principale sur le New Sailing 2 et une « responsabilité mineure » ou « secondaire » sur le Chong Lun J3010.



Les appelantes soutiennent que l'origine du rapport produit est douteuse, qu'il n'est pas signé, n'a pas été établi à la suite d'une procédure contradictoire, est trop succinct, n'a pas été traduit par un traducteur assermenté et n'a fait l'objet d'aucune légalisation.



La preuve en la matière étant libre, la société Mitsui OSK Lines Ltd a régulièrement versé aux débats une pièce qu'elle déclare être un rapport émanant des autorités officielles chinoises.



En matière de preuve destinée à être produite en justice, il n'existe aucune règle découlant du code de procédure civile obligeant la société Mitsui OSK Lines Ltd à faire légaliser cet acte ou à le faire traduire par un expert assermenté et il appartient à la cour de déterminer quelle est la force probante de ce document.



Par ailleurs, les deux traductions ont été soumises au débat contradictoire entre les parties et alors que les appelantes n'ont pas fait traduire cet acte par leur propre traducteur, la cour constate que les deux traductions produites par la société Mitsui OSK Lines Ltd sont similaires et qu'elles ont été doublées par une traduction anglaise conforme.



Si ce rapport ne comporte aucune signature, il comporte un tampon « [Localité 16] MSA P.R. China », c'est à dire administration de la sécurité maritime de la République Populaire de Chine. Ce tampon rapporte la preuve de l'authenticité du document.



S'agissant d'un acte émanant d'une autorité administrative, le fait que le rapport n'ait pas été établi contradictoirement n'est pas, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, de nature à atténuer son caractère probant.



Enfin, si les appelantes font état du caractère succinct de ce rapport, la cour constate qu'il comporte de nombreuses indications et précisions permettant d'établir les circonstances de fait de la collision.



Il n'existe dès lors aucun motif de tenir pour douteux ce rapport ainsi que les trois traductions versées aux débats par la société Mitsui OSK Lines Ltd et celui-ci démontre les circonstances dans lesquelles est survenue la collision entre le New Sailing 2 et le Chong Lun J3010.



La convention de Bruxelles a prévu un cas d'exonération du transporteur en cas d' « actes, négligence ou défaut du capitaine, marin, pilote, ou des préposés du transporteur dans la navigation » sans préciser que la faute visée doit être caractérisée par sa gravité, sa lourdeur on son caractère inexcusable.



Il s'ensuit que la simple faute de négligence commise par la capitaine ou l'équipage dans la conduite du navire est de nature à exonérer le transporteur.



Le fait pour un capitaine ou son équipage de ne surveiller que la droite du navire alors que ce dernier se trouve dans une voie navigable d'un fleuve particulièrement fréquenté marqué par des balises et qu'il avait entrepris de tourner à gauche, constitue une faute de navigation au sens de l'article 4.2 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924.



Le fait pour un capitaine de navire ou son équipage de ne pas effectuer les man'uvres nécessaires afin d'éviter une collision avec un autre navire, notamment en omettant de réduire sa vitesse, en omettant de stopper les machines ou en omettant d'inverser les moyens de propulsion et en se bornant à procéder à un changement de direction constitue une faute de navigation au sens de l'article 4.2 a) de la convention de Bruxelles du 25 août 1924.



Ces deux fautes ayant mis en danger le navire, elles sont de nature à exonérer la société Mitsui OSK Lines Ltd de toute responsabilité quant à la perte de marchandise.



C'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont considéré que le capitaine du navire avait commis une faute de navigation et qu'ils ont débouté les demandeurs initiaux de toutes leurs demandes.



Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.



PAR CES MOTIFS :





La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire ;



Confirme le jugement du tribunal de commerce de terre et de mer du Havre du 19 février 2021 en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant :



Condamne in solidum la SAS Société Française de Commerce Européen, la société XL Insurance Company SE aux droits de la compagnie Axa, la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International SE, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group Limited et la société Wespecialty aux dépens de la procédure d'appel avec droit de recouvrement direct accordé à la SCP Huchet Doin ;



Condamne in solidum la SAS Société Française de Commerce Européen, la société XL Insurance Company SE aux droits de la compagnie Axa, la société Tokio Marine Kiln Insurance Limited, la société Swiss Re International SE, la SA Helvetia Assurances, la société Chubb European Group Limited et la société Wespecialty à payer à la société Mitsui OSK Lines Ltd la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.





LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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