13 October 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-19.947

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C300716

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2021




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 716 F-D

Pourvoi n° V 20-19.947




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

Le cabinet de Gestion immobilière [D] [C] [U] exerçant sous son nom commercial CGI [U] [T] [G], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-19.947 contre le jugement rendu le 22 juin 2020 par la juridiction de proximité de Colombes, dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [L] [V],

2°/ à Mme [F] [X],

3°/ à M. [H] [O],

domiciliés tous trois [Adresse 1],

4°/ à la société Tripag, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat du cabinet de Gestion immobilière [D] [C] [U] exerçant sous son nom commercial CGI [U] [T] [G], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mmes [V] et [X], de M. [O], de la société Tripag, après débats en l'audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de proximité de Colombes, 22 juin 2020), rendu en dernier ressort, Mmes [V] et [X], M. [O] et la SCI Tripag (les consorts [V]) sont propriétaires de lots dans le bâtiment D d'un immeuble soumis au statut de la copropriété.

2. Le 29 novembre 2018, à la suite d'un engorgement de la canalisation des eaux usées survenu dans ce bâtiment, l'assemblée générale des copropriétaires a voté des travaux de remplacement de la totalité de la colonne pour un montant de 7 695,83 euros.

3. Le 11 avril 2019, l'assemblée générale a voté une résolution faisant supporter le paiement du montant des travaux aux seuls copropriétaires du bâtiment D.

4. Par déclarations aux greffes, chacun des consorts [V] a requis la convocation de la société Cabinet de gestion immobilière [W] [U] (la société CGI [U]), syndic de la copropriété, pour obtenir, dans l'attente de la tenue d'un vote régulier de l'assemblée générale, la mise sous séquestre de la somme réclamée à chacun d'eux au titre des travaux et voir ordonner à la société CGI [U] de saisir son assurance de responsabilité civile.





Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société CGI [U] fait grief au jugement de la condamner à payer aux copropriétaires du bâtiment D les sommes de 7 695,83 euros et 209,88 euros, ainsi qu'à rembourser les copropriétaires ayant déjà payé leur quote-part, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que saisi d'une demande tendant exclusivement à la mise sous séquestre des sommes que les demandeurs ne contestaient pas devoir au titre de leur contribution aux charges de la copropriété afférentes à la réfection de la colonne d'eaux usées de leur bâtiment, et à voir enjoindre à la CGI [U] de saisir son assureur sans autre précision, le tribunal de proximité ne pouvait décider que la responsabilité civile de la société CGI [U] était engagée et la condamner à payer quelque somme que ce soit au profit des demandeurs et plus généralement des « copropriétaires du bâtiment D », sans violer par là-même les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

7. Pour condamner la société CGI [U] à payer aux copropriétaires du bâtiment D les sommes de 7 695,83 euros et 209,88 euros, ainsi qu'à rembourser les copropriétaires ayant déjà payé leur quote-part, le jugement retient que cette société a commis une faute de gestion courante à l'encontre des copropriétaires et qu'elle ne présente pas de justificatif de sa déclaration à son assureur, ce qui caractérise un défaut de diligence, pour en déduire que sa responsabilité civile professionnelle est engagée.

8. En statuant ainsi, alors que les consorts [V] ne sollicitaient pas la condamnation de la société CGI [U] au titre de sa responsabilité civile, le tribunal de proximité, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juin 2020, entre les parties, par le tribunal de proximité de Colombes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;

Condamne Mmes [V] et [X], M. [O] et la SCI Tripag aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mmes [V] et [X], M. [O] et la SCI Tripag et les condamne in solidum à payer à la société Cabinet de gestion immobilière Bernard-Yves [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour le cabinet de Gestion immobilière Bernard Yves [U].

La société cabinet de gestion immobilière [W] [U] fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré les demandes de Madame [X], de Monsieur [O], de la S.C.I. Tripag et de Madame [V] recevables et partiellement fondées, constaté la faute de gestion courante du cabinet CGI [U] – [T] [G] à l'encontre des copropriétaires de la SDC résidence Aigle I, constaté que la responsabilité civile professionnelle du syndic est engagée et qu'il n'a pas présenté au tribunal le justificatif de sa déclaration à son assureur, ce qui caractérise un défaut de diligences, condamné pour défaut de gestion courante et manque de diligences le cabinet CGI [U] – [T] [G] à payer aux copropriétaires du bâtiment D de la copropriété SDC résidence Aigle I les sommes de 7 695,83 euros et 209,88 euros, ainsi qu'à rembourser les copropriétaires ayant déjà payé leur quote-part, débouté les requérants de leur demande de mise sous séquestre de leur quote-part sur travaux de la colonne eaux usées jugée sans objet du fait de la condamnation prononcée, débouté le cabinet CGI [U] – [T] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de l'avoir condamné « à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles » ;

Alors, de première part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que saisi d'une demande tendant exclusivement à la mise sous séquestre des sommes que les demandeurs ne contestaient pas devoir au titre de leur contribution aux charges de la copropriété afférentes à la réfection de la colonne d'eaux usées de leur bâtiment, et à voir enjoindre à la CGI [U] de saisir son assureur sans autre précision, le tribunal de proximité ne pouvait décider que la responsabilité civile de la société CGI [U] était engagée et la condamner à payer quelque somme que ce soit au profit des demandeurs et plus généralement des « copropriétaires du bâtiment D », sans violer par là-même les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Alors, de deuxième part, que le tribunal de proximité qui se revendique des moyens qu'il a soulevé d'office, et qu'il prétend par son jugement, et donc sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, soumettre à la « sagacité des copropriétaires de l'immeuble D », déduits notamment de ce qu'une carence du syndic qui, lors de l'assemblée générale du 30 mars 2017, n'aurait été en mesure de présenter que 2 des 4 devis sollicités en vue du curage de la conduite d'eaux usées, aurait « contraint » les copropriétaires à reporter leur décision et ainsi « retardé la prise d'une décision préventive cruciale », a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors, de troisième part, que multipliant, parfois sans nécessité ou en déduire quelque conséquence, les griefs à l'encontre du syndic, la cas échéant en utilisant des termes inutilement péjoratifs et en se faisant le soutien objectif des demandeurs en soumettant à leur « sagacité » des moyens non soulevés par ceux-ci, le tribunal de proximité a statué en des termes incompatibles avec l'exigence d'impartialité ou à tout le moins susceptible de jeter un doute sur son impartialité, et ainsi violé l'article 6 §11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Alors, de quatrième part, que le débiteur n'est tenu à réparation que des préjudices en lien de causalité avec sa faute ; que le tribunal de proximité qui fait état soit de fautes sans lien avec la nécessité de procéder aux travaux litigieux aux seuls frais des copropriétaires du bâtiment D seuls concernés par ceux-ci, telles l'erreur initialement commise sur la répartition du coût de ces travaux, ultérieurement réparée, ou l'absence de saisine de l'assureur du syndic à la suite de la réclamation de ces copropriétaires, ni n'explicite en quoi et dans quelle mesure l'absence de vote des travaux de curage de cette canalisation en 2017 qu'il impute à une faute du syndic, bien qu'elle résulte d'une décision de l'assemblée des copropriétaire, aurait permis d'éviter la réfection de cette canalisation, ni en quoi le fait que les décisions d'effectuer ces travaux et le choix de l'entreprise aient été prises par l'ensemble des copropriétaires et non par les seuls copropriétaires du bâtiment concerné, a pu modifier l'appréciation de la nécessité et du coût desdits travaux, n'a pas caractérisé le lien de causalité entre les fautes qu'il impute à la société CGI [U] et le préjudice dont il met à sa charge la réparation, constitué par le coût desdits travaux supporté par les copropriétaires du bâtiment D et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil ;

Alors, de cinquième part, que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que le tribunal qui constate qu'en raison des fautes qu'il retient à l'encontre de la société CGI [U], les copropriétaires du bâtiment D « n'ont pas eu les mêmes chances que les autres copropriétaires de la résidence », ne pouvait condamner la société CGI [U] à payer aux copropriétaires du bâtiment D, à titre de réparation la totalité des coûts afférents à la réfection de la colonne d'eaux usées, sans méconnaître par là-même la portée de ses énonciations en violation de l'article 1231-1 du code civil ;

Alors, de sixième part, que la réparation allouée doit réparer intégralement le préjudice subi par la victime, sans perte, mais également sans profit pour elle ; qu'en condamnant la société CGI [U] à payer aux copropriétaires du bâtiment D, à titre de réparation, la totalité des coûts afférents à la réfection de la colonne d'eaux usées, « ainsi qu'à rembourser les copropriétaires ayant déjà payé leur quote-part », le tribunal a réparé deux fois le même préjudice au profit de ces derniers et violé de plus fort l'article 1231-1 du code civil ;

Alors, de septième part, qu'ayant dans les motifs de son jugement, estimé qu'il y avait lieu de condamner la société CGI [U] « à rembourser la somme de 7 695,83 euros aux copropriétaires du bâtiment D de la résidence SDC résidence Aigle I, le remboursement des 209,88 euros d'honoraires abusivement appliqués et ce, en premier lieu, à ceux des copropriétaires qui ont déjà payé leur quote-part », ce qui excluait un tel cumul, le tribunal ne pouvait condamner la société CGI [U] à payer aux copropriétaires du bâtiment D, à titre de réparation, la totalité des coûts afférents à la réfection de la colonne d'eaux usées, « ainsi qu'à rembourser les copropriétaires ayant déjà payé leur quote-part », sans se contredire et priver sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, de huitième part, qu'en condamnant la société CGI [U] à payer « aux copropriétaires du bâtiment D », à titre de réparation, la totalité des coûts afférents à la réfection de la colonne d'eaux usées, « ainsi qu'à rembourser les copropriétaires ayant déjà payé leur quote-part », quand seuls certains de ces copropriétaires avaient saisi le tribunal et ce pour une somme moindre, le tribunal a fait bénéficier de sa décision des copropriétaires qui n'étaient pas partie au litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors, de neuvième part, qu'à supposer qu'il n'ait entendu faire bénéficier que les demandeurs de sa décision, le tribunal, en leur accordant une somme globale, supérieure à l'addition des sommes dont ils se prévalaient à l'appui de leur saisine, a pareillement violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Alors, de dixième part, qu'à supposer qu'il n'ait entendu faire bénéficier de cette condamnation que les demandeurs, le tribunal, en accordant à chacun d'eux une somme nécessairement supérieure au montant de la contribution aux travaux litigieux mis à sa charge, seule le cas échéant constitutive de son préjudice, a à nouveau violé le principe de réparation intégrale, sans perte, ni profit, et l'article 1231-1 du code civil ;

Alors, de onzième part, que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ; que, sauf à violer l'article 14 du code de procédure civile, le tribunal ne pouvait condamner la société CGI [U], attraite en la cause en son nom personnel, « à rembourser les copropriétaires ayant déjà payé leur quote-part », alors que ces sommes lui avaient été payées en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires de la résidence Aigle I, sans exiger que ledit syndicat des copropriétaires soit régulièrement mis en cause ;

Alors, de douzième part, que la société CGI [U] avait précisément fait valoir en ses écritures que le versement des sommes qu'elle avait perçues en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires de la résidence Aigle I, de pouvait être remis en cause sans que ledit syndicat des copropriétaires soit appelé dans la cause, ce qui n'était pas le cas puisqu'elle n'avait été assignée devant le tribunal qu'en son nom personnel ; que le tribunal qui n'a pas répondu à ce chef pertinent des conclusions dont il était saisi a entaché son jugement d'un défaut de réponse à conclusions et l'a privé de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

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